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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 00:01

Jean Baptiste Guiot naît le 9 octobre 1839 à Pragelas (act. Pragela), commune montagnarde et francophone de la province de Turin, dans le Piémont italien. Il est le fils de Marianne Blanc et de Jean Baptiste Guiot, dit Guiot-Bourg son mari.

Jean Baptiste Guiot, qui dispose de la nationalité française, épouse en décembre 1863 à Paris (2e arr.) Catherine Schaldenbrand, ouvrière en châles, originaire de Flaxlanden (Haut-Rhin). Il exerce alors le métier d’employé de commerce et réside 12, rue Beaurepaire à Paris (10e arr.). Dès 1865, il exerce la profession de fabricant de peignes, d’abord à Paris puis, avant 1885, à Champigny-sur-Marne (Seine, act. Val-de-Marne) où il ouvre un atelier dans le quartier de Polangis, rue du Plateau. Il réside dans la partie joinvillaise du même quartier, avenue Jamin.

Son épouse, qui opte en 1872 pour la nationalité française, et lui-même auront une fille, Léontine, qui épousera en août 1885 à Joinville-le-Pont Emmanuel Laforest, lequel sera le collaborateur puis le successeur de Guiot dans l’exploitation de la fabrique de peignes.

Le quartier de Polangis, loti à partir de 1883 dans le parc du château éponyme, compte en 1891 plus de 80 habitants sur les 4 320 de la commune. Les deux listes en présence lors des élections municipales de mai 1892 vont solliciter Guiot. Il refuse de rejoindre celle, classée à droite, conduite par le Dr Jean Barborin et Albert Bocquentin. Il rejoint la liste du maire sortant, Eugène Voisin, soutenue par le comité radical-socialiste. La liste conservatrice n’aura qu’un seul élu sur 23 (Honoré Moulinet), tandis les 22 autres sièges sont occupés par les radicaux. Guiot, qui est donc le premier polangeois élu au conseil municipal, est élu au second tour.

Dans le journal radical régional Voix des communes, Henry Vaudémont décrit ainsi le contexte municipal : « Le vieux Joinville [c’est-à-dire le centre-ville, sur la rive droite de la Marne] accorde au nouveau huit conseillers. Il en aura donc deux à choisir [en plus des 6 sortants qui se représentent]. Dès à présents les électeurs militants semblent avoir jeté les yeux sur MM. Guiot et Villain. (…) Quant à M. Guiot, je le connais personnellement et le tiens en grande estime. C’est un vieux et sincère républicain, car il l’était déjà sous l’empire. Il habite l’avenue Jamin et représentera Polangis, qui a pris assez d’extension, depuis un certain temps, pour avoir droit à un mandataire. Signe particulier : a refusé de faire partie de la liste Barborin. »

Après l’explosion de l'usine du Bi-Métal à Joinville en octobre 1895, Guiot organise avec François Blaize, coopérateur et lunettier, une quête en faveur des familles des ouvriers touchés par la catastrophe et rend compte, en novembre, de la gestion des fonds recueillis en faveur des victimes.

Il est désigné comme électeur sénatorial en mars 1896 et le sera e nouveau à deux reprises en 1899.

Lors des élections municipales de mai 1896, la liste Eugène Voisin est élue sans concurrence. Guiot est réélu dès le premier tour. Il n’est pas candidat en 1900.

Guiot et sa femme vendent, en août 1906 l’entreprise de peignes à leur fille et à leur gendre. Son épouse va vivre avec ces deux derniers à Champigny, tandis que Jean Baptiste Guiot va s’installer au Havre (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime). Sans doute attiré par les bateaux, il vit rue Frédéric-Lemaître, à quelques dizaines de mètres du port, dont il fréquente les pilotes.

Jean Baptiste Guiot meurt le 31 mars 1914 au Havre. Il était veuf depuis octobre 1911 et âgé de 74 ans.

Son gendre, Emmanuel Laforest, a siégé également au conseil municipal de Joinville (1904-1908).

Mineurs au col de Pragela vers 1900

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18 janvier 2017 3 18 /01 /janvier /2017 00:01

Au moment où est en cours la fusion de géants de la lunetterie (l’italien Luxottica et le français Essilor), il n’est pas inutile de rappeler la curieuse origine du second, et son ancrage avec l’histoire politique et sociale locale, et notamment le Val-de-Marne, le groupe mondial ayant d’ailleurs annoncé qu’il maintenait son siège social à Charenton-le-Pont.

