Suite de la biographie d’Aimos, alias Raymond Caudrilliers
La disparition d’Aimos suscita une importante émotion dans la presse parisienne qui vient d’éclore après a disparition des journaux publiés sous l’occupation.
Le quotidien d’Aragon, Ce soir, écrit que « le si populaire acteur de cinéma Aimos a trouvé une mort héroïque au cours de l'attaque d'un convoi allemand. Depuis des années il personnifiait sur l'écran le véritable enfant de Paris. (…) Il était toujours prêt à aider les malheureux ; on connaît principalement son œuvre pour l'enfance. »

Le même journal relève la présence de près de 2 000 personnes lors de ses obsèques dans l'église Saint-Antoine de Paris (11e arr.), dont des artistes et de nombreux gosses. Un détachement des FFI présente les armes.
Le journal chrétien L'Aube salue « cet artiste au grand cœur, qui aimait les petits. »
Les circonstances du décès d’Aimos ne sont pas établies de manière précise. Plusieurs lieux parisiens, très proches, sont évoqués comme étant l’endroit de sa mort : devant le café du Cadran du Nord, rue de Dunkerque (Ce soir) ; sur la barricade de la rue Philippe-de-Girard (L'Aube) ; ou sur une barricade installée en travers de la rue Louis-Blanc, à hauteur du numéro 50 (Bertrand Beyern). L’état-civil de Paris mentionne le 2, place du Docteur-Alfred-Fournier, mais il s’agit de l’adresse de l’hôpital, où son corps a été déposé.
La patronne du Cadran du Nord raconte : « C'est devant notre café qu'il a été trouvé tué avec trois de ses camarades de combat, dans une conduite intérieure toute maculée de sang et percée comme une écumoire. Les quatre pneus étaient crevés. »
La journaliste Colette Morel évoque dans Ma vie en rouge une autre hypothèse qu’elle attribue à son père, le résistant Ange Morel : « Mon père participa à la libération de Paris, puis à la bataille du pont de Joinville, sans que je connaisse le détail de ces aventures. J’ai seulement entendu parler de deux camarades de combat. Un comédien nommé Aimos jouait les personnages populaires au destin souvent tragique. Il s’est battu là en témoignant d’une certaine inconscience, au point que mon père lui avait dit :
- Ne t’expose pas ainsi !
Il en est mort, parce qu’il voulut être Aimos jusqu’au bout. »
Cependant, le décès d’Aimos ayant été déclaré à l’état-civil le 23 août et la bataille du pont de Joinville à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) ayant eu lieu le 25, ni le lieu ni la date ne peuvent être retenus. Peut-être Colette Morel a-t-elle amalgamé dans sa mémoire plusieurs récits de son père, qui a pu participer à des combats à Paris avant de rejoindre ceux de Joinville.
L’incertitude va susciter une polémique, alimentée notamment par l’écrivain Patrick Modiano. Dans son romain Dimanches d’août, il met dans la bouche de Mme Villecourt une version de la mort d’Aimos : « Il a soi-disant été tué, à la libération de Paris, sur une barricade, par une balle perdue… (…) En fait, ça ne s’est pas du tout passé comme ça… C’est une sombre histoire… (…) C’était un règlement de comptes… A cause de certaines personnes qui fréquentaient Champigny et La Varenne pendant la guerre… Il les avait connues… Il savait des choses sur elles… Il entendait leurs conversations dans les auberges du coin… »
Le même Modiano interprète dans Paris Tendresse : « On n’a jamais pu élucider les circonstances de sa mort – ou de son assassinat – en août 1944, sur une barricade, du côté de la gare du Nord, à l’heure où les jeunes gens fêtaient la Libération, debout sur le lion de Denfert-Rochereau. Sans doute Aimos n’avait-il plus d’avenir car il en savait beaucoup trop long sur les défuntes années trente… »
Le statut de résistant d’Aimos est cependant attesté. L’état-civil de Paris porte la mention « Mort pour la France » sur son acte de décès, apposée le 1er février 1946.
Aimos est enterré à Chennevières-sur-Marne en compagnie de Renée Lefèvre (Raymond Aimos). Son nom figure sur le monument aux morts de la ville (Raymond Caudrilliers). Une plaque en hommage aux résistants du groupe de Sébastopol est apposée au 48, boulevard de Sébastopol à Paris (3e arr.) ; le nom de Raymond Aimos y est inscrit.
Fin

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