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21 juillet 2021 3 21 /07 /juillet /2021 00:01

Suite de la biographie d’Henri Vel-Durand

Au sein du conseil municipal de Joinville-le-Pont, début 1911, la maladie du maire, Eugène Voisin, qui est en poste depuis 23 ans déjà, accélère les tensions entre ceux qui ont jusqu’ici fait partie de son équipe. En février, quatre élus radicaux de 1908 (Watrinet, Mermet, Vel-Durand et Arnaud) acceptent de déférer à une convocation du parti socialiste SFIO, transmise par son secrétaire, Émile Lebègue, pour rendre compte de leur mandat. Maurice Watrinet, entrepreneur de pompes funèbres et ancien secrétaire général de la mairie, indique qu’il a quitté le parti radical, et laisse entendre qu’il se présenterait aux élections municipales de 1912, sollicitant le soutien des socialistes pour espérer devenir maire. Achille Mermet, professeur de physique-chimie, déclare qu’il n’a pas quitté le parti radical, mais estime le maire trop âgé et lui demande de donner sa démission. Vel-Durand blâme la lenteur de l’administration municipale. Quand à Chéri Arnaud, sellier, personnalité du quartier de Polangis, il soutient ses collègues. Sont également présent dans cette réunion Théophile Leteuil, le représentant du comité socialiste évolutionniste de 1908 et l’avocat Louis Gallas, porte-parole de la droite. L’hebdomadaire Voix des communes assure qu’on aura, s’ils partent ensemble aux élections, « une épatante liste des maires, avec une demi-douzaine de prétendants à l’écharpe ». Un membre du comité radical-socialiste de Joinville écrit une lettre ouverte à Vel-Durand, s’inquiétant de son intervention : « vous m’avez produit une bien mauvaise impression. »

Toujours en février, le conseil municipal convoque lui aussi sa réunion de compte-rendu de mandat. Elle se déroule en l’absence du maire, malade, sous la houlette des adjoints, Villain et Briolay, du chimiste Rey, chroniqueur de Voix des communes, et d’Albert Gallas, pilier du comité radical-socialiste. Watrinet, Vel-Durand, Mermet et Arnaud font une entrée conjointe applaudis par les socialistes SFIO et les amis de Leteuil.

Parmi les sujets qui portent à polémique figure l’entretien d’une voie du quartier de Palissy, le chemin de Brétigny, dégradé par un entrepreneur avec lequel la municipalité est en conflit pour savoir qui doit payer les réparations. Les socialistes dénoncent « l’incurie et la mauvaise gestion municipale » et la « construction d’une trop belle mairie » alors que l’école maternelle est, selon eux, « dans un triste état ». Vel-Durand déclare qu’il est toujours radical, mais fait partie des conseillers qui combattent la municipalité. Il critique le dernier budget, mal rédigé d’après lui, qu’il a cependant voté. Après Watrinet, Arnaud assure qu’il donne sa démission du comité radical-socialiste et trouve le maire trop âgé, appelant à le remplacer.

Louis Gallas dans le Courrier libéral, se réjouit : « rien ne va plus au conseil. MM. Vel-Durand, Mermet, Watrinet et Arnaud sont dissidents et osent avoir des idées et des opinions sans demander l’autorisation du comité radical de Joinville. Ils ne veulent plus obéir servilement aux injonctions de la franc-maçonnerie ! Ils pactisent avec les [socialistes] unifiés ». Il assure que « la municipalité, par un défaut de cohésion, est incapable de gérer plus longtemps les affaires de la commune ; c’est que notre maire Voisin n’a malheureusement plus les forces nécessaires pour guider la trirème municipale. La démission collective du conseil municipal s’imposerait. »

Après la voirie, c’est un incident dans une école qui provoquer une vive crise au sein du conseil municipal. Rey reprend la dénonciation, par une mère d’élève, du comportement douteux de certains élèves de l’école de Polangis. Les quatre dissidents, rejoints par deux autres, l’artiste peintre Henri Poitevin et Jules Beauvais, critiquent la divulgation des faits et provoquent la suspension de la séance du conseil. Ils convoquent une réunion en soutien au directeur de l’école, accusé de complaisance. Au sortir de la réunion, ils manifestent devant le domicile de Rey, que la police vient protéger.