Au départ, nous avons treize ouvriers parisiens qui, en 1849 constituent l'Association fraternelle des ouvriers lunetiers qui rachètent, à crédit, le matériel de deux artisans et s’installent rue Saint-Martin à Paris (3e arr.). Ils affichent un emblème (un niveau) et une devise : « Solidarité entre les travailleurs. »

Au commencement de 1848, l'industrie de la lunetterie était peu importante à Paris : la plus grosse entreprise avait moins de 15 salariés ; les salaires étaient plutôt meilleurs que dans les autres branches économiques. Cependant, les nouveaux coalisés vont renoncer, pendant quelques années, à une grande partie de leurs revenus parce qu’ils ont été nourris par les écrits de Saint-Simon, de Fourier, de Proudhon, et surtout ceux du journal l'Atelier, et qu’ils veulent acquérir leur indépendance. En 1848, la République ayant voté des fonds pour faciliter la création de sociétés ouvrières de production.

On en vit surgir en peu de mois environ 200, qui vont disparaître pour a plupart dès que le régime impérial, en 1852, s’attaque à toutes les formes d’organisation républicaine. Cependant, à l’image de ce qui se fait en Angleterre ou en Allemagne, les associations subsistantes vont retrouver de la vigueur dans les années 1860.

Parmi elles, la Société des Lunetiers, transformation sous forme coopérative de l'Association fraternelle, va connaître une évolution unique. Diversification de son catalogue, nombreuses innovations techniques, acquisition de plusieurs usines, notamment dans l'Est de la France, ouverture d’une filiale à Londres : le groupe a déjà 1 200 salariés en 1900, un chiffre qui va sans cesse croitre. Le nom Société des Lunetiers ou SL deviendra ensuite Essel puis Essilor après sa fusion avec une autre société d’optique, Silor. Le statut coopératif abandonné, le groupe reste cependant avec une politique sociale qui reste marquée par la tradition de participation des salariés.

Trois Joinvillais sont liés aux débuts de l'Association fraternelle et de la Société des lunetiers. François Blaize (1824-1900), un des 13 fondateurs de la coopérative fut conseiller municipal de Joinville (1878-1896) et un philanthrope. Charles Eugène Videpied (1834-1900), en est le gérant pendant une vingtaine d’années à la fin du second empire, fut un militant radical-socialiste particulièrement actif à Joinville. Pierre Jules Tireau (1829-1900), libre-penseur fut également un des piliers du radical-socialisme naissant à Joinville. Tous trois furent, dès 1848, d’ardents républicains à une époque où beaucoup payèrent de leur vie ou de leur liberté un tel engagement. Ils étaient également liés à une autre figure de Joinville, Jules Ferdinand Baulard, lui aussi ouvrier à l'origine puis fondateur d'une entreprise de miroiterie, qui fut conseiller municipal de la commune, conseiller général du canton de Charenton et, pendant trois mandats à la fin du 19e siècle, député du département de la Seine.

On remarquera que, par un curieux hasard, Blaize, Videpied et Tireau moururent tous les trois à Joinville la même année 1900.

Avec plus ou moins de vigueur, on les retrouve tous quatre dans ce qui était alors l’extrême-gauche parlementaire, le radicalisme naissant ; ils sont également francs-maçons et libres-penseurs. Ils vont, avec quelques alliés comme l’artisan Alphonse Demeestère et le journaliste Henry Vaudémont, transformer le canton de Charenton (plus de la moitié de l’actuel Val-de-Marne) et singulièrement la ville de Joinville en un fief de cette gauche laïque et ancrée dans le mouvement ouvrier, notamment dans l’émergence de ce qu’on n’appelait pas encore alors l’économie sociale et solidaire, mais qui en est l’ancêtre. Le fils de Tireau, Stéphane Albert, lui aussi joinvillais, travailla également avec la Société des lunetiers et fut aussi, avant sa mort à 41 ans, un propagandiste actif des mêmes idées.

Les liens de Joinville avec l’actuelle Essilor ne s’arrêtent pas là. La société Télégic, qui deviendra Silor après sa fusion avec Lissac, en implantée dans la commune ; pendant les années 1930, c’est un des foyers du communisme local avec Henri Gaillon et Henri Tabouret.

L’ingénieur Bernard Maitenaz, né en 1926 à Joinville, fut l’inventeur en 1959 du verre Varilux, qui a fait depuis le succès d’Essilor.

Enfin, les terrains de l’avenue du maréchal Leclerc accueillaient une usine de monture, vendue ensuite à Luxury Eyewear puis à Cartier, et démolis en 2016.

