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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 01:00

Début de la biographie d’Eugène Ramelet

Eugène François Marie Ramelet naît le 14 mars 1872 à Paris (11e arr.). Il est le fils de Salomé Bülher et de son époux Eugène Ramelet, gardien de la paix. Sa mère est d’origine alsacienne, sa famille ayant fui l’invasion allemande de 1870 tandis que son père est natif de Franche-Comté (Doubs). Ils vivent rue de la Folie-Méricourt.

Alors qu’il est étudiant et réside rue Pierre-Nys (11e arr.), Eugène Ramelet fils s’engage pour trois ans dans l’armée en mars 1890 à Paris (7e arr.). Il est affecté au 52e régiment d'infanterie. En octobre de cette année-là, il devient caporal. Nommé sous-officier, avec le grade de sergent, en juillet 1891, il finit son service militaire en mars 1893.

Devenu chef machiniste l'Opéra-Comique, théâtre lyrique de Paris (2e arr.), Eugène Ramelet est remarqué par la presse à l’occasion de la programmation de Grisélidis, de Jules Massenet en novembre 1901. Gil Blas commente « l’admirable organisation de la machinerie qui a opéré des prodiges », saluant le « jeune et distingué chef machiniste » grâce auquel le fonctionnement de la machinerie « a été absolument merveilleux ». Pour le quotidien parisien, « M. Eugène Ramelet s'est révélé hier comme un maître de machinerie de tout premier ordre ». Parmi d’autres journaux culturels, Le Gaulois qualifie Ramelet « d'habile chef machiniste » (janvier 1904) tandis que Comœdia le classe parmi « les trois mousquetaires qui ont la garde et le souci du plateau de l'Opéra-Comique, de ses frises et de ses dessous » (janvier 1909).

En juillet 1902, à Paris (3e arr.), Eugène Ramelet, qui vit alors rue Richelieu, épouse Hélène Blanche Chap, fleuriste. Ils s’installent dans le 2e arrondissement, rue d’Aboukir puis rue du Sentier. Ils divorceront en juillet 1914.

Secrétaire de l'Association des chefs machinistes en septembre 1909, reçoit avec une délégation de son organisation, le nouvellement créé syndicat des machinistes, affilié à la Confédération générale du travail (CGT). Il y adhérera. Il défend la revendication d’amélioration de leur situation matérielle, remarquant dans Comœdia que les députés viennent de s’octroyer 66% d’augmentation. Avec le soutien des autres chefs machinistes, L'Association des directeurs de théâtres de Paris signe un accord avec le syndicat.

Un an plus tard, à l’occasion d’une grève des machinistes en octobre 1910, Eugène Ramelet regrette son engagement syndical. Il s’en expliquera en mai 1912. Selon lui, « toute entente était impossible avec les révolutionnaires de la CGT » et il mettait en garde « contre les principes dissolvants des organisations révolutionnaires ». Il poursuit son engagement social en étant président en juillet 1912 de l'Œuvre de la maison de retraite du personnel du spectacle, qui installe une maison d’accueil en forêt de Montmorency à Saint-Brice (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise).

En juin 1911, Ramelet embarque vers Buenos-Aires. La traversée en bateau dure 21 jours. Il débarque en avant-garde afin de recevoir les décors envoyés de l'Opéra-Comique pour une tournée dans la capitale de l’Argentine. Il recrute une équipe italo-espagnole afin de disposer la scène de l'Opéra de Buenos-Aires et manier les décors. Prévue pour 36 représentations, la troupe, dirigée par Albert Wolff en fera 39, pour répondre à une très forte demande. Elle crée dans la ville Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), puis présente Louise (Gustave Charpentier), La Reine Fiammette (Xavier Leroux), Le Roi d'Ys (Édouard Lalo), Le Mariage de Télémaque (Claude Terrasse), Fortunio (André Messager), Carmen (Georges Bizet), Manon, Griselidis, Le Jongleur de Notre-Dame, ainsi que Werther (Jules Massenet), Lakmé (Léo Delibes), Mignon et Caïd (Ambroise Thomas), et enfin, seule œuvre non française, Madame Butterfly (Giacomo Puccini). Les spectacles rencontrent un franc succès.

Toujours chef machiniste à l'Opéra-Comique, Eugène Ramelet crée en décembre 1910 avec deux ingénieurs, le constructeur Abel Pifre et l’architecte Eugène Ferret, une société anonyme appelée Constructions scéniques et théâtrales ; ils la dissolvent cependant, sans qu’elle ait eu d’activité, en mars 1911.

La collaboration de Ramelet avec Ferret va cependant se poursuivre, notamment pour l’aménagement du théâtre du Casino de Trouville (Calvados) en 1912. Il intervient également à Paris pour la Gaîté lyrique (3e arr.).

Lors du départ d’Albert Carré, directeur de l’Opéra-Comique, en janvier 1914, c’est Ramelet qui s’exprime au nom du personnel de l’établissement.

Plusieurs organismes opposés à la franc-maçonnerie signalent qu’il y est affilié depuis 1906. Au cours d’une cérémonie tenue au siège du Grand Orient de France, rue Cadet (9e arr.), il est initié au 18e degré selon le rite écossais, ce qui lui octroie le titre de « Souverain Prince Chevalier Rose-Croix ». La cérémonie était organisée par les loges Les Amis Bienfaisants et Les Vrais Amis Réunis.

À suivre

Symbole de la loge maçonnique Les Admirateurs de l'Univers

 

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12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 19:44

Auguste Jules Forgeot naît le 25 septembre 1874 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils de Lucien Étienne Forgeot et de son épouse Anna Caroline Courtin, qui sont domiciliés à Châtellerault où son père est en garnison.

Il voit le jour au château de Polangis dont son grand-père maternel, Auguste Courtin, est le propriétaire. Celui-ci est également alors le maire de cette commune. Il la quittera l’année suivante pour s’installer à Salbris (Loir-et-Cher), où il exploite un domaine agricole, devenant de nouveau maire de Salbris et conseiller général du Loir-et-Cher. Auguste Courtin était le fils adoptif, et probablement le fils naturel de Charles Chapsal, grammairien, qui fut son prédécesseur comme maire et Joinville et avait acheté le domaine de Polangis.

La famille paternelle d’Auguste Forgeot remonte à de riches marchands de grains, bourgeois de Paris au XVIIe siècle. Claude-Etienne Forgeot (1728-1788) fut Premier apothicaire du Roi de 1769 à 1779 tandis que son épouse, Louise Routier, était femme de chambre de la fille de Louis XV, Madame Sophie.

Leurs descendants firent carrière dans l’armée. Etienne-Henry Forgeot (1774-1853) a été commissaire des subsistances de la Marine et chevalier de la Légion d’honneur. Jules-Etienne Forgeot (1809-1877), officier d'artillerie, fut général de division et élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. Enfin, son père, Lucien Etienne Forgeot (1844-1910), colonel d'artillerie, était officier de la Légion d'honneur.

À l’instar de ses ascendants, Auguste Forgeot, qui est l’aîné de sa fratrie de trois garçons, s’inscrit à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et est admis à concourir aux épreuves orales en juin 1895. Il s’engage pour trois ans dans l'artillerie et est intégré en novembre 1895 comme canonnier au 32e régiment d'artillerie (RA). Il est promu brigadier en avril 1896 puis sous-officier, comme maréchal des logis en mai 1897. Il prolonge son contrat pour deux ans en 1898 puis est admis, en mars 1900, à suivre les cours de l'école militaire de l'artillerie et du génie, devenant officier en avril et renouvelant son contrat pour trois années de plus. Il sort diplômés en mars 1901 en tant que sous-lieutenant, affecté au 37e RA.

Le mariage de Joséphine Marie Madeleine Lasserre, fille d’un négociant, avec Auguste Forgeot est célébré à Bayonne (Basses-Pyrénées, act. Pyrénées-Atlantiques) en avril 1902. Le Pays basque deviendra désormais le lieu principal de vie de la nouvelle famille, en dehors des casernements militaires.

