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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 01:01

Raymond Marie Rougean naît le 16 mai 1844 à Toulouse (Haute-Garonne). Il est le fils d’Antoinette Élisabeth Couzy et de son époux, Charles Julien Rougean, serrurier.

En 1870, Raymond Rougean est employé à la préfecture de police de Paris comme secrétaire de M. Dulac, commissaire de police à Saint-Denis (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Les secrétaires des commissariats sont les adjoints des commissaires.

Il épouse en avril 1872 à Paris (11e arr.) Zoé Berecka, native du Var et fille d’un conducteur des ponts et chaussées d’origine polonaise. Ils vivent boulevard Voltaire. Son épouse meurt en octobre l’année suivante. Raymond Rougean se remarie en février 1876 à Paris (4e arr.) avec Joséphine Adèle Agneray, employée de commerce ; ils habitent rue Saint-Antoine.

Toujours secrétaire de M. Dulac, devenu commissaire aux délégations judiciaires à Paris, il l’accompagne en octobre 1880 pour procéder à l’expulsion des religieux de la communauté des Carmes déchaussés, à Paris (16e arr.), rue de la Pompe, après la dissolution d’une partie des ordres monastiques par le gouvernement. Ils sont obligés de sortir de force les pères de leurs cellules.

Toujours sous les ordres de M. Dulac, Rougean est en janvier 1881 à la tête d’une escouade de gardiens de la paix à l’entrée du cimetière du Père-Lachaise à Paris (20e arr.), lors des obsèques du militant socialiste révolutionnaire Auguste Blanqui, auxquelles plus de dix mille personnes participent selon la presse.

En avril 1881, il est nommé commissaire de police à Saint-Denis, à la tête du nouveau commissariat créé dans la partie nord de cette ville, après le dédoublement de l’ancien établissement. En novembre 1883, la presse quotidienne parisienne ainsi que l’hebdomadaire local publient de très nombreux articles sur la réclamation d’un habitant de la commune, relayée à l’Assemblée nationale par un député, Eugène Delattre, membre du groupe de la Gauche radicale (radicaux modérés). Le scandale est dénoncé dans au moins quarante journaux, principalement à Paris mais également en province.

L’homme en question, M. Fleury, propriétaire dans la commune, avait fait appel aux services de M. Rougean pour l’exhumation d’une dizaine de membres de sa famille qu’il voulait transférer dans un autre caveau ; il a déposé une plainte au parquet puis auprès du ministre de la justice, reprochant qu’une « somme d’argent assez considérable », soit 160 francs, lui a « été extorquée par ruse, presque par violence » alors que, selon lui, « l’usage admet seulement que du consentement de l’intéressé, une somme de 10 francs soit allouée au commissaire de police comme gratification volontaire. »

Le Journal de Saint-Denis, journal républicain, qualifie Rougean de « commissaire voleur ». Une réunion publique se tient le 23 décembre dans une salle de la ville, dans laquelle une résolution est votée, déclarant que « le sieur Rougean, commissaire de police, a abusé sciemment de ses droits et pouvoirs ; qu’il a par ces faits perdu l’estime et le respect de tous, nécessaires à un administrateur public ayant d’aussi importantes fonctions ». les participants assurent « qu’il n’a plus qualité morale pour veiller à la sécurité, publique, étant l’objet du mépris général » et « déclarent ne plus considérer moralement le sieur Rougean comme fonctionnaire, attendu qu’il en a perdu les qualités essentielles : honneur et probité. »

La préfecture de police ne prononça pas de sanctions officielles. Cependant, la veille du meeting, le commissaire avait remboursé à son administré la somme versée et il avait été muté dans la circonscription des Lilas (Seine, act. Seine-Saint-Denis), « ce qui ressemble fort à une disgrâce », commentait le quotidien Le Gaulois. Au contraire de la plupart de ses collègues, Le Petit Journal assure que l’enquête de la préfecture de police « a établi la parfaite honorabilité de M. Rougean ». Et La Petite République assure qu’il « a emporté avec lui la sympathie et l’estime de ses administrés dont un grand nombre ont fait une pétition pour demander son maintien à Saint Denis. »

L’arrivée du policier dans son nouveau poste ne passe pas inaperçue. Fin janvier 1884, le le de propagande collectiviste révolutionnaire des Prés-Saint-Gervais-Lilas met à l’ordre du jour d’une réunion « L'affaire Rougean ». Un de ses membres, M. Fuzillier, constitue un dossier en vue de demander sa révocation. En juin la même année, le quotidien L’Intransigeant l’accuse d’avoir ordonné des violences envers « de pauvres femmes et de paisibles citoyens ». Il estime que Rougean veut apparaître comme un commissaire « à poigne », pour se faire bien voir de ses chefs.

En septembre 1886, Rougean est désigné comme commissaire de police de Choisy-le-Roi (Seine, act. Val-de-Marne). Il est de nouveau mis en cause par L’Intransigeant, en août 1891, pour ne pas avoir, selon le quotidien qui fait état de ses antécédents à Saint-Denis, réglé la course d’une personne qu’il avait chargée de conduire en fourrière une voiture appartenant à des individus arrêtés.

Après l’attentat contre la Chambre des députés du militant anarchiste Auguste Vaillant, en décembre 1893, Rougean conduit une enquête sur le Cercle philosophique, fondé par Vaillant à Choisy-le-Roi où il résidait. Il conclut qu'aucun des membres n'avait même eu l'idée de ce que pouvait avoir l'intention de faire l'anarchiste.

Le commissaire doit intervenir, en juillet 1894, pour rétablir l’ordre après des bagarres entre ouvriers français et italiens, employés au chantier ferroviaire de Villeneuve-Triage.

En août 1894, Rougean devient commissaire de police de Joinville-le-Pont, en remplacement de Louis Soullière. Il doit gérer l'explosion en février 1895 d’une chaudière à l’usine du Bi-Métal dans la commune, qui fait quatre morts, dont une enfant du gardien. Elle provoque une vive émotion.

Le mois suivant, les agents du commissariat de Joinville arrêtent un nihiliste russe Joseph Epeler qui criait « Vive l'anarchie ! Vive Caserio ! Mort aux bourgeois ! ». Lors de son interrogatoire par Rougean, il aurait déclaré : « je professe les doctrines anarchistes ; j'étais l'ami de Caserio dont je suis encore l’admirateur ; j'ai voué une haine mortelle aux bourgeois et à la société, qu'il faut détruire. » Sante Caserio, boulanger italien, a assassiné à Lyon en juillet 1894 Sadi Carnot, président de la République. En septembre 1895, il fait arrêter, toujours à Joinville, un ouvrier tréfileur à l'usine du Bi-Métal, Louis-Joseph Mercier, qui criait dans la rue « Vive Ravachol ! Vive Caserio ! »

Rougean prend sa retraite en octobre 1897 ; son départ est salué par l’hebdomadaire radical-socialiste local, Voix des communes : « Il était fort aimé et estimé dans la circonscription, en raison de son esprit de justice, de sa droiture et aussi de sa bonté ». Il est remplacé par M. Parnet, jusque-là commissaire de police à Saint-Denis (nord). Lors de son départ de Choisy-le-Roi en août 1894, c’était Le Réveil républicain qui le saluait : « Il fut ici très bon magistrat, sut tenir la circonscription dans la voie de l'ordre et dans une complète sécurité. De là découle les regrets de beaucoup de le voir partir. »

Il meurt dans sa ville natale de Toulouse, où il avait pris sa retraite rue du Tarn, le 25 novembre 1903. Il était âgé de 59 ans.

