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22 octobre 2024 2 22 /10 /octobre /2024 00:01

Louis Georges Touchard naît le 13 juillet 1886 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils de Joséphine Eugénie Gandon et de Marie Anatole Edgard Touchard. Ses parents vivent dans le centre-ville, quai Beaubourg (act. quai Pierre-Brossolette). Son père est receveur buraliste, et ses deux grands-pères sont également receveurs des contributions indirectes. Il meurt en mai 1895, trois mois après la naissance de leur fille, quand Georges a huit ans.

Un soir de juillet 1897, Georges vient d’avoir 11 ans et sa sœur Pauline en a deux, sont emmenés en début de soirée par leur mère pour une partie de canot sur la Marne, rivière qui passe devant leur domicile. Joséphine Touchard avait installé sa fille sur ses genoux, tandis que Georges ramait. Une fausse manœuvre, peut-être pour éviter un autre bateau, provoque la chute de la maman et de son bébé dans l’eau. Pendant un temps, Mme Touchard réussit à tenir la fillette à bout de bras hors de l’eau, puis elle perdit ses forces et la lâcha. Un marinier, qui s’était jeté dans le fleuve pour venir à leur secours, réussit à ramener la mère sur la rive, mais ne retrouva pas l’enfant. Ramenée chez elle, en état d’hébétude, elle reçoit, vers dix heures, le cadavre de Pauline qui venait d’être repêchée. Elle monte alors dans sa chambre, saisit un revolver et se tue. La mort fut instantanée.

La presse nationale a largement rendu compte du naufrage. Le terme de drame revient souvent : « terrible », pour Le Peuple français, « émouvant » dans XIXe siècle et Le Rappel. La notion d’accident est aussi fréquente : « bien triste », écrit le Journal des débats, « terrible » de nouveau, selon La Petite République. Le sort de la veuve est mis en avant : « désespoir d’une mère » pour La Souveraineté nationale, « Pauvre mère ! » dans Le Figaro.

Après la disparition de ses parents, les deux enfants survivants, Adolphe (14 ans) et Georges quittent pour un temps Joinville, probablement avec leur grand-père paternel. Ils sont de retour à Joinville en 1901, vivant alors dans leur établissement du quai Beaubourg chez les grands-parents maternels, qui sont désignés comme tuteurs.

Travaillant alors comme employé de commerce, Georges Touchard fait son service militaire en octobre 1907 au sein du 76e régiment d'infanterie. Il devient caporal en novembre 1908 puis est blessé le mois suivant en tentant de rejoindre son groupe au cours d’une marche militaire. Sa plaie au genou gauche lui vaudra, dans les années 1960, une reconnaissance de son invalidité. Il finit sa période sous les drapeaux en septembre 1909.

Au cours de la première guerre mondiale, Georges Touchard est mobilisé début août 1914. Lors des combats de la Marne, il est blessé au pied droit près de Soissons (Aisne) en janvier 1915. En juin de cette année-là, il est transféré au 176e régiment d'infanterie et envoyé en Orient, face aux troupes autrichiennes. Il rentre en France en février 1917 au 143e régiment d'infanterie et est démobilisé en avril 1919, avec une pension pour sa blessure de guerre.

Touchard monte une activité de cristaux et verrerie, avec un atelier de production et une boutique à Paris (10e arr.), rue du Faubourg-Saint-Martin. Il produit notamment des lampes et lustres, mais aussi des cristaux d’art, coupes gravées et bonbonnières.

En février 1920, Georges Touchard épouse Jeanne Catherine Marie Duran, gérante en chaussures, à Paris (4e arr.). Ils s’installent dans la demeure familiale de Joinville.

S’impliquant dans la vie locale, Georges Touchard fait partie, en avril 1925, des fondateurs du Constitution du comité d’union et d’action républicaines, qui regroupe la plupart des libéraux et conservateurs de Joinville. Présidé par Félix Soulié (1858-1934), négociant en tissus, il comprend également notamment Georges Defert (1896-1975), menuisier puis directeur de société, futur maire de Joinville (1953-1975).

Suite à la mort à l’hôpital d’un sommelier parisien en juillet 1927, les époux Touchard recueillent sa fille Odette. Ils l’adoptent officiellement en janvier 1946.

En mars 1936, Touchard fait partie des donateurs qui appuient le vestiaire municipal. Il est membre, en novembre la même année, du conseil d’administration de la Mutualité scolaire de Joinville, présidée par Ernest Gillot (1872-1947), ébéniste puis électricien, ancien conseiller municipal radical indépendant.