Devenu lieutenant en avril 1903, Auguste Forgeot est promu capitaine en septembre 1911, il est placé en congé spécial pour trois ans sans solde à compter de décembre la même année, semble-t-il pour raisons de santé. Il s’installe à Anglet (Basses-Pyrénées, act. Pyrénées-Atlantiques), dans la villa Mirambeau. Sa propriété est une exploitation agricole. Il obtient en 1912 un prix pour les taureaux qu’il élève.

Rappelé dès le début de la première guerre mondiale, Auguste Forgeot dirige une batterie au sein du 14e RA. Il sera cinq fois cité, à l’ordre de la division, de l’armée et du corps d’armée. En juillet 1915, on vante sa « grande habileté technique ». En juillet 1916, c’est son « dévouement inlassable » joint à une bravoure et une conscience remarquable qui sont récompensés. Pour le 14 juillet 1917, il est signalé comme s’étant « particulièrement distingué devant Verdun », « avec autorité et compétence ». On loue en juin 1918 « son calme et son énergie ». Enfin, en octobre 1918, son « exemple extrême » est cité comme ayant « soutenu le moral de sa troupe exténuée de fatigue. »

Un fait original est remarqué des autorités militaires : alors que son activité ne l’y conduisait pas, Forgeot fait en juin 1916 un séjour dans des tranchées au milieu des soldats, faisant lui-même le coup de feu au cours d’une attaque ennemie. Cette démarche lui aurait permis de rapporter « des renseignements de première importance », dont la nature n’est cependant pas précisée.

Vers la fin de la guerre, Auguste Forgeot, qui avait rejoint le 202e RA l’année passée, est nommé chef d’escadron (commandant) en juillet 1918 d’abord à titre provisoire, puis confirmé à titre définitif en septembre. Il est démobilisé en décembre 1918. Il était alors au 258e RA.

Reprenant une activité civile à Anglet, Forgeot exerce au sein d’une société industrielle, la maison Léglise, implantée au Pays Basque et exploitant le bois des Landes pour réaliser notamment des traverses destinées aux chemins de fer. Elle est en particulier spécialiste du créosotage, l’imprégnation chimique du bois pour en assurer la conservation. Albert Lasserre, beau-père de Forgeot, est le Pdg de cette société.

Poursuivant en parallèle son exploitation agricole, il fait figure de pionnier dans la culture du lin en 1920.

Apparaissant comme une personnalité locale, Auguste Forgeot va assurer un nombre important de responsabilités associatives. Il adhère en 1917 à la Société des sciences, lettres, arts et d'études régionales de Bayonne et en fait toujours partie en 1926. Il est le président de la section locale de l’Union des combattants d'Anglet en 1923 et exerce encore ce mandat en 1927. Il est également à la tête du Syndicat agricole d’Anglet en 1925 et conserve la fonction en 1927 ; il finançait des prix pour l’élevage depuis 1923, une dotation qui continuera après sa disparition ; il adhère aussi à la Société des agriculteurs de France. Forgeot fait partie des fondateurs et administrateurs de la Caisse d’épargne et de prévoyance de la ville et de l’arrondissement de Bayonne en 1924.

Enfin, en mai 1924, il participe à la relance de la Société d'Encouragement de Bayonne-Biarritz pour l'amélioration de la race chevaline, qui se donne pour objectif « d’organiser chaque année un des plus beaux meetings de France » dans son hippodrome de la côte basque. Elle est présidée par Maurice Labrouche, ancien maire de Tamos (Landes) et Forgeot en est le secrétaire.

En tant que personnalité influente, Auguste Forgeot est sollicité par le sénateur-maire d'Anglet, également conseiller général des Basses-Pyrénées, Albert Le Bariller. Il figure en mai 1925 sur sa liste, qui est étiquetée Union Républicaine (centre-droite). Anglet, comme les autres communes de la côte basque, est dirigée par des élus de cette tendance, sauf Bayonne, plus à gauche. Forgeot arrive en 4e position des candidats élus dès le 1er tour, avec un score meilleur que celui de Le Bariller. Leur liste emporte tous les sièges. Si Forgeot ne fait pas partie des trois adjoints au maire élus en 1927, il sera présenté en 1927 comme ayant cette fonction par plusieurs personnes lui rendant hommage, mais pas par la presse.

Avant d’être définitivement relevé de ses obligations militaires, il est nommé, dans la réserve, au titre de lieutenant-colonel en décembre 1926.

Auguste Forgeot meurt le 14 septembre 1927 à Anglet, selon l’état-civil. Cependant, le quotidien Paris-soir précise que son décès est intervenu « au cours d'un voyage d'affaires à Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées) » ; pour L'Indépendant des Basses-Pyrénées c’est à Saint-Christau, village adjacent à Oloron et dépendant de la commune de Lurbe-Saint-Christau, qu’il est mort. Il était âgé de 72 ans et est inhumé dans le caveau familial du cimetière de Marracq à Bayonne.

Dans leurs nécrologies, L'Indépendant des Basses-Pyrénées le qualifie d’« Officier d’artillerie des plus distingués » ; La Gazette de Bayonne estime qu’il était « dévoué à foules les œuvres patriotes et de bienfaisance. »

Décoré de la Croix de guerre, Auguste Forgeot était chevalier de la Légion d’honneur depuis juillet 1917 et avait été élevé au grade d’officier en juillet 1926. Une rue d’Anglet porte le nom d’impasse Colonel-Forgeot.

Le couple Forgeot a donné naissance à six enfants. L’aîné, André (1904-1940), agent général d'assurances à Lille (Nord), était lieutenant de cavalerie pendant la deuxième guerre mondiale ; il fut tué à l'ennemi en juin 1940 lors de combats dans les Vosges et fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Un autre fils, Bertrand, se distingua lors de combats en juillet 1944, au cours de la campagne d'Italie et fut décoré de la Croix de guerre. Une de ses filles, Marie Thérèse, fut religieuse salésienne et missionnaire en Inde.

Parmi leurs petits-enfants, Dom Antoine Forgeot (1933-2020) est un moine et prêtre catholique. Il a été le troisième Père abbé de Notre-Dame de Fontgombault, dans l'Indre, abbaye bénédictine de la congrégation de Solesmes.

Auguste Forgeot, arch. fam.

 

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6 août 2023 7 06 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Au tournant du 20e siècle, installée à Joinville-le-Pont, Astié de Valsayre poursuit de manière régulière son activité politique, sociale et féministe. On la voit ainsi participer de manière rituelle à tous les anniversaires de la libre-pensée ou sur socialisme révolutionnaire, où elle prononce des discours de circonstance mentionnés dans la presse : le 9 janvier pour l’anniversaire de la mort du révolutionnaire Auguste Blanqui, 18 mars, pour le début de la Commune de Paris, le 1er mai, en souvenir des massacres des ouvriers de Chicago et de ceux de Fourmies, le 28 mai, pour la fin de la Commune, le 3 août pour l’anniversaire de la naissance et de la mort d’Étienne Dolet, brûlé vif après avoir été condamné par l’Inquisition…

La vie privée d’Astié de Valsayre, qualifiée par un journaliste comme « Une des plus jolies femmes de Paris », intéresse la presse. On annonce en 1893 son divorce d’avec Albin Rousselet, son compagnon depuis une dizaine d’années ; on annonce aussi son mariage avec Louis Champy. Elle dément les deux. Elle annonce une candidature à l’Académie française, à laquelle elle ne donne guère de suite. Mais elle va effectivement se consacrer, de plus en plus à des travaux littéraires.