Explosion de la chaudière du Bi-Métal, février 1895, Joinville-le-Pont

 

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17 juin 2023 6 17 /06 /juin /2023 01:01

Suite de la biographie d’Albert Kownacki

Le professeur de biologie, publiciste et dirigeant de l’Association philotechnique, société d’éducation populaire, Albert Kownacki exprime en octobre 1907 son opinion sur l’utilité de l’enseignement philotechnique : « donner au jeune homme une éducation plus complète, plus coûteuse par conséquent. Le courage, le labeur incessant ne suffisent pas, il faut le travail aidé du savoir ». Il analyse que si, « Aux États-Unis, les fabricants disent que s'ils peuvent lutter contre l'Europe avec des salaires deux fois plus élevés, c'est que leurs ouvriers plus instruits travaillent plus vite, mieux et savent tirer meilleur parti des machines ». Il considère que cette « influence prépondérante de l'instruction sur la puissance de production apparaît partout et en tout temps ». Il prend un exemple : « dès le XVIIIe siècle, l'Écossais, naguère pauvre et ignorant, l'emportait sur l'Anglais dans toutes les carrières parce que le Parlement d'Édimbourg avait doté le pays d'un enseignement public. »

Ses conférences, en 1907, sont toujours extrêmement centrées sur Herbert Spencer et sa sociologie : la conservation de l’espèce, l’évolution de la famille, les institutions cérémonielles, la genèse des institutions politiques, la religion, la morale évolutionniste… En mai, il aborde cependant un sujet décalé : La transmission de la pensée, à partir d’un cas de télépsychie. Il ose, pour sa conférence d’ouverture des cours, en octobre, un titre provocateur : « Ici on forme des lâches. »

Le père d’Albert Kownacki, Joseph, qui était venu les rejoindre à Joinville-le-Pont, meurt à l’âge inhabituel de 101 ans en janvier 1908. Il est célébré par la communauté polonaise émigrée en France comme le dernier officier survivant de l’insurrection contre les russes en 1830. La même année, Kownacki devient président de l’association philotechnique de Joinville. Il est également fondateur et président des associations philotechnique de Vitry et de La Varenne, à Saint-Maur-des-Fossés (Seine, act. Val-de-Marne).

Au long de ses cours, le fils poursuit en 1908 son regard sur l’œuvre du sociologue anglais Herbert Spencer, développant l’approche morale : égoïsme, altruisme, vie individuelle. Puis, après avoir causé en mai sur L’idée de justice à travers les âges, et avoir établi en octobre que La Terre est la seule planète habitable, il entame un nouveau cycle consacré à Karl Marx et au Capital à partir de décembre. Il poursuit à partir du même matériau en 1909.

La villa des Kownacki, dans le quartier de Palissy, est inondée pendant les crues séculaires de la Marne entre janvier et mars 1910. Cependant, Kownacki refuse de demander une indemnisation. Au contraire, il participe à l’organisation d’une Loterie lancée par le docteur Chéhadé Charles Zalta en faveur des sinistrés ; il prononce une allocution lors du versement des aides aux sinistrés.

La même année 1910, Albert Kownacki publie une Histoire de douze ans (1898-1910), consacrée à l’expérience de La Coopération des idées, une université populaire implantée faubourg Saint-Antoine à Paris (11e arr.). Ses conférences de l’année, dont le rythme semble fléchir, s’intéressent à Auguste Comte et au positivisme. Mais il persiste à communiquer aussi sur la cosmologie, entretenant les auditeurs de la Coopération des Idées, qui devient le lieu principal de son enseignement, de La fin du monde d'après la science.

Il consacre un autre livre, en 1911, à Jules Ferry et l’enseignement populaire. Ses premiers cours de l’année, en automne, sont sur Le Pragmatisme, de William James, Bergson et Le régime des eaux dans le bassin de la Seine. À partir de novembre, il entame une série consacrée au corps humain. Il s’interroge en décembre que Comment on se meut.

L’approche du corps humain par Kownacki se poursuit en 1912 : travail, fatigue, repos en janvier, apport des aliments et de l’air en mars, dépuration et protection en avril, transmission des informations en mai, direction et contrôle du cerveau en juin. Mais il n’oublie pas les techniques, évoquant en mai Les grands paquebots et la sécurité des voyageurs.

Les interventions de Kownacki en 1913 se font toutes à l’université populaire du Faubourg Saint-Antoine, nouvelle appellation de la Coopération des Idées. Son programme comporte huit séances consacrées à la philosophie de Bergson : la vie consciente, déterminisme et problème de la liberté, représentation du monde et système nerveux, matière et mémoire, mémoire et cerveau, mémoire et esprit, union de l’âme au corps.

Il démarre en décembre une deuxième série de son enseignement bergsonien par l’Évolution créatrice. Elle continue en mai et juin 1914.

Albert Kownacki est hospitalisé en septembre 1914 pendant trois semaines « en vue d’une opération grave. »

À la suite de cette détérioration de son état de santé, il poursuit son activité associative, mais ne donne plus que rarement de cours ni de conférences – sauf, à une occasion, en juin 1920 sur Les maladies du langage et de la personnalité pour L'Émancipation de Vincennes.

Il vit depuis au moins 1926 et toujours en 1936 à Saint-Mandé (Seine, act. Val-de-Marne), avenue Victor-Hugo, à l’hospice Lenoir-Jousserand, un établissement desservi par des employés laïques, ce qui était encore rare dans les organismes hospitaliers. S’il n’a plus d’activités physiques, il conserve cependant certaines responsabilités et correspond probablement avec ses interlocuteurs. Il organise ainsi en novembre 1927 les 25 ans de la société d’éducation populaire joinvillaise.

Il est présent, jusqu’en juillet 1934, aux manifestations organisées dans les écoles de Joinville. Cette année-là, Kownacki est toujours vice-président de l’Union des philotechniques, fondée en 1901, alors présidée par Paul Strauss, ancien ministre et président du sénat.

Devenu membre titulaire de la Société astronomique de France en mai 1934, Albert Kownacki, s'inscrit comme membre perpétuel de cette association en 1941. Il est alors âgé de 90 ans.

Selon les tables de succession des archives départementales du Val-de-Marne, Albert Kownacki est mort le 8 décembre 1944 à Saint Mandé. Il était âgé de 94 ans et père de trois enfants ; ses deux filles, Gabrielle et Marthe Kownacka, furent artistes peintres, comme leur mère et leur grand-père. Son fils Marcel fut deux fois blessé et fait prisonnier pendant la première guerre mondiale, où il obtint la Croix de guerre et la Médaille militaire. 

Décoré des médailles de bronze (1888), d’argent (1906) et de vermeil de l’instruction des adultes, Kownacki avait obtenu les Palmes académiques comme officier d’académie en juillet 1888 et officier de l’instruction publique en juillet 1896. Il était titulaire du Mérite agricole et avait été fait, en juillet 1914, chevalier de la Légion d’honneur.

Fin

Bulletin de l'union des associations philotechniques de 1934. Albert Kownacki en est alors vice-président

 

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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 01:01

Suite de la biographie d’Albert Kownacki

La part la plus importante de l’engagement public du professeur Albert Kownacki est son engagement dans l’éducation populaire.  

À parti de 1881, il s’implique dans l'Association Philotechnique où il assure un enseignement gratuit pour adultes comme professeur et conférencier. En novembre 1881, il cause sur « Comment on arrive » au lycée Fontanes de Paris. En janvier 1882, son thème d’intervention est l'Origine de l'homme. Il développe en mars 1883 les principes de l'éducation intégrale. Au lycée Charlemagne, en février 1888, on l’entend sur La dernière catastrophe.

Devant la section des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques de Paris, en juin 1887, Kownacki présente une contribution sur les effets de l’enseignement professionnel et technique donné par l'Association philotechnique au point de vue de l'économie politique. Créée en 1848, l’association connait depuis 1870 un grand développement avec 10 000 auditeurs dans ses 330 cours donnés dans 22 sections. Kownacki que le programme « cherche à se plier aux besoins, aux exigences de l'industrie et du commerce contemporains ». Aux cours commerciaux qu’elle délivrait à l’origine, elle a adjoint l’horlogerie, la menuiserie, le travail des métaux, l'électricité, la reliure. Faute de professeurs, elle n'a pu établir un enseignement de pâtisserie, mais par contre elle a réussi à créer un cours d'arabe. Depuis 1870, des femmes ont été admises parmi les auditeurs et parmi les professeurs.

Au sein de l’École de sociologie de la rue Cadet, il traite, en 1888 de l'Évolution de la morale puis de la morale évolutionniste en avril, de l'Évolution organique et de la morale en mai. Le même mois, il poursuit sur les sentiments égoïstes et altruistes, En juin, il se consacre aux conceptions primitives.

En juillet 1889, Kownacki est élu au bureau de l’association, présidé par Ed. Jacques, président du Conseil général de la Seine. Il en devient secrétaire l’année suivante, sous la présidence de Jules Ferry. Avec l’ancien ministre de l’éducation Léon Bourgeois, Kownacki prononce le discours d'ouverture des cours en décembre 1893. Il devient secrétaire général en juillet 1896, Ferdinand Buisson étant devenu le président. Puis il est désigné l’année suivante comme vice-président, toujours avec le même.

On retrouve des conférences de Kownacki en octobre 1892 au lycée Charlemagne sur L'œil et la vision. Il discourt en avril 1894 à propos d’une femme poète : Simone Arnaud. En octobre 1896, à l'école communale de la rue de Belzunce (10e arr.), il parle de L'Art de prolonger la vie.