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26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 01:02

Plan de la boucle de la Marne, 1865

Fils cadet d’une compositrice et salonnière, la comtesse Anaïs Pilté (voir Anaïs Pilté, comtesse du pape), et d’un très riche pionnier du gaz à Paris, Pierre Pilté (mort en 1853), Alphonse va se lancer dans une aventure industrielle.

Alphonse Louis Pilté naît le 4 novembre 1838 à Paris (10e arr.). Il est le fils d’Anne Laure Joséphine Hurel, qui sera connue en tant que comtesse Anaïs Perrière-Pilté, et de son époux, Pierre Pilté, industriel et directeur de théâtre.

Une forge a été créée vers 1834 sur le territoire de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), qui vient tout juste d’échanger son ancien nom de « La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur » pour celui d’un fils du roi Louis-Philippe en 1831. Elle occupe un espace situé sur le tracé de l’actuel quai Pierre Mendès-France, à l’angle de la rue Henri Barbusse, à proximité du canal nouvellement créé et près du futur pont de Maisons-Alfort (qui sera construit trois-quarts de siècle plus tard).

La forge utilise une chute d'eau de 4 mètres qui actionne une roue, produisant une force de 40 à 50 chevaux. Sous le nom de « Forges de Saint-Maur », la société produit du fer de riblon, c’est-à-dire du métal fait à partir de ferraille de récupération. À l’époque, la lutte contre le gaspillage était d’actualité.

Elle est, avec celle de Grenelle, une des deux forges du département de la Seine présente à l'exposition des produits de l'industrie française, qui tient sa dixième édition en 1844. Les Forges disposent également d’un stand lors de l’exposition universelle de Paris en 1855.

Alphonse Pilté séjourne à Joinville pendant la guerre de 1870 contre la Prusse. Brigadier à cheval dans une unité de volontaires (l’escadron Franchetti) pendant le siège de Paris, en 1870, il combat aux alentours du carrefour Pompadour, puis est affecté à la garde de l’état-major du général Ducrot, installé dans le château de Polangis, pendant la grande bataille de novembre et décembre, dite de Champigny, qui se déroule entre le pont de Joinville et la plaine du Tremblay.

Après-guerre, celui que le journal Le Figaro qualifie de « jeune et intelligent industriel », prend la direction des forges « après bien des vicissitudes ». Elles comptent alors plus d’une cinquantaine d’ouvriers et employés. Fin novembre 1872, la Marne connaît une très importante inondation. L’usine sera fermée pendant 25 jours. Le journal a ouvert une souscription en faveur des inondés, et des secours sont versés à 520 personnes de Joinville-le-Pont, dont les ouvriers de la forge, qui ont perdu toute rémunération pendant cette période. Le quotidien leur attribue 3 000 francs (équivalent en pouvoir d’achat actuel à 10 000 euros), ce qui représente un tiers des salaires perdus par les ouvriers.

Après l’eau, c’est la crise qui touche l’entreprise avec un « ralentissement considérable des affaires depuis le commencement de juin 1873, et par conséquent la gêne que subissent les ouvriers par le manque de travail », selon Alphonse Pilté, qui s’exprime toujours dans Le Figaro. Il n’y a, à l’époque, ni allocation de chômage, ni assurance sociale et que les salaires dépendent des heures travaillées.

Le maître de forges réside à Joinville. Il s’implique dans la vie locale, et affiche des convictions républicaines, même si sa famille a été annoblie par le pape Pie IX en 1869. En novembre 1874, il participe à la constitution d’une liste républicaine pour les élections municipales, première incursion connue des clivages poltiques dans les scrutins municipaux. Trois des sept candidats connus de cette liste se font élire, Louis Benoit, Antoine Cambier et Pilté ; un autre colistier, battu cette fois-ci, Alphonse Demeestère, sera ensuite le fondateur du comité radical-socialiste de la 2e circonscription de l’arrondissement Sceaux (Seine). La majorité des 16 membres du conseil municipal élu en novembre 1874 est conservatrice, avec Auguste Courtin, rescapé du second empire, qui démissionne en 1876. Il est remplacé par Louis Ferdinand Rousseau, qui échoue à la tête d’une liste bonapartiste en 1878. Alphonse Pilté est réélu dans la nouvelle majorité républicaine, qui désigne Gabriel Pinson, premier maire franchement républicain de Joinville.

Lors d’une élection au conseil général de mars 1876, Pilté, avec l’ancien adjoint au maire, Hippolyte Pinson, fait partie du comité de soutien au Dr Béclard, qui obtiendra à leur demande l’investiture du comité de la gauche républicaine pour le canton de Charenton.

