Suite de la biographie de Mayer List
Installé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), dans le quartier du Centre, rue Chapsal en 1939 après son départ d’Espagne, Mayer List est dans une situation dangereuse après l’occupation allemande en juin 1940. Juif apatride, il ne parle pas le français à son arrivée en France ; cependant, comme il maîtrisait déjà six langues, il a sans doute une capacité à apprendre cette langue et, en 1943, il sera capable de l’écrire correctement.
Selon l’historien David Diamant (pseudonyme de David Erlich), c’est à l’automne 1941 que Mayer List apprend la formation de groupes juifs au sein de la Résistance communiste. Bien qu’il soit toujours en mauvaise santé, il intègre le 2e détachement de l'Organisation spéciale-MOI (main-d’œuvre immigrée), qui devient en 1942 les Francs-tireurs et partisans (FTP-MOI) ; il est membre du triangle de direction avec Samuel Weissberg et Léon Pakin. Il en devient le responsable politique et prend la direction opérationnelle en juin 1942, suite à l'arrestation de Léon Pakin. Dans la clandestinité, il utilise notamment le pseudonyme de Markus.
D’après Fabrice Bourrée, « Mayer List est à l’origine d’une ruse de guerre très efficace : des partisans organisent une diversion dans une rue voisine du lieu qui devait être attaqué. Les gardiens de police accourent, quittant leur poste. Pendant ce temps, un autre groupe s’approche rapidement de l’objectif et dépose les bombes à retardement. »
Selon un bilan établit par Boris Holban (pseudonyme de Baruch Bruhman, fondateur et chef militaire des FTP-MOI), entre le 8 juillet 1942 et le 31 mai 1943, le détachement de List a mené cinquante-huit actions contre les troupes d’occupation : incendies de camions, dépôts de bombes à retardement devant des hôtels occupés par des Allemands, grenadage de restaurants fréquentés par l'occupant, de détachements militaires...
Le site Paris révolutionnaire situe cinq opérations dans la capitale. En 1942, il répertorie quatre attaques à la grenade : le 2 décembre 1942, un bureau d’embauche allemand avenue de Breteuil (7e arr.) ; le 12 du même mois, un groupe de militaires allemands place de la Nation (11e arr.) ; encore le même mois, le jour de Noël, un camion allemand rue Desaix (8e arr.) ; le lendemain, 26 décembre, un restaurant fréquenté par des officiers allemands faubourg du Roule (8e arr.). Le détachement de Markus établit rue de Meaux (19e arr.), à la mi-mai 1943, une cache de matériel pour les FTPF, destinée à préparer des déraillements de trains.
Depuis fin avril 1943, des inspecteurs de la 2e brigade spéciale (BS2) de la police parisienne l’ont identifié, lui ont attribué le surnom « Lunettes », et procèdent à sa filature.
Mayer List est arrêté le 2 juillet 1943. Son arrestation a lieu, si l’on en croit le site Paris révolutionnaire, dans un bistrot de la rue aux Ours où il mangeait régulièrement. Mais Jean-Pierre Besse et Daniel Grason, qui signent sa biographie dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, l’interpellation a eu lieu vers 10h30 « alors qu’il se présentait au domicile de Régine Castellane (Ruchla Widerker), avenue Pauline à Joinville-le-Pont ». Des perquisitions infructueuses des furent faites dans les deux adresses de Joinville, rue Chapsal et avenue Pauline.
L’opération menée par la BS2 provoque 77 arrestations au sein des FTP-MOI. List est trouvé en possession d’une fausse carte d’identité française au nom d’Oscar Maguin, né à Teruel (Espagne), d’un certificat de travail et d’une feuille de démobilisation au même nom. Lors de son interrogatoire, le même jour, il donne son vrai nom et se déclare « de nationalité polonaise et de race juive », de profession tailleur d’habits, mais sans activité, domicilié rue Chapsal à Joinville-le-Pont. Il nie appartenir au parti communiste clandestin et à une organisation dite terroriste.
Mayer List est livré aux nazis et jugé par le tribunal militaire allemand du Gross-Paris rue Boissy-d'Anglas (6e arr.), avec quatre co-inculpés, le 20 septembre 1943, qualifiés comme lui d’israélites. Selon Fabrice Bourrée, « Les faits qui leur sont reprochés montrent qu’ils n’ont rien avoué si ce n’est des éléments déjà connus de la police. Mayer List ne cache rien de ses activités au sein des Brigades internationales mais reste muet quant à ses actions résistantes. »
Mayer List André Engros, Boruch Lerner et Nonnique Tuchklaper sont condamnés à mort et exécutés le 1er octobre 1943 au Mont-Valérien à Suresnes (Seine, act. Hauts-de-Seine). Le cinquième FTP, Hirsch Loberbaum, est condamné à une peine de déportation d’où il ne reviendra pas. Ruchla Widerker, déportée à Auschwitz, aurait survécu et émigré après-guerre en Argentine.
Avant d’être fusillé, Mayer List adresse une lettre à sa famille en Argentine. Elle est également destinée à sa femme. À ses parents, Mayer List indique « Ma femme s’appelle Lamba Bluss » et qu’elle réside à Riga (Union soviétique, act. Lettonie), ce qui permet de supposer qu’ils ne la connaissaient pas, et donc que, probablement, elle n’était pas avec lui en Argentine. Selon David Diamant elle s’appelait Louba Bluss Bliumas, native de Riga en 1907. Peut-être l’a-t-il connue au Brésil, si Mayer List y a séjourné ? Des personnes d’origine lituanienne portant les noms de Bluss et Bliumas y sont signalés. Il conclut à son attention « Ma chère Lamba, j’ai déjà dit que ce n’était pas de ma faute de ne pouvoir ensemble vivre et arranger notre vie heureuse, alors je te souhaite une vie félice et travaille pour pouvoir aider mon frère ». Vu le ton de ce courrier, on peut supposer qu’il l’encourage à poursuivre un engagement politique.
L’une des deux compagnies de Juifs polonais qui se constituèrent à la Libération au sein du bataillon 51/22 dit bataillon Liberté prit le nom de Markus, en souvenir de Mayer List.
La mention « Mort pour la France » lui est attribuée le 12 juillet 2007.
Fin
Communiqué FTP-MOI
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