Louis Georges Touchard meurt le 28 mars 1977 à Nice, un mois après épouse. Il n’avait pas eu d’autre enfant que celle qu’il avait adoptée. Il avait été décoré en juin 1931 de la Médaille commémorative serbe pour son engagement au cours de la première guerre mondiale dans l’armée d’Orient.

Canots sur la Marne à Joinville-le-Pont

 

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 02:01

La Société athlétique de Joinville (SAJ) est un club sportif de la commune de Joinville-le-Pont, fondé en août 1905.

Il est constitué par des élèves d'Ernest Loustalot (1867-1931), professeur de gymnastique et champion de boxe, escrime et natation, ancien instructeur à l’École de Joinville dans le Bois de Vincennes. Loustalot en assure la présidence. Il quittera ensuite la France pour travailler à Saint-Pétersbourg (Russie) pour les autorités impériales et la famille de l’écrivain Nabokov. Après la révolution de 1917, il reste à Leningrad, au service de la marine soviétique.

La SAJ comporte notamment une section natation, incluant une équipe de water-polo et une équipe de football. Pour ces deux sports collectifs, la SAJ est probablement le premier club organisé dans la commune de Joinville.

En août 1906, plusieurs membres de la Société, dont le président Loustalot, la quittent pour former une nouvelle association, le Cercle athlétique de Joinville.

Entre 1907 et 1909, la SAJ organise, en partenariat avec le quotidien L’Auto (ancêtre de L’Équipe) des compétitions de natation et de water-polo, qui se tiennent dans la rivière Marne, en juin.

La SAJ poursuit ensuite son activité dans la natation. Une section de cyclisme est constituée en mars 1908. La société se donne comme président jusqu’en 1908 Paul Guelpa (1872-1940), officier, représentant de commerce puis industriel, conseiller municipal de Joinville-le-Pont (1908-1912), responsable radical-socialiste, président d’association sportive, chevalier de la Légion d’honneur et Croix de guerre.

Albert Gallas (1865-1930), mouleur en cuivre, président du comité radical-socialiste de Joinville, lui succède en 1908.

En 1917, la présidence est assurée par Julien Coudy, avocat à la cour d’appel. Le jeune Eugène Papillon, alors âgé de 17 ans et futur agent d’assurance, en est le secrétaire.

La société ne fonctionne plus après-guerre.

Voir aussi :

Water-polo à Joinville-le-Pont, 1910

 

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21 mars 2024 4 21 /03 /mars /2024 01:01

Victor Eugène Émile Aubéry naît le 4 octobre 1833 à Paris (6e arr.). Il est le fils de Virginie Victorine Fromental et de son mari Jean Baptiste Romain Aubéry. Sa mère est native en décembre 1801 de Vieux-Brisach (Breisach-am-Rhein), alors en Autriche (act. Bade-Wurtemberg, Allemagne). Elle est parfois nommée « de Fromental », étant fille d’un lieutenant général du bailliage de Blâmont (Meurthe-et-Moselle), capitaine et juge de paix.

Le père d’Émile Aubéry est bijoutier. Devenu lui aussi bijoutier-joailler, Émile va adopter la raison sociale « Aubéry-Fromental », peut-être pour se différencier des boutiques de son père et de son frère cadet, Paul, qui exercent dans le même secteur. Il s’installe dans le troisième arrondissement de Paris, d’abord rue du Temple, puis rue de Saintonge.

En avril 1856, il épouse à Paris Sophie Angelina Berger.

Il est victime d’une escroquerie dont les journaux juridiques vont largement rendre compte en février et avril 1857. Un huissier au ministère des affaires étrangères, portant beau, se présentant comme « attaché » dans ladite administration, s’est fait remettre des bijoux par lui pour les donner à une princesse moldave, Hélène Ghyka chez laquelle Aubéry se rendit. Mais il n’a jamais été payé, et il s’avère que l’escroc, qui profitait des largesses de la princesse, cumulait de nombreuses autres dettes.

La grande passion de la vie d’Émile Aubéry a été l’aviron, dénommé généralement rowing au 19e siècle. Il fait partie d’un groupe de cinq personnes qui, le 3 novembre 1876, fondent à Paris la Société nautique de la Marne, dont le garage va être établi sur l’Île Fanac, à Joinville-le-Pont. Les autres fondateurs sont le constructeur de bateaux Louis Dossunet, un orfèvre, Jules Monney, ainsi qu’Henri Philippe et Georges Dufour qui furent successivement présidents de l‘association.