Venu d’un milieu très introduit dans la grande société parisienne, Alphonse Pilté n’en a pas moins une vie assez éloignée des règles de l’époque. Ainsi, Louise Françoise Pain lui donne deux filles hors mariage en 1868 et 1875, avant leurs noces à Paris en mai 1880. L’élu profère alors, sous serment, un gros mensonge. Son frère et lui déclarent que leurs parents « sont décédés et qu’ils ignorent le lieu de leur décès et leur dernier domicile. »

Ils seraient bien les seuls du Tout-Paris à méconnaitre que la comtesse, leur mère, habitait un splendide hôtel particulier, 57, rue de Babylone à Paris, devenu depuis le siège du conseil régional d’Île-de-France. Ils le savaient d’autant plus que c’est Alphonse lui-même qui a effectué, auprès de la mairie du 7e arrondissement, la déclaration du décès de sa mère, tout juste un an et demi plus tôt… Mais sans doute, peu soucieux des démarches administratives, voulait-il éviter d’avoir à fournir un certificat de décès.

Alphonse Pilté n’est pas réélu à Joinville en 1881. Il demeure depuis 1880 à Paris où il meurt, à l'âge de 52 ans, le 2 février 1891.

L’usine des forges pouruivra son activité. En 1879, elle est devenue Aciéries de Seine-et-Rhône, dirigée par un autre élu municipal, Émile Deiber. Elle sera rebaptise en 1892 Compagnie du Bi-Métal et sera reprise, dans les années 1960, par la société Pirelli après avoir emmenagé de l’autre côté du canal, à Saint-Maurice.

Plan de Joinville, avec indication des forges, en 1865.

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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 00:08

Ce dixième article sera le dernier de cette série sur l’histoire économique et sociale d’une entreprise métallurgique de Joinville-le-Pont (Val de Marne), la Compagnie française du Bi-Métal. Elle marqua le paysage urbain, comme l’environnement humain des boucles de la Marne.

Si la première guerre mondiale a apporté une prospérité considérable à la société, le retour à la paix est au contraire l’annonciateur du déclin. Il y avait quatre usines ; en 1921, celle de Paris ferme pendant trois mois ; celle d’Alfortville s’arrête en août pour une période indéterminée. Quant aux unités de Joinville et Maisons-Alfort, stoppées pendant un mois en janvier 1921, elles réduisent leurs effectifs. Il n’y a plus que 50 ouvriers à Maisons-Alfort. Si Joinville en occupe cent, contre plus du double avant guerre, ils voient leur temps de travail réduit à quatre jours par semaines – avec un salaire correspondant.

La société, qui occupait 900 personnes, n’a plus que 250 salariés. Alors que le coût de la vie a triplé entre 1913 et 1920, les salaires se sont contentés de doubler ; la perte de pouvoir d’achat est donc d’un tiers.

Le quotidien communiste L’Humanité suggère des solutions pour reconvertir la main-d’œuvre : démolir les fortifications qui entouraient Paris, étendre le métro, agrandir le port fluvial de Paris, construire des maisons à bon marché.

Les dirigeants de l’entreprise ne sont guère optimistes. Présentant, le 31 mai 1922, les résultats de l'exercice 1921, ils soulignent que l’année « n'a vu se produire aucune amélioration dans la situation de notre industrie. Tout au contraire, les difficultés que nous vous signalions lors de notre dernière Assemblée générale n'ont fait qu'augmenter. »

Certes, écrivent-ils, « la crise de consommation s'est atténuée vers la fin de l'année, nous permettant ainsi de remettre au travail une partie de nos effectifs ouvriers », mais « les résultats d'exploitation ne s'en sont guère trouvés améliorés par suite de l'état du marché qui n'a pas permis d'obtenir des prix rémunérateurs ». En conséquence, ils s’estiment « heureux » de pouvoir présenter un « très modeste résultat », qui n’est d’ailleurs obtenu  qu'en renonçant aux amortissements des usines de Joinville. Les dirigeants voient une explication dans l’évolution des cours des métaux, achetés en livres ou en dollars.

L’activité industrielle, fortement réduite, perdure après la seconde guerre mondiale, sur un terrain de la commune de Saint Maurice. Spécialisée dans la production de câbles La société Bi-Métal est apportée au groupe Tréfimétaux, repris par Péchiney puis par l’italien Pirelli, avant de cesser son activité dans le Val de Marne. Les bâtiments, reconstruits, accueillent aujourd’hui diverses entreprises, dont une société de traitement des eaux.

