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9 juin 2018 6 09 /06 /juin /2018 01:01

Suite de la biographie de Georges Moreau

À une époque où le radicalisme prend le pouvoir en France, l’abbé Moreau, républicain affirmé, a contribué, en rédigeant le Monde des Prisons, à fissurer une tradition qui, derrière des règlements de façade, autorisait l’arbitraire et la concussion dans la vie des établissements pénitenciers. Ce ne fut pas sans résistances.

Dans le Journal des débats du 8 février 1887, signé H.A., une chronique sur le Monde des Prisons  s’en prend à son style. Le rédacteur estime que, sur les 375 pages du livre, « 100 au moins appartiennent en propre à Victor Hugo, il est déjà pour moitié dans la préface, 25 à Lacenaire, 50 à Eugène Sue, et 150 à divers détenus qui ne s'attendaient pas à voir leur prose appelée à cet honneur. »  Sur le fond, il estime « qu'il n'y a de nouveau dans le travail de l'abbé Moreau que les accusations personnelles produites par un ancien fonctionnaire malheureux. »

Mais le choc dans l’opinion est cependant net. Ainsi, c’est en se fondant sur le Monde des Prisons que le pasteur Hirsch organise de nouveau une conférence en février 1887, après celle qu’il avait consacrée à la peine de mort en s’appuyant sur les précédents Souvenirs de la Roquette en 1885.

L’ancien communard et futur président du conseil de Paris, Louis Lucipia (1843-1904) rédige un billet pour le quotidien Le Radical, qui paraît en Une le 5 mars 1887. Commentant les articles de certains de ses confrères, il note que « les gens ayant licence pour défendre l'administration poussèrent des cris d'indignation, cris provoqués beaucoup moins par les ignominies révélées que par la révélation elle-même ». Il réfute l’argument des accusations portées contre Georges Moreau : « Par malheur, c'est un argument bien vieux, bien usé, que de dire à un monsieur : Vous en êtes un autre. »

Pour l’ex-condamné à mort, gracié et déporté en Nouvelle-Calédonie, « l'administration, dont la face s'empourprait qu'on osât l'accuser, qui jurait ses grands dieux que c'était pure calomnie, et qui menaçait de ses foudres les calomniateurs — après enquête publique — n'insistera pas outre mesure. Elle sera fort heureuse et fort aise si, de lenteurs calculées en atermoiements voulus, elle arrive à détourner l'attention. »

L’année suivante, le quotidien de gauche La Lanterne revient sur le Monde des Prisons : « On avait parlé de poursuites contre le livre : l'administration s'est contentée de les annoncer ; prudemment elle n'a pas mis ses menaces à exécution. Elle a bien fait, à son point de vue ; car si l'auteur eût pu être condamné par le tribunal, l'administration eût été condamnée à coup sûr par l'opinion publique. »

L’écrivain Félicien Champsaur (1858-1934), publie une chronique dans l'Événement dans laquelle il répond à l’abbé Moreau qui l’interrogeait : « Quelqu'un m'assure que c'est une règle à l'Événement de ne jamais présenter au public un livre composé par un prêtre ». Il apprécie le « zèle pour les misérables » de Moreau et le félicite : « C'est une leçon que vous, prêtre, donnez à la divinité en pardonnant même au mauvais larron. »

L’ouvrage, plus encore que les Souvenirs de la Roquette, va faire l’objet de très fréquentes citations dans les textes, revues et livres consacrées à la politique pénitentiaire ou à la peine de mort. C’est la base d’une thèse de Georges Bessière, publiée en 1898, sur La Loi pénale et les délinquants d'habitude incorrigibles.

  • Le Monde des prisons était paru à la Librairie illustrée, à Paris, en 1887. Il a été réédité en 2015 par Hachette Livre et la BNF. Il est également disponible en téléchargement sur le site Gallica (Le Monde des prisons).

À suivre

Louis Lucipia (phot. Gerschell)

 

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