La SN Marne a été, avec le Rowing-Club de Paris, l’une des deux grandes formations sportives sur l’eau en région parisienne et les deux disputaient un match annuel sur la Seine.

Aubéry fut, avec Louis Dossunet, l’initiateur de la construction en 1883 du boat house de l’Île Fanac, bâtiment en pans de bois hourdé de briques équipé d’un balcon servant de tribune pour suivre l’évolution des rameurs, disposant d’une horloge et d’un campanile.

Siégeant au conseil d’administration de la SN Marne, Aubéry fait partie de la commission qui se charge de la révision des statuts et du règlement des courses en janvier 1882. Il préside la commission des courses en avril 1884. En juin 1909 puis le même mois en 1914, il est le juge à l’arrivée du match annuel des courses à huit rameurs entre le Rowing-Club de Paris et la Société Nautique de la Marne.

Comme plusieurs autres responsables et athlètes, Émile Aubéry s’installe, avec son épouse, sur l’Île Fanac où il réside en 1896, dans un pavillon jouxtant le garage de la société. Son frère aîné Charles, qui a également fréquenté le club, vint également à Joinville où il se marie en 1899 puis décède en 1903 ; il vivait dans le quartier de Polangis.

Émile Aubéry meurt le 25 février 1924 à Joinville, dans sa résidence sur l’Île Fanac. Il était âgé de 90 ans, veuf et n’avait pas eu d’enfant. Le quotidien sportif L’Auto lui consacre une nécrologie saluant la disparition de l’un des plus populaires vétérans du « bout de bois. »

 

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19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 01:01

Louis Gabriel Alphonse Dossunet naît le 30 juillet 1809 à Charenton-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) chez sa mère, Louise Pautré. Il est reconnu par son père, Louis Dossunet, boulanger ; ils ne sont pas mariés.

Alors probablement couvreur et vivant avec sa mère, rue de Paris, toujours à Charenton, Alphonse Dossunet épouse en juin 1835 Marie Denise Étiennette Baillard, repasseuse, qui vit dans la même ville.

Comme beaucoup de professionnels travaillant sur ou autour des fleuves, Alphonse Dossunet est à plusieurs reprises amené à intervenir pour sauver des personnes en danger de se noyer.

Il obtient ainsi une médaille de bronze en janvier 1854 pour plusieurs interventions, une médaille d’argent de 2e classe en mars 1862 puis une autre de 1ère classe en octobre 1874 pour le sauvetage d'un enfant.

Toujours éclusier, Alphonse Dossunet meurt le 18 mai 1865 à Saint-Maur-des-Fossés, dans son domicile, qui est aussi son lieu de travail. Il était âgé de 55 ans.

Beaucoup de ses descendants auront une activité professionnelle en lien avec les rivières et la navigation. C’est le cas notamment de ses trois fils (Louis, Émile et Charles) et plusieurs de ses petits enfants qui seront constructeurs de bateaux à Joinville-le-Pont, Maisons-Alfort et Paris.

L'écluse de Saint-Maur

 

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8 décembre 2023 5 08 /12 /décembre /2023 00:01

Antoine Joseph Léon Bouise naît le 2 septembre 1872 à Honfleur (Calvados). Il est le fils d’Aline Ernestine Chouquet et de son époux Pierre Bouise, cordonnier et bottier. La famille s’installe ensuite au Havre (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime), rue de Bordeaux.

Devançant l’appel pour le service militaire, Antoine Bouise s’engage dans l’armée pour quatre ans en mars 1892. Il est affecté au 26e bataillon de chasseurs à pied. En septembre, il est nommé caporal. Il ne fera cependant qu’un an sous les drapeaux puisque, en avril 1893, il est démobilisé en tant que fils unique de veuve, son père étant décédé.

En 1898, Antoine Bouise est à Paris (17e arr.), dans le quartier des Batignolles, rue Nollet. Il est nommé en juin commis dans l’administration des ponts et chaussées. En août, il épouse une parisienne, Henriette Françoise Creyssels. Ils vivent en 1904 dans le 15e arrondissement, place du Commerce.

C’est en janvier 1904 que l’admission d’Antoine Bouise dans la franc-maçonnerie est acceptée. Il rejoint la loge L'École Mutuelle et l’Atelier Socialiste, affiliée au Grand-Orient de France, et qui se réunit à son siège, rue Cadet (9e arr.). Il sera mentionné dans la presse comme en faisant partie jusqu’en 1914.