Le Féminisme est un thème qu’il traite dans une autre école, celle de la rue La Vieuville (18e arr.) en mars 1898 ; l’annonce précise que « Les dames sont invitées » à l’invitation de la Société républicaine des Conférences populaires. Kownacki examine d’abord les raisons économiques qui sont selon lui la « cause première du mouvement féministe : l'homme détenteur de tous les avantages sociaux forçant la femme à une sorte de lutte pour la concurrence sur le marché du travail ». Postulant que « Tout ce qui est juste finit par triompher », Kownacki « déduit du passé oppresseur la justesse et la justice des revendications féminines et sa déduction de l'avenir est que les deux pôles humains reposeront un jour sur l'assise de droits équivalents et d'égalité fraternelle ». Pour y arriver, il « exhorte les femmes à évoluer sans heurts, méthodiquement ». Il remarque que « Trois États de l'Amérique du Nord ont accordé aux femmes leurs droits politiques. Il y est déjà reconnu qu'elles les exercent avec un grand discernement ». Pour lui, « la femme est appelée par la force des choses à triompher sur le terrain politique, comme sur le terrain économique ». Il qualifie « d'infâme trafic » les mariages d'argent et conclut en citant le dirigeant social-démocrate allemand August Bebel « La femme jouira dans la société future des mêmes droits et des mêmes avantages que les hommes ». Il reprendra ce thème en septembre 1900, à l’occasion d’un congrès féministe, devant L'Égalité, université populaire du 7e arrondissement.

Parmi les nouveaux sujets qu’il aborde au tournant du siècle figure Matière brute et matière vivante en novembre 1900 et L'Origine des espèces un mois plus tard. Au début du 20e siècle, il évoque Les Origines de la civilisation en février 1901 puis la Civilisation primitive, morale et religieuse en mars. Il se consacre, avec des projections, à L'Homme primitif en avril. En mai, il s’intéresse à une Tournée d'inspection dans les couvents de Camaldules par un général de l'ordre, une très ancienne congrégation religieuse catholique bénédictine, disparue au 18e siècle. En octobre, Kownacki parle de La Maladie des mystiques. Il interroge, le mois suivant : Peut-on démontrer la vérité ? Puis, pour clôturer l’année, en décembre à Vincennes expose L'art d'arriver au vrai.

C’est accompagné de pièces anatomiques que, de nouveau à Vincennes, on retrouve le professeur de biologie venant parler du Squelette en janvier 1902. Il se consacre ensuite aux questions religieuses, avec Un autodafé au dix-septième siècle le même mois à Paris (11e arr.) puis L’Inquisition en février, de retour à Vincennes. Il étudie le linceul du Christ en juin. La biologie revient au premier rang avec Le cerveau et la pensée ainsi que La physiologie et la question sociale et Le mécanisme de la pensée en mai. En juin, Les maladies du langage et de la personnalité, puis en juillet Le cerveau et ses fonctions et en août Les maladies de la mémoire et du langage sont à son programme. En octobre, il examine L’inconscient et le spiritisme, un mois plus tard La folie et l’éducation. Les sciences de la Terre concernent Kownacki aussi, comme Les volcans et la constitution du globe en août.

L’association philotechnique de Joinville-le-Pont est créée en 1902. Elle inaugure ses cours le 22 novembre en présence du député radical Adolphe Maujan. Kownacki en confie la présidence à Henri Vel-Durand, conseiller d’arrondissement également radical. Kownacki a quitté sa fonction de vice-président de l’association-sœur de Paris et est devenu délégué de la Ligue de l’enseignement. Il prononce, chaque année en novembre, les discours d’ouvertures des cours, qui sont accompagnés d’une partie musicale, avec des élèves des cours de musique. Les élèves de la société d’enseignement populaire installée à Joinville participent à ces manifestations, notamment en jouant de la musique, sous la direction de Louise Allaire.

Au cours de l’année 1903, les thèmes politiques et philosophiques sont mis au premier plan. En janvier, Kownacki discute de La liberté, d’après Stuart Mill puis en mars L’individu contre l’État de Herbert Spencer. Il aborde la Question d'Alsace-Lorraine en mars et les Deux Républiques en avril puis Comment on est devenu transformiste. Démocratie et parlementarisme est à l’ordre du jour en mai puis La révolte de l’homme en septembre. L’intolérance à travers l’histoire est son sujet d’octobre. L’astronomie en images est au programme de novembre autour des Étoiles filantes. Les deux thèmes se retrouvent en décembre, encore avec des illustrations, pour Histoire du calendrier.

Pour l’an 1904, philosophie, économie et politique montrent la diversité des centres d’intérêt de Kownacki. Il organise d’abord en janvier un débat autour de Deux années d'action républicaine (1902-1903). Il discute ensuite ce même mois Les conseils d’un milliardaire, M. Andrew Carnegie. Puis il profite de son centenaire pour exposer la philosophie de Kant en février, avant d’examiner l’idéal américain d’après le président Roosevelt en mai. L’Hygiène humane l’occupe en octobre, puis il revient à la philosophie d’Herbert Spencer (l’inconnaissable) et à Darwin en novembre (les origines des espèces).

Les conférences d’Albert Kownacki en 1905 vont mélanger les questions biologiques et astronomiques. Il débute par La planète Mars en janvier, enchaîne L'air et la vie, se consacrant surtout à Herbert Spencer : philosophie, principes de biologie, développement de l’intelligence, psychologie, métaphysique, religion… L’œuvre du théoricien du darwinisme social (1820-1903) nourrit de très nombreuses séances dans les universités populaires, comme la Coopération des Idées ou l’Aube sociale.

À suivre

Joseph Kownacki, père d'Albert, officier polonais émigré et centenaire

 

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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 01:01

Début de la biographie d’Albert Kownacki

Stanislas Albert Jean Kownacki naît le 6 juin 1850 à Noyon (Oise). Il est le septième enfant d’Alexandrine Bullet et de son époux Joseph Kownacki. Son père, jeune officier polonais réfugié en France, a été un des artisans de l’insurrection polonaise contre l’occupation russe en 1830 ; il avait d’abord été ingénieur dans les chemins de fer et était devenu professeur de dessin.

Après avoir vécu à Noyon, Albert Kownacki suit un cours de rhétorique au lycée Charlemagne à Paris (4e arr.). Au cours la guerre franco-allemande de 1870, Kownacki se retrouve enfermé dans la capitale pendant le siège de Paris (20 septembre 1870 – 28 janvier 1871). Âgé de 20 ans, il décide de s’engager dans l’armée, mais le bureau de recrutement de la mairie du quatrième arrondissement refuse sa candidature à cause de sa petite taille (il fait 1 mètre 49) et de son état maladif. Il tente alors de rejoindre la garde nationale, milice supplétive, sans plus de succès. Enfin, il rejoint le Bataillon des jeunes qu’organisait Joachim Durandeau, directeur du journal Le Baccalauréat. Mais le commandant de la place de Paris, le général Louis Jules Trochu s’écria, selon le témoignage de Kownacki : « Il ne manquait plus que cela : jouer aux soldats ! ». Et il refusa l’autorisation de constituer la nouvelle unité et de lui fournir des armes.

Faute de pouvoir combattre, Albert Kownacki passe son baccalauréat à la session de novembre 1870. Il réside en 1877 rue du Petit-Musc, dans le quartier du Marais (4e arr.). L’année suivante, Kownacki devient directeur associé de l'institution Mary, une école privée de Clichy-la-Garenne (Seine, act. Hauts-de-Seine) ; il y vit, rue de Neuilly.

En mars 1877 à Paris (3e arr.), Albert Kownacki, qui vit alors rue du Petit-Musc (4e arr.), épouse Gabrielle Krahnass, artiste peintre qui expose aux salons de Paris sous le nom de Gabrielle Kownacka après l’avoir fait à Poitiers (Vienne) sous son patronyme. Elle est, comme lui, fille d’un officier polonais réfugié en France, François Krahnass, devenu comptable.

Membre de l’Association française pour l’avancement des sciences, Kownacki présente une communication sur les maîtres d’études à son congrès de Montpellier en 1879 et y constitue, l’année suivante une section pédagogique. Il est l’un des principaux orateurs et le secrétaire général du Congrès de l'Éducation et de l'Enseignement qui se tient à Paris en octobre 1879 puis en mars 1880.

Ayant déménagé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), le couple s’installe en 1883 d’abord dans le quartier de Palissy, rue de Brétigny (act. Avenue du Président-Wilson) puis sur la rive droite, avenue de la Marne. En 1891, la famille retourne à Palissy, rue du 42e de Ligne, où elle restera installée des dizaines d’années.

