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19 octobre 2021 2 19 /10 /octobre /2021 00:01

Jean Louis Frédéric Bardin naît le 2 août 1810 à Senard (act. Seuil-d'Argonne, Meuse). Il est le fils de Cécile Schmitt (ou Chénit) et de son mari Claude Augustin Bardin, propriétaire.

En 1834, il est fabricant et préparateur de plumes à écrire à Paris, probablement déjà Saint-Sauveur (2e arr.) où il est installé en 1840. Les plumes d’oies restent la principale matière première pour les instruments d’écriture, mais la production de plumes métalliques en acier anglais va peu à peu supplanter les produits d’origine animale. Les plumes brutes arrivent du Nord, c’est-à-dire de Russie. Elles servent également à la production de duvets.

À Charleville (act. Charleville-Mézières, Ardennes), Frédéric Bardin épouse en juin 1838 Anne Marie Amélie Blaise, fille d’un négociant. En 1843, Bardin déplace son atelier rue de Lancry (10e arr.). La révolution parisienne de février 1848 entraîne la suspension des affaires et a « complètement détruit sa fabrique » selon la revue Génie industriel. Il construit une usine à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), qui fonctionne en mars 1848, en transformant complètement son modèle, tout en conservant son siège rue de Lancry. L’usine de Joinville se situe à la limite des deux communes de Joinville et de Saint-Maur-des-Fossés, rue de Paris. Elle est victime d’un incendie, en janvier 1853, qui est cependant assez rapidement maîtrisé ; deux des sauveteurs sont légèrement blessés.

À partir de 1841 et jusqu’en 1867, Bardin va déposer 18 demandes de brevets ou d’améliorations de brevets en France pour améliorer les plumes d’écritures et utiliser la matière pour divers sous-produits. Il demande également des licences pour protéger ses inventions au Royaume-Uni.

Elle transforme, en 1863, 200 000 plumes d’oies par jour, ce qui correspond à la dépouille de 10 000 animaux, qui viennent généralement de Russie. Parmi les produits nouveaux figure un système d’abri en plumes destiné à remplacer les paillassons pour la couverture des serres puis des tapis en plumes.

Au cours des années 1860, l’entreprise Bardin est présente dans plusieurs expositions nationales et internationales : à Nantes en 1861, Paris en 1867, Le Havre en 1868, Vienne (Autriche) en 1873. Si les stands Bardin ont régulièrement un bon accueil de presse, les récompenses sont moins prestigieuses. Le journaliste et romancier Auguste Luchet s’étonne d’ailleurs que la maison se soit contentée d’une mention honorable à l’Exposition universelle de 1867 : « Dans son usine de Joinville-le-Pont, tout ce qui se perdait jadis en cet habit de l'oiseau, gros plumages de volailles, restes de plumes à écrire, cure-dents, plumeaux, balais hors de service, débris vils dédaignés par le chiffonnier lui-même, est reçu, bien venu, trié, nettoyé, et débité en lamelles infinies, lesquelles ensuite, purifiées et blanchies ou teintes, deviennent, au moyen d'un tissage merveilleux et particulier, de bons et durables tapis de pied, foyers, descentes de lit, atteignant même, au besoin, des dimensions plus hautes. C'est doux, c'est moelleux, c'est touffu, et c'est pour rien. Et par millions de kilogrammes. Et beaucoup de monde en vit. Cela pourtant valait bien une médaille. »

En effet, Bardin tente de valoriser l’ensemble des matières qu’il reçoit. Le journaliste et militant anticlérical Charles Sauvestre lui consacre, dans L’Opinion nationale en juin 1867, un long reportage, mettant en avant cette chasse au gaspillage. Il apprécie qu’il s’efforce d’utiliser des machines peu compliquées, y compris pour le tissage. Sauvestre laisse Bardin présenter un projet d’économie politique : « A ne prendre que le poulet, et sans nous occuper pour le moment ni des oies, ni des canards, ni des dindons, ni du gibier, supposons qu’il se mange en moyenne, dans l’année en France, deux poulets et demi par habitant; à quarante grammes de plumes par poulet, savez-vous que cela fait quatre à cinq millions de kilogrammes d’une matière première répandue partout qu’on jette faute de savoir en faire l’emploi. Eh bien ! Je veux faire faire qu’on ne jette plus la plume de poule, mais que les ménagères la ramassent au contraire précieusement. La dépouille d’un poulet représente un demi-mètre d’étoffe qu’on laisse perdre volontairement ». Il assure faire avec constance « la recherche de l’utilité publique et surtout de ce qui peut être utile au grand nombre, c’est-à-dire aux plus pauvres ». Pour le publiciste, M. Bardin « est un de ces esprits qui ont horreur du repos, sans cesse il travaille et retourne en son cerveau quelque invention nouvelle. »

