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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 00:01

Début de la biographie d’Adrien Moucheraud

Eugène Adrien Moucheraud naît le 17 mars 1865 à Paris (4e arr.) Il est le fils de Victoire Honorine Tiphaine, placière, et de son époux Lambert Moucheraud, peintre en bâtiment. Ils vivent rue de la Verrerie.

Adrien Moucheraud, ayant quitté l’école après 12 ans, fut placé en apprentissage de lithographe dans une imprimerie. Il va partager l’engagement militant de son frère, cadet d’un an, Paul Moucheraud, au sein du mouvement anarchiste, vraisemblablement dès 1884. Le 18 décembre 1885, il est arrêté après avoir posé des affiches du Comité exécutif révolutionnaire, pour appeler à une réunion, place du Chatelet, le jour suivant.

Le 11 juin 1886, il est condamné à Paris à deux mois de prison pour provocation d’un attroupement et le 11 septembre 1886, à quinze jours de prison pour la même raison.

En 1887, il créa en collaboration avec Jahn, Murjas, Paillette et Tennevin, l’hebdomadaire L’Avant-garde cosmopolite dont il fut l’imprimeur-gérant et qui eut huit numéros. Dans son éditorial, il écrivait « Oui, nous les jeunes, nous marcherons de l’avant et rien n’empêchera notre marche. Si sur notre route nous trouvons des obstacles, nous les briserons comme les vagues de la mer brisent les rochers… » Le premier numéro avait été tiré à 4 000 exemplaires.

Comme son frère Paul, il était membre de la Ligue des anti-propriétaires, fondée par Couchot, qui s’était spécialisée dans les déménagements « à la cloche de bois. »

Le 30 avril 1887, encore avec son frère Paul, après une réunion publique organisée par le groupe L’Avant Garde à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, act. Yvelines) ils avaient ouvert le feu contre des membres d’un groupe qu’ils qualifiaient de réactionnaires et qui leur jetaient des pierres.

Aux élections municipales de mai 1887, Adrien Moucheraud se présenta à Paris dans le 5e arrondissement, comme « candidat abstentionniste ». Il déclara : « Je ne préconise pas le suffrage universel, parce que voter, c’est s’avilir, c’est-à-dire qu’on est une bête incapable de se conduire. Quand la masse ne sera plus abrutie par la société actuelle, elle n’aura plus besoin de voter, pour arriver à la transformation de l’État social. »

Il fréquenta la plupart des groupes anarchistes parisiens. Lors d’une réunion le 8 octobre 1887, salle Gaucher, organisée par le groupe Germinal, il fit l’éloge de l’action individuelle qui qui contribue plus « à la révolution sociale que ne le feraient toutes les réunions. »

Au printemps 1888 Adrien Moucheraud demeure quai d’Anjou et est l’un des animateurs de la Ligue des antipatriotes dont son frère Paul est le secrétaire. Fin 1888, il est secrétaire de La Jeunesse socialiste des Écoles avec Georges Brunet ; il demeure à ce moment quai de la Tournelle à Paris.

Le 22 avril 1892, une perquisition était effectuée à son domicile du boulevard Saint-Germain à Paris ; la police y saisit des affiches et le manifeste La Jeunesse socialiste des Écoles, signé de son nom. Le 10 janvier 1893, il était arrêté aux abords de la Chambre des députés. Une perquisition effectuée le 1er janvier 1894, ne donna aucun résultat.

Le 3 mars 1894, le préfet de police délivra un mandat d’amener à son encontre pour association de malfaiteurs. Le 4 mars, le commissaire de Saint-Germain des Prés perquisitionna sa chambre de Moucheraud. Il avait refusé d’ouvrir la porte de son logement du boulevard Saint-Germain tout en proférant des injures, selon le policier, qui recourut à un serrurier pour forcer l’entrée. Parmi les documents saisis figuraient une carte du géographe Élisée Reclus, qu’il avait rencontré à la Société de géographie. Emmené au commissariat, il se déclara nihiliste et ami de Padlewski, assassin à Paris du général russe Séliverstoff, proférant des menaces envers les policiers puis le juge d’instruction. Ce dernier, nommé Meyer, désigna le 4 mai 1894, deux médecins afin d’examiner son état mental de afin de déterminer s’il était responsable de ses actes ou devait être enfermé dans une maison d’aliénés. Le rapport conclut à sa responsabilité tout en notant une grande exaltation. Il fut mis en liberté provisoire le 16 juin. De nouveau poursuivi par la préfecture, sur le même motif, il indique, le 1er juillet, ne plus s’occuper d’anarchie mais uniquement de son travail de lithographe et d’aérostation. Arrêté cependant, il est libéré le 10 juillet de la prison de Mazas. Le juge délivra, le 20 juin 1895, un non-lieu pour l’inculpation d’association de malfaiteurs. Comme son frère, Adrien n’eut plus d’activité dans les milieux anarchistes.

À suivre

Profession de foi abstentionniste d'Adrien Moucheraud

 

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2 novembre 2021 2 02 /11 /novembre /2021 00:01

Suite de la biographie de Paul Moucheraud

Paul Moucheraud fait un service militaire, probablement de deux ans, au sein du 91e régiment de ligne à Mézières (act. Charleville-Mézières, Ardennes) de 1888 à 1890.

Revenu à la vie civile, il reprend son activité militante et est de nouveau soumis à des mesures judiciaires et policières. Une perquisition à son domicile de la rue Charlemagne (Paris, 4e arr.) le 22 avril 1892 conduit à découvrir des journaux anarchistes. Il est ensuite « arrêté à titre préventif le 1er mai » selon Le Figaro, puis relâché.

Une autre perquisition, le 1er janvier 1894, ne donne aucun résultat ; elle fait suite à l’attentat commis par Auguste Vaillant à la chambre des députés le 9 décembre, qui a conduit à des mesures de police contre la mouvance anarchiste. Il est inculpé cependant pour « association de malfaiteurs ». De nouveau le 4 mars 1894, le domicile de Paul Moucheraud est perquisitionné, ce qui permet au commissaire du quartier de Saint-Merri de l’incarcérer, en même temps que son frère, à la prison de Mazas après avoir saisi une copie du Petit catéchisme socialiste du critique d’art Adolphe Tabarant. Il avait refusé d’ouvrir la porte de son logement du boulevard Saint-Germain tout en proférant des injures, selon le policier, qui recourut à un serrurier pour forcer l’entrée. Commentant les arrestations, le quotidien L'Écho de Paris, estime que les anarchistes arrêtés, 168 à Paris et 60 en banlieue, « Ce sont toujours les mêmes » que lors des précédentes rafles dans ce milieu.

