Suite de la biographie d’Alexandre Casiez
Le scrutin municipal de mai 1900 voit la réunification du territoire saint-maurien. La liste du maire sortant Maxant, républicain-progressiste (droite) arrive en tête, suivie de près par les radicaux-socialistes. Cette dernière fait alliance pour le deuxième tour avec le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire et ils récoltent les 27 sièges à pourvoir. Casiez est réélu, le Dr Sallefranque, radical-socialiste, devient maire.
Renouvelé dans son rôle de trésorier de l’Union des radicaux-socialistes de la 2e circonscription de Sceaux, Alexandre Casiez est également le directeur d’un journal local, L’Union socialiste. Il avait été fondé en 1893 par le Dr Laffont, défendant principalement des positions radicales-socialistes mais ouvert, au moins aux début, à d’autres courants de gauche. Consacré très largement à Saint-Maur, publié chaque semaine sur deux pages, il a cependant quelques rubriques pour les communes voisines, Champigny, Joinville ou Créteil en particulier. Casiez collabore à L’Union socialiste peut-être dès le début, en tout cas il représente la publication en 1895. Un autre organe radical, Voix des communes, couvre plus largement l’ensemble de la circonscription. De plus, le Dr Sallefranque dispose de son propre journal, La Démocratie.
En octobre 1902, c’est L’Union socialiste qui organise le banquet pour « fêter l'inauguration de la première maison ouvrière construite par la Famille, société coopérative de constructions d'habitations ouvrières à bon marché ». Mais, le mois suivant, Voix des communes relève que « ‘La guerre est déclarée entre la Démocratie et l’Union socialiste » et s’en émeut : « il est parfaitement absurde de se quereller entre soi quand l’ennemi vous guette ». Considérant que « les torts sont réciproques », le correspondant qui signe du pseudonyme de Jean Le Bagaude conclut : « Il y a d’excellents républicains à Saint-Maur, mais on aurait besoin de semer dans les immenses et beaux jardins de cette ville quelques sous de patience et de sens commun. »
Union socialiste, 18 septembre 1904 (Gallica)
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Le comité radical, contrôlé par le maire, expulse Alexandre Casiez en novembre 1902. L’affrontement se poursuit en public en mars 1903. Lors d’une réunion publique de compte-rendu de mandat, Casiez interroge la municipalité sur un paiement pour travaux qui aurait été fait deux fois. Le maire Sallefranque et deux adjoints, Dufaur d'Alaric, radical, et René Bounet, socialiste, considèrent que c’est de la diffamation et portent plainte. Le procès a lieu en juillet 1903 devant la cour d’assises de la Seine. Lors de l’audience, Casiez explique qu’il avait été provoqué à parler au cours de cette réunion, indiquant que « la municipalité n’avait plus notre confiance » et qu’il souhaitait des explications sur une situation qui lui avait été rapportée. Vingt-quatre témoins sont entendus. Le jury ne retient aucune infraction, et la cour d’assises acquitte Casiez. Une trentaine de journaux parisiens au moins rendent compte du jugement.
La rupture politique au sein des radicaux se traduit, en mai 1904, par la présence de deux listes lors des élections municipales de mai 1904, celle officielle du maire, le Dr Sallefranque et celle de Casiez, baptisée Union républicaine. La gauche est également divisée, entre le Parti socialiste français et le Parti socialiste de France (le regroupement aura lieu l’année suivante en 1905), tandis que la droite aligne une liste dirigée par l’ancien maire, Maxant, avec l’appui du Parti républicain libéral.
Les radicaux arrivent en tête, devant les libéraux et les colistiers de Casiez, qui a emmené à sa suite quatre autres conseillers municipaux ainsi que le docteur Henri Chassaing (1855-1908), qui a été conseiller de Paris (1889-1902) et député de la Seine (1884-1890). La liste de Sallefranque décide de s’unir au Parti socialiste français (PSF) et entame des négociations avec l’Union républicaine. Celles-ci achoppent sur l’exclusive concernant René Bounet, adjoint au maire sortant et tête de liste du PSF, « qui a été néfaste aux intérêts communaux », selon Casiez. Les radicaux refusent de faire alliance avec eux. Au second tour, en l’absence de candidats de l’Union républicaine, radicaux et socialistes l’emportent face aux libéraux et Sallefranque est réélu.
Absent de l’assemblée locale, Alexandre Casiez continue cependant de peser sur la vie locale du fait de son titre de directeur de L’Union socialiste, dont l’éditorialiste est le poète lyrique Léon Stensmaght, également orfèvre. Il montre l’étendue de son influence en juillet 1905, lorsque le ministre des colonies Étienne Clémentel le distingue au cours du banquet du Syndicat de la presse républicaine périodique. Le dirigeant dudit syndicat, Monvoisin, témoigne : c’est un « militant républicain sincère et convaincu qui tout en défendant de son mieux, dans le modeste organe qu’il dirige, la République et ceux qui la servent ; qui tout en bataillant avec passion pour ses idées, donna ce bel exemple de ne jamais se souvenir du nom de ses adversaires. »
Décidément habitué des tribunaux, Alexandre Casiez aura comparu devant le conseil de guerre à Versailles en 1872 pour son rôle militaire pendant la Commune de Paris, le tribunal civil de la Seine en 1881 et 1884 pour la séparation de son couple, le conseil d’État au sujet de son élection municipale en juillet 1890 puis la cour d’assises de la Seine en juillet 1903 pour des accusations de diffamation. Il aura aussi fait appel aux juridictions pour se défendre, comme le tribunal correctionnel de la Seine en janvier 1876 à propos de la protection de ses modèles de bijoux (sans succès), et une nouvelle fois, pour injures publiées dans un journal de Saint-Maur en 1904 (avec réussite cette fois). Les deux décisions de 1876 et 1884 auront un effet jurisprudentiel significatif.
Alexandre Casiez meurt le 14 juillet 1906 à Saint-Maur-des-Fossés, dans son domicile de la rue Caffin. Il était toujours agent d’assurances et âgé de 70 ans. Son décès est déclaré par deux de ses neveux. Il était père de neuf enfants, huit de son mariage avec Louise Vernet et un de son compagnonnage avec Eugénie Clairiot. Cette dernière adoptera le nom d’usage de Casiez, bien qu’ils n’aient pas été mariés.
En 1896, Alexandre Casiez avait reçu la médaille de bronze de la mutualité pour son rôle en tant que vice-président de la société de secours mutuels Saint-Louis. Il a été décoré des Palmes académiques, comme officier d'académie en juin 1902, en lien avec ses fonctions de conseiller municipal. L’attribution de la distinction de chevalier du Mérite agricole, fait mention de ses activités de publiciste, membre du syndicat de la presse républicaine de Paris et de la banlieue et pour de « nombreux articles sur les questions agricoles et horticoles. »
Fin
Saint-Maur, avenue du Bac à La Varenne (Arch. dép. Val-de-Marne)
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