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17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 00:01

Louis Édouard Burgard naît le 11 janvier 1888 à Troyes (Aube). Il est le fils de Sophie Mathern et de son mari Louis Napoléon Burgard, employé de la compagnie des Chemins de fer de l’Est. Ils résident rue Traversière. Ses parents sont originaires d’Alsace, ayant quitté le pays suite à l’occupation allemande de 1870. Ils sont germanophones et profondément catholiques.

Inscrit au Petit-Séminaire de Troyes, Édouard Burgard se classe chaque année en première ou deuxième place des élèves et est reçu, avec mention, au baccalauréat en juillet 1905. Il avait obtenu en 1904 un accessit en version latine au concours général de l’institut catholique de Paris.

Le 30 juin 1907, Édouard Burgard est ordonné prêtre dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes par Mgr Sébastien Herscher, évêque de Langres. Il devient professeur au Collège Urbain IV, établissement catholique privé de Troyes.

D’octobre 1909 à septembre 1911, il fait son service militaire au sein du 37e régiment d'infanterie. Il devient caporal en avril 1910 puis sous-officier, comme sergent, en septembre la même année.

Édouard Burgard s’implique dans le mouvement catholique progressiste La Jeune République, fondé après la dissolution du Sillon, dans la fidélité aux idées de Marc Sangnier. Il signe, en septembre 1912 dans l’hebdomadaire de la formation politique un article intitulé Élections d’autrefois où il entend « calmer un peu les irréductibles de l’Action française », parti royaliste et antisémite. Il illustre la corruption des mœurs politiques sous la Restauration.

Il livrera plusieurs articles, de février à juin 1914, consacrés à la situation de l’Alsace, en utilisant le pseudonyme d’Édouard Oberlé. Parlant de la région d’origine de sa famille, il estime qu’elle « remplirait, dans la liberté, ce qui semble bien être sa mission providentielle, sa vocation : rapprocher et réunir deux grands peuples, deux races, deux génies ». Il considère qu’elle « se vengera du pangermanisme en semant la Liberté ! » Il qualifie la politique allemande comme une « oppression économique de l’Alsace-Lorraine. »

Poète, il a obtenu au premier semestre 1914 une lyre d’or au concours du Palinod pour À l’Alsace éternelle.

Son frère cadet, Raymond, lui est manifestement lié. Il suit également ses études secondaires au Petit-Séminaire (transféré à Saint-Dizier, après la séparation de l’église et de l’État en 1905) et est également, à compter de 1914, engagé dans La Jeune République.

Les deux frères se rendent à l’enterrement de leur grand-père paternel, François Michel Burgard, cultivateur, âgé de 83 ans, décédé le 22 juillet 1914 à Niederlauterbach où il était né, dans le nord de l’Alsace. Ils sont toujours en Allemagne le 1er août, quand fut publié l’ordre français fixant le premier jour de la mobilisation générale au 2 août.

Comme ce fut le cas en France à la même date pour les sujets Allemands et Autrichiens, les Français présents sur le territoire de l’empire n’ont plus le droit de le quitter et sont internés dans des camps. C’est le cas de Raymond, qui sera conduit à Holzminden, dans le Brunswick. Par contre, Édouard put, non sans difficulté selon les témoignages, regagner la frontière et rentrer en France.

Immédiatement, il fut réincorporé à son ancien régiment, le 37e d’infanterie qui est alors divisé, lui-même étant incorporé au 237e. Il est envoyé sur la frontière lorraine, toujours comme sergent. Le 25 août 1914, il participe à la contre-attaque initiée par le général Édouard de Castelnau. Il est déclaré disparu.

Il a été tué dans des circonstances racontées par un officier, non nommé, dont la lettre est publiée par la Revue catholique de Troyes (1915/04/24) : « Arrivés à 600 mètres de la lisière ouest du bois, nous sommes tombés sous un feu intense de mitrailleuses. Burgard, qui se trouvait en serre-file, la section placée à ma gauche, s’est détaché pour venir m’offrir ses bons offices. Ceci était le résultat de conversations antérieures au cours desquelles je luis avais dit : « Le jour où ça chauffera, bien qu’en temps ordinaire je ne sois pas pratiquant, je compte sur vous pour me mettre en règle avec ma conscience ». Esclave du devoir, mon brave sergent s’est donc rapproché de moi. Je me trouvais en ce moment à genoux, face au bois. Burgard se mit face à moi, me couvrant, pour ainsi dire de son corps. Il commença la conversation. (…) Je ne lui avais pas encore répondu qu’il ouvrit les bras, ouvrit de grands yeux que je revois encore, et, tombant sur moi, il eut la force de me dire : Ils m’assassinent ! Il avait reçu, par derrière, à travers son sac, une balle qui était allée droit au cœur. Il n’a pas souffert. Je suis convaincu que, dans la circonstance, il m’avait peut-être sauvé la vie puisque j’étais sur la trajectoire. (…) Voilà ce que, encore tout contristé, je puis vous dire sur les derniers moments du fidèle et loyal soldat que nous avons le devoir de pleurer. »

La missive est reprise par différents organes de presse, comme La Croix, Courrier breton, La Grande guerre du XXe siècle.