Ø      Pour en savoir plus : L'Humanité, 2 septembre 1921

 1910 Bi-metal atelier

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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 00:05

Après la très longue grève de 1910, les affaires reprennent comme d’habitude à l’usine metallurgique Bi-Métal de Joinville-le-Pont (Val de Marne). Début mai 1910, un fondeur, Philémon Guillou, vingt-cinq ans, tombe dans un bain de cuivre en ébullition ; atrocement brûlé, il est transporté dans un état désespéré à l'hôpital.

Mais tous ces évènements n’ont gère troublé les responsables de la société. Ainsi, lors de l’assemblée générale du 25 mars 1912, le président Louis de Seynes, un industriel protestant, est-il « heureux » d’annoncer que les résultats de l'exercice 1911 sont conformes aux prévisions, c’est-à-dire qu’ils procurent un bénéfice substantiel. Un nouvel atelier est ouvert à Alfortville (Val de Marne). À Joinville, « les machines à vapeur ont été remises à neuf »

La première guerre mondiale allait voir l’apothéose économique de la société, qui se reconvertit dans le matériel militaire. Ceci ne se fait pas sans quelques inconvénients. Le préfet de police attire ainsi en 1915 l’attention de son confrère, le préfet de la Seine, sur « le danger, les odeurs et les bruits de cette usine. »

Par contre, sur le plan financier, tout va bien. Un anarchiste surnommé Mauricius (Maurice Vandamme, 1886-1974) la classera parmi « Les profiteurs de la guerre ». Les bénéfices passent de moins de 900 000 francs en 1913 (2,9 millions d’euros) à plus de 7 millions en 1915 (18,9 m€). La société, au capital de deux millions se constitue une réserve qui atteint 19 millions en 1917 (38 m€). Le cours de bourse s’en ressent. Cotée à 262 francs en 1914, l’action de la société est propulsée à 800 francs en 1917, soit une hausse de 205%.

Le résultat atteindra même l’année suivante neuf millions. Le Cartel des services publics confédérés, la fédération des syndicats de fonctionnaires de la Cgt maintenue (Confédération générale du travail, socialiste) présentera la Compagnie du Bi-Métal comme l’exemple des « bénéfices de guerre » lors de son congrès de Versailles des 9 et 10 mars 1924.

À la veille de la fin de la guerre, en octobre 1918, le cours de l’action Bi-Métal monte à 1 389 francs. Deux nouvelles usines ouvrent, à Paris et Maisons-Alfort, s’ajoutant à celles de Joinville et d’Alfortville.

Ø      Pour en savoir plus : Mauricius, Les profiteurs de la guerre, édition du journal « Ce qu’il faut dire… », Paris, novembre 1917.

Vue l’usine Bi-Métal

cartes-postales-photos-Usine-du-Bi-Metal-JOINVILLE-LE-PONT-

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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 00:06

Lors des articles précédents, il a été fait état les violences qui ont marqué la grève de l’usine Bi-Métal de Joinville-le-Pont (Val de Marne), entre le 19 janvier et le 18 avril 1910 : bagarres, coups de feu, menaces de mort, jets de pierre, bastonnades, arrestations…

Mais les incidents ne se sont pas limités à l’entreprise et à ses abords. Nous sommes dans un contexte où l’anarchisme et le syndicalisme-révolutionnaire sont puissants. Le secrétaire de l’Union des métaux de la Seine, Gaspard Ingweiller, qui dirige la grève, est d’ailleurs un des hérauts de cette tendance radicale au sein de la Confédération générale du travail (Cgt).

Dès le début du conflit, une affiche apposée sur les murs de Joinville et de Saint-Maurice et signée « Le comité de la grève » annonce que « la machine à frictionner serait sous pression » pour « les rares inconscients qui passeraient outre » le mot d’ordre d’arrêt du travail.

Au mois de mars, des appels sont lancés par les grévistes aux soldats venus pour renforcer le service d'ordre pour qu’ils désobéissent, tandis que la police et la direction de l’usine sont l’objet d’attaques dans de nouvelles affiches. Le commissaire de police reçoit une lettre signée « un groupe de grévistes » revendiquant la coupure d’une centaine de fils télégraphiques ou téléphoniques ont été coupés dans la banlieue de Paris et se terminant par « Nous continuerons ! »

Ces actions vont être théorisées par un présumé « comité révolutionnaire secret de la région de Joinville » dont l’existence et les actes seront évoqués lors d’un débat à la Chambre des députés.

