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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 00:01

Au début de l’année 1910, la commune de Joinville-le-Pont (Val de Marne) n’est pas encore sous les eaux : l’inondation historique de la Marne et de la Seine débutera à la fin du mois de janvier. L’actualité dans la ville est sociale.

Le 19 janvier 1910, la majorité des quelques 240 ouvriers se mettent en grève avec l’appui de l'Union syndicale des ouvriers sur métaux. Le syndicat est affilié à la Confédération générale du travail (Cgt), fondée en 1895 et unifiée en 1902 avec la fédération des bourses du travail ; la Cgt a adopté en 1906 la charte d’Amiens, qui reste la base idéologique du syndicalisme français.

Leurs demandes consistent en une revalorisation des salaires. Le conflit, particulièrement long, deviendra très violent, illustrant la rudesse des rapports sociaux au début du vingtième siècle. Il aura des échos à la Chambre des députés comme dans toute la presse.

Le langage de la presse de l’époque est fleuri. Le quotidien socialiste L’Humanité, fondé par Jean Jaurès en 1905, donne la parole au syndicaliste-révolutionnaire Gaspard Ingweiller (1876-1960, résidant à Paris). C’est lui qui dirige la grève joinvillaise, en tant que secrétaire de l’Union des métaux.

« Les métallurgistes s'étant aperçus qu'un foyer de jaunisse [des non-grévistes embauchés par la direction] existait à l'usine de canalisation électrique de Joinville-le-Pont, décidèrent d'accord avec les autres organisations en grève, de prendre de vigoureuses mesures de prophylaxie pour éteindre le foyer infectieux, considérant qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

« Des groupes se, constituèrent et administrèrent aux malades en question une potion énergique qui les remit immédiatement sur pied. Un de ces malpropres individus, marchand de vins à Joinville, ayant eu vent des dispositions préventives, se fit accompagner par deux agents qui le conduisirent à l'usine. Dans la région, toute la population se figura que c'était un pillard pris en flagrant délit, que nos excellents policiers conduisaient au violon. Il paraîtrait même que son fonds à la suite de cet incident, perdrait de sa valeur.

« Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, par suite de l'excellence de la méthode adoptée, la grève se poursuit d'une façon unanime dans les quatre usines en lutte. Un gendarme ayant voulu s'emparer d'un superbe nerf de bœuf qu'un métallurgiste tenait à la main, ce dernier lui fit observer que, se trouvant en grève, il ne possédait que cet instrument de travail, le seul propre à mettre en pression la machine à frictionner qui avait fonctionné à merveille dans la journée.

« En résumé, situation excellente au point de vue de la résistance. »

Les syndicalistes se félicitent que, après trois semaines, « aucune défection se soit produite ». Des « cuisines communistes » fonctionnent pour fournir les repas aux grévistes et à leurs familles. Les enfants des métallurgistes en lutte sont pris en charge par d’autres militants afin d’écarter « le souci moral occasionné dans les luttes ouvrières par la présence des enfants. »

Ø      Pour en savoir plus : L'Humanité, 3 et 9 février 1905 et Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (dir. Jean Maitron).

Un atelier de l’usine Bi-Métal (source : BNF)

1910_Bi-metal_atelier5.jpg

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