Il est libéré le 4 juin. Mais dès le 30 juin 1894, le préfet de police délivre un nouveau mandat de perquisition sous l'accusation d’association de malfaiteurs et le commissaire de quartier de Saint-Gervais s’empare de sa correspondance ainsi que d’un autre pamphlet, L'attaque de la Bourse. De nouveau emprisonné, il sort le 9 juillet 1894. Le 18 juin 1895, le juge d'instruction Meyer l'a acquitté de toutes les accusations.

Après ce verdict, Paul Moucheraud semble avoir abandonné son engagement militant au sein du mouvement libertaire. Marié en décembre 1894 à Paris (4e arr.) avec Louise Hélène Blanche Bernard, il s’installe vers 1898 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où naissent ses quatre enfants.

À Joinville, Paul Moucheraud s’éloigne de ses convictions anarchistes antérieures. Ainsi, pour la déclaration de la naissance de sa fille Jeanne Lucie en novembre 1902, il choisit comme témoins un agent de police et un conseiller municipal, alors radical-socialiste, Théophile Leteuil. Lors de la naissance de son fils en juin 1904, il est assisté à l’état-civil d’un militaire, adjudant à l’école de gymnastique de Joinville.

En mai 1904, Moucheraud est candidat sur la liste socialiste-révolutionnaire qui se présente aux élections municipales. À cette date, la principale formation dans la commune est un groupe du Parti socialiste de France (Unité socialiste révolutionnaire), qui s’est détaché six mois auparavant du Parti socialiste français. Les deux dirigeants de ce groupe, Émile Lebègue et Henri Lacroix, sont à la tête des sept candidats, qui forment une liste incomplète, puisqu’il y a 21 sièges à pourvoir. Au premier tour, Moucheraud obtient 138 suffrages exprimés pour 1 119 votants (12,3%) sur 1 363 inscrits. Les socialistes n’ont pas d’élu, la liste de la municipalité sortante radicale-socialiste emportant 20 sièges, laissant le dernier à un élu de droite. Eugène Voisin est réélu maire.

Après la disparition de son épouse en juin 1907, Moucheraud rencontre des difficultés pour élever sa famille. En juillet, il sollicite du conseil général l'admission de ses enfants aux pupilles de la Seine. En novembre 1911, il lui demande qu'une de ses filles puisse intégrer un internat primaire. La famille réside alors boulevard de Champigny, à la Varenne, un quartier de Saint-Maur-des-Fossés (Seine, act. Val-de-Marne).

Pendant la première guerre mondiale, il n’est probablement pas mobilisé, ayant atteint la limite de 48 ans au moment de la mobilisation des catégories de réservistes les plus anciennes.

Il est décoré de la médaille du travail comme ouvrier imprimeur lithographe à la société Champenois, et demeure encore à La Varenne en février 1925.

Yves Paul Moucheraud meurt le 30 janvier 1945 à Créteil (Seine, act. Val-de-Marne). Il était toujours domicilié à Saint-Maur et âgé de 78 ans.

Son frère, Adrien Eugène, né en 1865, qui avait partagé son militantisme dans le mouvement anarchiste jusqu’en 1893, réalisa de nombreuses ascensions en ballon. Il fut également en 1899 « aéronaute des Républiques sud-africaines » et accompagnait les généraux boers lors de leur visite à Paris en 1902. Il exerçait comme son frère la profession d’imprimeur,  lors de son mariage à Ivry-sur-Seine (Seine, act. Val-de-Marne) en 1905.

Fin

Paul Moucheraud

 

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31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 01:01

Début de la biographie de Paul Moucheraud

Yves Paul Moucheraud naît le 27 août 1866 à Paris (4e arr.). Il est le fils de Victoire Honorine Tiphaine, placière, et de son époux Lambert Moucheraud, peintre en bâtiment. Ils vivent rue de la Verrerie.

Devenu ouvrier lithographe dans une imprimerie, il s’engage très tôt dans le mouvement anarchiste. Il est cité comme participant, salle Lévis à Paris, à un affrontement entre des socialistes de tendance blanquiste des et anarchistes le 28 décembre 1884. Il fréquente plusieurs groupes libertaires : La Vengeance, La Lutte, L'Avant-garde Cosmopolite, Le Cercle International, L'Aiguille, Le Groupe anarchiste du 5e arrondissement… Il est secrétaire de la Ligue des antipatriotes. Son frère, aîné d’un an, Adrien Eugène, partage ses engagements.

En 1885, il est signalé à la prison politique de Sainte-Pélagie, à Paris (5e arr.). Il y retourne l’année suivante.

Arrêté le 15 juillet 1886 place de la République, il se plaint d’avoir été molesté par les agents du commissariat de la rue de Trois-Bornes. Il est inculpé pour agressions et insultes envers les policiers et emprisonné pendant huit jours à la prison de Mazas à Paris (12e arr.). Le quartier Le Cri du Peuple publie un entretien dans lequel il relate son « passage à tabac ». Il livre aussi une statistique : sur cent personnes arrêtées en même temps que lui, « une quarantaine avaient sur le visage et le corps couverts d’ecchymoses, et étaient accusés d’avoir frappé et insulté les sergents de ville. »

Le 17 août 1886, il est de nouveau condamné à trois jours de prison pour insultes à agents. Lors d’une réunion dans une salle de la Montagne Sainte Geneviève, à Paris, le 17 octobre 1886, il intervient pour engager les soldats à se débarrasser de leurs chefs car « la besogne des officiers ne consiste qu’à mener les hommes à la boucherie ». En septembre 1886, une nouvelle condamnation à 15 jours de prison vient sanctionner un collage d’affiches du 13 décembre 1885 pour avoir convoqué les ouvriers sans travail à un meeting de protestation contre le bal organisé par le comité des fêtes du commerce et de l'industrie parisiens. Un journal, peu suspect de sympathie pour leur cause, L’Intransigeant, dénonce « l’intolérance scandaleuse du président, qui n’a pas même laissé le prévenu Villaret présenter sa défense ». Il était un des trois autres typographes condamnés en même temps que Moucheraud.

Lors d’une réunion à Chatou (Seine, act. Hauts-de-Seine) du groupe L'Avant-garde en mai 1887, au cours de laquelle des militants célèbres comme Louise Michel, intervenaient, il participe à des échanges de tir au pistolet avec un groupe de réactionnaires. Ses compagnons et lui assurèrent avoir ouvert le feu pour « épouvanter la foule qui les poursuivait ». Comme son frère Adrien, il était membre de la Ligue des antipropriétaires spécialisée dans les déménagements « à la cloche de bois » et fondée par Couchot, membre du groupe La Lutte.