Des nouvelles signées d’Astié de Valsayre paraissent dans Le Cri du Peuple, L’Express et dans L’Humanité. Le secret d'Hermine sort sous le pseudonyme de Fernand Marceau ; l’anarchiste Han Ryner n’aime pas ce « petit feuilleton très sombre, très patriotique, très révolutionnaire et très empoignant » où un « ange féminin et français » fait face à un « salaud de prince allemand. »

Dans les œuvres on compte aussi un conte grivois, L'Amour à la hussarde, réédité en 2022.

En compagnie de Camille Hayot, qui est sans doute un acteur ayant vécu à Lausanne, Astié de Valsayre s’essaie à l’art dramatique, en proposant deux pièces au Théâtre-Populaire de Belleville en 1904 et 1905. Mais ni La Grande Coupable, ni La Chasse aux millions ne semblent avoir été jouées.

La dernière intervention publique connue d’Astié de Valsayre fut, en avril 1914, le discours qu’elle fit, en compagnie de Séverine avec celle que la presse qualifiait de doyenne des féministes, Hubertine Auclert.

Claire Tastayre, alias Marie Rose Astié de Valsayre, meurt le 8 juin 1915 à Paris (13e arr.), à l’hôpital de la Salpêtrière. Elle était âgée de 68 ans et toujours domiciliée à Joinville-le-Pont. Le contexte de la guerre fait qu’il n’y a pas eu de notices nécrologiques dans les journaux de l’époque. Par contre, plusieurs publications ultérieures rendront compte de son activité et de sa personnalité ; elles feront l’objet d’un article prochain.

Fin

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Après avoir dissout en décembre 1889 la Ligue des femmes socialistes, Astié de Valsayre constitue, en juillet 1890, la Ligue de l’affranchissement des femmes. Elle a la participation de citoyenne Léonie Rouzade et le soutien de dirigeants socialistes, comme Jean Allemane, qui vient de fonder le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire après avoir quitté la FTSF, ou Henry Louis Champy, un ancien communard et conseiller prud’homme. Une des premières actions de la nouvelle ligue est d’ailleurs de solliciter l’inscription des ouvrières comme électrices aux prochaines élections générales prud'homales. Le ministre du commerce répond en août qu’il ne le peut pas, renvoyant la demande à la commission parlementaire compétente ; le quotidien y voit Le Soleil « un bel enterrement de première classe ! » En novembre, le syndicat des blanchisseuses tentera, sans succès, de présenter des candidates à son instigation.

Astié de Valsayre participe à la création de la Revue européenne, dans les bureaux de laquelle elle installe le siège de sa ligue. Le féminisme connaît toujours des polémiques internes ; la Ligue de l’affranchissement des femmes adresse ainsi « un blâme sévère » à Séverine, la journaliste libertaire Caroline Rémy, coupable, à leurs yeux, d’avoir demandé à son compagnon, Georges de Labruyère, de sa battre pour elle en duel face à un homme partisan du boulangisme. La Ligue considère « que toute, femme, qui ne veut pas avoir la responsabilité de ses actes, en obligeant un homme à se battre pour elle, commet un crime en toute circonstance. »

Lors des grèves des ouvriers des dentelles de Calais, en octobre 1890, Astié de Valsayre, encourage « l'union défensive des sexes ». Elle poursuit son combat anticlérical, participant au congrès de la Libre-Pensée et déclarant que « le prêtre est l'ennemi mortel de l'amélioration du sort de la femme ». En décembre, sa ligue assimile le budget des cultes à un « vol légal. »

En décembre, commentant une affaire d’avortement jugée à Toulon (Var), la Ligue de l’affranchissement des femmes s’insurge contre « la coutume de blâmer les femmes, qui disposent de ce qui leur appartient le mieux : leur corps ». L’année suivante, après un nouveau drame à Paris, elle est plus explicite : « l’état social donne ainsi à la femme le droit d’avortement. »

En janvier 1891, Astié de Valsayre est secrétaire du Syndicat des couturières qui organise son congrès de fondation le mois suivant avec une cinquantaine d’ouvrières. Elle dénonce aussi la concurrence des « congrégations religieuses exploitant sur une grande échelle l'industrie du blanchissage » et responsables ainsi de « la misère féminine ».

En mars, elle tente également, sans y parvenir cette fois, de constituer un Syndicat des filles de brasserie, les « verseuses. »

La Ligue de l'affranchissement des femmes quitte parfois le terrain social, comme en mars 1891 où elle demande « la suppression en France des courses de taureaux, ces inutiles scènes de boucherie. »

Astié de Valsayre participe à la naissance de l'Union universelle des femmes, annoncée à Paris en avril 1891. Clémence Royer y proclame : « Surtout ne demandons rien, mais prenons tout. Un jour viendra où le monde sera entre nos mains. »

Manifestant le 1er mai à Paris Astié de Valsayre s’est plaint d’avoir reçu, place de la Concorde des coups de pèlerine. Mais elle n’en veut pas aux sergents de ville, qu’elle traite de « vils esclaves » selon le quotidien La République française.

Polémiquant avec d’autres militants, elle regrette que l’on ait refusé qu’elles puissent signer la pétition en faveur d’un chemin de fer métropolitain.

Faisant une conférence en juin 1891 sur La question féminine à Paris, Astié de Valsayre elle a de nouveau plaidé pour faire la femme l’égale de l’homme, relevant que la liberté du costume puisqu'elle a pour but de donner ainsi aux femmes accès à beaucoup de professions, que leur ferment justement leurs vêtements.

Cette même année, en septembre, Astié de Valsayre signale qu’elle réside désormais à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) ; sa villa sera dévalisée en décembre 1898, lors de vacances qu’elle passait dans le sud de la France.

Elle est en 1891 la compagne du docteur Albin Rousselet, rédacteur en chef de la revue de l’Assistance publique. Sa vie familiale n’est pas sans heurts ; le deuxième fils qu’elle a eu de son défunt mari, Gaston, né en 1872, a quitté le domicile familial dès ses 13 ans. Il a de nombreux ennuis avec la police, arrêté une première fois pour vagabondage puis, en novembre 1891 pour vol. La presse parisienne ne manque pas de relater l’inconduite du fils. Elle-même le traite de « vaurien ». À ses intervieweurs, Astié de Valsayre assurera qu’elle avait un enfant « presque tous les ans » ; cependant, seuls deux garçons survécurent, tandis qu’une fille ne vécut que quelques mois.

L’installation sur les bords de Marne permet à Astié de Valsayre de pratiquer plus régulièrement le cyclisme.

En décembre 1892, la Ligue de l'affranchissement des femmes décide de présenter une quinzaine de candidates pour les élections municipales à Paris. Elles essaient, sans y réussir, d’enrôler l’actrice Sarah Bernhardt. Astié de Valsayre ne fait pas partie de la liste « faute de pouvoir tout faire ». Mais elle prépare avec elles le programme : protection de l'enfant, de la femme et des faibles, lutte contre la spéculation, dénonciation des guerres coloniales, comme au Tonkin, demande d’exclusion des curés des activités sociales. Face à plusieurs défections, Astié de Valsayre rejoint la demi-douzaine de candidates. Elle adresse dans le même temps une pétition à la Chambre des députés, demandant l’inscription de certaines femmes sur les listes électorales ; une commission rejette sa demande.

Une réunion électorale, organisée en avril 1893 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève à Paris (5e arr.), est totalement perturbée par les lazzis des étudiants qui y sont venus pour s'amuser. Comme en 1889, les bulletins de vote à son nom dans le 7e arrondissement ne sont pas décomptés.

Les élections sénatoriales de janvier 1894 voient de nouveau Astié de Valsayre se présenter, sous l’étiquette de « candidate à perpète ». Elle prend un programme original « 1° N'aller au Sénat que pour dormir ; 2° N'y ouvrir la bouche que pour bailler ; 3° Porter une perruque blanche, pour avoir l'air suffisamment abrutie. »

En novembre 1895, après avoir démenti des rumeurs répandues dans la presse sur sa retraite politique, Astié de Valsayre fait partie du comité d’accueil de Louise Michel qui débarque gare Saint-Lazare à Paris, revenant de son exil à Londres. Elle l’accompagne à son meeting de la salle Tivoli-Vauxhall. Au retour de la longue tournée en province de l’ancienne communarde et déportée, Astié de Valsayre intervient à ses côtés dans la conférence qu’elle tient en juin 1897 sur L’imminence et la nécessité de la révolution sociale.