Le syndicaliste révolutionnaire Émile Pouget (1860-1931), fondateur du Père Peinard puis rédacteur en chef du journal de la Cgt, La Voix du peuple, publiera un bilan de l’action de ce comité dans une réédition de sa brochure intitulée Le sabotage en 1910 en reproduisant une circulaire par lequel le comité explique la marche à suivre.

Avec un autre comité de Seine-et-Oise (actuels départements de l’Essonne et des Yvelines), le comité Joinvillais revendique la coupure de 795 lignes téléphoniques et télégraphiques du lors d’actions conduites entre le 8 et le 28 juillet 1910 pour « protester contre l'arrestation arbitraire du camarade Ingweiller, secrétaire de l'Union syndicale des ouvriers sur métaux, les poursuites scandaleuses engagées contre le comité de grève du Bi-Métal et les condamnations prononcées le 25 juillet 1910. »

C’est le 27 octobre 1910 que les députés vont débattre du sujet. Le président du conseil, Aristide Briand (1862-1932, centre droit), donne lecture de la circulaire sur le sabotage des lignes télégraphiques et téléphoniques, qui contient le « septième bilan du groupe révolutionnaire joinvillais », accueilli par des remarques ironiques des élus socialistes qui considèrent que « c’est une lettre anonyme », soupçonnant même une œuvre de police.

Le quotidien, Le Temps, lui n’en doute pas une seconde et s’étrangle même, parlant de « séance du sabotage » : « L'ironie en pareil cas équivaut à une approbation tacite ». Le journal, qui est l’organe officieux du patronat (le Comité des Forges), s’exprime au nom d’une « immense majorité de citoyens raisonnables dominés et terrorisés par une poignée de furieux » et estime que « les députés socialistes auraient mieux fait de réprouver la propagande criminelle qui s'étale en plein jour. »

Le livre d’Émile Pouget, est réédité régulièrement, il sera trouvé dans la bibliothèque des inculpés de Tarnac (Corrèze), soupçonnés de s’être attaqués en 2008 à des lignes d’alimentation pour les trains de la Sncf. Le comité de Joinville avait un avis sur le sujet : il « recommandait aussi, avec beaucoup d'insistance, de ne pas toucher aux fils des signaux ni aux fils télégraphiques des compagnies de chemin de fer » selon Émile Pouget.

Ø      Pour en savoir plus : Émile Pouget, Le sabotage, CNT-AIT, 1986, Paris et Le Temps, 27 octobre 1910.

Sortie de l'usine Bi-Métal

Bi-Metal-sortie-usine.jpg

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3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 00:05

Les affrontements liés à la grève de l’usine métallurgique Bi-Métal de Joinville-le-Pont (Val de Marne), entre janvier et avril 1910, amènent de nombreux incidents, parfois violents entre grévistes et non-grévistes, policiers, gendarmes voire l’armée, qui se déploie également aux abords des ateliers qui produisaient des fils téléphoniques.

Le 18 mars, une dizaine d’ouvriers grévistes sont interpellés ; six d’autres le seront le 27 du même mois, après des jets de pierres ; il y en aura encore sept le 12 avril, dont le secrétaire l’Union Cgt des métaux de la Seine, Gaspard Ingweiller, accusé de port d’arme prohibée (un revolver).

Le 18 avril, l’usine rouvre après pratiquement trois mois d’arrêt, et la plupart des ouvriers reprennent le travail. Les incidents autour de Bi-Métal ne cessent pas pour autant.

Le 2 mai, deux plâtriers âgés de 27 ans, Henri Abalan et Louis Fuzellier, demeurant à Montreuil vinrent, armés eux aussi, pour protester contre l'arrestation d'Ingweiller. Ils tirèrent plusieurs coups de revolver devant l'usine du Bi-Métal ; ils furent arrêtés.

Le 5 mai, un important meeting est organisé dans la vaste salle de la coopérative de Gravelle à Saint-Maurice. Cette institution, fondée en 1901, est alors devenue un haut lieu du mouvement ouvrier local. La manifestation est présidée par Georges Yvetot, secrétaire général adjoint de la Cgt (1868-1942). Les orateurs exigent, avec vigueur, la libération du syndicaliste emprisonné. Une manifestation d’un millier de personnes se dirige vers Joinville à la fin du meeting, mais un important service d'ordre les en empêche, et la protestation se termine « après quelques bagarres sans importance » selon le quotidien Le Petit parisien. Le quotidien Le Matin a compté pour sa part 300 personnes.