En 1888, Moucheraud est présenté comme ancien gérant du journal Terre et Liberté, un journal que le quotidien La Lanterne présente comme « l’organe officiel de l'anarchie. »

Un des faits d’armes de Moucheraud est, en mars 1888, la convocation par affiches dans la salle Rivoli d’une « Grande réunion publique sous la présidence d’honneur du général Boulanger. Protestation contre les injustices du ministère envers le général. Devant la mesure inique qui frappe un général républicain et patriote, nous invitons tous les patriotes à protester énergiquement, et nous faisons un appel pressant à tous les républicains, afin de prendre une résolution énergique. Orateurs inscrits : MM. Michelin, Laguerre; Laisant, députés, Henri Rochefort, journaliste. Prix d’entrée : 0,50 centimes ». Plus de deux cents personnes se rendirent sur place mais, après avoir attendu pendant une heure, ils se levèrent et voulurent réclamer leur argent ; mais les organisateurs de la réunion avaient disparu en emportant le produit des entrées, soit une centaine de francs. Aucune des personnes mentionnées comme devant intervenir n’avait été contactée ; elles étaient toutes représentatives du mouvement boulangiste (populiste). Seul jugé en mai la même année parmi les quatre personnes soupçonnées d’avoir organisé l’escroquerie, Moucheraud, arrêté au moment où il allait s'embarquer au Havre, se voit infliger un mois de prison. Les organisateurs du meeting avaient eu d’abord l’intention de faire une réunion antiboulangiste, mais, au dernier moment, l’avaient transformée en meeting boulangiste. Selon Le Figaro, il aurait dit à l’instruction : « Nous espérions, attirer ainsi plus de monde et par conséquent faire une plus forte recette ! » Moucheraud a prétendu qu'il avait bien écrit aux orateurs boulangistes dont les noms figuraient sur l'affiche, et que, n'ayant reçu d'eux aucune réponse, il en avait conclu qu'ils acceptaient son invitation. En quittant l'audience, il aurait déclaré, selon Le Temps : « Je laisse à la justice du peuple le soin de juger la justice bourgeoise. »

À suivre

Paul Moucheraud, 27 ans

 

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29 octobre 2021 5 29 /10 /octobre /2021 00:01

Henri Joseph Gustave Alphonse Trohel naît le 11 novembre 1879 à Saint-Pierre-des-Landes (Mayenne). Il est l’aîné des huit enfants d’Angélique Renault, marchande, et de son mari Henri François Trohel, cordonnier.

En 1899, il réside à Maison-Carrée (act. El-Harrach), commune de la proche banlieue d’Alger, où se trouve le siège des Pères blancs, créés par le cardinal Lavigerie pour le développement des missions chrétiennes en Afrique. Il y est dispensé du service militaire, du fait de sa myopie importante. Il est, début 1901, élève du séminaire catholique de Carthage, dans la banlieue de Tunis. Il y est probablement ordonné prêtre en été 1903.

Il rejoint alors le noviciat de Pères blancs à Saint-Laurent-d’Olt (Aveyron). Il est envoyé en septembre 1904 à Ghardaïa, dans la région du M’zab, au cœur du Sahara algérien. Peut-être y rencontre-t-il le père Charles de Foucauld, qui est proche des Pères blancs et rejoint Tamanrasset en passant par Ghardaïa. Trois ans plus tard, Trohel est à Mombasa, au Kenya.

Revenu en France, en 1909, il séjourne d’abord à Neuilly-Plaisance puis à Noisy-le-Grand (Seine, act. Seine-Saint-Denis).

Le diocèse de Laval (Mayenne), dont il est originaire, le met à disposition de l’archidiocèse de Paris, qui le nomme, en novembre 1910, vicaire de l’église Saint-Charles Borromée à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), dont le curé est l’abbé Léon Roger. Il vit, en compagnie de sa sœur Marie Louise, au centre-ville, rue de Paris. Cette même année, son jeune frère Auguste, passé lui aussi par Alger, est ordonné prêtre à Laval.

La carrière ecclésiastique de l'abbé Henri Trohel se termine avec sa nomination, en novembre 1912, au vicariat de Malakoff (Seine, act. Hauts-de-Seine). L’année suivante, en septembre 1913, il est professeur et vit rue Pouchet à Paris (17e arr.) et y épouse Rose Blanche Lavaud, une jeune divorcée. Tous les deux divorceront aussi, peu de temps après, en février 1917.

Au cours de la première guerre mondiale, Henri Trohel est d’abord renvoyé dans ses foyers, à cause de sa mauvaise vue, puis affecté, en août 1915 à la 22e section d’infirmiers. Il rejoint, en février 1918, le 7e régiment du génie d’Avignon avant de retourner en avril à la 15e section d’infirmiers, où il est démobilisé en février 1919.

Après-guerre, il enseigne en collège à La Seyne (Var). Il aurait été ensuite agent d’assurances.

Henri Trohel meurt le 29 avril 1964 à Solliès-Ville (Var). Il était âgé de 86 ans. À l’issue de la première guerre mondiale, il avait reçu la médaille commémorative de la Grande-Guerre.

La maison des Pères Blancs à Ghardaïa

 

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27 octobre 2021 3 27 /10 /octobre /2021 00:01

Georges Albert Téton naît le 11 juin 1845 à Melun (Seine-et-Marne). Il est le fils de Marie Louise Rosalie Bellanger et de son mari Jean Baptiste Joseph Téton, employé.

Après avoir probablement fait des études au grand-séminaire de Versailles Seine-et-Oise, act. Yvelines), où il est ordonné prêtre pendant l’été 1870. En septembre de cette année, il est nommé vicaire de Villiers-le-Bel, dans le doyenné d'Ecouen (Seine-et-Oise, act. Val-d’Oise). Il prend son poste en pleine guerre franco-prussienne.

Toujours dans le diocèse de Versailles, il est devient en juin 1871 curé de Montigny-Le-Bretonneux, qui dépend de l’archiprêtré de Saint-Louis. Alors curé de L’Étang-la-Ville, il assure en 1888 l’intérim de la cure de Marly-le-Roi. Il exercera ensuite la même fonction, jusqu’en 1906, à Chennevières-sur-Marne (Seine-et-Oise, act. Val-de-Marne).

Ayant pris sa retraite en 1906, à un âge peu avancé pour un prêtre, l’abbé Téton s’installe à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il réside en 1911 rue Hugédé, dans le quartier de Palissy. Pendant la première guerre mondiale, il assiste le curé de la paroisse Sainte-Anne de Polangis, l’abbé Seneuze.

Albert Téton vit toujours à Joinville en 1921. Il meurt en avril 1922 dans un lieu indéterminé. Il était âgé de 76 ans.

L'église et la mairie de Chennevières

 

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25 octobre 2021 1 25 /10 /octobre /2021 00:01

Suite de la biographie d’Eugénie Peauger

Fondatrice en décembre 1900 de l’Association fraternelle des receveuses, dames employées des postes, des télégraphes et des téléphones, Eugénie Peauger voit son initiative très commenté, en termes très favorables, par une grande partie de la presse quotidienne et des journaux destinés aux femmes.

L’objectif de l’association, qui a le statut de société de secours mutuels, est de venir en aide aux sociétaires malades ou accidentés par le versement d’une indemnité. Mme Peauger en est la présidente.