Les six dissidents démissionnent, ce qui a pour effet, du fait d’un autre poste vacant, de provoquer des élections municipales partielles. Pendant la campagne, les radicaux-socialistes soulignent la fragilité des convictions radicales des sortants, les qualifient de « Saxons » et assurent défendre l’école laïque contre « les abus et les scandales de tout genre ». Les six sont réélus, en compagnie d’un de leurs alliés, Richard-Cugnet, face à une liste conduite par René Martin, président de l’Union des commerçants, mais non explicitement estampillée du soutien des radicaux-socialistes. Les socialistes et les libéraux avaient renoncé à se présenter, pour soutenir les protestataires. Cependant, l’origine ethnique de Vel-Durand est toujours mise en cause, par exemple par le nationaliste Jean Contoux qui s’offusque que le radical « Rey a le toupet d’écrire que les libéraux et les nationalistes sont les amis de Weil-Durand [sic]. »

Un autre rédacteur de Voix des communes, A Deyres, commente la campagne d’Henri Vel-Durand, qu’il qualifie de « chef de bande ». Il serait « un de ces politiciens à la mode, comme on en rencontre beaucoup dans le firmament républicain : ‘Je travaille pour moi, les autres, je m’en f…’. Élu conseiller municipal puis conseiller d’arrondissement grâce à l’appui de Voisin. N’oubliait pas ses intérêts privés : devint greffier du tribunal de Nogent grâce à l’appui de Maujan. Vilaine campagne électorale en 1909 pour le poste de conseiller général, qui lui aliène l’estime de ses meilleurs amis ; mis en minorité dans sa commune même. Les élections sont un épisode d’un plan longuement préparé pour renverser l’honorable maire de Joinville et prendre sa place. Les électeurs ont à se prononcer entre 2 hommes, Voisin et Vel-Durand. Le corps électoral saura choisir entre l’homme qui l’a toujours servi et l’homme qui s’est toujours servi de lui ». Quand à Rey, qui assure « J’ai défendu Vel-Durand quand il était attaqué et qualifié de juif par le journal de Jean Contoux (…) Vel-Durand renierait son meilleur ami, s’il en avait, pour servir ses intérêts. »

La victoire, à une forte majorité, des dissidents est commentée par un dirigeant du parti radical, Paul Guelpa : « Leur réélection effacera-t-elle leur trahison ? Ils ne sont les élus que d’une fiction. Les dissidents sont les élus de la réaction avouée ». Rey, qui avait été pris pour cible personnellement, raconte : « On m’a fait un crime d’être franc-maçon ; je m’en honore. On avait sur le marché exposé un mannequin couvert d’emblèmes maçonniques qu’on devait ensuite brûler. C’est de l’intolérance. La peur du commissaire a empêché l’autodafé du bonhomme de paille. Je ne me suis pas occupé de la liste Martin, mais Mermet la qualifiait de liste Rey. Toute cette élection s’est faite sur une équivoque des mensonges et des appétits ; la coalition des unifiés, des réactionnaires et des nationalistes a été établie ». Constatant que l’affaire de l’école de Polangis avait été au centre des polémiques électorales, Rey considère le résultat comme « le triomphe de l’onanisme », espérant que « la morale reprendra bientôt ses droits. »