Kownacki enseigne la biologie en lycée et est notamment chargé du cours de morale à l’École de sociologie à Paris en 1887. Il est connu par ses idées anticléricales. Mais son activité principale est celle de publiciste. Il collabore notamment à des publications à vocation pédagogique : Bien Public, Estafette du Nord, La Science pour tous, Le Journal du lundi, Cahiers de l’Université populaire, Bulletin de l'Association philotechnique, L'Union morale (organe de la ligue française d'éducation).

Il consacre en 1889 un ouvrage au directeur d’une de ces publications, Le Journal du lundi, Émile Baras, journaliste économique, ancien responsable de La Semaine financière, un auteur dont il vantait la probité.

Dans son nouveau territoire de résidence, Albert Kownacki est délégué cantonal de l’Éducation nationale pour la circonscription de Saint-Maur et membre de la commission d’examen du certificat d’études.

Albert Kownacki est affilié à la franc-maçonnerie française. Il donne en février 1883, une Conférence intitulée « La France maçonnique et le gouvernement de la République d'après les cléricaux » pour l’installation des officiers de la loge L'École mutuelle, du Grand-Orient de France. À partir de 1884, il est orateur et surveillant de la loge L'Avant-Garde Maçonnique, dont le temple se situe au siège du Grand-Orient, rue Cadet. Il en est le vénérable en 1886. Il rejoint en 1903 la loge Les Rénovateurs de Clichy, dont le ministre de la guerre, Maurice Berteaux, a été le vénérable.

À suivre

Le premier ouvrage d'Albert Kownacki

 

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11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 01:01

Cécile Élisabeth naît le 12 décembre 1866 à Paris (14e arr.) et est déclarée par la sage-femme à l’état-civil sous le nom de « Baptiste », un des prénoms de sa mère, couturière qui se nomme en réalité Jeanne Baptiste Virginie Badoz ; son père n’est pas dénommé. Sa mère, qui ne la reconnaît pas alors, vit rue du Géorama (act. rue Maurice Ripoche).

En juillet 1875, sa mère, qui est marchande de chaussures à Levallois-Perret (Seine, act. Hauts-de-Seine), rue Saint-Louis, est déclarée en faillite. Redevenue couturière et vivant rue de La Glacière à Paris (14e arr.), elle épouse en octobre 1878 à Paris (13e arr.) Alexandre Jérôme Marcou, charpentier. Près de trois ans plus tard, en août 1881, les deux époux reconnaissent Cécile Élisabeth comme leur fille. Elle prend alors, à 14 ans, le nom de Marcou.

À l’âge de 16 ans, Cécile Marcou rentre à l’administration des Postes en mai 1883. Elle travaille à la poste centrale de Paris, rue du Louvre.

En septembre 1889 à Paris (14e arr.), elle se marie avec Lismon Tamisier, également postier. Elle change de fonction en entrant à la direction de la Caisse nationale d’épargne, qui dépend de la même administration. Son salaire continue, de manière régulière à augmenter, de 1 100 francs en 1888 à 1 900 en 1898.

Lors de la constitution des conseils de discipline des services postaux centraux, en mai 1907, Cécile Tamisier fait partie des trois élues de l’instance qui couvre la Caisse nationale d’épargne.

En janvier de la même année, son mari a été promu receveur des postes et nommé à l'Isle-sur-Sorgue (Vaucluse). Elle le suit quelques temps plus tard et est affectée dans la même ville comme employée de la poste, mais son salaire a été considérablement baissé, puisqu’il est fixé à 1 500 francs en 1909. Ils résident avec leurs deux filles quai Rouget-de-l’Isle. Madeleine, l’aînée a épousé à l'Isle-sur-Sorgue, en septembre 1912, Émile Eugène Jouvent, également employé des postes, qui, sergent dans un régiment de génie, sera tué au combat en dans l’Aisne en juillet 1917.

Cécile Tamisier (arch. fam.)

Lismon Tamisier est muté en 1913 à Saint-Just-en-Chaussée (Oise). Trop âgé pour être mobilisé pendant la première guerre mondiale, il est promu en 1917 au bureau de Neufchâtel-en-Bray (Seine-Maritime).

Après le conflit, la famille revient en région parisienne ; ils sont installés, en 1921, à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où les deux parents travaillent dans le bureau local. Leur fille aînée, Madeleine, devenue mère et veuve, vit avec eux et est aussi employée des postes. Leur fille cadette, Suzanne, épouse à Joinville en mars 1921 le beau-frère de sa sœur, Léon Stanislas Jouvent, tailleur, et ils vivent dans une rue voisine.

Le service postal est assuré à Joinville-le-Pont par le bureau central, quai du Barrage, et une annexe, dans le quartier de Polangis, avenue du Parc. En octobre 1923, Lismon Tamisier fait valoir ses droits à une pension de retraite et la structure auxiliaire de Joinville Polangis devient un bureau de plein exercice. En quittant sa fonction, la famille doit déménager. Ils vont résider à Paris (12e arr.), rue Taine, toujours avec leur fille aînée et leur petit-fils, tandis que leur fille cadette occupe l’appartement voisin.

Cécile Tamisier poursuit sans doute son activité. Elle était probablement retournée à la Caisse d’épargne, en tant que surveillante, fonction dans laquelle elle prend sa retraite en 1925.

Elle décède le 22 octobre 1936 à Paris (12e arr.), dans son logement. Elle était âgée de 69 ans.

Voir aussi Lismon Tamisier, receveur des postes et mutualiste provençal

Bureau de poste de Joinville-le-Pont

 

 

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3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 01:01

Charles Joseph Ferdinand Léger naît le 19 octobre 1877 à Marseille (Bouches-du-Rhône). Il est le fils de Marie Marguerite Bague et de son époux, Eugène Auguste Léger, architecte. Ils vivent rue de Lodi. Son père meurt deux ans plus tard, en décembre 1879, à Levallois-Perret (Seine, act. Hauts-de-Seine).

Sa mère, institutrice à Létra (Rhône), décède en janvier 1893, alors qu’il a 15 ans. Il est alors placé sous la tutelle de Victor Eugène Joseph Droulans, agent d’assurance, résidant à Paris (15e arr.), rue de Cambronne, natif de Douai, âgé de 33 ans, qui ne semble pas lui être apparenté. Joseph Léger est placé en tant qu’apprenti jardinier dans la ferme-école du Beaufroy, à Mirecourt (Vosges), en juillet 1893. Il s’enfuit nuitamment de l’établissement en avril 1894, muni d’un faux certificat qui lui sert à se faire embaucher, en mai chez M. Breton, propriétaire à La Varenne-Saint-Hilaire, dans la commune de Saint-Maur-des-Fossés (Seine, act. Val-de-Marne), rue Denfert-Rochereau.

Le 3 juillet 1894, Joseph Léger, alors âgé de 16 ans, est arrêté par des agents et interrogé par Louis Soullière, commissaire de police à Joinville-le-Pont, siège du bureau de la circonscription. Il a été dénoncé par le propriétaire, qui se serait inquiété de l’avoir vu préparer des manipulations chimiques dans son logement.

Dans un contexte où la crainte d’attentats était forte en France, la presse s’empare du sujet. On retrouve dans les quotidiens archivés en ligne une trentaine de journaux parisiens ou de province qui consacrent des articles, souvent assez longs avec parfois des reportages sur le sujet.

Une perquisition est faite dans la chambre de Joseph Léger, qui permet d’identifier « une boîte cylindrique en fer-blanc » ainsi que « des tas de petits paquets contenant des substances explosibles », selon ce que rapporte une grande partie des journalistes. La tonalité majoritaire des papiers s’accorde pour estimer que Joseph Léger était en train de préparer une bombe.

Les titres consacrés au fait-divers parlent de « La bombe de la Varenne » ou de « Joinville-le-Pont », du « jardinier anarchiste ». Plusieurs titres assurent que Léger « avoue ses convictions anarchistes », mais sans en préciser la teneur ; L’école de Mirecourt est qualifiée de « repaire d'anarchistes » tandis que Léger aurait « dénoncé ses deux maîtres en anarchie » qui sont désignés en tant que « L. et K. (ou B.) » et que la police annonce vouloir surveiller.