Elle sait attirer plusieurs personnalités dans ses membres d’honneur, dont Jeanne Levayer Millerand, épouse du ministre du commerce, de l’industrie, des postes et télégraphes et futur président de la République Alexandre Millerand, Léon Mougeot, sous-secrétaire d'État des Postes et Télégraphes et son épouse, Pauline Dautel ou le préfet de la Seine et ancien directeur des Postes, Justin de Selves. Le quotidien Le Français réalise un entretien avec elle, soulignant qu’elle a « la parole précise, énergique avec un accent de douceur ». Au-delà des enjeux matériels (indemnités de maladie ou de maternité, aide aux obsèques), elle insiste sur la solidarité morale : « Si vous saviez combien le sort des employées femmes est triste le plus souvent! Quel sombre isolement dans ces bureaux de campagne, où la receveuse, où l’employée arrive inconnue et déjà suspecte, jalousée pour son instruction, pour son rôle de dame et de fonctionnaire ! Oh ! Les vilenies de petits villages : cancans, potins, calomnies — et souvent les plus graves ! Dans les villes, autre inconvénient: noyée parmi un personnel masculin bien plus nombreux, la jeune débutante courra des dangers que vous devinez. (…) Enfin nous voudrions n’abandonner nos adhérentes — pas même après la mort ! — Combien s'en vont, sans une amie, vers une tombe aussi isolée que le fut sur terre leur pauvre demeure ! (…) Nous  voulons qu’une fois mortes elles aient encore quelques camarades derrière leur cercueil, quelques simples fleurs sur leur tombe !... »

L’association compte plus de deux cents adhérentes peu après sa fondation sur sept ou huit mille receveuses ou employées. En 1901, elle étudie un projet d’orphelinat. Mme Peauger devient une interlocutrice sociale sollicitée par les personnalités officielles ; elle est ainsi consultée par la commission extraparlementaire de la révision des allocations, remises et indemnités accordées au personnel des postes en novembre 1902. La même année, en décembre, Alexandre Bérard, nouveau sous-secrétaire d'État des Postes et Télégraphes, préside l’assemblée générale de l'Association pour montrer « son intérêt au petit personnel de son administration » selon Le Petit Journal. En 1904, le groupement adhère au Conseil national des femmes françaises.

Ayant quitté son poste de Rosny-sous-Bois, Eugénie Peauger devient receveuse à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) en octobre 1903. Elle réside dans l’immeuble, situé quai du Barrage.

Le bureau de poste de Joinville (peut-être avec Eugénie Peauger à droite)

En novembre 1903, Mme Peauger est vice-présidente du Congrès des receveurs et receveuses de France et des colonies qui réclame notamment des congés annuels sans frais pour les receveurs de bureaux simples soulignant que « seuls, parmi tous les employés de l’administration des Postes, les petits receveurs n’ont droit à aucun jour de repos dans l’année ». Le congrès demande également le rachat du matériel par l’administration, estimant « inadmissible que l’État, le premier des patrons, fasse payer à ses employés le matériel qui lui sert à exploiter le monopole postal. »

La constitution d’une Maison des dames des postes et télégraphes, sous forme de société coopérative en février 1904, fait appel à plusieurs collègues de l’association. Des dons de M. de Rothschild ou du Syndicat des agents de change permettent de constituer le capital de départ et l’immeuble est construit rue de Lille à Paris (7e arr.) avec comme maître d’œuvre Eugène Bliault, architecte du Musée Social, dans le style Art nouveau. Il comprend environ cent chambres meublées, un restaurant coopératif, et un vaste salon-bibliothèque ainsi qu’un jardin. Eugénie Peauger est administratrice de la société lors de sa constitution officielle en décembre 1904.

Une Fédération des associations professionnelles des postes télégraphes et téléphones de France et des colonies se constitue en juillet 1905, revendiquant 15 000 adhérents, après que le processus de regroupement ait été lancé en décembre 1904. Y participent l’association des dames ainsi que toutes les structures des receveurs, des ambulants, des personnels administratifs, des commis, des mécaniciens ou des expéditionnaires. Alors que le droit syndical n’est pas encore reconnu dans l’administration, il s’agit d’une première organisation à cette échelle à but de représentation du personnel. Mme Peauger est membre du comité exécutif du conseil fédéral.

La commune de Joinville accueille en août 1905 le championnat du monde de natation, qui se déroule en eau vive dans la Marne. La presse sportive signale le comportement de la receveuse Peauger, se félicitant de « la célérité et la diligence qu'elle mit à assurer son service. »

Eugénie Peauger meurt le 13 octobre 1905 à Paris (15e arr.), rue Dombasle, une voie parisienne baptisée en l’honneur d’un oncle d’une précédente directrice du bureau de poste de Joinville. Âgée de 45 ans, elle n’a pas eu d’enfant et était décorée des Palmes académiques comme officière d’académie depuis janvier 1902.

L'Union des dames de la Poste luis consacre, sous la signature de Spada, luis consacre une longue nécrologie, relevant qu’elle « montra un inlassable dévouement, chaque fois qu’il s’agit de combattre une injustice ou de venir au secours d’une de ses sociétaires ». Spada relève que « sa mort nous a étonnées, parce que nous ignorions que notre excellente camarade était depuis longtemps minée par le mal qui devait l’emporter. Gomment l’aurions-nous deviné ? Mme Peauger ne se plaignait pas et son activité incessante ne pouvait laisser soupçonner son état maladif. En effet, il faut remarquer qu’elle parvenait à s’acquitter de tous ses travaux, tant dans les commissions qu’à son association, en même temps qu’elle menait à bien la gestion de l’important bureau dont elle était receveuse. Elle était de ces courageuses créatures qui travaillent sans trêve et sans bruit, modestement et sans s’effrayer des charges qui leur sont imposées. »

Fin

La Maison des dames des Postes de la rue de Lille à Paris

 

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23 octobre 2021 6 23 /10 /octobre /2021 00:01

Début de la biographie d’Eugénie Peauger

Rose Marie Eugénie Chégu naît le 6 juin 1860 à La Rochelle (Charente-Inférieure, act. Charente-Maritime). Elle est la fille d’Angélique Rose Marie Olive et de son mari Joseph Chégu, portier-consigne (agent chargé de l’ouverture et de la fermeture et dépositaire des clés) au fort Saint-Nicolas. Il exerce la même fonction au fort du Mont-Valérien à Suresnes (Seine, act. Hauts-de-Seine) quand il meurt en juin 1868. Il était titulaire de la Médaille militaire et chevalier de la Légion d’honneur. De ce fait, Eugénie reçoit une éducation dans la maison des Loges, à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, act. Yvelines).

La veuve Chégu se remariera avec Orens Portes, également portier-consigne, décoré de la Médaille militaire et chevalier de la Légion d’honneur.

