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27 juillet 2014 7 27 /07 /juillet /2014 01:05
Anaïs Marcelli, Musée poétique
Anaïs Marcelli, Musée poétique

Si Proust l’avait connue, il se serait sans doute inspiré de son personnage. Il y a en effet dans la vie d’Anaïs Pilté beaucoup des éléments qui en auraient fait un modèle de Mme Verdurin. Mais elle est morte à l’âge où Marcel se promenait encore dans les jardins de Combray.

Née à Paris en 1809 sous le nom d’Anne Laure Joséphine Hurel, elle épouse en 1836 Pierre Perrière-Pilté, qui a l’intuition d’investir dans le gaz, première énergie utilisée pour l’éclairage en ville au 19e siècle. Directeur de la Compagnie pour l'éclairage de Paris par le gaz, il couvre la capitale de becs-de-gaz, quand elle commence à s’illuminer. Il acquiert ainsi une fortune, considérable, qu’il entame à peine en investissant dans une salle de spectacle, le théâtre du Vaudeville.

Celle qui se fait désormais appeler Anaïs, a le goût des arts. Après avoir donné naissance à cinq enfants, elle perd son mari en 1853, quand l’aîné n’a que 17 ans. Elle hérite des parts de sociales dont disposait l’ancien industriel dans les sociétés gazières, et décide de vivre de leurs rentes sans interférer dans la gestion des entreprises.

Son grand-œuvre va être l’ouverture d’un salon, dans les deux hôtels particuliers rue Madame (jusqu’en 1867) puis au 57, rue de Babylone à Paris. Ce dernier immeuble est, actuellement, l’un des principaux sièges du conseil régional d’Île-de-France.

La presse de l’époque fait échos aux fêtes fastueuses. En 1867, pour le dernier bal costumé dans son hôtel de la rue Madame, elle se présente en costume d'Amphitrite, saupoudré de superbes diamants. En 1869, dans le nouvel hôtel de la rue de Babylone, le rédacteur du Figaro s’étonne : « tout est éclairé au gaz, même sa chambre à coucher ». Par contre, le même publiciste s’inquiète des vasques en marbre blanc destinées à recevoir des jets d'eau lancés par des lions placés en haut de miroirs : « Pourvu que ces jets soient sérieux. Je ne les admets que difficilement ». La maîtresse de maison est déguisée en Catherine de Médicis, (velours tulle et satin noir à crevés). On dîne fort bien, la haute-société est là et on joue une pièce de théâtre. Mais, déplore le journaliste, « on a chanté aussi. Hélas ! »

Anaïs est devenue comtesse Pilté, depuis que, cette même année 1869, le pape Pie IX a octroyé un titre de noblesse pontificale à sa famille.

À côté des grandes réceptions, il y avait aussi les petits jours de l'hôtel Pilté. Ils avaient lieu le lundi et offraient l’intérêt d'y rencontrer « un certain nombre de gens très occupés à faire leur chemin dans le monde » selon le chroniqueur des salons parisiens, James de Chambrier.

Son hôtel particulier comprend une salle de spectacle, où se produisent les premiers chanteurs de l'Opéra et les pensionnaires de la Comédie-Française.

Elle y fait jouer des pièces de répertoire, mais surtout ses propres œuvres, qu’elle signe d’un pseudonyme, Anaïs Marcelli. Il s’agit de poésie, de théâtre, et principalement de pièces lyriques, opérettes et opéras-comiques.

Ses travaux personnels étant « particulièrement goûtés » par ses visiteurs, la comtesse les fait représenter sur de grandes scènes. Son opéra-comique en un acte, Le Sorcier est à l’affiche Théâtre du Châtelet en juin 1866, puis, deux ans plus tard au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Un autre opéra-comique, Jaloux de soi, est créé au théâtre parisien de l’Athénée en juin 1873. Une comédie, Le Talon d'Achille, est programmée au Théâtre-Ventadour, toujours à Paris, en mai 1875.

Les œuvres artistiques ne convainquent pas les spécialistes. Pour le critique musical Arthur Pougin, les œuvres d’Anaïs Perrière-Pilté « n'obtinrent qu'un succès absolument négatif » en dehors de son salon. Selon le biographe des musiciens du siècle, « les applaudissements complaisants qui accueillaient, dans l’intimité, ces productions vraiment enfantines, ne se retrouvaient plus devant le vrai public, qui, ayant payé sa place au théâtre, manifestait de tout autres exigences. »

Auteur d’une notice pourtant élogieuse à l’égard de la comtesse, un chroniqueur du Gaulois, Montjoyeux, met en doute son rôle de compositeur : « On ne jouait guère que des choses signées d'elle, ce qui ne voulait pas toujours dire, prétendaient à tort de méchantes langues, composées par elle. A défaut de l'amour-propre d'auteur, qu'elle n'avait souvent que de seconde main, affirmait-on, elle avait du moins celui de signataire. Ce flanc de gloriole prêtait trop à l'exploitation pour qu'on n'essayât point d'en abuser. Si bien que, même à Iui supposer du talent, elle en a noyé l'originalité dans un océan de productions confuses, sans cachet propre et sans unité. A vouloir l'obliger, de prétendus amis l'ont desservie. »

Riche et prodigue, la comtesse Pilté était également réputée généreuse. Elle patronnait les jeunes élèves du Conservatoire. Pour Montjoyeux, « elle avait la charité des nobles choses. Il fallait à ses générosités le cadre un peu haut des misères romanesques. Le terre-à-terre allait mal à son aumône. Pour valoir son secours, l'infortune devait surtout n'être pas vulgaire. L'éclat du malheur était sûr de provoquer l'éclat de sa bonté. »

Pendant le siège de Paris par l’armée allemande, en 1870, son hôtel particulier est transformé en centre de soins. Son fils cadet, Alphonse Pilté (1838-1891), sert comme brigadier à cheval dans une unité de volontaires, l’escadron Franchetti ; maître de forges, il sera, au début de la Troisième République, conseiller municipal de Joinville-le-Pont.

Anaïs, comtesse Pilté meurt dans son hôtel parisien le 24 décembre 1878. Elle était âgée de 69 ans.

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