En 1869, l’usine Bardin de Paris utilise les plumes pour des volants, des plumeaux, des cure-dents (50 millions par an) et des becs de plumes pour écrire, en plus des tapis, abris et ornements pour chapeaux. Elle n’emploie que des femmes et des enfants, au nombre de 130 à 140. La presse remarque l’aération et la propreté des locaux, s’intéressant aussi à l’existence d’une caisse de secours mutuels.

La Commission des tarifs de douane, consultée par le gouvernement en juillet 1872, prend l’exemple de l’usine Bardin pour contester son projet de taxation des importations

Jean Louis Frédéric Bardin meurt le 1er juillet 1878 à Joinville, à son domicile de la rue des Réservoirs ; son décès est retranscrit sur l’état-civil de Saint-Mihiel (Meuse). Il était âgé de 67 ans. Il était membre de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures ainsi que de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale.

Son fils, Gabriel, assure la gestion de l’entreprise familiale devenue en 1878 Bardin et fils. Il vend, vers 1788, le site parisien, qui garde cependant le nom historique, mais poursuit un temps l’exploitation de l’usine de Joinville, déplacée rue des Réservoirs. Il s’installe en Seine-et-Marne, à Montcerf, où son épouse et lui meurent en 1917.

Une usine de plumasserie à Nogent-sur-Marne

 

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11 octobre 2021 1 11 /10 /octobre /2021 00:01

Victor Étienne Prétot naît le 18 avril 1852 à Paris (6e arr.). Il est le fils d’Adelaïde Thiébaut et de son mari Adolphe Prétot, originaires des Vosges. Ils vivent sans doute à Saint-Germain-en-Laye puis ensuite de nouveau à Paris, rue Fondary (15e arr.). Adolphe Prétot vend à son fils en novembre 1872 le fonds de marchand de vin qu’il exploitait rue de Vaugirard.

Cependant, alors que son père devient tourneur et sa mère brodeuse, Victor Prétot s’engage dans d’autres activités. Il est mécanicien en juin 1879 quand il épouse à Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis) Jeanne Eugénie Chambon. Le couple s’installe dans le 11e arrondissement, d’abord rue des Boulets, ensuite rue de Montreuil puis rue des Immeubles Industriels. C’est dans cette dernière rue que qu’est installé l’atelier Prétot dans les années 1880, avant de déménager la décennie suivante pour l’avenue Philippe-Auguste, dans le même arrondissement.

Bien qu’il n’en ait pas eu la formation, Victor Prétot est parfois qualifié d’ingénieur. Il va déposer un nombre important de demandes de protections de ses inventions. En France, au moins 26 brevets lui sont accordés entre 1882 et 1922. Il fait également enregistrer ses droits dans des pays étrangers : États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Italie, Royaume-Uni, Suisse…

L’inventivité de Prétot s’exerce dans de nombreux domaines : le nettoyage des couteaux, l’accrochage des quarts pour l’alimentation des soldats, le compostage des billets pour les courses hippiques ou les chemins de fer, le laminage des fils métalliques, les réchauds…

Son innovation la plus importante, dans les années 1880, est la création d’une machine à fraiser dite universelle, qui lui vaut des médailles d'or lors de l’exposition universelle de Paris en 1900.

Machine à fraiser Prétot

Au cours des années 1890, Prétot s’oriente vers l’automobile, tout juste naissante. Il invente un avant-train supposé s’installer sur des véhicules prévus pour la traction animale. Il s’intéresse aux moteurs à gaz, aux systèmes de transmission et de changement de vitesse, aux pneumatiques… Prétot réalise des prototypes qui peuvent participer à certaines compétitions, comme Paris-Rouen, premier concours de « voitures sans chevaux » en juillet 1894 ou la Côte de Chanteloup, à Chanteloup-les-Vignes (Seine-et-Oise, act. Yvelines) en 1898. Il vend également quelques voitures particulières.

