Suite de la biographie d’Eugénie Peauger
Fondatrice en décembre 1900 de l’Association fraternelle des receveuses, dames employées des postes, des télégraphes et des téléphones, Eugénie Peauger voit son initiative très commenté, en termes très favorables, par une grande partie de la presse quotidienne et des journaux destinés aux femmes.
L’objectif de l’association, qui a le statut de société de secours mutuels, est de venir en aide aux sociétaires malades ou accidentés par le versement d’une indemnité. Mme Peauger en est la présidente.
Elle sait attirer plusieurs personnalités dans ses membres d’honneur, dont Jeanne Levayer Millerand, épouse du ministre du commerce, de l’industrie, des postes et télégraphes et futur président de la République Alexandre Millerand, Léon Mougeot, sous-secrétaire d'État des Postes et Télégraphes et son épouse, Pauline Dautel ou le préfet de la Seine et ancien directeur des Postes, Justin de Selves. Le quotidien Le Français réalise un entretien avec elle, soulignant qu’elle a « la parole précise, énergique avec un accent de douceur ». Au-delà des enjeux matériels (indemnités de maladie ou de maternité, aide aux obsèques), elle insiste sur la solidarité morale : « Si vous saviez combien le sort des employées femmes est triste le plus souvent! Quel sombre isolement dans ces bureaux de campagne, où la receveuse, où l’employée arrive inconnue et déjà suspecte, jalousée pour son instruction, pour son rôle de dame et de fonctionnaire ! Oh ! Les vilenies de petits villages : cancans, potins, calomnies — et souvent les plus graves ! Dans les villes, autre inconvénient: noyée parmi un personnel masculin bien plus nombreux, la jeune débutante courra des dangers que vous devinez. (…) Enfin nous voudrions n’abandonner nos adhérentes — pas même après la mort ! — Combien s'en vont, sans une amie, vers une tombe aussi isolée que le fut sur terre leur pauvre demeure ! (…) Nous voulons qu’une fois mortes elles aient encore quelques camarades derrière leur cercueil, quelques simples fleurs sur leur tombe !... »
L’association compte plus de deux cents adhérentes peu après sa fondation sur sept ou huit mille receveuses ou employées. En 1901, elle étudie un projet d’orphelinat. Mme Peauger devient une interlocutrice sociale sollicitée par les personnalités officielles ; elle est ainsi consultée par la commission extraparlementaire de la révision des allocations, remises et indemnités accordées au personnel des postes en novembre 1902. La même année, en décembre, Alexandre Bérard, nouveau sous-secrétaire d'État des Postes et Télégraphes, préside l’assemblée générale de l'Association pour montrer « son intérêt au petit personnel de son administration » selon Le Petit Journal. En 1904, le groupement adhère au Conseil national des femmes françaises.
Ayant quitté son poste de Rosny-sous-Bois, Eugénie Peauger devient receveuse à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) en octobre 1903. Elle réside dans l’immeuble, situé quai du Barrage.
Le bureau de poste de Joinville (peut-être avec Eugénie Peauger à droite)
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En novembre 1903, Mme Peauger est vice-présidente du Congrès des receveurs et receveuses de France et des colonies qui réclame notamment des congés annuels sans frais pour les receveurs de bureaux simples soulignant que « seuls, parmi tous les employés de l’administration des Postes, les petits receveurs n’ont droit à aucun jour de repos dans l’année ». Le congrès demande également le rachat du matériel par l’administration, estimant « inadmissible que l’État, le premier des patrons, fasse payer à ses employés le matériel qui lui sert à exploiter le monopole postal. »
La constitution d’une Maison des dames des postes et télégraphes, sous forme de société coopérative en février 1904, fait appel à plusieurs collègues de l’association. Des dons de M. de Rothschild ou du Syndicat des agents de change permettent de constituer le capital de départ et l’immeuble est construit rue de Lille à Paris (7e arr.) avec comme maître d’œuvre Eugène Bliault, architecte du Musée Social, dans le style Art nouveau. Il comprend environ cent chambres meublées, un restaurant coopératif, et un vaste salon-bibliothèque ainsi qu’un jardin. Eugénie Peauger est administratrice de la société lors de sa constitution officielle en décembre 1904.
Une Fédération des associations professionnelles des postes télégraphes et téléphones de France et des colonies se constitue en juillet 1905, revendiquant 15 000 adhérents, après que le processus de regroupement ait été lancé en décembre 1904. Y participent l’association des dames ainsi que toutes les structures des receveurs, des ambulants, des personnels administratifs, des commis, des mécaniciens ou des expéditionnaires. Alors que le droit syndical n’est pas encore reconnu dans l’administration, il s’agit d’une première organisation à cette échelle à but de représentation du personnel. Mme Peauger est membre du comité exécutif du conseil fédéral.
La commune de Joinville accueille en août 1905 le championnat du monde de natation, qui se déroule en eau vive dans la Marne. La presse sportive signale le comportement de la receveuse Peauger, se félicitant de « la célérité et la diligence qu'elle mit à assurer son service. »
Eugénie Peauger meurt le 13 octobre 1905 à Paris (15e arr.), rue Dombasle, une voie parisienne baptisée en l’honneur d’un oncle d’une précédente directrice du bureau de poste de Joinville. Âgée de 45 ans, elle n’a pas eu d’enfant et était décorée des Palmes académiques comme officière d’académie depuis janvier 1902.
L'Union des dames de la Poste luis consacre, sous la signature de Spada, luis consacre une longue nécrologie, relevant qu’elle « montra un inlassable dévouement, chaque fois qu’il s’agit de combattre une injustice ou de venir au secours d’une de ses sociétaires ». Spada relève que « sa mort nous a étonnées, parce que nous ignorions que notre excellente camarade était depuis longtemps minée par le mal qui devait l’emporter. Gomment l’aurions-nous deviné ? Mme Peauger ne se plaignait pas et son activité incessante ne pouvait laisser soupçonner son état maladif. En effet, il faut remarquer qu’elle parvenait à s’acquitter de tous ses travaux, tant dans les commissions qu’à son association, en même temps qu’elle menait à bien la gestion de l’important bureau dont elle était receveuse. Elle était de ces courageuses créatures qui travaillent sans trêve et sans bruit, modestement et sans s’effrayer des charges qui leur sont imposées. »
Fin
La Maison des dames des Postes de la rue de Lille à Paris
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