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26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 01:02

Plan de la boucle de la Marne, 1865

Fils cadet d’une compositrice et salonnière, la comtesse Anaïs Pilté (voir Anaïs Pilté, comtesse du pape), et d’un très riche pionnier du gaz à Paris, Pierre Pilté (mort en 1853), Alphonse va se lancer dans une aventure industrielle.

Alphonse Louis Pilté naît le 4 novembre 1838 à Paris (10e arr.). Il est le fils d’Anne Laure Joséphine Hurel, qui sera connue en tant que comtesse Anaïs Perrière-Pilté, et de son époux, Pierre Pilté, industriel et directeur de théâtre.

Une forge a été créée vers 1834 sur le territoire de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), qui vient tout juste d’échanger son ancien nom de « La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur » pour celui d’un fils du roi Louis-Philippe en 1831. Elle occupe un espace situé sur le tracé de l’actuel quai Pierre Mendès-France, à l’angle de la rue Henri Barbusse, à proximité du canal nouvellement créé et près du futur pont de Maisons-Alfort (qui sera construit trois-quarts de siècle plus tard).

La forge utilise une chute d'eau de 4 mètres qui actionne une roue, produisant une force de 40 à 50 chevaux. Sous le nom de « Forges de Saint-Maur », la société produit du fer de riblon, c’est-à-dire du métal fait à partir de ferraille de récupération. À l’époque, la lutte contre le gaspillage était d’actualité.

Elle est, avec celle de Grenelle, une des deux forges du département de la Seine présente à l'exposition des produits de l'industrie française, qui tient sa dixième édition en 1844. Les Forges disposent également d’un stand lors de l’exposition universelle de Paris en 1855.

Alphonse Pilté séjourne à Joinville pendant la guerre de 1870 contre la Prusse. Brigadier à cheval dans une unité de volontaires (l’escadron Franchetti) pendant le siège de Paris, en 1870, il combat aux alentours du carrefour Pompadour, puis est affecté à la garde de l’état-major du général Ducrot, installé dans le château de Polangis, pendant la grande bataille de novembre et décembre, dite de Champigny, qui se déroule entre le pont de Joinville et la plaine du Tremblay.

Après-guerre, celui que le journal Le Figaro qualifie de « jeune et intelligent industriel », prend la direction des forges « après bien des vicissitudes ». Elles comptent alors plus d’une cinquantaine d’ouvriers et employés. Fin novembre 1872, la Marne connaît une très importante inondation. L’usine sera fermée pendant 25 jours. Le journal a ouvert une souscription en faveur des inondés, et des secours sont versés à 520 personnes de Joinville-le-Pont, dont les ouvriers de la forge, qui ont perdu toute rémunération pendant cette période. Le quotidien leur attribue 3 000 francs (équivalent en pouvoir d’achat actuel à 10 000 euros), ce qui représente un tiers des salaires perdus par les ouvriers.

Après l’eau, c’est la crise qui touche l’entreprise avec un « ralentissement considérable des affaires depuis le commencement de juin 1873, et par conséquent la gêne que subissent les ouvriers par le manque de travail », selon Alphonse Pilté, qui s’exprime toujours dans Le Figaro. Il n’y a, à l’époque, ni allocation de chômage, ni assurance sociale et que les salaires dépendent des heures travaillées.

Le maître de forges réside à Joinville. Il s’implique dans la vie locale, et affiche des convictions républicaines, même si sa famille a été annoblie par le pape Pie IX en 1869. En novembre 1874, il participe à la constitution d’une liste républicaine pour les élections municipales, première incursion connue des clivages poltiques dans les scrutins municipaux. Trois des sept candidats connus de cette liste se font élire, Louis Benoit, Antoine Cambier et Pilté ; un autre colistier, battu cette fois-ci, Alphonse Demeestère, sera ensuite le fondateur du comité radical-socialiste de la 2e circonscription de l’arrondissement Sceaux (Seine). La majorité des 16 membres du conseil municipal élu en novembre 1874 est conservatrice, avec Auguste Courtin, rescapé du second empire, qui démissionne en 1876. Il est remplacé par Louis Ferdinand Rousseau, qui échoue à la tête d’une liste bonapartiste en 1878. Alphonse Pilté est réélu dans la nouvelle majorité républicaine, qui désigne Gabriel Pinson, premier maire franchement républicain de Joinville.

Lors d’une élection au conseil général de mars 1876, Pilté, avec l’ancien adjoint au maire, Hippolyte Pinson, fait partie du comité de soutien au Dr Béclard, qui obtiendra à leur demande l’investiture du comité de la gauche républicaine pour le canton de Charenton.

Venu d’un milieu très introduit dans la grande société parisienne, Alphonse Pilté n’en a pas moins une vie assez éloignée des règles de l’époque. Ainsi, Louise Françoise Pain lui donne deux filles hors mariage en 1868 et 1875, avant leurs noces à Paris en mai 1880. L’élu profère alors, sous serment, un gros mensonge. Son frère et lui déclarent que leurs parents « sont décédés et qu’ils ignorent le lieu de leur décès et leur dernier domicile. »

Ils seraient bien les seuls du Tout-Paris à méconnaitre que la comtesse, leur mère, habitait un splendide hôtel particulier, 57, rue de Babylone à Paris, devenu depuis le siège du conseil régional d’Île-de-France. Ils le savaient d’autant plus que c’est Alphonse lui-même qui a effectué, auprès de la mairie du 7e arrondissement, la déclaration du décès de sa mère, tout juste un an et demi plus tôt… Mais sans doute, peu soucieux des démarches administratives, voulait-il éviter d’avoir à fournir un certificat de décès.

Alphonse Pilté n’est pas réélu à Joinville en 1881. Il demeure depuis 1880 à Paris où il meurt, à l'âge de 52 ans, le 2 février 1891.

L’usine des forges pouruivra son activité. En 1879, elle est devenue Aciéries de Seine-et-Rhône, dirigée par un autre élu municipal, Émile Deiber. Elle sera rebaptise en 1892 Compagnie du Bi-Métal et sera reprise, dans les années 1960, par la société Pirelli après avoir emmenagé de l’autre côté du canal, à Saint-Maurice.

Plan de Joinville, avec indication des forges, en 1865.

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