Exclue d’un Congrès féministe, tenu à Paris en avril 1896, Astié de Valsayre, proteste par une lettre contre « ces affreuses bourgeoises, qui ne connaissent pas le premier mot de la question ouvrière, qui semblent ignorer que la galanterie n'est concédée aux femmes qu'en échange de leurs droits et qui, véritables accapareurs, prétendent garder les deux ».

L’activité d’Astié de Valsayre ne se limite pas au domaine politique. Elle devient secrétaire d’un patronage de jeunes filles du 6e arrondissement de Paris en septembre 1890. Il les accueille gratuitement les dimanches et fêtes pour leur offrir des activités sportives et récréatives.

Au cours des années 1890, Astié de Valsayre rédige, en le signant Mère Marthe, un petit ouvrage, L’Aisance par l'économie (1892), d’une tonalité très classique à l’image des livres sur la vie domestique, expliquant que la femme doit se lever tôt, travailler beaucoup et savoir se taire. Le relatif succès du livre fait qu’il est réédité en 1902 et signé alors Grand-Mère Marthe. Ce texte est très éloigné des thèses défendues par ailleurs par Astié de Valsayre.

Renouant avec la littérature patriotique, en 1896, Le Secret d'Hermine est publié sous le nom de Fernand Marceau. Reprenant le pseudonyme de Jehan des Etrivières, elle donne peu après un texte érotique, L'Amour à la hussarde.

Dans son Histoire de la littérature française, parue en 1909, le critique Léo Claretie range Astié de Valsayre parmi les écrivains socialistes, au côté de Jules Guesde et Paul Lafargue notamment. Mais le journaliste anarchiste Han Ryner considère qu’elle a une écriture de « cantinière. »

L’activité principale d’Astié de Valsayre est toujours le journalisme. Elle fonde et dirige, de 1897 à 1901, La Femme de l'avenir, où elle publie en particulier des articles sur l'instruction des jeunes filles ou sur l'hygiène.

Sensible au thème du racisme, qu’elle fustige à plusieurs reprises, Astié de Valsayre écrit en décembre 1898 à un journal antisémite : « J’apprends que L'Antijuif organise une équipe de photographes pour prendre les instantanés des Françaises achetant chez les Juifs, et que ces photographies seront exposées dans la salle des dépêches. Je serais particulièrement flattée de figurer dans celte galerie de « mises à l’index ». Craignant donc d'être absente quand se braqueront les appareils, je m’empresse de vous faire savoir que ma photographie est à votre disposition. Un mot m’apprenant que vous me faites l’honneur de m’admettre, et mon photographe vous l’enverra immédiatement. Astié de Valsayre, secrétaire général de l’affranchissement ». Le directeur de l’hebdomadaire, qui publie sa lettre, Jules Guérin, estime qu’elle est « une des plus jolies femmes de Paris », oratrice distinguée, élégante et spirituelle. Mais il lui reproche d’avoir « demandé qu’on coupât les curés en morceaux », même s’il y voit une fantaisie d’artiste.

À suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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2 août 2023 3 02 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Devenue une oratrice en vue, Astié de Valsayre participe de manière régulière aux actions politiques. Elle est ainsi l’oratrice principale, assistée d’Eugénie Potonié-Pierre, d’une réunion publique organisée dans la grande salle de la Bourse du travail le 15 novembre 1888 « pour la réorganisation du syndicat des dames ». Elle est cependant mécontente de l’organisation de cette réunion par le Parti socialiste possibiliste FTSF, considérant que le montant fixé pour l’adhésion au syndicat écarte de nombreuses femmes du peuple. Elle démissionne alors de la commission de réorganisation.

Mais elle va s’intéresser aux luttes menées par des travailleuses, en tenant, en janvier 1889, sous l’égide du mensuel L’Union Internationale des Femmes, un meeting au bénéfice d’ouvrières teinturières en grève, conjointement avec Louise Michel, icône de la Commune de Paris, revenue au début de la décennie du bagne de Nouvelle-Calédonie. Elle critique, dans un article dudit journal, l’inégalité salariale fondée sur le concept selon lesquels les femmes seraient des êtres inférieurs : « l’ouvrière travaille le double de l’ouvrier pour gagner moins que lui. »

Toujours avec Louise Michel, Astié de Valsayre tient au cours de l’année 1889 plusieurs réunions à Paris et en banlieue sur les questions sociales. Elle soutient l’idée que « la femme doit être socialiste parce qu'elle est l'opprimée ». Elle n’oublie pas ses combats pour le droit des femmes à s’habiller comme elles le veulent. Ainsi, elle écrit au préfet du département de la Seine en février de cette année-là : «Ayant été faire une conférence à Fontenay-sous-Bois, le 10 de ce mois, par le temps de grande neige que vous avez vu et, grâce aux jupons qui s’imprègnent jusqu’à la ceinture, en étant naturellement revenu avec un refroidissement ; Considérant que le costume féminin n’est possible que pour les femmes qui n’ont rien à faire, je vous préviens que dorénavant je m’habillerai en homme, chaque fois que mes occupations le nécessiteront. »

Parmi les thèmes favoris d’Astié de Valsayre figure celui de l’éducation. La différence entre le baccalauréat féminin et celui des garçons fait que les filles n’ont pas le droit de s’inscrire aux études de médecine. Elles doivent d’abord faire deux années complémentaires d’études pour maîtriser les langues anciennes et matières scientifiques qui étaient écartées du cursus des lycées qui leur étaient réservés. Une des conséquences est qu’elles n’ont pas accès à l’internat des hôpitaux, dont l’âge limite est fixé à 27 ans, et Astié de Valsayre demande au ministre de l’éducation de changer en premier lieu cette limitation pour les filles, avant d’égaliser les programmes en vigueur dans les études secondaires. Mais au fond, ce que Astié de Valsayre revendique, c’est « Une éducation virile, scientifique et anticléricale des citoyennes. »

Rédactrice du journal l'Égalité, prend part au Congrès français et international du droit des femmes tenu à Paris en 1889 en tant que déléguée du Cercle des femmes indépendantes de France. Elle y fait une communication sur les « Recherches sur la dissolution des mœurs et sur les moyens d'y remédier » ; sa conclusion est claire, il faut « la parfaite égalité des deux sexes et la concession à la femme de tous les droits donnés à l’homme sans exception. »

En août 1889, Astié de Valsayre prend l’initiative de fonder la Ligue des femmes socialistes, dont elle devient la déléguée. En septembre, elle participe en tant que telle au congrès de la Libre pensée. Le premier objectif de la Ligue est de présenter Des candidatures féminines aux prochaines élections législatives.

Léonie Rouzade, qui avait déjà candidaté à Paris aux municipales de 1881 et aux législatives de 1885, fait partie des quatre candidates promues par la Ligue mais elle ne donnera pas suite. Elles seront trois à tenter de s’aligner : Eugénie Potonié-Pierre, Émilie Saint-Hilaire et Astié de Valsayre. Cette dernière se présente dans la circonscription de Clignancourt à Paris (18e arr.) revendiquant l’étiquette de socialiste. Dans son programme, elle fait figurer l’abolition de la réglementation de la prostitution et la suppression du mariage.

Une réunion, convoquée par la Ligue des femmes socialistes le 19 septembre à Montmartre se fait devant une salle comble d’environ 300 femmes selon la presse, un millier pour les organisatrices. Mais l’ambiance est hostile ; ainsi, la majorité applaudit quand, selon le quotidien Le Matin, une assistante déclare que les femmes ne doivent pas s'occuper de politique.