Pour sa part, Eugénie Chégu épouse en août 1881 à Suresnes, où elle réside toujours au Mont-Valérien, Gustave François Jules Basséras, adjudant du bataillon de gendarmerie mobile (basé à la caserne Babylone de Paris). Il meurt en décembre 1883 à Saint-Maurice (Seine, act. Val-de-Marne). Il était lui aussi décoré de la Médaille militaire.

Après avoir été aide au bureau de Suresnes, Eugénie Basséras est embauchée en mai 1886, par l’administration des Postes comme dame-employée à Puteaux (Seine, act. Hauts-de-Seine). Elle devint receveuse à Chaulnes (Nièvre) puis Survilliers (Seine-et-Oise, act. Val-d’Oise). Elle est, en 1891, receveuse du bureau de Rosny-sous-Bois (Seine, act. Seine-Saint-Denis), avec un très modeste traitement de 800 francs par an. Toujours à ce poste, elle épouse, en juillet 1893 à Rosny, Clément Ernest Marie Peauger, commis des postes dans la commune proche de Montreuil.

C’est à Rosny qu’Eugénie Peauger prend pour la première fois des responsabilités associatives. Elle est secrétaire du comité de l'Union des femmes de France, organisme caritatif qui organise en janvier 1896 une tombola au profit des rapatriés de Madagascar, soldats revenus de la campagne de conquête de l’île. C’est aussi à ce titre qu’en septembre 1902 elle secourt des ouvriers en charge de la construction d’une maison, voisine de son bureau, qui s’est effondrée.

L’essentiel de l’importante activité militante de Mme Peauger va s’exercer dans la défense des employées des Postes, sort apparaît peu enviable selon la presse féminine. Dans Le Journal des femmes, en août 1901, la publiciste et directrice de théâtre Madeleine Carlier décrit la condition des receveuses des postes.

Elle estime que « la dignité de leur vie, la conscience avec laquelle elles remplissent leurs fonctions, de plus en plus assujettissantes, sont bien faites pour inspirer un intérêt profond ».  Madeleine Carlier décrit ensuite son quotidien : « Ceux qui ne la voient qu’un instant, derrière le guichet, vendant un timbre, payant un mandat, ou momentanément assise devant l’appareil télégraphique sont peut-être tentés de juger son existence assez douce. Ils ignorent qu’à ce travail aisé s’adjoint la charge d’une comptabilité souvent écrasante, fort compliquée lorsque s’y ajoute la caisse d’un facteur receveur, dans tous les cas longue et minutieuse, exigeant presque toujours des veilles que le lever matinal rend très pénibles. Plus lourde encore que la fatigue matérielle est pour beaucoup la préoccupation d’esprit. La receveuse est responsable, et dans les bureaux où les transactions sont nombreuses la caisse parfois contient une somme considérable. Du jour où un employé des postes est devenu titulaire d’une recette — ceci bien entendu s’applique aux fonctionnaires des deux sexes — sa responsabilité commence pour ne cesser qu’a la retraite. Le receveur et la receveuse n’ont jamais une véritable vacance. Pendant le congé annuel de quinze jours que le règlement autorise, les frais du remplaçant sont à leur charge, et ils demeurent responsables de sa gestion. C’est pourquoi certaines receveuses renoncent d’elles-mêmes à ce congé que trouble la hantise de craintes harcelantes. Pour la femme, dont le gagne-pain est si rude à conquérir, la peur des difficultés avec l’administration est bien plus angoissante que pour l’homme. Il faut qu’elle le soit à un terrible degré pour les inciter à se priver d’un bref repos que la santé réclame impérieusement. Qu’on songe, en effet, au servage d’un travail de bureau qui ne comporte en France aucun arrêt de jours fériés et tient les fonctionnaires enfermés de sept heures du matin à sept heures du soir, sans parler de ceux que les courriers nocturnes obligent à se lever à deux ou trois heures du matin. »

L’inégalité entre les hommes et les femmes frappe Madeleine Carlier : « Ce labeur constant et sédentaire, qu’on peut sans nulle exagération qualifier d’esclavage, est certainement plus pénible encore pour la femme que pour l’homme. D’ordinaire le receveur est marié, a une famille; de toute façon, il sort, entretient des camaraderies, prend contact avec la vie externe. »

La condition sociale est également pointée du doigt par Madeleine Carlier : « Cette carrière, qui exige tant de sacrifices par l’assiduité ininterrompue du travail, dédommage-t-elle au moins celles qui l’embrassent par une aisance proportionnée à la somme du labeur ? Tout d’abord les débuts sont longs. Ce n’est pas aisément qu’on obtient une recette. Généralement, la postulante doit chercher à être, en premier lieu, nommée dame employée, ce qui encore exige au préalable deux années de stage comme aide et l’épreuve d’un examen. Les dames employées débutent aux appointements annuels de mille francs, sans logement ni aucun bénéfice sur les opérations du bureau. Souvent elles sont obligées d’attendre cinq, six ans et plus pour être nommées receveuses (…). La receveuse, comme la dame employée, débute à mille francs. Elle doit fournir un cautionnement de valeur égale à la première année de traitement. Elle est logée par l'administration. (…) Elle touche, pour l’entretien du bureau, une indemnité de régie, mais (…) cette indemnité ne couvre pas les frais de chauffage et d’éclairage. (…) Les receveurs et receveuses débutent aux appointements identiques ; mais, avec l’avancement, nous constatons l’injuste disproportion (…) qui, à vrai dire, existe partout sous le règne actuel du salaire inégal pour travail égal. Le traitement d’une receveuse de deuxième classe ne peut dépasser deux mille francs. C’est le bâton de maréchal des employées des postes, et encore bien peu d’entre elles le peuvent conquérir. Toutes les situations avantageuses sont réservées au personnel masculin. (…) Les confidences qui nous sont venues d’un peu partout nous permettent d’affirmer, en toute impartialité, qu’en un petit nombre de bureaux la position de quelques employées est devenue bien délicate, par suite de l’attitude des receveurs et de certains commis d’ordre. La discipline étroite qui fait du gérant d’un bureau simple ou composé le maître absolu du travail et de l’avenir de ses agents […fait] que certains misérables (…) vont jusqu’à poursuivre par les rigueurs administratives et par la calomnie celles qui ne veulent pas sacrifier leur honneur à leur position. » Des faits analogues sont, il est vrai, trop fréquents pour que de telles révélations nous étonnent. Ceux qui connaissent la vie industrielle et commerciale, l’odieuse oppression de la femme pauvre par l’homme débauché, savent de combien de hontes involontaires est parfois flétrie celle dont le gagne-pain dépend des caprices du mâle. Mais si l’infamie est trop ordinaire en nos mœurs, elle n’en suscite pas moins l’indignation et les poignantes détresses de jeunes filles (…) C’est à cette situation particulièrement douloureuse pour les femmes que va désormais porter remède une société de création récente (…) l’Association fraternelle des receveuses, dames employées des postes, des télégraphes et des téléphones (…). L’initiative en est due à Mme Peauger, receveuse des postes à Rosny-sous-Bois.

