En novembre 1890, Louis Rey s’amusait beaucoup qu’un tribunal eût fixé une valeur marchande à l'eau de Lourdes. Il racontait l’histoire suivante au critique dramatique et journaliste Francisque Sarcey, chroniquer du quotidien XIXe siècle : « Un de mes amis, m'écrit M. Louis Rey, propriétaire de bagares qui chargent sur le port les marchandises qu'on transbordera, à Pauillac et à Royan, sur les grands navires qui vont au Brésil, avait commission d'un moine franciscain d'embarquer des fûts remplis de l'eau miraculée, pour les transporter et les transborder sur un navire dans le port de Pauillac. Il arriva que pendant la manœuvre un des précieux fûts subit un accident : il fut défoncé, et l'eau de Lourdes se répandit dans la Garonne. Le mal, après tout, était réparable. Le chef de manœuvre avait offert de puiser dans la Garonne, à la même place, de quoi remplir un autre fût ; sans doute, la vertu miraculeuse de l'eau eût été quelque peu diluée, mais il en serait toujours bien resté quelque chose. Et puis, vous savez, il n'y a que la foi qui sauve. Le moine qui assistait au chargement fut inflexible. C'était de l'eau de Lourdes qu'il voulait, de l'eau sans mélange; il refusa avec horreur l'idée de l'étendre avec de l'eau puisée dans la Garonne. Il exigea des dommages-intérêts. On plaida. Savez-vous à combien fut estimée la barrique défoncée, contenant et contenu ? A trois cents francs que mon ami paya, enchanté d'avoir acquis, fût-ce à ses dépens, la preuve que l'eau de Lourdes était une marchandise comme une autre, un peu plus chère même que beaucoup d'autres. Car à cent francs, on a du bordeaux très passable. »
Francisque Sarcey faisait remarquer que, quelques années plus tôt, sous la période de l'ordre moral (1873-1876), « il nous en coûtait à nous-mêmes, au XIXe Siècle, 6 000 francs pour avoir pris la liberté de nous moquer des bons pères de Lourdes et de leurs bouchons. »
Anticlérical affirmé, Louis Rey était également franc-maçon. Certains de ses adversaires réactionnaires tentaient de le mettre en cause pour cela, par exemple en publiant une liste des francs-maçons de Joinville dans un journal conservateur, l’Écho républicain. Dans son propre hebdomadaire, Voix des communes, Rey répondit qu’il s’agissait de « braves gens » et que « en ce qui concerne Joinville, il y manque une soixantaine de nos frères ». Le quotidien d’extrême-droite La Libre parole fait de même en mai 1912.
Dans la commune, Rey avait mis en place une Union fraternelle, qui regroupait les francs-maçons appartenant à différentes loges autour d’un banquet annuel et d’un bulletin hebdomadaire. En octobre 1909, l’Union fraternelle adhère au programme du Parti radical et radical-socialiste, adopté au congrès de Nantes. Elle exprime sa sympathie pour Francisco Ferrer (1859-1909), pédagogue et anarchiste espagnol, fusillé après sa participation à l’insurrection de Barcelone au cours de l’été 1909.
Dans un climat politique local très tendu, la franc-maçonnerie est une cible. En mai 1911, Rey témoigne dans Voix des communes : « On avait sur le marché exposé un mannequin couvert d’emblèmes maçonniques qu’on devait ensuite brûler. C’est de l’intolérance. La peur du commissaire a empêché l’autodafé du bonhomme de paille. »
L'anarchiste et fondateur de "l'école moderne", Francisco Ferrer (Wikipédia)

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