Le date de son décès diffère selon les sources : son livret militaire et le Journal officiel mentionnent le 10 octobre 1914 ; ce dernier organe précisant, pour l’attribution de la Médaille militaire, qu’il est « mort glorieusement pour la France au combat de Champenoux » qui ont lieu à cette date. Cependant, un jugement du tribunal civil de Troyes, rendu le 11 septembre 1917, précise que cette date est celle de la découverte de son corps et fixe la mort au jour de sa disparition, le 25 août 1914. C’est cette même date qui était déjà, antérieurement à la décisions judiciaire, mentionnée dans la presse et par sa famille.

Le lieu du trépas est lui aussi variable dans les mentions qui en sont faites, qui le situent toutes dans le département de Meurthe-et-Moselle. En accord cette fois avec les sources militaires, le jugement le fixe à Champenoux. Cependant, le témoignage de l’officier parle de la ferme Saint-Libaire, dans la commune de Serres. La famille cite le village limitrophe de Courbesseaux, situé à huit kilomètres de Champenoux. Il est probable que cette commune fut celui où le corps fut transporté et la mort constatée, les combats du 25 août s’étant déroulés principalement autour de Courbesseaux. Le décès eut donc probablement lieu dans cette commune ou dans celle de Serres.

À titre posthume, Édouard Burgard a été décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze et, en avril 1921, de la Médaille militaire. Il est mentionné dans le Livre d'or du clergé et des congrégations. Son nom est sur le monument aux morts de la ville de Troyes.

Le quotidien La Croix considère qu’il s’agit d’une « Belle figure de prêtre soldat ». En septembre 1918 dans Nos annales de guerre, publié par La Jeune République, son frère Raymond, libéré et transféré en Suisse, lui rend hommage : « Il fut prêtre, Alsacien et démocrate. Et il fut fout cela passionnément, car une âme ardente se cachait sous son masque tranquille et parfois un peu sévère. C’est pour ce triple idéal, d'ailleurs, qu’il mourût. Il fut frappé d’une balle au moment où il protégeait de son corps son capitaine, afin de pouvoir entendre sa confession, et il tomba dans cette guerre où nos soldats veulent conquérir, à la pointe de leurs baïonnettes, et la liberté du monde et cette Alsace qu’il chérissait d’un amour filial. Tempérament fortement trempé et d’un parfait équilibre, esprit largement ouvert et très cultivé, heureux de vivre, parce que vivre c’est agir, il avait devant lui une vie pleine de promesses. »

En juin 1973, la Société académique de l'Aube, consultée pour proposer Des noms pour les rues de Troyes mentionna « Les frères Burgard : l'un, Raymond, résistant, a été exécuté à la hache à Cologne en 1944 ; le second, Edouard, sergent, a été tué en Lorraine en 1914 ». la ville ne retint que celui de Raymond pour le nommage d’une de ses voies.

Édouard Burgard (arch.)

 

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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 18:40

Jacques Hollande naît le 13 février 1901 dans le 16ème arrondissement de Paris. Par son père, Jules, il descend d’Henri Dubois-Fournier (1768-1844), commerçant du nord de la France qui mena de nombreuses missions pour le rétablissement de l’Église catholique en France après la Révolution française. Par sa mère, Ghislaine Berthier de Lasalle (1877-1935), il était lié aux princes Murat. Son étoile le plaçait donc plutôt parmi les couches les plus aisées de la société française.

Il choisit pourtant de devenir prêtre puis de s’engager résolument aux côtés la classe ouvrière. Luc Perrin, maître de conférences à la faculté de théologie catholique de l'Université de Strasbourg, livre en 2009 un témoignage sur ce parti-pris : « Je me souviens du chanoine Hollande qui avait été chargé par le cardinal Suhard de les diriger les prêtres ouvriers à Paris et qui me confiait, un peu gêné et quasi en confidence, qu'il était apparenté aux princes Murat, noblesse d'Empire certes mais fort loin du prolétariat. »

C’est en 1926 que Hollande devient prêtre à Issy-les-Moulineaux. Le diocèse de Paris couvrait à cette époque la ville-capitale, mais aussi l’essentiel des trois départements actuels de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). Il sera ensuite vicaire de Saint-Joseph-des-Épinettes, dans le 17e arrondissement ; c’est sans doute à ce moment qu’il devient aumônier de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).

Toujours vicaire, il rejoint Levallois-Perret en 1934 puis comme premier vicaire Notre-Dame-de-Lorette (9e arrondissement).

Il est nommé curé en pleine guerre, se voyant attribuer la charge de la paroisse Sainte-Anne de Polangis à Joinville-le-Pont en juillet 1942. La paroisse avait été créée en 1910 et la petite église aurait dû être remplacée par un nouvel édifice, « Notre-Dame du cinéma », projet arrêté avec le conflit et mondial et jamais repris ensuite.