À suivre

Madeleine Carlier

 

 

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19 octobre 2021 2 19 /10 /octobre /2021 00:01

Jean Louis Frédéric Bardin naît le 2 août 1810 à Senard (act. Seuil-d'Argonne, Meuse). Il est le fils de Cécile Schmitt (ou Chénit) et de son mari Claude Augustin Bardin, propriétaire.

En 1834, il est fabricant et préparateur de plumes à écrire à Paris, probablement déjà Saint-Sauveur (2e arr.) où il est installé en 1840. Les plumes d’oies restent la principale matière première pour les instruments d’écriture, mais la production de plumes métalliques en acier anglais va peu à peu supplanter les produits d’origine animale. Les plumes brutes arrivent du Nord, c’est-à-dire de Russie. Elles servent également à la production de duvets.

À Charleville (act. Charleville-Mézières, Ardennes), Frédéric Bardin épouse en juin 1838 Anne Marie Amélie Blaise, fille d’un négociant. En 1843, Bardin déplace son atelier rue de Lancry (10e arr.). La révolution parisienne de février 1848 entraîne la suspension des affaires et a « complètement détruit sa fabrique » selon la revue Génie industriel. Il construit une usine à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), qui fonctionne en mars 1848, en transformant complètement son modèle, tout en conservant son siège rue de Lancry. L’usine de Joinville se situe à la limite des deux communes de Joinville et de Saint-Maur-des-Fossés, rue de Paris. Elle est victime d’un incendie, en janvier 1853, qui est cependant assez rapidement maîtrisé ; deux des sauveteurs sont légèrement blessés.

À partir de 1841 et jusqu’en 1867, Bardin va déposer 18 demandes de brevets ou d’améliorations de brevets en France pour améliorer les plumes d’écritures et utiliser la matière pour divers sous-produits. Il demande également des licences pour protéger ses inventions au Royaume-Uni.

Elle transforme, en 1863, 200 000 plumes d’oies par jour, ce qui correspond à la dépouille de 10 000 animaux, qui viennent généralement de Russie. Parmi les produits nouveaux figure un système d’abri en plumes destiné à remplacer les paillassons pour la couverture des serres puis des tapis en plumes.

Au cours des années 1860, l’entreprise Bardin est présente dans plusieurs expositions nationales et internationales : à Nantes en 1861, Paris en 1867, Le Havre en 1868, Vienne (Autriche) en 1873. Si les stands Bardin ont régulièrement un bon accueil de presse, les récompenses sont moins prestigieuses. Le journaliste et romancier Auguste Luchet s’étonne d’ailleurs que la maison se soit contentée d’une mention honorable à l’Exposition universelle de 1867 : « Dans son usine de Joinville-le-Pont, tout ce qui se perdait jadis en cet habit de l'oiseau, gros plumages de volailles, restes de plumes à écrire, cure-dents, plumeaux, balais hors de service, débris vils dédaignés par le chiffonnier lui-même, est reçu, bien venu, trié, nettoyé, et débité en lamelles infinies, lesquelles ensuite, purifiées et blanchies ou teintes, deviennent, au moyen d'un tissage merveilleux et particulier, de bons et durables tapis de pied, foyers, descentes de lit, atteignant même, au besoin, des dimensions plus hautes. C'est doux, c'est moelleux, c'est touffu, et c'est pour rien. Et par millions de kilogrammes. Et beaucoup de monde en vit. Cela pourtant valait bien une médaille. »

En effet, Bardin tente de valoriser l’ensemble des matières qu’il reçoit. Le journaliste et militant anticlérical Charles Sauvestre lui consacre, dans L’Opinion nationale en juin 1867, un long reportage, mettant en avant cette chasse au gaspillage. Il apprécie qu’il s’efforce d’utiliser des machines peu compliquées, y compris pour le tissage. Sauvestre laisse Bardin présenter un projet d’économie politique : « A ne prendre que le poulet, et sans nous occuper pour le moment ni des oies, ni des canards, ni des dindons, ni du gibier, supposons qu’il se mange en moyenne, dans l’année en France, deux poulets et demi par habitant; à quarante grammes de plumes par poulet, savez-vous que cela fait quatre à cinq millions de kilogrammes d’une matière première répandue partout qu’on jette faute de savoir en faire l’emploi. Eh bien ! Je veux faire faire qu’on ne jette plus la plume de poule, mais que les ménagères la ramassent au contraire précieusement. La dépouille d’un poulet représente un demi-mètre d’étoffe qu’on laisse perdre volontairement ». Il assure faire avec constance « la recherche de l’utilité publique et surtout de ce qui peut être utile au grand nombre, c’est-à-dire aux plus pauvres ». Pour le publiciste, M. Bardin « est un de ces esprits qui ont horreur du repos, sans cesse il travaille et retourne en son cerveau quelque invention nouvelle. »

En 1869, l’usine Bardin de Paris utilise les plumes pour des volants, des plumeaux, des cure-dents (50 millions par an) et des becs de plumes pour écrire, en plus des tapis, abris et ornements pour chapeaux. Elle n’emploie que des femmes et des enfants, au nombre de 130 à 140. La presse remarque l’aération et la propreté des locaux, s’intéressant aussi à l’existence d’une caisse de secours mutuels.

La Commission des tarifs de douane, consultée par le gouvernement en juillet 1872, prend l’exemple de l’usine Bardin pour contester son projet de taxation des importations

Jean Louis Frédéric Bardin meurt le 1er juillet 1878 à Joinville, à son domicile de la rue des Réservoirs ; son décès est retranscrit sur l’état-civil de Saint-Mihiel (Meuse). Il était âgé de 67 ans. Il était membre de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures ainsi que de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale.

Son fils, Gabriel, assure la gestion de l’entreprise familiale devenue en 1878 Bardin et fils. Il vend, vers 1788, le site parisien, qui garde cependant le nom historique, mais poursuit un temps l’exploitation de l’usine de Joinville, déplacée rue des Réservoirs. Il s’installe en Seine-et-Marne, à Montcerf, où son épouse et lui meurent en 1917.

Une usine de plumasserie à Nogent-sur-Marne

 

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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 00:01

Alfred Prêtre naît le 4 décembre 1844 à Paris (8e arr.). Il est le fils de Mélanie Rosoy et de son mari Louis François Prêtre. Son père, ancien charretier devenu rentier, presqu’illettré, est particulièrement âgé puis qu’il a 76 ans à la naissance d’Alfred, le quatrième des fils qu’il a eu avec Mélanie, de 42 ans sa cadette, qu’il a épousée en 1837 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), alors qu’il avait déjà 69 ans. Il meurt en septembre 1852 à Belleville (act. Paris, 18e arr.).