La loge L'École Mutuelle est mentionnée en 1878 ; elle devient L'École Mutuelle et l’Atelier Socialiste en mai 1897. Quand Bouise la rejoint, elle a pour vénérable Pierre Morel, conseiller municipal de Paris. Elle organise, mi-mai 1904, comme elle l’avait fait plusieurs années précédentes, une Fête du travail dans la salle Wagram (17e arr.), « Pour la glorification du travail et l'affirmation des revendications sociales ». Un grand nombre d’autres loges s’associent à l’initiative, qui se conclut par un banquet et un bal. La presse rend fréquemment compte des activités de L'École Mutuelle et l’Atelier Socialiste. Elle prend des positions publiques, par exemple en publiant un ordre du jour en novembre 1904, critiquant me fait que certains députés francs-maçons n’aient pas voté en faveur de « l’épuration des fonctionnaires factieux », allusion à la situation dans l’armée du fait de l’affaire Dreyfus. On verra également les membres de la loge s’associer à des souscriptions lancées dans le quotidien socialiste L’Humanité, comme en juillet 1907 « pour les familles des camarades incarcérés pour leurs idées » ou en octobre 1909 en faveur de l’érection d’un monument pour la militante révolutionnaire et écrivaine Louise Michel.

Les travaux de la loge portent sur des thèmes sociaux, comme le syndicalisme (1909-1910), la crise sociale (avril 1911), les conditions d'application de la loi sur le repos hebdomadaire (juin 1911) ou la désertion des campagnes à la même date. Les questions économiques figurent à son agenda, avec la crise industrielle (juillet 1910), l'abrogation du privilège des propriétaires (avril 1912), l'administration coopérative (novembre 1912). La thématique de l’éducation est très présente, comme en juin 1910 (la crise d’apprentissage), en mars 1913 (instruction dans une démocratie) ou en juillet la même année (l'éducation dans une démocratie, au point de vue industriel, commercial, agricole et technique) puis en février 1914 (l’éducation sociale dans la profession et les relations de l’art et de la démocratie). Les questions philosophiques font partie des échanges, avec l'idée de solidarité dans Auguste Comte (juillet 1910), la morale (mai 1912), puis le mariage (mars 1914) et la morale laïque (avril 1914).

Une partie importante des tenues est consacrée aux questions militaires comme, en mai 1911, « Le leurre de l'armée indigène » et le droit de vote des militaires de carrière ou l’affaire Marix, traitée en janvier 1913, une histoire de concussion d’un capitaine d'artillerie rapporteur du conseil de guerre.

Probablement du fait de sa composition, les thèmes politiques semblent dominants. On voit la loge inscrire à ses échanges la décentralisation administrative et politique en juin 1910, la vie municipale à l'étranger en mars 1911, les partis politiques sous la République et le fonctionnement du parlementarisme en avril 1912, le bilan des 15 années de mandat au conseil municipal de Pierre Morel en décembre 1912 ou le danger que représenterait pour la République la représentation proportionnelle en décembre 1913 et encore le collectivisme en mai 1914. Juste avant la première guerre mondiale, la loge s’interroge sur « les journaux pour tous » en juillet 1914.

La participation d’Antoine Bouise fait qu’il est mentionné à plusieurs reprises par des publications antimaçonniques, à l’image du quotidien de Drumont, La Libre Parole.

Sur le plan professionnel, il est rattaché au service de la navigation de la Seine. Il quitte Paris pour s’installer à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où la famille réside quai Moisson, sur les bords de Marne. Il est transféré au service de la navigation de la Marne en mai 1913, comme adjoint du chef de la division de Charenton-le-Pont. Il reste en poste pendant la première guerre mondiale. Il se qualifie de dessinateur lors du recensement de la population en 1921 puis devient architecte, disposant de ce titre en 1923.

En juillet 1923, Antoine Bouise est l’un des fondateurs et secrétaire adjoint du Club du chien de défense et de police de Saint-Maur. Il est présidé par René Stussi, natif de Constantinople (empire Ottoman, act. Istamboul, Turquie), résidant au Parc-Saint-Maur et également vice-président du club cycliste Joinville sportif. Des clubs comparables existent à Courbevoie, Sartrouville ou Eaubonne en région parisienne, ou en province à Lyon, Lille et Angers. Le vice-président du club est Julien Périn, adjoint au maire de Joinville, ancien militant socialiste avant-guerre.