Les articles mentionnent cependant les dénégations du jardinier. Ainsi La Démocratie du Cher écrit « quand on lui parle de sa bombe, il se met à rire : — C’était pour faire lever mes petits pois, dit-il goguenard, c’était une expérience d’horticulteur ». Le Soir mentionne : « Mais, se récria le jeune homme, je ne suis nullement anarchiste et je n’ai jamais eu l’intention de jeter une bombe ! Comme la fête nationale a lieu dans quelques jours et que mes ressources pécuniaires ne me permettent pas d’acheter des pétards et des feux du Bengale, j’ai voulu en fabriquer moi-même. Voilà tout le secret de mes manipulations chimiques. »

Un quotidien parisien, Le Soleil, a demandé à son correspondant particulier à Épinal (Vosges) de visiter la ferme-école. Il raconte que « Joseph Léger y entra en juillet 1893 ; il était d'abord de caractère docile, mais il fut gangrené par un autre de ses camarades, fils de juge de paix, dont son père n’avait pu rien faire et qui fut expulsé pour insultes à ses maîtres et pour différents vols ». Le reporter indique que « Au sujet de la propagande anarchiste dans l’école, l'administration n’a jamais rien vu ». Quant aux cours de chimie, il est précisé que ce qui est enseigné à l’école, ce sont « les éléments de chimie agricole ; ils ne sont pas suffisants pour permettre de fabriquer des bombes. »

Dans La Lanterne, on trouve un net rejet de ce qui apparait comme la thèse officielle : « Nous avions bien raison de nous montrer sceptique ». Le journal anticlérical rapporte : « Joseph Léger, interrogé, déclara que jamais il n'avait été anarchiste, qu'il ne se sentait aucune disposition pour le devenir, et qu'enfin il n'avait pas fabriqué de bombe. Croyant que la fête nationale aurait lieu, et comme ses, ressources pécuniaires ne lui permettaient pas d'acheter des pétards et des feux de bengale, il avait cru plus économique d'en fabriquer lui=même. Maigre ces explications, le magistrat ne fut pas convaincu et envoya le soi-disant anarchiste au Dépôt et la prétendue bombe au Laboratoire municipal. Celle-ci a été jugée inoffensive. »

La fiche anthropométrique élaborée lors de son arrestation mentionne comme motif « fabrication d’engins explosifs ». Malgré son jeune âge, il est transféré à la prison installée dans l’ancienne abbaye de Fontevraud, en Maine-et-Loire, où il reste environ 18 mois. Il ne semble pas avoir été jugé, et aucune condamnation ne figurera dans son dossier militaire.

L’hebdomadaire radical-socialiste local Voix des communes, rapportant son arrestation, avait commenté : « Chacun sait qu’on peut arrêter des anarchistes, même où il n’y en a pas. La recette est bien simple : faute de grives, on prend des merles, faute d’anarchistes, on prend des socialistes. Nous ignorons si c’est le cas cette fois. Mais que M. Soullière, le commissaire de Joinville, qui a procédé à l’arrestation se tranquillise ; s’il s’est trompé – ce que nous ne souhaitons pas – on ne lui en sera pas mauvais gré en haut lieu… peut-être bien tout au contraire. »

En 1896, Joseph Léger serait revenu en région parisienne, mais il la quitte rapidement pour s’installer aux alentours de Lyon, d’abord à La Flachère (Isère) en 1897. Appelé au service militaire en novembre 1898, Léger est mobilisé au sein du 20e régiment de chasseurs, où il reste jusqu’en septembre 1901. Un certificat de bonne conduite lui est accordé et il fait plusieurs périodes au titre de son placement dans la réserve, en 1904 et 1907.

Après sa période militaire, Léger s’installe Décines (Rhône). Il y exerce toujours en 1902 la profession de jardinier.

En 1904, Léger voyage dans le Sussex, en Angleterre, à Cranleigh. Après son retour en France, il devient imprimeur à Amplepuis (Rhône) dans l’usine du maire de la commune, Henri Flessel. Puis il reprend ses activités de jardinier à Saint-Bonnet-le-Troncy (Rhône) en 1905. Il épouse dans cette dernière ville, en décembre 1905, Marie Émilie Schuehmacher, couturière, issue d’une famille ayant quitté l’Alsace après l’occupation allemande. Ils résident chez les parents de la mariée, avant de rejoindre Lyon en 1912, avenue Berthelot puis rue Faidherbe. Ils s’installent définitivement en 1913 à Poule-les-Écharmeaux (Rhône).

Dès le début de la première guerre mondiale, Joseph Léger est mobilisé au sein du 3e escadron du train des équipages. Il meurt le 17 août 1917 des suites de ses blessures dans un hôpital militaire à Mont-Notre-Dame (Aisne). Il a été victime du bombardement par des avions allemands du parc d’engins de sa compagnie et est déclaré mort pour la France. Un secours de 150 francs est accordé, en octobre, à sa veuve. Le couple avait eu un enfant mort-né en 1911.

Photo anthropométrique de Joseph Léger par Alphonse Bertillon.

Collection Gilman. Métropolitan museum of art, New-York

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30 mai 2023 2 30 /05 /mai /2023 01:01

Suite de la biographie de Louis Soullière

Sa disgrâce terminée, Soullière est de nouveau nommé commissaire à Aubervilliers (Seine, act. Seine-Saint-Denis) en mars 1897, mais il est transféré immédiatement dans la commune voisine de Saint-Ouen où il inaugure, en janvier 1898 un nouveau commissariat de police. En octobre la même année, il rejoint Neuilly-sur-Seine (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il y crée une brigade d'agents cyclistes, qui est à l’origine de l’arrestation de malfaiteurs qui s’attaquaient aux promeneurs dans le bois de Boulogne, désignés comme la bande du « Grand Caïman ».

En août 1901, Soullière, ouvre une enquête suite au cambriolage du Pavillon des Muses, propriété située boulevard Maillot de Robert de Montesquiou, alors en villégiature à Capvern, dans les Pyrénées. Le comte, poète, dandy et critique d'art, était très proche du milieu littéraire de son époque. Il entretint une abondante correspondance avec Marcel Proust, pour lequel il fut un des inspirateurs d’un des personnages de La Recherche du temps perdu, le baron de Charlus.

Promu commissaire de police de la ville de Paris, Soullière est chargé du quartier de Javel (15e arr.) en mai 1902. Il devient commissaire-chef deux ans plus tard et est nommé à la tête de la première brigade des recherches, dite brigade des jeux. Il organise de très nombreuses opérations de police dans les Cercles de jeux parisiens. Mais il conduit également des enquêtes sur l’exercice illégal de la médecine ou le trafic de drogue. En avril 1906, il réalise une perquisition au siège du Comité antimaçonnique et chez son président, l’abbé Joseph Tourmentin, s’attirant une protestation dans les milieux catholiques.

Le quartier Le Soleil, commente son attitude en juin 1906 dans les Propos d’une parisienne : « Il y a des magistrats qui ont du tact et savent à l’occasion se montrer conciliants, voire même courtois en certaines circonstances. (…) M. Soullière, par exemple ! l’intelligent commissaire de la première brigade des jeux. Dernièrement encore il faisait une descente dans un cercle mixte, quand il s’aperçut qu’à son entrée une femme très élégante, en robe décolletée, avait brusquement saisi l'enjeu et l'avait vivement caché dans son corsage, puis... simulant un évanouissement, s'était laissé tomber dans un fauteuil. Le tenancier du cercle, avec un air de circonstance, cherchant à attendrir M. Soullière, lui demanda l’autorisation de faire conduire Mme X... à sa voiture. (…) Le spirituel commissaire des jeux, moins farouche et plus humain que celui de Longchamp, mais ne voulant pas laisser croire qu’il était dupe de la comédie, se tourna vers ses agents et d’un geste plein de convoitise : Messieurs, leur dit-il, laissez passer la cagnotte. »

Avant les législatives, Soullière produit en avril 1910 un rapport sur « La Ligue patriotique des Françaises et les élections », une institution qu’il surveille depuis deux ans. Il souligne le rôle des jésuites dans la mobilisation féminine selon l’historienne Magali Della Sudda, qui relève la « bonne connaissance de l’association et de l’inquiétude que suscite la compagnie de Jésus » à une époque où le « péril clérical » reste un thème politique important, le gouvernement et la presse voyant dans les jésuites une « Internationale noire (…) aux ordres d’une puissance étrangère. »

En avril 1911, tout en restant chargé du service des jeux, M. Soullière est nommé commissaire divisionnaire. Il fait partie, en novembre 1912 de la commission chargée d’étudier la réglementation des séances publiques de boxe. Il fait également saisir la comptabilité du Sou du Soldat et de nombreux documents dans les bureaux de la Fédération communiste anarchiste, rue Henri-Chevreau, en mai 1913.