Dans son carnet d’une candidate, pour L'Égalité, Astié de Valsayre convient qu’elle n’a pas pu « dominer le tumulte » mais se félicite qu’un ordre du jour ait été voté la félicitant, avec les autres intervenantes « de l’énergie qu'elles déploient chaque jour pour obtenir l’émancipation de la femme. »

Le préfet met de nombreux obstacles au dépôt des candidatures, même s’il ne peut les empêcher de faire campagne. Les voix qu’elle recueille ne sont pas comptées. Le général Boulanger (populiste, alors réfugié en Angleterre) obtient la majorité absolue et est déclaré élu, mais il est bientôt jugé comme inéligible et Jules Joffrin (socialiste)  proclamé à sa place.

En octobre, lançant un appel Aux femmes dans L'Égalité, Astié de Valsayre proclame « Mes sœurs, il n’y a plus d’hommes ! Le mâle se meurt, le mâle est mort et celui qui se pare de ce nom n'est plus digne de le porter ! » et elle conclut : « Il y a quelques années j’avais déjà songé à organiser un bataillon de franches-tireuses pour ces cas douloureux où il faut bien répondre à la violence par la violence !... Puisqu’il n’y a plus d’hommes, c'est actuellement le vrai moment. »

La Ligue des femmes socialiste restera une organisation politique, soutenant les grévistes, dénonçant les conditions de travail dans les couvents, promouvant les droits politiques des femmes. Cependant, suite à un conflit avec le directeur du quotidien L'Égalité, qui l’hébergeait, Astié de Valsayre démissionne en novembre 1889. Elle reproche à Roques de vouloir interdire l’adhésion d’hommes à son organisation.

À suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

S’intéressant toujours à la médecine, Astié de Valsayre qui avait été mordue en juillet 1878 par un chien enragé à son domicile de la rue Saint-Jacques, avait elle-même cautérisé ses plaies au fer rouge, selon son témoignage, avec l’aide de son mari d’après ce dernier. Le docteur Astié meurt en juin 1881. Il lui lègue un certain capital.

Suivant, dans la presse, les travaux de Louis Pasteur, elle lui propose, en novembre 1884, soit plus de six mois avant qu’il n’en fasse les premiers essais, de lui inoculer son vaccin antirabique. Le chimiste lui répond : « Il serait très dangereux, madame, de tenter l'épreuve ». Elle insiste, sans succès, en mettant les journaux au courant de ses démarches.

En avril 1886, ayant entendu que le docteur Gruselbach, de l'Université d'Uppsala (Suède) aurait mis au point un dispositif de conservation d’être humain en les plongeant dans le froid pendant plusieurs années (cryonie) elle lui écrit pour se porter candidate. Elle n’aura pas de réponse.

Marie Rose Astié de Valsayre publie dans la seconde partie des années 1880, des textes littéraires généralement courts, comme Le retour de l'exilé, poème patriotique, qu’elle signe Jean Misère, en 1887 ou une épître, la Deuxième aux Pharisiens, la même année où elle s’adresse au grand quotidien, Le Petit Journal, en lui demandant de cesser de publier des annonces mercantiles pour les « somnambules et tireuses de cartes. »

L’intérêt d’Astié de Valsayre pour le sport, joint à sa préoccupation de l’émancipation féminine et à son patriotisme, vont provoquer sa notoriété d’une manière spectaculaire.

En octobre 1884, un journaliste du quotidien le Cri du Peuple, ayant traité Astié de Valsayre de « Veuve vautour », elle lui demanda une réparation par les armes. Mais le publiciste, nommé Polignac refusa de se battre avec une femme ; en compagnie de deux personnes, dont son compagnon Albin Rousselet, elle le roua de coups dans un café.

En décembre 1885, reconnaissant que ce qu’elle avait écrit dans les Amazones du siècle pouvait être considéré comme une offense à certaines des personnes visées, Astié de Valsayre se mit à leur disposition si elles voulaient se battre et le signifia notamment à Eugénie Pierre. Cette dernière refusa : « Je suis absolument contre le duel, et le sexe des combattants ne changerait pas mon opinion. Le duel, ce reste de barbarie, n’a jamais rien prouvé. Si Mme de Valsayre a pu m'offenser, elle m'a loyalement demandé de lui tendre la main en signe de pardon, ce que j'ai fait. »

C’est au tour d’une Américaine, miss Shelby, de se frotter, en mars 1886, à la vindicte belliqueuse d’Astié de Valsayre. Lors d’une conversation, la féministe américaine affirme la supériorité dés doctoresses françaises sur les doctoresses américaines. Comme Astié de Valsayre conteste l’affirmation, elle la traite d’idiote ; la française lui jette alors son gant au visage. Elles conviennent de régler leur différend à l’épée, sur le champ de bataille de Waterloo (Belgique). N’ayant pas trouvé de français acceptant ce rôle, les quatre témoins seront tous américains. Au second engagement, l’Américaine a été légèrement touchée au bras ; puis elle présente ses excuses à Astié de Valsayre, qui salue alors la noblesse de son comportement.

Un mois plus tard, elle s’en prend à la maréchale Booth, anglaise et responsable en France de l'Armée du Salut. Elle lui reproche les « doctrines pernicieuses » de son organisation et lui intime de quitter la France ou d’accepter son défi. La missionnaire protestante refuse de se battre, et se dérobe également au débat public que la militante laïque française veut lui imposer.

Quelques semaines après, Astié de Valsayre tint seule, et devant un petit public, une conférence sur L’escrime et la femme mettait en avant son opinion que la pratique de l’escrime contribuait à leur réhabilitation physique tout en renforçant leur rôle central de leur mission en tant que mères.

Une pétition contre « l’abus des droits paternels » est adressée à chambre des députés en janvier 1887 par Maria Martin, militante féministe qui la signe au nom du « suffrage des femmes », et Astié de Valsayre, qui s’exprime « pour les mères de France. »

C’est toujours sous la forme pétitionnaire auprès des élus du peuple que Astié de Valsayre soulève, en juillet 1887 une autre question qui va soulever une considérable masse d’articles dans la presse. Elle y demande, pour les femmes, « la liberté du costume ». L’assemblée charge une commission d’étudier les arguments. Elle explique : « Dans toutes les bagarres de terre ou d'eau, la femme, en raison de son costume, est une victime prédestinée à la mort, et les accidents de tramways survenant pour le même motif sont quotidiens. À la seule pensée des malheureuses ainsi empêchées de fuir lors de l'incendie de l'Opéra-Comique, il semble logique et humain d'éliminer la loi routinière qui interdit aux femmes de porter le costume masculin, tout aussi décent, quoi qu'on en puisse dire, surtout Incontestablement plus hygiénique. Au nom de celles qui ne sont pas esclaves du luxe, je viens vous prier, messieurs, de bien vouloir décréter la liberté du costume, liberté qui, après tout, ne peut nuire à personne. »

Un an plus tard, la 17e commission de la Chambre des députés considère « qu'il n'y a pas matière à œuvre législative » du fait que « Aucune loi n'impose aux femmes les vêtements compliqués dont elle se recouvrent et le port de l'habit masculin n'est interdit aux femmes que par mesure de police. »

Poursuivant son engagement, Astié de Valsayre rejoint une des premières organisations socialistes, l'union fédérative du centre, adhérente à la Fédération des Travailleurs socialistes de France (FTSF). Elle participe au congrès d’août 1887 en tant que déléguée du groupe le Droit des femmes, qui se présente comme une société du suffrage des femmes. Elle intervient pour défendre l’existence de l'Assistance publique, en se félicitant de sa laïcisation. La FTSF, de tendance possibiliste, est dirigée par Paul Brousse. Astié de Valsayre interviendra désormais régulièrement dans ses débats.

A suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Pendant la guerre franco-prussienne de 1870, Marie Rose Astié de Valsayre, qui était mère d’un garçon de deux ans et venait de perdre une fille de quatre mois, était sans doute encore professeure de musique. Elle décide de s’engager auprès des troupes françaises combattant l’avancée des allemands en tant qu’ambulancière. Lors des combats sur le plateau d'Avron (Seine, act. Seine-Saint-Denis), qui durèrent d’octobre à décembre 1870, elle est a eu le lobe de l'oreille entamé par une balle. Elle en gardera une surdité partielle.

Il est probable qu’elle ne s’est pas impliquée dans la Commune de Paris, le régime socialiste qui prit le contrôle de la ville en refusant la capitulation devant les troupes germaniques. Mais elle est liée à Henry Louis Champy, ouvrier coutelier, élu au Conseil de la Commune, déporté en Nouvelle-Calédonie après la défaite de l’insurrection en mai 1871. À son retour, il adhère au Parti ouvrier socialiste révolutionnaire. Plusieurs dizaines de journaux les prétendirent mariés en 1891, ce qu’elle démentit.

En avril 1872, Astié de Valsayre donne naissance à son deuxième garçon.

Si les compositions musicales de celle qui se faisait alors appeler Marie de Valsayre lui avaient déjà apporté une certaine notoriété, ce sont ces études qui la mirent en avant dans la presse parisienne. En novembre 1874, venant de recevoir un certificat de grammaire, elle se présente devant une Commission d’inspecteurs de l'Académie, parmi 36 candidats, pour suivre un cursus médical. Son examen a porté sur l’appréciation critique du Misanthrope, pièce de Molière. Le Soleil indique qu’il y eut dix reçus et qu’elle fut « en première ligne ». C’était quelques années plus tôt, en 1868, que le droit de s’inscrire pour des études médicales avait été ouvert aux femmes, mais aucune n’avait encore été diplômée comme médecin. Astié de Valsayre publia une brochure en 1874, Certificat de grammaire, à l’usage des officiers de santé et pharmaciens, qui était une sorte de guide pour préparer l’examen.

Pendant une dissection dans un cours d'anatomie, elle se piqua et fut amputée d'une phalange de la main gauche. Une autre agression vint, en juillet 1878, d’un chien enragé qui la mordit aux deux mains. Elle cautérisa elle-même les plaies au fer rouge, avec l’aide de son mari, le docteur Astié. Ce sont cependant les suites de sa blessure de guerre qui la conduire à abandonner, en 1879, la voie qui aurait pu l’amener au titre de docteur. Camille Delaville, dans Le Constitutionnel (1887/02/14) explique : « Mme Astié est fort savante, mais sourde, elle n'entend que la moitié des questions des examinateurs et aime mieux être refusée que d'avouer cette innocente infirmité. »

Cependant, ayant réussi les trois années de scolarité requises, elle eut le titre d’officier de santé, équivalent à celui d’infirmier actuellement.

Elle se tourne vers la presse, devenant secrétaire d’Émile de Girardin, patron du quotidien La Presse. Elle écrit également des articles scientifiques dans Civilisation, par exemple en 1880 sur le Père Galien d'Avignon, sous le titre La Science et le clergé, ou sur l’astronome allemand Pierre Ungeschick. L’hebdomadaire La Femme de France publie un texte d’elle sur La Femme et la science, en septembre 1879. Elle soutient que « être mère de par la nature, c’est-à-dire involontairement, n’est rien ; tandis qu’être mère de par l’instruction est une œuvre grandiose » et elle appelle : « mes sœurs ; continuez à secouer le joug avilissant de l’homme ! » Un de ses lecteurs s’étonne « Mme Astié de Valsayre ne serait-elle pas un homme caché sous un pseudonyme féminin ? Je dois vous l’avouer, j’ai fait une enquête dans votre quartier ; j’ai appris que vous existiez réellement, ce qui m’a stupéfié. »

Les publications scientifiques se poursuivent, sur la Cuisine physiologique en juin 1880 puis une tentative en anthropologie au sujet du Croisement des races en octobre la même année.

Astié de Valsayre est associé aux travaux du groupe de l'enseignement secondaire des jeunes filles, qui fait suite à l’adoption en décembre 1880 de la proposition de loi du député Camille Sée. Le texte législatif institue les collèges et lycées publics de jeunes filles, mais « les dispense de certaines études pour faire place aux travaux et aux occupations de leur sexe ». Les langues mortes sont exclues, la morale tient lieu de philosophie et l'enseignement scientifique reste élémentaire. Au contraire, Astié de Valsayre dépose en mars 1883 un Mémoire sur l'enseignement secondaire des jeunes filles et la question du latin, plaidant pour leur accès à un baccalauréat identique à celui des garçons. Elle envoie en mai 1883 aux députés un Mémoire sur l'utilité de l'enseignement de grammaire dans l'instruction de la femme. Elle explique que, malgré son titre universitaire, on ne lui permet pas d’enseigner aux jeunes filles. Elle soutient également que, si ces dernières pouvaient apprendre le latin, on cesserait de les discriminer en matière salariale dans les institutions éducatives.

Sous un pseudonyme masculin, Jehan des Étrivières, Astié de Valsayre publie en 1882 un pamphlet, Les Amazones du siècle, sous-titré les Gueulardes de Gambetta. Elle y attaque Louise Michel, Léonie Rouzade ou Eugénie Potonié-Pierre, toutes féministes dont elle sera ensuite proche. En décembre 1885, après de vifs échanges, elle reconnaîtra dans L’Événement qu’elle les avait « sottement attaquées. »

À suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 01:01

Michel Rouget naît le 6 décembre 1874 à Saint-Amant-Tallende (Puy-de-Dôme). Il est le fils Nathalie Marguerite Boivin et de son marié Louis Rouget, notaire. Son grand-père paternel et homonyme, est alors maire de la commune du Vernet-Sainte-Marguerite, située dans le même canton.

Faisant des études de droit à la faculté de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), est partiellement dispensé de service militaire. Il n’effectue qu’une période de onze mois entre novembre 1895 et septembre 1896, dont il sort avec le grade de caporal. Il effectuera plusieurs périodes et sera nommé en octobre 1903 sous-lieutenant de réserve, puis en février 1908, lieutenant au 150e régiment d'infanterie, basé en Auvergne.

Séjournant régulièrement en Aquitaine, à Royan et Bordeaux, entre 1897 et 1900, il s’installe à Paris où il vit rue de Poissy (5e arr.). Ayant obtenu son doctorat en droit, il devient avocat. Il s’installera dans le 18e arrondissement, rue Clignancourt puis boulevard Barbès.

Il est recruté, en février 1903, par la préfecture de police et nommé secrétaire de commissariat (adjoint au commissaire). Il est affecté à Charenton-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne).  

Début mai 1906, il doit intervenir dans le Bois de Vincennes, dont une partie est sur le territoire de Charenton à cette date, suite à une explosion qui s’est produite dans la zone des Quinconces. C’est un anarchiste d’origine russe, désigné comme Stryga, qui a fait accidentellement fonctionner une bombe ; très grièvement blessé, il meurt, en tentant semble-t-il d’actionner le deuxième engin qu’il avait dans une autre poche. Un complice, Alexandre Sokoloff, blessé, est arrêté tandis qu’un troisième compagnon s’enfuit. Rouget témoigne en juillet au procès de Sokoloff.

Promu secrétaire des commissariats de la Ville de Paris, il est d’abord affecté à Belleville (19e arr.) puis en janvier 1908 à Bercy (12e arr.). Poursuivant une carrière rapide, il devient inspecteur principal des gardiens de la paix et est nommé commissaire de police des communes de la Seine en janvier 1912.

En mars 1912, Michel Rouget, qui se présente comme avocat, épouse à Paris (18e arr.) Octavie Tréhu de Monthiéry, originaire du département de la Manche, fille d’un ancien zouave pontifical, qui avait rejoints les troupes défendant les États du pape en 1861. Sa famille est de la noblesse bretonne, originaire de la région de Fougères.