Antoine Bouise meurt le 17 décembre 1928 à Paris (13e arr.) où il a été hospitalisé. Il était toujours domicilié à Joinville-le-Pont. Âgé de 56 ans et père de deux filles, dont une décédée en bas âge, il est inhumé à Ivry-sur-Seine et ne laisse pas d’actif successoral.

 

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29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 00:01

Nous concluons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset.

Le 16 décembre 1864, le romancier et critique d'art Théophile Gautier (1811-1872) publie dans le quotidien parisien Le Petit journal un article consacré au livre Le Tour de Marne que vont sortir peu après Ildefonse Rousset et Émile de La Bédollière, aux éditions Lacroix, Verboeckhoven et Cie (1865).

Ildefonse Rousset (1817-1868), ancien éditeur et journaliste, vit à Alfort, partie de la commune de Maisons-Alfort qui formera vingt ans plus tard la nouvelle municipalité d’Alfortville. Il entraîne le journaliste Émile de La Bédollière, comme lui fervent républicain et opposant au régime impérial, dans une découverte en barque de la boucle de la Marne. Rousset prend des photographies qui illustrent le livre, une grande nouveauté, tandis que La Bédollière rédige les textes à la façon d’un récit de voyage. L’ouvrage connaît un grand succès. Nous reproduisons ci-après l’article de Théophile Gautier qui, avec son talent littéraire, partage l’enthousiasme de la presse.

On peut consulter Le Tour de Marne sur le site Gallica de la BnF.

« Un livre nouveau se présente habillé d'une couverture bleue à riche gaufrure. Sur le plat, un fer de reliure dessiné comme un bois d'illustration estampe en or un grand paysage dans lequel un soleil levant épanouit sa gloire rayonnante répétée par l'eau d'une rivière. Au-dessus de ce soleil s'arrondit ce titre Le Tour de Marne. Le Tour de Marne qu'est-ce que cela? Nous connaissons le tour du monde et même le tour de France. D'intrépides navigateurs, des canotiers au cœur ceint d'un triple bronze ont donc risqué un voyage d'exploration dans ces contrées inconnues qui s'étendent de Joinville â Gravelle?

« C'est cela même, et en ouvrant le volume magnifiquement imprimé par Claye, avec ces vieux caractères françois qu'ont mis a la mode les Contes de Perrault, nous apprenons, en effet, qu'il s'agit d'un voyage au long cours de quatorze kilomètres sur la Marne, cette rivière moins explorée, à coup sûr, que l'Amazone, le fleuve Amour, le Niger ou les cours d'eau mystérieux de l'Australie.

« La nef qui porte les modernes Argonautes au pourchas, non de la Toison d'or, mais du pittoresque, s'appelle l'Hélioscaphe. Elle a pour capitaine Ildefonse Rousset; Émile de La Bédollière, une fine plume humoristique, tient le livre de bord, relève le point et note tous les incidents du voyage.

« Cette portion de la Marne, que la batellerie ne fréquente plus, trouvant plus court et plus commode de prendre le canal de Saint-Maur, est retournée doucement à l'état sauvage. On dirait une de ces rivières sans nom qui coulent dans les solitudes à travers les régions encore inexplorées. Les chemins de halage, devenus inutiles, se sont peu à peu effacés, et, n'étant plus rasées par les cordes de traction, toutes les folles herbes aquatiques s'en sont donné a cœur joie. Dans une familiarité charmante que rien ne trouble, l'eau et la rive se confondent en empiétant l'une sur l'autre l'eau creuse de petites anses, la rive pousse des promontoires mignons. Aux graminées qui descendent se mêlent les joncs qui montent.

« Les aunes, les osiers verdoient sur la berge indécise au-dessous des saules penchant leurs troncs noueux. Plus loin, le pied dans l'herbue humide, les peupliers dressent leurs fines arêtes aux feuilles toujours émues; les grands arbres versent leur ombre et leur reflet aux transparences de l'onde. Ici, dans un endroit stagnant, les roseaux, les prêles, les sagittaires à la feuille en fer de lance, forment une forêt en miniature; là, les nénufars étalent leurs larges feuilles et dresser leurs fleurs jaunes.