L’épilogue judiciaire aura lieu le 29 juillet. La 9e chambre correctionnelle de la Seine condamne huit grévistes poursuivis pour entraves à la liberté du travail avec violence, à des peines variant de quinze jours de prison avec sursis à un mois de prison sans sursis. Gaspard Ingweiller, en tant que dirigeant de la grève, est condamné à six mois fermes.

Parmi les avocats des grévistes, on comptait le petit-fils de Karl Marx, Jean Longuet (1876-1938), député socialiste de la Seine (Sceaux, Villejuif).

Ø      Pour en savoir plus : Le Matin et Le Petit parisien, avril, mai et juillet 1910.

Un atelier de l’usine Bi-Métal (source : BNF)

1910_Bi-metal_atelier8.jpg

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 00:09

En grève depuis le 19 janvier 1910, 240 employés de l’usine métallurgique Bi-Métal de Joinville-le-Pont (Val de Marne) n’ont pas repris le travail fin mars. La direction, qui a tenté de faire appel à une organisation de non-grévistes, le syndicat des jaunes, a dû y renoncer. Mais la tension ne baisse pas pour autant. Au sein du personnel, un certain essoufflement apparaît après presque trois mois de conflit ; des ouvriers ont des entrevues avec les directeurs de l'usine au sujet d’une reprise du travail et une pétition est lancée par quelques uns d’entre eux.

L'usine du Bi-Métal était gardée par la gendarmerie et la police, mais devant la violence des affrontements, le gouvernement juge que c’est insuffisant et fait appel à l’armée : chasseurs à pied et dragons viennent donc faire la garde à Joinville, à partir du 11 avril.

Le 12 avril, Gaspard Ingweiller, dirigeant de l’Union des métaux de la Seine (Cgt) et chef du mouvement lancé à Joinville, est arrêté après une course poursuite. Il se rendait à la gare de Joinville pour y prendre le train pour Paris. Au moment où il pénètre dans la salle de distribution des billets, il y reconnaît quelques inspecteurs de police en civil. Il sort alors, et veut prendre le tramway qui rejoignait la porte de Vincennes, mais un policier à bicyclette lui barre le passage. Ingweiller tenta alors de se perdre dans le bois de Vincennes, mais un autre agent en civil se mit à sa poursuite et l'arrêta. Il était porteur d'un revolver. Conduit au commissariat, puis envoyé au dépôt, il est inculpé d'entraves sérieuses à la liberté du travail.

Six autres personnes sont inculpées le même jour, pour entraves à la liberté du travail et violences, mais sans être mises en prison. Mais six autres grévistes du Bi-Métal avaient comparaissaient, le même 12 avril, devant le tribunal correctionnel, pour entrave à la liberté du travail, outrages aux agents et port d'arme prohibée ; le 27 mars, ils avaient attaqué à coups de pierres el de bâtons des travailleurs non-grévistes. L’un d’entre eux est aussi condamné pour infraction à la loi sur les étrangers : François Lucchi est condamné à deux mois de prison ; un autre membre de la famille, arrivée à Joinville en 1901, Jean, considéré comme « ayant agi sans discernement », est acquitté ; un troisième Lucchi, Jacques, sera dans les années 1920 dirigeant des jeunesses communistes et responsable du club sportif ouvrier de Saint-Maur Joinville.

Les autres condamnés sont Elipoura (deux mois de prison) ; Bluche et Florence (trois mois chacun). Une femme fait également partie du groupe, Catherine Thomé, envoyée derrière les barreaux pour quinze jours.

Ø      Pour en savoir plus : Le Petit Parisien, L’Humanité et La Croix, numéros d’avril 1910.

Un atelier de l’usine Bi-Métal (source : BNF)

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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 00:06

Depuis le 19 janvier 1910, les quelques 240 employés de l’usine Bi-Métal de Joinville-le-Pont (Val de Marne) est en grève. De plus, l’usine qui fabrique notamment des fils téléphoniques, est sous les eaux au cours de l’inondation historique qui recouvre tous les terrains bas pendant tout le mois de février.

Début mars, la Marne s’est retirée. La direction se mit en devoir de procéder au graissage des machines qui avaient été submergées. Une équipe de mécaniciens parisiens est recrutée par les contremaîtres vendredi 18 mars ; ils arrivent accompagnés matin et soir par une escorte de policiers entre la gare du chemin de fer et l’usine. Mais l'entrée des ateliers est barrée par des grévistes embusqués qui leur interdisent l'accès de l'usine, tirant même des coups de revolver ; dix grévistes seront arrêtés.