Avec un indépendant élu en 1908, les opposants sont désormais huit contre treize soutiens d’Eugène Voisin. Le comité radical-socialiste est, selon le journal du parti, en « désarroi » suite à la démission des conseillers municipaux qui en étaient membres. Le bureau démissionne et les convoque devant l’assemblée du comité. Accusé d’avoir fait une campagne équivoque haineuse, de mensonge, avec des attaques contre Briolay et Rey, Vel-Durand, critiqué par tous, assure « qu’en attaquant Rey il attaque celui qui voulait être le maître du conseil municipal et qui attaquait tout le monde ». Un radical anonyme oppose aussi les deux hommes en s’adressant à Vel-Durand « Nous estimons Rey comme un bon citoyen, désintéressé, esclave de ses convictions nettement républicaines. Vous n’êtes qu’un vaniteux et un envieux détestable. »

L’inauguration de la nouvelle mairie, en décembre 1911, est l’occasion de nouveaux affrontements. Les huit protestataires s’opposent aux crédits pour le bal et critiquent la cérémonie dans la Revue de Saint-Maur, dont Vel-Durand est un collaborateur. Rey rétorque que « Vel-Durand n’a jamais pardonné à Voisin de n’avoir pas été élu adjoint et conseiller général » et qualifie Beauvais et lui de « politiciens sans consistance, qui ne sont que des profiteurs et des marchands d’influence qu’ils ne possèdent pas ». Vel-Durand conteste l’exécution du budget 1911, estimant que Voisin en aurait été bénéficiaire, au travers de la location des mâts et tribunes du jour de la fête d’inauguration. Vel-Durand y participe cependant, en tant que président du Conseil d'arrondissement de Sceaux.

Les élections municipales de mai 1912 se déroulent dans un climat de forte tension, alors que le maire sortant ne se représente pas. Elles sont marquées par une manœuvre tactique originale. Les trois listes d’opposants, les libéraux de Dalbavie, ancien conseiller municipal, les socialistes de Lebègue et les radicaux dissidents concluent un accord de fusion pour le second tour, au prorata de leurs scores du premier, avec comme objectif de battre les radicaux-socialistes, conduits par l’adjoint au maire Georges Briolay. Le comité radical-socialiste de Joinville tente, en vain, de ramener l’union de ses membres. Le scrutin voit le succès de la coalition, composée de dix radicaux dissidents, sept socialistes et six libéraux. Contrairement aux libéraux, les socialistes ne participent cependant pas systématiquement à la majorité municipale et n’ont pas d’adjoint. Achille Mermet est élu maire, Henri Vel-Durand devient premier adjoint et le libéral Pierre Dalbavie, tailleur d’habits, est le second adjoint.

Une des premières décisions proposée par Vel-Durand au conseil municipal est de doubler le loyer de la maison louée par Rey à la ville, puis de lui donner congé. Leur adversaire au cours du scrutin de 1912, Briolay, témoigne : « Si vous m’accusiez de m’être employé à faire ramasser une veste à Vel-Durand à l’élection au conseil général, ne cherchez pas. Oui, c’est moi le coupable. Je le reconnais. J’avoue : c’est la récompense de sa trahison à la cause radicale-socialiste. »

Suite à son comportement lors des élections municipales, Henri Vel-Durand est exclu du Parti radical-socialiste par la fédération de la Seine. La presse locale commente l’évènement : L’Écho républicain estime qu’il a été « excommunié ». La Revue de Saint-Maur, journal où collabore Vel-Durand, considère que c’est à l’instigation des dirigeants locaux du parti radical, qui sont selon elle Briolay, Roux et Rey. Voix des communes se félicite que « la maison est maintenant propre, l’on ne risque plus d’y coudoyer les traîtres et les renégats ». L’Union radicale-socialiste de Saint-Maur écrit que « la situation politique [de Vel-Durand], anormale tout d’abord, était devenue scandaleuse et insupportable ». Le journal considère « qu’il était entré en lutte avec lui en s’alliant aux ennemis de notre parti aux élections municipales. C’était déjà une faute grave. (…) Ce que l’opinion ne lui pardonnera pas, c’est d’être resté au parti radical sans radicalisme. »

À suivre

Les glaces dans la Marne pendant l'hiver 1917

 

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