« Ce sont à chaque pas ou plutôt à chaque coup de rame mille accidents pittoresques à faire prendre le crayon ou le pinceau à un artiste. Tantôt c'est un mur de soutènement en planches qui font ventre sous le poids de la berge et se déjettent, forçant leurs poteaux, à travers un fouillis de ronces, de glaïeuls et de végétations sauvages tantôt c'est un arbre trop près du bord qui crispe curieusement ses racines jaunies de limon et cherche à se rattraper au sol qu'affouille le courant. A cette place l'eau profonde prend des tons de miroir noir; à cette autre elle étale une mince gaze d'argent sur le sable qui affleure, ou bien elle se diamante de points brillants au soleil comme des écailles de poisson des canots amarrés découpent leurs coques élégantes contre les mousses veloutées de la rive.

« Une masure au toit de chaume darde sa fumée blanche entre les masses de feuillage; un moulin obstrue une arche de pont ou coupe la rivière avec ses batardeaux, ses écluses, ses vannes, ses roues verdies d'où pendent des barbes d'herbes; des îles aussi désertes que celle de Robinson Crusoé divisent le courant et noient dans l'eau l'image renversée de leurs grands ; arbres des marches d'escaliers rustiques descendent au rivage ; des débarcadères abandonnés se disloquent au fil de l'eau, et leurs vieilles, charpentes composent des premiers plans à souhait pour les peintres; des lavandières agenouillées frappent le linge de leurs battoirs et dont des groupes pittoresques; un bateau de tireur de sable reçoit à propos un rayon de soleil et produit un effet charmant; dans les petits bras que forment les îles, les feuillages s’enchevêtrent d'une rive à l'autre, et il faut, pour y passer, relever les branches, au risque d'effrayer quelque bergeronnette ou quelque martin-pêcheur, qui file coupant l'eau avec son aile de saphir tout un monde de choses pures, calmes, fraîches, primitives, charmantes, épanouies dans le silence, l'abandon et la solitude et dont il semble qu'on ait la virginité.

« Ces beautés de la nature ne sont pas perdues, et il n'est pas besoin de faire « le tour de Marne » pour en jouir. Mieux instrumenté que la nef Argo, le canot l'Hélioscaphe, parti pour cette exploration lointaine, avait à sa poupe un château de forme bizarre, en un mot une cabine de photographie. Le capitaine Ildefonse Rousset, dès qu'Il apercevait un site, un point de vue, un détail remarquable, arrêtait le bateau, braquait l'objectif, s'encapuchonnait de 'noir, et bientôt la plaque, impressionnée d'un délicat reflet, était portée dans la cabine sombre. Le soleil est comme Saturne qui dévorait ses enfants, il mange les images qu'il vient de produire, si on ne les soustrait bien vite à sa gourmandise.

« Ce n'est pas une chose facile que de faire poser la nature. On ne peut lui prendre le col dans ce demi-cercle qui vous emboîte la tête, chez les photographes. Même aux moments où elle paraît le plus tranquille, elle vit, elle palpite, elle remue. L'air tremble, le rayon scintille, l'ombre tourne, l'eau coule, l'arbre frissonné, le buisson tressaille. Le sein de Cybèle s'enfle et s'abaisse par une respiration invisible pour nous, mais qui n'échappe pas aux organes précis de l'instrument. Quelle patience, quel soin, quel tact il faut à l'opérateur. Un nuage passe sur son effet de soleil, un vague souffle de brise se lève, l'eau se ride, la danse des feuilles commence, les arbres se brouillent comme si on les estompait avec le doigt et l'épreuve est perdue.

« M. Ildefonse Rousset n'est pas un photographe de profession, et on le voit bien à l’exquise finesse, à la perfection étonnante de ses planches. Il faut tout le loisir d'un amateur artiste, persévérant et passionné pour arriver à de tels résultats. Les vues du Tour de Marne sont des merveilles. M. Rousset a obtenu des effets d'une douceur et d'une poésie dont nous n'aurions pas cru le daguerréotype capable. Les premiers plans sont nets, sans dureté; les seconds et les troisièmes fuient avec une légèreté vaporeuse, bien rare dans les épreuves photographiques.

« Certaines planches rappellent Corot ou Daubigny, dont elles semblent refléter des tableaux inconnus. Cette morbidesse, cette transparence, ce flou, ne sont achetés par aucun sacrifice. Regardez de près, et vous serez surpris de la délicatesse infinie du détail, réduit a des proportions microscopiques, mais d'une netteté admirable.

« Ces belles épreuves, jointes au texte amusant, instructif et spirituel de M. Émile de La Bédollière, forment un magnifique volume, dont Janvier, le donneur d'étrennes, saura bien trouver l'emploi.

Théophile Gautier »

Le Canal Saint-Maur à Joinville par Ildefonse Rousset, 1864

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