Sa présence sur les bords de Marne restera assez brève. En effet, en novembre 1943, le cardinal Suhard le nomme supérieur de la Mission de Paris. Six autres prêtres venaient de refuser la fonction.

Archevêque de Paris depuis 1940, Mgr Suhard, se préoccupe de la déchristianisation et notamment celle des couches populaires. Il fonde la Mission de France en juillet 1941 puis  la Mission de Paris en juillet 1943. L’objectif que se donnent les six prêtres regroupés autour de Jacques Hollande est « d’insérer un christianisme ‘très pur’ dans la culture ouvrière pour la ‘surélever’ et inciter la communauté chrétienne à purifier son propre christianisme » d’après l’historien Guillaume Cuchet (*).

La Mission de Paris sera la matrice de la naissance des prêtres-ouvriers. C’est en 1947 que, sur autorisation du pape, des ecclésiastiques décident d’aller travailler en usine ou sur des chantiers. Beaucoup d’entre eux s’engagent dans l’action sociale, devenant même parfois responsables de syndicats Cgt. En 1953, le pape mettra fin provisoirement à l’expérience, provoquant de douloureux troubles parmi ceux qui exerçaient cette fonction.

Beaucoup d’entre refuseront de redevenir des prêtres ordinaires, et Jacques Hollande, qui n’était pas lui-même prêtre ouvrier, les défendra en restant à son poste à la tête de la Mission de Paris. Ils sont qualifiés d’« insoumis » au sein de l’église catholique. Élevé à la dignité de chanoine en 1948, Hollande fait partie des chrétiens qui s’opposent à la bombe atomique en 1949 autour de l’appel de Stockholm.

Après la fin de la Mission de Paris, il redevient curé de la Trinité (Paris, 9e) en 1957. Il sera le porte-parole du clergé parisien lors des travaux préparatoires au concile Vatican II en 1964. Après le concile, en 1965, les prêtres-ouvriers sont à nouveau autorisés.

Le chanoine Hollande décède le 28 décembre 1991 dans le 14e arrondissement de Paris.

(*) Guillaume Cuchet : Nouvelles perspectives historiographiques sur les prêtres-ouvriers (1943-1954) in Vingtième Siècle, n° 87, juillet-septembre 2005, p. 177-187

 Hollande_J_1944.jpg

Jacques Hollande

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 00:10

L’abbé Georges Moreau était curé de Saint Charles Borromée de Joinville-le-Pont (Val de Marne) de 1878 à 1882. Pendant son ministère, il se préoccupe de la vie de sa paroisse et écrit en 1879 une « Note adressée à MM. les conseillers municipaux de Joinville-le-Pont, sur la question du presbytère à bâtir dans cette commune ». Le maire est alors Gabriel Pinson, qui siège depuis un an et est fils et petit-fils d’anciens maires de la commune. Joinville est une paroisse autonome depuis 1860, avec l’ouverture de l’église Saint Charles Borromée ; avant, les catholiques étaient rattachés à Saint Nicolas de Saint Maur.

Mais son travail est aussi celui d’un essayiste, qui se consacre aux changements importants que vit l’église de France alors que Jules Ferry, au gouvernement, modifie considérablement son rôle institutionnel.

Il publie ainsi un essai, en 1880, sur L'Église de France et les réformes nécessaires. La même année, il réagit avec mesure aux décrets pris par le ministre de l'Instruction publique (Jules Ferry) par lesquels il ordonne aux Jésuites de quitter l'enseignement et dissout la Compagnie de Jésus. En 1881, il s’intéresse au budget des cultes (La question cléricale)

Ses travaux les plus importants, son conduits alors que, après avoir quitté sa cure de Joinville, il devient aumônier des prisons de Mazars et de la Roquette à Paris.

Il prend la suite de l’abbé Abraham Crozes (1806-1888) qui, pendant 22 ans, accompagna à l’échafaud 51 condamnés à mort, avec une réputation d’humaniste. Emprisonné pendant la Commune de Paris, il fut libéré par un capitaine communard, baptisé Révol. L’abbé Crozes fut l’un des fondateurs des Sociétés ouvrières de Saint François Xavier.

Georges Moreau publia d’abord des Souvenirs de la petite et de la grande Roquette (1884) où il reprenait ce qu’avait vécu son prédécesseur. Il inclut un dictionnaire d’argot, une des premières sources sur le parler populaire du peuple parisien. Trois ans plus tard, il s’engageait dans un travail encore plus conséquent, avec Le monde des prisons (Librairie illustrée, 1887).

Au travers de quelques cas qu’il racontait, l’abbé Moreau essayait de faire vivre la prison, pointant du doigt son inhumanité. Dans une Troisième République qui venait, en 1885, d’ouvrir les bagnes de Cayenne et de Nouvelle Calédonie, Georges Moreau mettait en cause le sentiment de protection de la société fondement de cette loi sécuritaire. Mais il avouait préférer la « guillotine sèche » du bagne, à la « guillotine sanglante. »

Georges Moreau devient en 1887, vicaire général et chanoine honoraire de Langres.

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