Après la première guerre mondiale, durant laquelle il dirige un des districts de la police de Paris, M. Soullière, est chargé en décembre 1919 du service des locataires expulsés et des réfugiés. Le journaliste et écrivain Gabriel Reuillard, proche du romancier Henri Barbusse, l’interroge pour le quotidien socialiste L’Humanité qui publie leurs longs échanges le 26 janvier 1920 :

« - Ce que je fais des personnes qui viennent me demander un domicile, nous dit-il, je les héberge, actuellement, boulevard Jourdan, en des masures dont je suis en quelque sorte le gérant.

- Sont-elles nombreuses et habitables ?

- Euh !... On doit en trouver d'autres plus vastes et mieux aménagées, car les solliciteurs sont nombreux et je suis accablé de requêtes.

- Prévoyez-vous que la crise actuelle puisse avoir une fin prochaine ?

- Hélas ! je te voudrais ; mais je n'y vois pas de solution possible avant des années ! Car les raisons qui l'ont provoquée et qui ne cessent de l'entretenir sont loin de disparaître, La crise provient de la congestion de Paris pendant la guerre Les régions libérées ne sont pas reconstruites et un grand nombre de réfugiés ne peuvent regagner encore des pays dévastés et que l'on ne se hâte pas, il faut le dire, de reconstruire. C'est difficile, je le sais : pas de transports, de matériel, de machines et peu de main-d’œuvre. Alors... Alors...

- Alors, il faudra des années ?

- Des années... Du moins, c'est à craindre... Ce sont aussi les expropriations de plus en plus importantes et de plus en plus nombreuses de maisons d'habitation à cinq, six ou sept étages, en vue de l'agrandissement de tel ou tel grand magasin ou pour souscrire à la folie d'édification de cafés, de dancings, de restaurants, de cinémas ou de boites à spectacles ou à plaisirs, qui aggravent le mal. Le gouvernement devrait autoriser les administrations qu'il a chargées de chercher des remèdes à cet état de choses, à employer des mesures énergiques.

- Lesquelles ?

- Elles sont très simples. Ce ne sont, pas les logements inhabités qui manquent. Tel ou tel grand appartement que je pourrais citer abrite depuis 7, 8, 9 ou 10 ans, le mobilier de familles qui se sont retirées au bord de la mer ou à la montagne. Ce système de garde-meubles est onéreux, me dites-vous. Ces personnes-là sont riches. Quelques milliers de francs par an de plus ou de moins, n'est-ce pas, pour elles !...

Et les maisons entières, les maisons d'exhibition ou de rendez-vous, les garçonnières de toutes sortes !...

Il faudrait pouvoir réquisitionner tous ces logements et distribuer les locaux disponibles à ceux dont la mauvaise volonté de certains propriétaires intransigeants a l'ait comme une espèce nouvelle de vagabonds...

Il faudrait, il faudrait que l'on nous autorise à prendre des mesures énergiques. »

Et M. Soullière ajoute :

« - Tout le mal provient de ce que certains ont trop de moyens et de ce que d'autres n'en ont pas assez. De là le déséquilibre constant entre les situations, les heurts de plus en plus fréquents, de plus en plus violents, de plus en plus pénibles, entre les individus de catégories diverses. Les uns ont trois ou quatre appartements spacieux, les autres n'en ont pas du tout. Et pour tout, c'est la même chose ! »

L’écrivain pacifiste conclut : « La conclusion de cette juste argumentation ? M. Soullière ne pouvait la formuler : le caractère et l'essence même de ses fonctions le lui interdisent, on le comprend. Mais son impression pessimiste demeure et l'on s'explique combien il est difficile, impossible même, de trouver une solution : équitable à la crise des loyers dans l'état actuel de notre société bourgeoise. »

Louis Soullière prend sa retraite en octobre 1920. Il meurt le 22 octobre 1934 à Boulogne-Billancourt, où il résidait rue de l'Est. Il était âgé de 73 ans.

Un médecin, ami de longue date de la famille, rapporte, dans la Revue métapsychique en 1935, que le décès de Louis Soullière fut pour lui l’objet, la veille, d’une « monition de mort ». Il raconte sa disparition : « M. Soullière qui avait été bien portant, gai et allant le 21 octobre, fut réveillé le lundi 22 octobre, à 2h moins le quart, par une crise d’étouffement, accompagnée d’un vomissement. Il dit « J’étouffe, comme j’étouffe ! ». Sa femme envoya de suite sa bonne chercher un docteur dans le voisinage. Celui-ci arriva et lui mit des ventouses. M. Soullière dit : « S'il me faut encore souffrir comme ça, j'aime mieux mourir. » Et il expira à trois heures moins le quart. »

Le commissaire Soullière était officier dans l’ordre de l'Étoile noire du Bénin (Dahomey) depuis mai 1900, commandeur dans celui du Medjidié (empire Ottoman) depuis février 1905, décoré des Palmes académiques comme officier d'académie en décembre 1905. Il était chevalier de l'ordre de Victoria, dont la croix lui avait été remise en mai 1906 par le roi d'Angleterre Edouard VII. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en février 1919.

Son épouse avait accouché d’un enfant sans vie en octobre 1892. Par testament rédigé en 1925, il lui avait légué 50 000 francs. Elle sollicita, mais n’obtint pas, une aide du conseil général du département, en sus de sa pension de réversion.

Fin

Un cercle de jeux à Paris

 

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28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 01:01

Début de la biographie de Louis Soullière

Louis Marius Barnabé Soullière naît le 11 juin 1861 à Orange (Vaucluse). Il est le fils de Pauline Perrin et de son époux Jean Pierre Gustave Soullière, négociant en matériaux de construction (bois et pierre). Son père décède moins d’un an plus tard en mai 1862, à Serrières (Ardèche), où la famille était implantée.

Son grand-père paternel, Jean Marie Amédée Soullière (1783-1863) y meurt également peu après, en janvier 1863. Médecin, ancien chirurgien major, il avait accompagné l’empereur Napoléon Ier dans diverses campagnes, en Autriche, Prusse, Pologne, Espagne, Portugal, Russie et Saxe. En 1850, sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur et était également titulaire de la médaille de Sainte-Hélène

Résidant alors à Marseille, probablement avec son frère aîné Jean Marie, il s’engage, à 18 ans, dans l’armée à Avignon en novembre 1879, devançant de deux ans l’appel du service militaire. Il rejoint le 38e régiment d’artillerie. Nommé brigadier en août 1880, il est promu maréchal des logis en octobre 1881 puis maréchal des logis chef en février 1884. Il quitte l’armée en novembre 1884. Dans la réserve, il est nommé sous-lieutenant en janvier 1885, affecté comme officier d’approvisionnement, il est promu ensuite lieutenant dans l'artillerie territoriale.

Il quitte la Provence après sa période militaire et rejoint Paris, où il est embauché comme commis dans la police municipale en février 1885. Il travaille comme secrétaire de M. Goron, chef de la Sûreté. Il est ainsi un des quatre cadres de ce service qui compte plus de 340 agents. En mars 1889, le journaliste Horace Valbel lui consacre un portrait dans le quotidien La Petite République ; « Depuis quatre ans, M. Soullière appartient au service de la Sûreté. Il a subi avec succès les examens exigés des secrétaires du commissariat. Très assidu à son travail, très dévoué à son chef, dont il est fort estimé, M. Soullière aura, j'en suis certain, un fort bel avenir. »

En avril 1889, il est chargé des soixante agents du service de sûreté qui sont détachés au Champ-de-Mars et à l'Esplanade des Invalides pendant toute la durée de l'Exposition universelle de Paris.

Nommé dans le grade de commissaire de police des communes de la Seine en juillet 1891, il est d’abord affecté à Courbevoie (Seine, act. Hauts-de-Seine) mais son poste est modifié et il rejoint finalement Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), en remplacement d’Armand Routier de Bullemont. Le commissariat, qui existe dans cette commune depuis 1874, a dans sa circonscription les villes de Bry-sur-Marne, Champigny, Nogent-sur-Marne et Saint-Maur-des-Fossés. Il comptait en 1883 14 agents : le commissaire, un secrétaire, un brigadier et onze sergents de ville. En mars 1887, son territoire est élargi à la commune du Perreux, qui vient de se détacher de Nogent.

En janvier 1891, le commissaire fait interpeller deux enfants de six à neuf ans qui s’étaient enfuis à pied du domicile de leurs parents, rue des Batignolles à Paris, et tentaient de traverser la Marne par un gué. Les agents voulurent les ramener chez leurs parents mais, selon la presse, ils refusèrent : « On nous maltraite, on nous roue de coups pour la moindre chose. Souvent on nous envoie coucher avec un morceau de pain et un verre d’eau. Quelquefois même nous passons la journée tout entière sans manger ». Ils assurent vouloir gagner Château-Thierry (Oise), où ils connaissaient « une famille honorable ». Ils racontent : « Nous avions sept sous à nous deux pour les frais du voyage [35 centimes] ; ce matin nous avons acheté un petit pain de deux sous ». Le commissaire dut les envoyer au Dépôt, après leur avoir donné un déjeuner et une paire de souliers neufs puis il fit prévenir les deux familles des garçons.