La direction décide alors de faire appel au « Syndicat des jaunes », un mouvement anti-gréviste fondé en 1899 et soutenu par des groupes d’extrême droite. Le lundi 21 mars, ils sont une quarantaine, toujours accueilli par des protestations des grévistes. La tension monte encore. Des menaces de mort ont été adressées au directeur et fils télégraphiques et téléphoniques ont été coupés à Saint-Maurice.

Changement de tactique alors parmi les syndicalistes des métaux. Jeudi 24 mars, il vient cinquante jaunes, ou prétendus tels. Afflux de chômeurs attirés par l’espoir d’un travail ? Peut-être, mais il y a sans doute également, selon le quotidien libéral Le Journal des débats, de pseudo-jaunes se seraient glissés dans l’équipe, pour discréditer l’organisation des anti-grévistes et prouver que, selon le mot de L’Humanité « La jaunisse coûte cher. »

Un des ouvriers nouvellement embauché est surpris emportant des pièces de cuivre dans une toile dissimulée sous son veston. La police procède à une fouille à l’entrée de la gare parmi les ouvriers qui regagnaient Paris : elle trouve sur six d’entre eux une moyenne de vingt kilos de métal ; ils sont eux aussi envoyés en prison. Le lendemain, un autre est encore convaincu de vol.

La direction de l'usine décide alors de congédier tout le personnel nouvellement embauché et de fermer les ateliers.

Ø      Pour en savoir plus : L’Humanité, La Croix et Le Journal des débats, numéros de mars 1910.

Un atelier de l’usine Bi-Métal (source : BNF)

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 00:01

Au début de l’année 1910, la commune de Joinville-le-Pont (Val de Marne) n’est pas encore sous les eaux : l’inondation historique de la Marne et de la Seine débutera à la fin du mois de janvier. L’actualité dans la ville est sociale.

Le 19 janvier 1910, la majorité des quelques 240 ouvriers se mettent en grève avec l’appui de l'Union syndicale des ouvriers sur métaux. Le syndicat est affilié à la Confédération générale du travail (Cgt), fondée en 1895 et unifiée en 1902 avec la fédération des bourses du travail ; la Cgt a adopté en 1906 la charte d’Amiens, qui reste la base idéologique du syndicalisme français.

Leurs demandes consistent en une revalorisation des salaires. Le conflit, particulièrement long, deviendra très violent, illustrant la rudesse des rapports sociaux au début du vingtième siècle. Il aura des échos à la Chambre des députés comme dans toute la presse.

Le langage de la presse de l’époque est fleuri. Le quotidien socialiste L’Humanité, fondé par Jean Jaurès en 1905, donne la parole au syndicaliste-révolutionnaire Gaspard Ingweiller (1876-1960, résidant à Paris). C’est lui qui dirige la grève joinvillaise, en tant que secrétaire de l’Union des métaux.

« Les métallurgistes s'étant aperçus qu'un foyer de jaunisse [des non-grévistes embauchés par la direction] existait à l'usine de canalisation électrique de Joinville-le-Pont, décidèrent d'accord avec les autres organisations en grève, de prendre de vigoureuses mesures de prophylaxie pour éteindre le foyer infectieux, considérant qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

« Des groupes se, constituèrent et administrèrent aux malades en question une potion énergique qui les remit immédiatement sur pied. Un de ces malpropres individus, marchand de vins à Joinville, ayant eu vent des dispositions préventives, se fit accompagner par deux agents qui le conduisirent à l'usine. Dans la région, toute la population se figura que c'était un pillard pris en flagrant délit, que nos excellents policiers conduisaient au violon. Il paraîtrait même que son fonds à la suite de cet incident, perdrait de sa valeur.

« Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, par suite de l'excellence de la méthode adoptée, la grève se poursuit d'une façon unanime dans les quatre usines en lutte. Un gendarme ayant voulu s'emparer d'un superbe nerf de bœuf qu'un métallurgiste tenait à la main, ce dernier lui fit observer que, se trouvant en grève, il ne possédait que cet instrument de travail, le seul propre à mettre en pression la machine à frictionner qui avait fonctionné à merveille dans la journée.

« En résumé, situation excellente au point de vue de la résistance. »

Les syndicalistes se félicitent que, après trois semaines, « aucune défection se soit produite ». Des « cuisines communistes » fonctionnent pour fournir les repas aux grévistes et à leurs familles. Les enfants des métallurgistes en lutte sont pris en charge par d’autres militants afin d’écarter « le souci moral occasionné dans les luttes ouvrières par la présence des enfants. »

Ø      Pour en savoir plus : L'Humanité, 3 et 9 février 1905 et Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (dir. Jean Maitron).

Un atelier de l’usine Bi-Métal (source : BNF)

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