Artiste dramatique jouant en banlieue parisienne, selon le Dictionnaire des comédiens français d’Henry Lyonnet, qui le trouve « vaillant » mais « un peu froid », Alfred Prêtre adopte le pseudonyme de Montbars ; la presse le désigne parfois comme A. Montbars, car un autre comédien du Palais-Royal, Jules Alexandre Kalitowitsch (1844-1882), se fait également appeler Montbars. Alfred Montbars joue en 1871 des rôles au théâtre de l’Ambigu comique (Paris), où il se fait remarquer même quand les pièces sont peu appréciées de la critique. Le Constitutionnel, par exemple, voit en lui « un jeune comique plein d'avenir ». Il épouse à Paris (11e arr.) Agathe Angélique Bordier, couturière, fille d’un carrier de Charenton-le-Pont.

Engagé principalement dans des rôles de comique, il joue également à Paris pour le théâtre Montmartre, Déjazet, les Menus-Plaisirs, Cluny et le Gymnase. Il débute en novembre 1875 à l'Odéon, dont il deviendra un des habitués. En 1879-1880, il fait une tournée en Russie, à Saint-Pétersbourg et est pensionnaire du théâtre Michel. De retour dans la troupe de l’Odéon en 1888, il obtient du succès dans Crime et Châtiment.

Divorcé en 1890, Montbars s’installe à Joinville-le-Pont, ville où vivaient ses parents avant sa naissance, dans le nouveau quartier de Polangis, sur la rive gauche de la Marne, avenue Gille. Il y donne des cours d’art dramatique. Cependant, il n’y est pas recensé et a donc probablement conservé une adresse parisienne, peut-être rue Saint-Maur (11e arr.) où il vivait lors de son mariage. Il est engagé en 1897 au théâtre du Gymnase puis revient l’année suivante à l’Odéon.

Les commentaires sur le jeu de Montbars sont habituellement très favorables. Ainsi, en mars 1892, un chroniqueur du quotidien culturel Gil-Blas, après avoir critiqué certains interprètes des Faux Bonshommes, pièce de de Théodore Barillet et Ernest Capendu, conclut : « Les autres sont excellents. En tête, je cite Montbars, un comédien qui n'est pas apprécié à sa juste valeur et vaut dix fois plus que sa réputation. Il est exquis de naturel dans Péponet et s'y montre pour le moins égal à son prédécesseur Daubray, je lui adresse tous mes compliments et le remercie du plaisir qu'il m'a causé ». Beaucoup d’articles lui associent le qualificatif « excellent. »

En septembre 1898, Montbars répète la pièce de l’historien et dramaturge G. Lenôtre et de Gabriel Martin. Lors de la répétition générale, le journaliste et romancier Félix Duquesnel explique qu’il l’avait trouvé « très naturel et de comique très franc dans un personnage de gentilhomme pauvre », nommé Puygiron. La première de la pièce est programmée le 1er octobre, jour de réouverture de la salle du théâtre de l’Odéon de Paris (6e arr.). Nicolet dans Le Gaulois rapporte que Montbars « de l'avis de tous, paraissait plein de santé et de bonne humeur. »

La représentation, le 1er octobre, débute par une pièce courte puis, pendant l’entracte, un comédien qui jouait dans le dernier acte, mais était arrivé plus tôt qu’il n’était tenu de le faire, Chelles, reçoit le message suivant : « De Joinville-le-Pont, Montbars mort, A. Montbars ». L’émoi est immédiat dans la troupe qui, cependant, décide de jouer malgré tout. Un autre acteur, Henry Burguet annonce au public : « Mesdames et Messieurs, une dépêche nous arrive à l'instant de Joinville qui nous apprend que notre excellent camarade Montbars est tombé subitement très, très gravement malade... Son rôle sera lu par M. Céalis qui réclame toute votre indulgence ». L’annonce se répandit pendant l’entracte, où « elle fut accueillie avec une vraie peine » par les « habitués des premières, dont Montbars était depuis, si longtemps connu et estimé » selon Le Figaro qui conclut par « cette simple phrase entendue vingt fois derrière la toile : Ce pauvre Montbars ! Ce pauvre Montbars ! »

Un très grand nombre de journaux, parisiens mais aussi de province, relatent le décès ; les sources en ligne permettent d’en identifier plus d’une soixantaine. Mais plusieurs ont également connu un raté qui provoquera les railleries de leurs confrères : ils ont publié un compte-rendu de la première de Colinette sans l’avoir vu, probablement après avoir assisté à la générale la veille, et ont cependant commenté le jeu des acteurs. Pour Jean Gascogne, dans La Libre Parole, « Il faut mentionner M. Montbars, excellent dans un rôle » tandis que L'Indépendant rémois trouve « M. Montbars, amusant ». Pour Le Petit Caporal, « M. Montbars est cocasse à souhait » tandis que dans La Petite République, Henri Pellier trouve qu’il « joue fort bien. »

Sans avoir raté l’information sur son décès, certains journaux racontent une histoire inexacte. C’est le cas de La Revue mondiale pour qui « L'excellent acteur Montbars (…) s'est subitement affaissé et est mort sans avoir repris connaissance, dans sa loge où on l'avait immédiatement transporté. »

L’hommage de la presse est très large. Le Gaulois voit en Montbars « un excellent artiste et un non moins excellent pensionnaire » de l'Odéon. La Patrie le trouve « exquis de verve comique ». La France militaire précise que son décès est dû à une congestion cérébrale, assurant que  « le vaillant artiste, que tout Paris connaissait, est tombé, pour ainsi dire, sur le champ de bataille; (…). Il s’était montré, comme toujours, artiste consciencieux (…). Il disparaît en pleine maturité de son talent (…). Pauvre Montbars ! »

Alfred Prêtre était mort le 1er octobre 1898 à Joinville, où il est inhumé le 3. Lors de ses obsèques l’écrivain Paul Ginisty, directeur du Théâtre de l'Odéon, et le sculpteur et acteur Albert Lambert père, sociétaire de la Comédie-Française, prononcent des allocutions en présence de la troupe de l’Odéon.

La situation matrimoniale de Montbars lors de son décès est incertaine. Le télégramme annonçant son décès est signé « A. Montbars » selon Le Figaro, qui l’identifie comme Mme Montbars. Le Dictionnaire des comédiens français précise : il « laissait une veuve ». Or, son ancienne épouse, Agathe Angélique Bordier, s’était remariée en avril 1892. Il est donc douteux qu’elle puisse être la signataire de la dépêche et la veuve mentionnée. Par ailleurs, l’acte de décès mentionne qu’il est célibataire. Il s’agit peut-être d’une relation non officielle.