Automobile à système Prétot

En 1897, Prétot crée une entreprise à Londres, la Pretot Motor Syndicate Ltd, qu’il utilise pour lancer des activités en Amérique du Nord en particulier. Il cherche en particulier à commercialiser son avant-train pour l’équipement de charriots ou la transformation de véhicules. L’activité automobile à l’étranger a dû cesser vers le début du XXe siècle.

C’est également vers 1900 que la famille Prétot, qui compte six enfants vivants, s’installe à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où elle acquiert une vaste propriété, qualifiée de château dans les répertoires mondains, sise rue des Marronniers (act. rue Eugène-Voisin), dans le quartier du Centre. Plusieurs domestiques y travaillent.

Lors des élections municipales de mai 1904, Prétot est candidat sur la liste du maire sortant, Eugène Voisin, soutenue par le comité radical-socialiste. Elle recueille une moyenne de 50,2% des suffrages exprimés dès le premier tour et a 15 élus, face à une liste de droite qui se situe à 31,9%, et aux candidats socialistes-révolutionnaires, 14,9%. Au second tour, les radicaux obtiennent 7 sièges de plus et en laissent un à la droite. Prétot, bénéficiaire de 548 voix soit 49% au premier tour, est élu au second ; il y avait eu 1 119 votants pour 1 363 inscrits. Pour la première fois, le maire, réélu, avait mis en avant le programme radical-socialiste qu’il opposait au nationalisme et au cléricalisme de la « coalition réactionnaire ». L’ancien député de gauche, Jules Ferdinand Baulard, se félicitait : « Je souhaite que nous puissions décrasser notre commune dont nous avons été considérés pendant longtemps comme des anarchistes qui voulaient tout bouleverser ; c’est une satisfaction que nos efforts et nos idées ont gain de cause. »

Au cours du scrutin suivant, en mai 1908, Prétot sollicite le renouvellement de son mandat. Face à une liste socialiste SFIO et à une autre qualifiée de socialiste évolutionniste, les radicaux-socialistes du maire sortant obtiennent 21 sièges, un indépendant et évolutionniste étant élus. Prétot obtient, au second tour, 585 voix pour 1 188 votants et est élu. Tandis que des dissidences se font jour, à mesure du vieillissement et de la maladie d’Eugène Voisin, Prétot lui reste fidèle. En juillet 1911, il est, avec Roux, l’organisateur d’une réunion d’hommage au maire avant l’inauguration de la nouvelle mairie. Voisin ne se représentant pas, la liste radicale-socialiste de Georges Briolay, son ancien adjoint, est battue en mai 1912 par une coalition regroupant des radicaux dissidents, les socialistes SFIO et la droite libérale et conservatrice. Prétot quitte le conseil municipal.

Près de la pyramide de Brunoy (Seine-et-Oise, act. Essonne), la voiture automobile que conduisait M. Prétot entre en collision avec un charretier conduisant des bestiaux ; les comptes-rendus de presse divergent. Pour L’Univers, M. Prétot et un de ses fils, soldat au 1er régiment de dragons à Compiègne, sont assez grièvement blessés ; pour Le Petit Journal, c’est le charretier qui l’est.

Pendant la première guerre mondiale, l’activité de l’usine Prétot est orientée vers le matériel militaire. Il exporte en Italie une machine pour finir les obus en acier après la trempe. Pour le compte de l’armée française, il produit un engin automobile blindé, utilisant des scies circulaires pour couper les fils de fer barbelés.

Après le conflit, Prétot continue son activité mécanique et retourne vivre à Paris. Tout en continuant à produire des avant-trains automoteurs, il s’oriente également vers le cuir textile et le polissage des glaces.

Victor Etienne Prétot meurt le 14 mai 1920 à Paris (11e arr.) à son domicile avenue de la République. Il était âgé de 68 ans et père de sept enfants. Il avait été décoré des Palmes académiques comme officier d’académie en février 1907, puis comme officier de l’instruction publique en mars 1914. Il avait obtenu une médaille d'or lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900, et probablement également lors de celle de 1889.

Son épouse, Jeanne Eugénie Prétot devient titulaire de son dernier brevet, sur le polissage des glaces, accordé post-mortem en 1922. Elle était membre de la principale association humanitaire de Joinville-le-Pont à partir de 1902, l'œuvre de l'allaitement maternel. En 1911, elle avait été lauréate de la Société de l’encouragement au bien.

Plusieurs de ses enfants déposeront également des brevets : ses deux plus jeunes fils Robert Marcel et Jean Albert, ainsi probablement qu’une de ses filles, Lucie.

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