En décembre 1891 à Paris (17e arr.), Louis Soullière épouse Marie Thérèse Eugénie Fabre (1863-1939), pianiste, professeure de musique et compositrice, élève de César Franck et amie de Gabriel Fauré. Ce dernier est un des témoins du mariage, avec notamment le Jean comte de Montebello et le chef de la sûreté de Paris, François Marie Goron.

Au sein de son commissariat, pour faire face aux cambriolages dans les pavillons des bords de Marne, Soullière crée fin 1891 une brigade spéciale de sûreté, basée dans le poste de police de Saint-Maur. En juillet 1892, il doit gérer une affaire qui est mise en avant dans la presse comme relevant de la haute trahison, un en comptable de la manufacture de Bourges, employé chez un teinturier à Joinville s’étant vanté de pouvoir se procurer des armes et des munitions de guerre. Il avait pour maîtresse une domestique d’origine allemande. Une perquisition ne permit cependant de trouver qu’une seule cartouche, mais la police mit la main sur des objets volés chez les employeurs de la bonne. Tous deux ne furent écroués que sous l’inculpation de vol.

Le jour de Noël 1893, une femme complètement nue se présenta au commissariat, déclarant « être une fille naturelle du prince de Galles, se nommer Jeanne d'Arc et être envoyée par Dieu pour sauver la France de l’anarchie ! ». Selon la presse, elle était d’une rare beauté et voulait du commissaire « une lettre d'audience pour le président de la République ». Elle avait déjà été internée pour troubles psychiatriques et fut envoyée à l'infirmerie du Dépôt de la préfecture de police.

Dans un contexte d’attentats politiques, le commissaire Soullière fait arrêter, à La Varenne, quartier de Saint-Maur-des-Fossés, début juillet 1894, un jardinier de 16 ans, Joseph Léger, que son patron a dénoncé comme préparant des manipulations chimiques. Il fait procéder à une perquisition dans chambre du jeune homme, trouve une boîte cylindrique et des produits chimiques, en conclut qu’il s’agit donc d’un anarchiste préparant une bombe. Le garçon, orphelin, s’était enfui deux mois auparavant d’une ferme-école dans les Vosges. Il est incarcéré à la prison de Fontevraud (Maine-et-Loire) pendant 18 mois environ, bien qu’il ait nié toute intention de fabriquer un engin explosif, que le caractère inoffensif de ses produits ait été certifié et qu’il n’y ait pas trace d’un engagement dans un mouvement terroriste.

Les jours suivants, le commissaire fait arrêter plusieurs militants anarchistes dans les communes de sa circonscription : Naudé, à Saint-Maur, Albert Mainfroy, imprimeur, au Perreux et Didier Laurent sur le pont de Joinville, après qu’il ait crié « Vive l'anarchie ! Les bourgeois s'inclineront devant nous » et fait l'apologie des crimes commis par Ravachol, Vaillant, Émile Henry et Caserio.

Fin juillet 1894, Louis Soullière est remplacé en tant que commissaire de police de Joinville par M. Rougean et redevient simple commis à la Préfecture de police. Les motifs de cette disgrâce, qu’il partage avec cinq autres anciens de la Sûreté parisienne, dont son ancien chef et témoin de mariage, M. Goron, est constitué par des irrégularités découvertes par le service de contrôle, dans des comptes relatifs à l’année 1889. La presse évoque largement la rétrogradation. Pour L’Intransigeant, « ce n’est pas autre chose qu’une vengeance » du préfet de police Louis Lépine. Soullière tarde cependant à rejoindre son nouveau poste et réclame, selon Le Libéral, « contre la façon de procéder à son égard. Nommé commissaire de police par décret présidentiel, il estime que le préfet de police n'a pas le droit de toucher à [cette] décision ». Selon Le Soleil, il ne veut pas qu’on le rétrograde d’un « poste de 12 000 francs (…) à un emploi de 3 000 francs. »

Évoquant de nouveau l’affaire, en Une cette fois-ci, L’Intransigeant assure qu’il « proteste contre la mesure lépinière qui le frappe et principalement contre les procédés anticonstitutionnels du préfet (...) Il n’admet pas qu’un vulgaire préfet de police touche à une décision qu’une révocation ou une démission peut seule rendre nulle. Il ne veut pas permettre au préfet de défaire ce qu’a fait le président de la République ». L’Univers s’interroge : « Est-ce que les décisions du président de la République comptent devant la volonté du tout-puissant cancre du boulevard du Palais ? »

À suivre

Mairie de Joinville-le-Pont, où était installé le commissariat, années 1890

 

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26 mai 2023 5 26 /05 /mai /2023 01:01

Marie-Thérèse-Eugénie Fabre naît le 24 août 1863 en Avignon (Vaucluse). Elle est la fille de Thérèse Blanc et de son mari, Joseph Xavier Fabre, employé de préfecture.

Au début des années 1880, Marie Fabre suit au conservatoire de musique d’Avignon des cours de piano auprès de Mary Soullière, élève du chanteur, compositeur et pianiste français Théodore Ritter.

En rejoint Paris et vit, avec son père devenu attaché à la direction des cultes, rue des Acacias (15e arr.). Elle suit les cours de piano et de composition de César Franck (1822-1890) au Conservatoire de Paris, ainsi que probablement son enseignement d’orgue. En mars 1885, elle participe au concert, donné par son ancienne professeure d’Avignon à la salle Kriegelstein de la rue Charras à Paris (9e arr.). Le programme a été composé par César Franck et comprend des morceaux de Mendelssohn, Meyerbeer, Beethoven et Schubert, que Marie Fabre accompagne au piano avec César Franck. La Tarentelle de Louis Moreau Gottschalk, clôture la soirée, interprétée par Mlles Soullière et Fabre.

Le 20 mai 1887, Marie Fabre donne à Paris son premier concert. Le compositeur Guy Ropartz (1864-1955) commente ainsi dans L'Indépendance musicale sa prestation : « Elle avait, pour débuter, abordé la sonate en fa dièse mineur de Schumann, œuvre d’une extrême difficulté et qui demande une grande ampleur d’exécution ; la jeune artiste s’en est tirée tout à fait à son avantage, la première émotion, bien compréhensible, une fois passée. Différentes œuvres de Chopin, Heymann, Alkan, deux petites pièces d’elle, heureusement écrites pour l’instrument, ont fait ressortir ses bonnes qualités de mécanisme ; mais où elle a été supérieure, c’est dans la sonate pour piano et violon de C. Franck, que l’on entendait à Paris pour la seconde fois seulement. En résumé, Mlle Marie Fabre a beaucoup de doigts, une grande sûreté, beaucoup de nerf, trop peut-être ; son style n’est pas encore absolument défini, bien qu’elle donne déjà aux œuvres qu’elle interprète une certaine physionomie qui n’est pas celle de tout le monde : nous pouvons attendre d'elle une excellente artiste. »

Poursuivant ses cours au Conservatoire ans la classe de Mme Angot-Montier, elle participe aux concerts devant le jury d’examen, présidé par le compositeur Antonin Marmontel en janvier 1889 puis en mars 1890, la presse remarquant à ces occasions son interprétation.

Le 16 mars 1889, à la Société nationale de musique à Paris, Marie Fabre exécute avec le quatuor Heymann une Étude de Charles Valentin Alkan pour piano et quatuor à cordes, arrangée par César Franck.

En avril 1891, à l’occasion de l’inauguration de l’hôtel de la comtesse de Montebello, rue Barbet-de-Jouy, Marie Fabre donne un concert, en compagnie du violoncelliste Liégeois. Ils interprètent la sonate de Grieg, la Polonaise de Chopin, et la romance du prince Serge Walkonsky.

Frère de son ancienne professeure d’Avignon, Louis Soullière, commissaire de police à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), l’épouse à Paris (17e arr.) en décembre 1891. Les deux témoins qu’elle avait choisis sont le comte Jean de Montebello et le compositeur Gabriel Fauré. Elle poursuit son activité en tant que professeure de musique.

Le nouveau couple vit d’abord à Joinville puis, au gré des nominations du mari par la préfecture de police, à Paris, Saint-Ouen et Neuilly-sur-Seine (Seine, act. Hauts-de-Seine). Marie Soullière accouche, en octobre 1892, d’un enfant mort-né et n’aura pas de descendant.

