Suite de la biographie d’Honoré Jullien
L’année 1908 voit trois listes concourir aux élections municipales du mai à Joinville-le-Pont, plus un candidat indépendant. À la liste du comité radical-socialiste, menée par Eugène Voisin, s’ajoutent celle du parti socialiste SFIO et une autre d’un comité socialiste évolutionniste, qui regroupe d’anciens radicaux ou socialistes et des personnalités de tendance libérale. Les radicaux entendent mener « une gestion sage et une administration prudente des finances de la commune ». Ils veulent réaliser des économies, encourager les œuvres laïques d’instruction, d’éducation, d’assistance et de solidarité. Ils marquent également leur opposition à de nouveaux impôts, et enfin confirment leur souhait de faire un compte-rendu de mandat annuel. Tandis que la SFIO n’a pas d’élu, l’indépendant rentre au conseil en même temps qu’un des candidats évolutionnistes. Les radicaux se retrouvent à 21 sur 23 sièges. Cependant, Jullien n’est pas élu, recevant du second tour 488 voix sur 1 188 suffrages exprimés (41,1%).
Les évolutionnistes avaient mis en cause directement les candidats de la liste radicale « Si vous êtes satisfaits du gaspillage des finances municipales ; si vous approuvez les scandaleuses concessions accordées ; si vous voulez supprimer l’abus des subventions qui paient les complaisances électorales ; chassez de la mairie les mauvais administrateurs et votez pour nous ! Voter pour Vel-Durand, c’est voter pour l’incohérence ; voter pour Briolay, c’est vouloir continuer l’anarchie qui règne au conseil municipal ; voter pour Jullien et Villain, c’est voter pour la dictature. »
Selon le chroniqueur du journal radical Voix des communes, Louis Rey, Jullien « avait été battu par une coalition de rancunes et d’appétits ». En juin, le comité radical-socialiste lui offre un banquet où se retrouvent « tous les conseillers municipaux républicains de Joinville ». Il y a 50 couverts, en alternant un membre du conseil municipal et un membre du comité ; il se tient dans son restaurant, et un bronze lui est offert au nom du comité ainsi qu’une plaquette en argent au nom du conseil municipal. Le journal des évolutionnistes, L’Indépendant qualifia l’évènement de repas des « Mille-et-un-regrets. »
Ayant siégé pendant trente ans au conseil municipal, dont dix comme conseiller et vingt comme adjoint au maire, de 1878 à 1908, Honoré Jullien ne quitte pas la vie publique après sa défaite de 1908. En décembre, bien que n’étant plus élu, il est désigné comme délégué sénatorial.
Le restaurant Jullien reste un lieu important de la vie politique dans la circonscription. Il accueille ainsi en janvier 1909 un congrès pour désigner le candidat radical-socialiste à l’élection législative partielle liée à l’élection au poste de sénateur d’Adolphe Maujan. Il y a plus de 600 participants dans une ambiance commentée par la presse radicale : « agitation, vivacité, effervescence, émotion ». C’est Amédée Chenal qui est désigné, après plusieurs désistements. Il est élu, au second tour, face au socialiste SFIO Albert Thomas.
Lorsque que le préfet entend, en juin 1909, remettre en vigueur une ordonnance de Colbert, datant de 1669 et fixant une taille minimale aux bateaux, au côté de Rey et de Perre, conseillers municipaux et pour ce dernier constructeur de barques, Jullien est mobilisé avec deux autres constructeurs pour se rendre en audience auprès du sous-secrétaire d’État à l’intérieur, qui se trouve être le nouveau sénateur Maujan. Sur son instruction, le préfet réexamine sa circulaire.
Sur l’île Fanac, la guinguette Jullien est toujours sollicitée pour les manifestations politico-sociales. L’Union fraternelle, groupement de francs-maçons, y banquète en octobre 1909 pour défendre de l’école laïque et exprimer sa sympathie envers le pédagogue libertaire espagnol Francisco Ferrer, fusillé après avoir été accusé par le clergé catholique d'être l'un des instigateurs de l’insurrection de Barcelone.
Au premier trimestre 1910, comme toutes les constructions situées dans les zones basses sur les bords de Marne, Chez Jullien est inondé lors de la crue exceptionnelle de la rivière. Jullien fait partie avec Paul Purrey, franc-maçon et futur maire de Wissous (Seine-et-Oise, act. Essonne) de la commission nommée par le préfet et chargée de déterminer la nature et l’importance des dégâts causés par les crues de la Marne. L’activité reprend pendant l’été, et le restaurant sert même de lieu de substitution à la mairie, en cours de reconstruction à l’automne de cette année, pour la remise de prix de l’Association philotechnique, principale structure locale d’éducation populaire.
En mars 1912, Jullien est à l’origine de la création d’une société de secours mutuels intitulée Mutualité scolaire de Joinville-le-Pont. Elle est officiellement approuvée par arrêté en avril la même année. Jullien en est le président, tandis que deux instituteurs de chacune des école sont vice-présidents. L’objectif de la mutuelle est d’assurer des secours aux parents en cas de maladie ou blessures et de constituer des pensions de retraites à ses adhérents.
Cependant, la défaite des radicaux-socialistes lors des élections municipales de mai 1912 conduit Jullien à présenter sa démission, pour tenter d’éviter une rupture entre la nouvelle association et la municipalité. Il est remplacé par le docteur Pierre Vallat, lui aussi radical-socialiste et ancien conseiller municipal, mais dont le statut de médecin réputé est supposé faciliter la relation. Cependant, il n’obtient pas lui non plus, le versement de la subvention attribuée par le conseil municipal précédent.
Pendant la guerre, le restaurant continue de fonctionner, mais il semble avoir du mal à recruter son personnel.
Le retour, en novembre 1919, d’une municipalité dans laquelle figurent des radicaux fait que Jullien est de nouveau désigné, en décembre, délégué sénatorial.
En octobre 1920, Jullien met en vente son hôtel restaurant. Il reste sur l’île Fanac, mais déménage avec son épouse dans une maison voisine.
Honoré Jullien meurt à Joinville, le 9 août 1935, à l’âge de 73 ans. Il était décoré des Palmes académiques, comme officier d’académie en avril 1899 et officier de l’instruction publique en décembre 1904. Une salle de réunion de la mairie porte le nom de salle Jullien. L’ancienne guinguette Chez Jullien abrite l’école municipale de musique.
Fin
Guinguette Chez Jullien sur l'île Fanac
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