Le premier poste de commissaire de police de Michel Rouget est à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il doit gérer, en mars 1913 une sanglante bagarre pendant laquelle deux gendarmes sont grièvement blessés. Des ouvriers d’un chantier électrique s’étaient mis en grève et avaient tenté de convaincre les salariés d’un établissement voisin de cesser le travail. Les incidents débutèrent du fait de leur refus.

Conduisant en juin une perquisition chez M. Buffet, membre des jeunesses syndicalistes, accusé de diffuser de la propagande antimilitariste, le commissaire Rouget est vivement pris à partie par un anarchiste espagnol, Stefano Seignol. Il demande qu'il soit expulsé de France.

En février 1914, prenant la suite de Léon Prodhon, Rouget est chargé de la grande circonscription de Joinville-le-Pont. Elle couvre des communes comme Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, Le Perreux et Champigny. Il arrête, en avril cette même année, pour vagabondage un « un vieillard de soixante-cinq ans, qui n'avait pas mangé depuis quarante-huit heures » selon Le Journal. Il déclare qu’il avait mené la campagne de 1870 (lors de la guerre contre l’Allemagne), été fait prisonnier et s’être évadé. « Depuis, je mène une existence lamentable, tantôt dans les hôpitaux, tantôt en prison. J'ai déjà été condamné quarante-trois fois pour vagabondage, cela fera une de plus ! »

Pendant la première guerre mondiale, à l’instar de ses confrères, le commissaire Rouget est mobilisé à son poste. Lors d’une importante crue de la Marne, rivière qui traverse toute sa circonscription, en février 1916, il assiste la municipalité de Champigny qui doit faire évacuer cent cinquante familles. À Joinville-le-Pont également, l'île Fanac, le quai du Barrage et la rue Vautier sont en partie recouverts.

Ayant obtenu un avancement comme commissaire de police de la Ville de Paris, Rouget est nommé au quartier de Javel (15e arr.) en août 1917. Après-guerre, il est muté au quartier des Ternes (17e arr.) en janvier 1919. Puis, suite à une réforme de la préfecture de police, il accède au grade de commissaire divisionnaire d’arrondissement en janvier 1921, retrouvant le 15e arrondissement.

Lors d’une grève aux usines d’aviation Caudron, en août 1922, alors que ses agents voulaient protéger l'usine, le commissaire Rouget est frappé de deux coups de poing par un jeune ouvrier.

Il dirige le service d’ordre, dans la commune de banlieue du Pré-Saint-Gervais en juin 1924, à l’occasion d’une manifestation communiste du parti communiste et de la CGTU contre l'assassinat du député italien Matteotti, victime des fascistes. Un maçon italien arracha un drapeau français, qui fut aussitôt, brûlé. Rouget fit intervenir ses troupes pour l’interpeller. Selon Le Petit Parisien, « Une mêlée s'ensuivit, au cours de laquelle les manifestants brisèrent les grilles en fonte protégeant les arbres de la Grande-Rue et les jetèrent contre les policiers qui ripostèrent vigoureusement. »

Devenu commissaire divisionnaire du 1er district, qui couvre le 7e arrondissement de Paris, où se situent de nombreuses institutions publiques, Michel Rouget organise un service d'ordre très important lors d’une manifestation interdite du mouvement royaliste Action française en mai 1936. Les militants d’extrême-droite protestent contre la dernière inculpation de leur dirigeant, Charles Maurras. Les Camelots du Roi, milice de l’organisation, ayant tenté de forcer un barrage, Rouget fait faire une trentaine d'arrestations. Mais, dans les incidents, il a été renversé et-piétiné.

En juillet 1936, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite et quitte son poste en décembre cette même année. À son départ, il est nommé directeur adjoint honoraire à la Préfecture de Police.

Michel Rouget meurt le 22 août 1948 à Clermont-Ferrand, où il s’était retiré. Il était âgé de 73 ans et ne semble pas avoir eu d’enfant.

Décoré en juillet 1910 d’une médaille d’argent pour actes de courage et de dévouement, suite aux inondations de la Seine du début de cette année, il avait obtenu une autre médaille d’argent, de la Prévoyance sociale, en avril 1934. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur par le préfet de police Jean Chiappe en juillet 1930. La décision mentionnait qu’il était un « fonctionnaire des plus consciencieux, occupant avec le plus grand dévouement le poste qui lui est confié. »

Blason de la famille Tréhu de Monthiéry, épouse de Michel Rouget

 

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19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 01:01

Suite de la biographie de Louis Gourdel

Le commissaire de police Louis Gourdel, jusqu’ici affecté aux communes du département de la Seine, suivant le parcours habituel de la préfecture de police, est promu commissaire de police de la Ville de Paris en avril 1913. Il est chargé du quartier d'Amérique (19e arr.). il fait arrêter, en août cette même année, trois personnes qui collaient des affiches antimilitaristes sur un immeuble de la rue Bolivar, où il va résider quelques années plus tard.

Pendant la première guerre mondiale, comme tous les chefs policiers, il reste à son poste. Il met en état d’arrestation, en mai 1916, un consommateur qui, dans un débit de vin, tenait des propos antimilitaristes « ce qui lui avait valu une correction méritée de la part des consommateurs indignés » selon Le Petit Parisien.

Après-guerre, la police du 19e arrondissement continue de s’intéresser à l’extrême-gauche. En janvier 1921, il perquisitionne chez un certain Constantin Lebedeff, originaire de Russie, et présenté comme membre d’une organisation de communistes étrangers. En août 1923, il vise les milieux anarchistes ; il fait arrêter Marcelle Weill qui militait pour la libération de Louis Émile Cottin, auteur d’un attentat contre Georges Clemenceau en février 1919.

Devenu en août 1923 commissaire quartier du Mail à Paris (2e arr.), fait cette fois face à des militants d’extrême-droite, après avoir interpellé six camelots du roi collant des affiches « La République, c'est la banqueroute. »

Son quartier accueillant de nombreux journaux, Louis Gourdel va devoir intervenir dans une querelle très culturelle.

Le 24 avril 1926, Louis Aragon, jeune écrivain qui vient de rejoindre le très récent mouvement surréaliste, donne une conférence à la Résidence des Étudiants de Madrid. Le directeur de l’hebdomadaire Les Nouvelles Littéraires, Maurice Martin du Gard, rend compte brièvement de son intervention. Il rapporte que « dès la gare il voulut faire scandale, selon son habitude » puis assure que « notre surréaliste se vantait d'avoir été plusieurs fois arrêté pour un délit qui naît d'une déviation sentimentale. »

Un biographe d’Aragon, Philippe Forest, assure que c’est ce qui provoqua la colère des surréalistes. Il demande à Martin du Gard, littérateur lui aussi et cousin du romancier Roger Martin du Gard, de publier un démenti. Après avoir accepté, celui-ci se rétracte et indique à Aragon qu’il veut bien publier un droit de réponse de sa part, mais qu’il ne voit pas de quoi il devrait s’excuser.

Louis Aragon proteste d’abord, accompagné de l’essayiste Emmanuel Berl, puis décide de se rendre au siège des Nouvelles Littéraires, avec plusieurs de ses amis : les poètes Benjamin et Péret Philippe Soupault, l’écrivain et théoricien du surréalisme André Breton, ainsi que.

