En 1894, la Compagnie française du Bi-Métal connaît un fort développement. Son procédé de fabrication de fils de cuivre et d’acier, sur des brevets d’Édouard Martin, est médaillé d’argent à l’exposition internationale de Lyon. L’usine de Joinville-le-Pont (Val de Marne) tourne bien.
L’usine est vaste (elle occupe 8 000 m²) ; à l’entrée on trouve à gauche, les bâtiments de la direction ; à droite la loge du concierge ; l'usine est en face précédée d'une grande cour.
Une machine à vapeur d'environ deux cents chevaux est reliée à deux générateurs composés chacun d’une chaudière à vapeur enfermée dans un fourneau en maçonnerie placé sur le sol. Les chaudières, contrôlées par l’administration, fonctionnent correctement depuis quatre ans.
Le vendredi 8 février 1895 est un jour normal. À midi, les ouvriers quittent l’usine pour aller déjeuner ; à une heure moins dix, le chauffeur, M. Madinot, donne le premier coup de sifflet pour les avertir du prochain redémarrage de l’activité. Il vérifie que la pression des machines est bonne, puis s’assoit près de la machine.
Une explosion formidable se produit à ce moment : la chaudière de droite passe devant lui comme une flèche, traverse l'usine et la cour pour aller tomber sur la loge du concierge, qu’elle démolit entièrement. Le haut de la machine s’arrache, et est projetée sur le bâtiment de la direction.
Il y aura quatre morts : le concierge Charles Muck est tué sur le coup tandis sa femme, Marie, ne survit que peu de temps après avoir mis au monde, avant terme, un enfant mort-né. Le comptable, M. Mourgues, meurt le lendemain. Un charretier, M. Goézou, décède des suites de ses blessures.
Parmi les blessés figurent Jeanne, trois ans, fille des concierges, grièvement atteinte, M. Heurtel, le directeur, M. Pinaud, employé aux écritures et trois autres personnes. Par contre, le chauffeur Madinot, qui a assisté de très près à la catastrophe, n'a pas eu une contusion ni une brûlure.
Les ouvriers de l'usine, qui arrivaient au moment de l’explosion, s'empressèrent de porter secours aux blessés. Ils se retrouvent au chômage, l’usine cessant de fonctionner.
La catastrophe provoque un grand mouvement de solidarité. La municipalité lance une souscription, qui recueille 19 000 francs (environ 64 500 €), dont 5 000 viennent de la société et 1 500 du cardinal Richard, archevêque de Paris. L’essentiel est versé aux enfants et familles des victimes, une partie servant à aider les blessés et les ouvriers au chômage.
Les obsèques ont lieu le 15 février 1895, drainant une foule considérable. Elles sont présidées par Eugène Voisin, maire de Joinville-le-Pont. Des élèves de l'école militaire de gymnastique et d'escrime (l’ancêtre du Bataillon de Joinville et de l’INSEP) forment la garde d'honneur. La mairie et l’église sont drapées de noir. Toutes les associations locales sont rassemblées.
Ø À lire la presse quotidienne qui rend compte abondamment de la catastrophe, et notamment : La Croix, 12 février 1895, La Presse, 15 février, Le Petit Parisien, 20 novembre.