Après le décès de son époux, en octobre 1934 à Boulogne-Billancourt (Seine, act. Hauts-de-Seine), où ils s’étaient installés après sa retraite rue de l’Est, Marie Soullière reste vivre dans la commune rue de Sèvres. Elle demande une pension au conseil général du département, qui la lui refuse, soulignant qu’elle percevait déjà une réversion de la retraite de son mari. Il lui avait légué, par testament, 50 000 francs.

Le 30 mars 1939, Marie Soullière meurt à Boulogne-Billancourt. Elle était âgée de 75 ans. Décorée des Palmes académiques, elle avait été faite officière d'académie en janvier 1900 puis officière de l’instruction publique en mars 1906 pour son activité de compositrice et de professeure de musique.

César Franck lui a dédié le manuscrit de la première page de sa symphonie en ré mineur, transcrite pour piano à quatre mains. Le journaliste Louis Schneider, dans le quotidien Le Gaulois, considérait, en novembre 1922, qu’elle avait été « une des meilleures élèves du maître. »

Symphonie en ré mineur de César Franck, offerte à Marie Soullière

 

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24 mai 2023 3 24 /05 /mai /2023 01:01

Suite de la biographie de Joseph Routier

Joseph Timoléon Routier de Bullemont ayant choisi de s’appeler dorénavant Joseph Routier, un choix qu’il justifiera ensuite par son engagement républicain s’installe avec son épouse (selon le droit américain), Léonide, à proximité de Sacramento, capitale de la Californie.

Il doit devenir l’intendant du vaste domaine appartenant au capitaine Joseph Folsom, appelé Paterson, d’environ 6 lieues carrées, soit près de 140 km². Ce dernier fit partie des premiers militaires états-uniens venus s’installer dans le nouveau territoire des États-Unis, en 1846. La Californie a été annexée suite après la guerre américano-mexicaine de 1845. Elle devient, en 1850, le 31e État de l’Union. Le nom de Folsom a été donné à la ville qu’il avait fondée sous le nom de Granite, à proximité de son exploitation.

Joseph Routier doit planter et entretenir une vigne et un verger. Cependant, les premières plantations ne peuvent être faites, les semences transportées par bateau ayant pourri. Folsom meurt en juillet 1856. Il reste cependant sur place, reprenant la gestion et, en 1863, la propriété d’une partie du domaine.

Il exploite une ferme, baptisée Rancho Rio de los Americanos, située sur la rive sud de l’American river, de près de 90 hectares, dont une quarantaine en vigne et autant en verger, une vingtaine d’hectares étant consacrés à l’élevage. Il cultive notamment des prunes, amandes, pêches, abricots et oranges. Ses vignes sont constituées à partir d’un cépage de Tokay. Son vin acquiert une grande réputation.

En 1858, Joseph Routier est inscrit sur les listes d’immigration du comté de Sacramento. En juillet 1859, il est inscrit sur les listes électorales. Une cérémonie religieuse de mariage de Charles Marie Joseph Timoléon Routier de Bullemont avec Léonide Jadin est célébrée dans l’église catholique de Sacramento en novembre 1863. Cette dernière est toujours légalement mariée en France.

En 1871, la ligne de chemin de fer Sacramento Valley Railroad ouvre une gare à proximité du domaine des Routier sur la ligne secondaire reliant Sacramento à Folsom. Elle prend le nom de Routier station ; un bureau de poste attenant, installé en 1887, se nomme également Routier postoffice, et le village qui se développe prend lui aussi la dénomination de Routier, comptant environ 75 familles installées dans les années 1890.

La desserte ferroviaire, après la fin de la guerre de Sécession, va favoriser le développement de la ferme. Une conserverie de fruits est installée en 1876. Les améliorations apportées aux fruits, notamment les prunes et les pêches, sont remarquées dans les journaux professionnels. Il obtient une médaille d’or en 1886 lors de l’exposition de la Citrus Fair Association de Sacramento.

Sa prospérité étant établie, Joseph Routier prend part aux affaires publiques. Il est une des personnalités de la communauté française de Californie. Il est ainsi, en 1870, président du comité constitué à Sacramento pour soutenir l’effort de guerre français. Après la défaite devant l’armée allemande, il reste vice-président du comité qui tient une réunion, en août 1871 dans la capitale californienne. La presse parisienne publie une de ses résolutions : « Nous, citoyens Français-Américains de Californie, félicitons cordialement la France du choix qu'elle a fait pour Président de la République française de M: A. Thiers, qui s'est montré son ami vrai en adoptant une ligne de politique ferme et droite, et qui ne froisse ni les susceptibilités des partis politiques ni les grands intérêts des puissances européennes; Nous félicitons le peuple français des sages réformes de l'instruction publique et de la nouvelle loi militaire, .qui sont les seules; et les plus solides bases de la régénération de la France et du respect dû à sa forme républicaine de gouvernement ». En 1872, le même comité lance une autre souscription pour la « libération du territoire », à savoir l’Alsace-Lorraine, incluse dans l’empire allemand.

Selon le témoignage de sa femme, Joseph Routier, après avoir appris la fin du régime de Napoléon III, aurait envisagé de se rendre en France. Une dépêche télégraphique envoyée début 1871 par pigeon voyageur à Paris (alors assiégée par les forces coalisées autour de la Prusse) depuis Saint-Bonnet (probablement Saint-Bonnet-de-Joux, Saône-et-Loire) à son frère Lucien, secrétaire général de la préfecture de police, mentionne « oncle inquiet sur Timoléon ». Il est peut-être fait référence à un projet de retour. Il ne serait cependant jamais revenu d’après son épouse.

L’instauration de la troisième République va permettre la restauration du droit de divorce, aboli en France le 8 mai 1816, puis rétabli par une loi du 27 juillet 1884. Léonide Jadin obtient un jugement du tribunal civil de la Seine rompant son union d’avec qu’André Borel d’Hauterive en juillet 1888 ; elle avait vécu, pendant 35 ans, dans une situation de polyandrie.

Au cours des années 1870, Joseph Routier s’engage dans la vie politique californienne. Il est d’abord juge de paix du Township de Brighton, où se situe sa résidence. En 1877, il est élu membre de l’assemblée législative de l’État qui tient sa 22e session ordinaire. Il figurait sur la liste du parti républicain. C’est avec la même étiquette qu’il est élu en 1882 membre du Sénat de Californie, où il siège jusqu’en 1886. Lorsqu’il finit son mandat, il devient président de la commission de la pêche et de la chasse, mise en place par le gouverneur. Il a à ce moment quitté la formation conservatrice pour rejoindre le parti démocrate.

L’environnement économique de l’activité viticole se dégrada dans les années 1890, du fait de la montée des ligues antialcooliques et de sécheresses. Joseph Timoléon Routier poursuivit cependant son train de vie assez dispendieux, du fait notamment de l’accueil de visiteurs fréquents, en s’endettant. Il dut céder une partie de son domaine à ses créanciers en 1894, puis le reste en 1897. Il ne conserva alors qu’une maison plus modeste.

Joseph Timoléon Routier de Bullemont fut tué le 5 février 1898 dans un accident, sa calèche ayant été renversées par un écart du cheval au moment où il rentrait dans son domaine le 6 février 1898 à Sacramento. Il était âgé de 72 ans. De nombreux journaux américains, de Boston à la Californie, publièrent des informations nécrologiques. Il en fut de même pour l’hebdomadaire de la communauté américaine à Paris. Il était père de trois enfants, issus de son deuxième mariage, dont deux moururent jeune ; son fils George était décédé en 1888 sur le domaine à 29 ans, après avoir eu deux descendants, fille et garçon.

Les lieux environnants le domaine continuèrent à porter le nom de Routier : le village, la poste, la gare. Au 21e siècle, l’ensemble est inclus dans l’agglomération de Sacramento ; une voie, Routier road, longue de 2 300 mètres, parcourt la ville à proximité de l’ancienne résidence.

Plusieurs des frères de Bullemont ont joué un rôle significatif en France ou en Belgique. L’aîné, Lucien (1822-1904) fut secrétaire général de la préfecture de police de Paris ; il épousa Louise Charlotte Jadin, sœur de la seconde épouse de Joseph. Emmanuel (1836-1913) devint membre de la Société royale de botanique de Belgique et auteur de plusieurs ouvrages. Alfred (1840-1872), natif de Belgique, a été critique d’art à Paris. Son neveu, Armand, fut commissaire de Paris à Joinville-le-Pont et Paris.

Fin

La propriété Routier et le chemin de fer

 

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