Montbars dans Crime et châtiment

 

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11 octobre 2021 1 11 /10 /octobre /2021 00:01

Victor Étienne Prétot naît le 18 avril 1852 à Paris (6e arr.). Il est le fils d’Adelaïde Thiébaut et de son mari Adolphe Prétot, originaires des Vosges. Ils vivent sans doute à Saint-Germain-en-Laye puis ensuite de nouveau à Paris, rue Fondary (15e arr.). Adolphe Prétot vend à son fils en novembre 1872 le fonds de marchand de vin qu’il exploitait rue de Vaugirard.

Cependant, alors que son père devient tourneur et sa mère brodeuse, Victor Prétot s’engage dans d’autres activités. Il est mécanicien en juin 1879 quand il épouse à Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis) Jeanne Eugénie Chambon. Le couple s’installe dans le 11e arrondissement, d’abord rue des Boulets, ensuite rue de Montreuil puis rue des Immeubles Industriels. C’est dans cette dernière rue que qu’est installé l’atelier Prétot dans les années 1880, avant de déménager la décennie suivante pour l’avenue Philippe-Auguste, dans le même arrondissement.

Bien qu’il n’en ait pas eu la formation, Victor Prétot est parfois qualifié d’ingénieur. Il va déposer un nombre important de demandes de protections de ses inventions. En France, au moins 26 brevets lui sont accordés entre 1882 et 1922. Il fait également enregistrer ses droits dans des pays étrangers : États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Italie, Royaume-Uni, Suisse…

L’inventivité de Prétot s’exerce dans de nombreux domaines : le nettoyage des couteaux, l’accrochage des quarts pour l’alimentation des soldats, le compostage des billets pour les courses hippiques ou les chemins de fer, le laminage des fils métalliques, les réchauds…

Son innovation la plus importante, dans les années 1880, est la création d’une machine à fraiser dite universelle, qui lui vaut des médailles d'or lors de l’exposition universelle de Paris en 1900.

Machine à fraiser Prétot

Au cours des années 1890, Prétot s’oriente vers l’automobile, tout juste naissante. Il invente un avant-train supposé s’installer sur des véhicules prévus pour la traction animale. Il s’intéresse aux moteurs à gaz, aux systèmes de transmission et de changement de vitesse, aux pneumatiques… Prétot réalise des prototypes qui peuvent participer à certaines compétitions, comme Paris-Rouen, premier concours de « voitures sans chevaux » en juillet 1894 ou la Côte de Chanteloup, à Chanteloup-les-Vignes (Seine-et-Oise, act. Yvelines) en 1898. Il vend également quelques voitures particulières.

Automobile à système Prétot

En 1897, Prétot crée une entreprise à Londres, la Pretot Motor Syndicate Ltd, qu’il utilise pour lancer des activités en Amérique du Nord en particulier. Il cherche en particulier à commercialiser son avant-train pour l’équipement de charriots ou la transformation de véhicules. L’activité automobile à l’étranger a dû cesser vers le début du XXe siècle.

C’est également vers 1900 que la famille Prétot, qui compte six enfants vivants, s’installe à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où elle acquiert une vaste propriété, qualifiée de château dans les répertoires mondains, sise rue des Marronniers (act. rue Eugène-Voisin), dans le quartier du Centre. Plusieurs domestiques y travaillent.

Lors des élections municipales de mai 1904, Prétot est candidat sur la liste du maire sortant, Eugène Voisin, soutenue par le comité radical-socialiste. Elle recueille une moyenne de 50,2% des suffrages exprimés dès le premier tour et a 15 élus, face à une liste de droite qui se situe à 31,9%, et aux candidats socialistes-révolutionnaires, 14,9%. Au second tour, les radicaux obtiennent 7 sièges de plus et en laissent un à la droite. Prétot, bénéficiaire de 548 voix soit 49% au premier tour, est élu au second ; il y avait eu 1 119 votants pour 1 363 inscrits. Pour la première fois, le maire, réélu, avait mis en avant le programme radical-socialiste qu’il opposait au nationalisme et au cléricalisme de la « coalition réactionnaire ». L’ancien député de gauche, Jules Ferdinand Baulard, se félicitait : « Je souhaite que nous puissions décrasser notre commune dont nous avons été considérés pendant longtemps comme des anarchistes qui voulaient tout bouleverser ; c’est une satisfaction que nos efforts et nos idées ont gain de cause. »

Au cours du scrutin suivant, en mai 1908, Prétot sollicite le renouvellement de son mandat. Face à une liste socialiste SFIO et à une autre qualifiée de socialiste évolutionniste, les radicaux-socialistes du maire sortant obtiennent 21 sièges, un indépendant et évolutionniste étant élus. Prétot obtient, au second tour, 585 voix pour 1 188 votants et est élu. Tandis que des dissidences se font jour, à mesure du vieillissement et de la maladie d’Eugène Voisin, Prétot lui reste fidèle. En juillet 1911, il est, avec Roux, l’organisateur d’une réunion d’hommage au maire avant l’inauguration de la nouvelle mairie. Voisin ne se représentant pas, la liste radicale-socialiste de Georges Briolay, son ancien adjoint, est battue en mai 1912 par une coalition regroupant des radicaux dissidents, les socialistes SFIO et la droite libérale et conservatrice. Prétot quitte le conseil municipal.

Près de la pyramide de Brunoy (Seine-et-Oise, act. Essonne), la voiture automobile que conduisait M. Prétot entre en collision avec un charretier conduisant des bestiaux ; les comptes-rendus de presse divergent. Pour L’Univers, M. Prétot et un de ses fils, soldat au 1er régiment de dragons à Compiègne, sont assez grièvement blessés ; pour Le Petit Journal, c’est le charretier qui l’est.

Pendant la première guerre mondiale, l’activité de l’usine Prétot est orientée vers le matériel militaire. Il exporte en Italie une machine pour finir les obus en acier après la trempe. Pour le compte de l’armée française, il produit un engin automobile blindé, utilisant des scies circulaires pour couper les fils de fer barbelés.

Après le conflit, Prétot continue son activité mécanique et retourne vivre à Paris. Tout en continuant à produire des avant-trains automoteurs, il s’oriente également vers le cuir textile et le polissage des glaces.

Victor Etienne Prétot meurt le 14 mai 1920 à Paris (11e arr.) à son domicile avenue de la République. Il était âgé de 68 ans et père de sept enfants. Il avait été décoré des Palmes académiques comme officier d’académie en février 1907, puis comme officier de l’instruction publique en mars 1914. Il avait obtenu une médaille d'or lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900, et probablement également lors de celle de 1889.

Son épouse, Jeanne Eugénie Prétot devient titulaire de son dernier brevet, sur le polissage des glaces, accordé post-mortem en 1922. Elle était membre de la principale association humanitaire de Joinville-le-Pont à partir de 1902, l'œuvre de l'allaitement maternel. En 1911, elle avait été lauréate de la Société de l’encouragement au bien.

Plusieurs de ses enfants déposeront également des brevets : ses deux plus jeunes fils Robert Marcel et Jean Albert, ainsi probablement qu’une de ses filles, Lucie.

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