L’Humanité assure que « Aragon rejoignant Martin administra au personnage une belle volée, tandis que ses amis s'occupaient de personnages subalternes. La bataille devint vite générale, au grand dommage du mobilier ». Le Temps s’étonne de cette « irruption violente dans une rédaction », rapportant que Louis Aragon frappa Maurice Martin du Gard « à coups de nerf de bœuf » puis que lui et ses amis brisèrent un appareil téléphonique et une glace puis lancèrent une lampe dans la rue par la fenêtre. Le Siècle s’inquiète de ce que « La critique est en train de devenir l'un des métiers les plus périlleux » et commente : « on ne saurait admettre sans tristesse que la pensée soit ainsi soumise à la matraque. »

Appelée par les membres du personnel, la police emmène Aragon et ses compagnons devant Louis Gourdel au commissariat de police du quartier du Mail. Sur la plaine de Martin du Gard, il l’inculpe de coups et blessures et port d’arme prohibée, et ses amis de complicité. Le journal, relatant l’agression, parle d’un « odieux et grotesque attentat ». Il ne semble pas qu’il y ait eu de suites judiciaires, même si l’affaire fut instruite.

Dans son ouvrage posthume Les Mémorables, Maurice Martin du Gard avance une explication dépassant l’article incriminé. Selon lui, Jean Cocteau était haï des surréalistes, tandis que Les Nouvelles littéraires lui donnaient un accueil bienveillant. Ce serait « en représailles du soutien » apporté à Cocteau que, selon lui, Breton et Aragon auraient vandalisé les locaux de la revue. Le Figaro avait proposé une analyse plus politique : les surréalistes avaient des positions en faveur de la syndicaliste et anarchiste Germaine Berton, meurtrière de Marius Plateau, directeur de la Ligue d’Action française, ainsi que contre la guerre menée par la France au Maroc, publiant un pamphlet pour « se désolidariser publiquement de tout ce qui est français en paroles et en actions » - tandis que Martin du Gard « a toujours opposé une sage et souriante mesure aux folles entreprises. »

Louis Gourdel meurt le 8 juillet 1926 à Paris (19e) à son domicile de la rue Bolivar. Il était âgé de 53 ans et père d’une fille, artiste lyrique. Il avait été décoré en août 1910 d’une médaille d’or pour actes de courage et de dévouement, qui gratifiait son attitude lors des inondations séculaires de la Seine, lorsqu’il était commissaire de police à Choisy-le-Roi.

Sa disparition est évoquée par une dizaine de quotidiens parisiens qui soulignent qu’il est décédé subitement à son domicile. Le Soir le décrit ainsi : « très estimé de ses collègues. Magistrat intègre, il avait su s’attirer le respect de ses subordonnés. »

Fin

Louis Aragon, André Breton et Philippe Soupault avec Raymond Queneau

 

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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 01:01

Début de la biographie de Louis Gourdel

Louis Joseph Marie Gourdel naît le 25 février 1873 à Vitré (Ille-et-Vilaine). Il est le fils de Marie Joséphine Noël et de son époux Jean Marie Louis Gourdel, receveur des contributions indirectes à Châteaulin (Finistère).

Il fait des études de droit à Poitiers (Vienne), où sont installés ses parents. En 1893, il est exempté de service militaire pour obésité.

En 1901, il est à Paris (12e arr.), quai de Bercy, chez ses parents, son père ayant désormais un poste de receveur particulier des contributions indirectes. Louis Gourdel a été embauché par la préfecture de police et épouse en avril 1901 à Paris (5e arr.), Célestine Marie Mazaudier, fille de cultivateurs d’Ardèche.

Cette même année, Gourdel est mentionné, avec son titre de policier, comme membre d’une loge maçonnique du Grand-Orient de France. Dans plusieurs publications, notamment d’extrême-droite, entre 1905 et 1914, cette appartenance lui sera reprochée. Ainsi L'Autorité (1905/05/03), qui cite son nom, critique dans un article La magistrature maçonnique. « Quelle peut être l’indépendance d'un magistrat appelé à trancher un procès ou un différend, puisqu’il est lié par le serment maçonnique et tenu par la justice secrète des Loges ? »

Secrétaire du commissaire (son adjoint) de Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis), il est promu en février 1906 aux délégations judiciaires à Paris. Après avoir sans doute réussi le concours de commissaire de police, il est nommé en septembre 1908 inspecteur principal des gardiens de la paix.

Il obtient son premier poste de commissaire de police à Choisy-le-Roi (Seine, act. Val-de-Marne) en septembre 1908. Il doit gérer au début de l’année 1910 le débordement de la Seine, qui frappe particulièrement cette ville lors de la crue centenaire.

En septembre de cette même année, il fait face à des bagarres liées à un mouvement social. Venus de Paris, environ deux cents ouvriers manifestent pour contraindre une douzaine de terrassiers travaillant dans la commune de cesser le travail. Devant leur refus, selon Le Petit Parisien, ils « se ruèrent sur ces derniers, les criblèrent de coups et réussirent à les mettre en fuite. Une fois maîtres de la place, agissant en véritables vandales, ils se mirent à briser tout le matériel. »

Un sous-brigadier, venu avec une dizaine de policiers pour tenter de ramener le calme, est renversé, sa bicyclette étant mise en pièces. Avec l’appui des gendarmes, Gourdel fait arrêter quatre jeunes grévistes. Le quotidien Le Gaulois estime que « l'attaque des travailleurs avait été préméditée par la CGT dans le but de détacher les ouvriers des organisations syndicales non adhérentes à la confédération ». Selon ce journal, « La plupart des terrassiers des fouilles Morillon et Corvol appartiennent, en effet, à une nouvelle association ouvrière nommée la Liberté du Travail ». Il s’agit peut-être d’une structure adhérente à la Fédération syndicaliste des Jaunes de France, dirigée par Pierre Biétry, active pendant cette période.

En octobre 1910, le commissaire Gourdel est muté à Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il y reste peu puisque, dès juin 1911, il est affecté à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où il succède à Charles Monsarrat. Le commissariat de Joinville, avec une trentaine d’agents, est un gros poste, couvrant des communes de grande taille comme Saint-Maur-des-Fossés, Champigny ou Nogent-sur-Marne. Outre ses fonctions policières, Gourdel est aussi désigné comme membre des conseils de justice de paix des deux cantons de sa circonscription, Nogent et Saint-Maur.

En décembre 1911, il dirige un vaste service d'ordre avec des gendarmes à cheval et des agents de police pour la manifestation nationaliste de la Ligue des Patriotes (extrême-droite), avec à sa tête le tribun Paul Déroulède, à l’occasion de l’anniversaire des sanglants combats de la bataille de Champigny, qui firent plusieurs milliers de morts lors de la guerre contre l’Allemagne du 30 novembre au 2 décembre 1870. Il n’y eut pas d’incident.

Le principal évènement de son passage dans la région pour le commissaire Gourdel fut la fin des deux derniers membres de la bande à Bonnot encore en vie, Octave Garnier et René Valet. Tous deux étaient à la fois des bandits, des militants anarchistes et vivaient, avant le début de leur cavale, en communauté.

Occupant un pavillon à Nogent-sur-Marne, rue du Viaduc, trois semaines après la mort de Bonnot, ils sont assiégés par 500 hommes, policiers et soldats, selon L’Humanité. Les quatre chefs de l’assaut sont le préfet de police Lépine, le chef de la Sûreté Guichard, le chef de la police parisienne Touny et Gourdel. Une intense fusillade se déroule, malgré la disproportion des forces. Dans les rues adjacentes une foule importante se masse. Les bandits sont abattus après que le bâtiment ait été détruit avec une bombe. Ce sont Louis Gourdel et un de ses inspecteurs joinvillais, Pierre Luntuéjoul, qui déclarent le 15 septembre la mort des deux malfaiteurs à la mairie de Nogent. Valet est déclaré comme mécanicien et Garnier en tant qu’ouvrier boulanger, avec comme adresse le lieu de leur décès à Nogent.

Bien que le bâtiment soit largement détruit, le commissaire Gourdel doit le faire garder pendant plusieurs jours, un défilé continu de curieux venant chercher des « souvenirs de la maison sanglante », d’après L’Intransigeant.

À suivre

La maison de Nogent-sur-Marne où furent tués Octave Garnier et René Valet, membres de la bande à Bonnot

 

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