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16 décembre 2018 7 16 /12 /décembre /2018 00:01

Suite de la biographie de Gustave Charton

En janvier 1897, Gustave Charton s’inquiète, dans une lettre publiée dans l’hebdomadaire Voix des communes du sort des ouvriers de l’usine métallurgique du Bi-Métal à Joinville : « Il se produit en ce moment à la compagnie du Bi-Métal de Joinville (connue par la dernière grève et la déplorable catastrophe toute récente, où plusieurs personnes ont trouvé la mort), des faits absolument scandaleux. Les ouvriers employés dans cette usine gagnent de 0 fr. 35 à 0 fr. 40 de l’heure environ, et ne travaillent que la moitié de l’année à peu près, ainsi qu’en font foi quelques lettres qui sont en ma possession. C’est, il faut l’avouer, un assez maigre salaire et l’on se demande comment ces malheureux peuvent s’arranger pour vivre avec si peu de rétribution ; mais là ne s’arrête pas l’infamie capitaliste qui règne en souveraine maîtresse dans cette usine ; en effet, lorsque les ouvriers atteignent la soixantaine, et que la somme de travail produit commence à diminuer, on les jette à la porte comme des malpropres, ces termes sont tirés de la lettre criante de souffrance que m’adresse l’un de ces malheureux.  J’en connais qui depuis 15 et 20 ans travaillent sans discontinuer dans cette usine, et qui viennent de subir le sort accordé à tous ceux qui ont le malheur de voir leurs cheveux blanchir, et dont le travail ne concorde plus avec celui de l’ouvrier en pleine force l’âge. Et voilà ! On emploie des ouvriers, on les use, et lorsque la vieillesse les écrase de sa griffe, on les jette sur le pavé, sans se soucier de savoir s’ils n’ont plus qu’à choisir entre ces trois moyens de vivre : la mendicité, la prison ou l’hôpital. »

Le directeur de la Voix des communes, Gabriel Meynet, ancien maire d’Alfortville (Seine, act. Val-de-Marne), commente longuement l’article : « Charton qui, on le sait, est l’honnêteté et la droiture mêmes, en m’apportant l’article qu’on vient de lire, a tenu à me montrer les témoignages écrits des pauvres diables, mis brutalement à la porte, en plein hiver, comme on jette à la borne de vieilles savates hors d’usage. Ces serfs de l’usine où ils ont travaillé, à peine rétribué environ 1 fr. 75 par jour si l’on tient compte des chômages forcés dus sans doute à l’intermittence des commandes, sont plus mal traités que les esclaves antiques. Ceux-ci vieux, brisés, usés, avaient jusqu’au jour où ils crevaient dans quelques coins, la pâtée et un gîte. Ceux-là, comme dit Charton, ont pour perspective la mendicité, le vagabondage, l’hôpital, la prison.  On ne leur reprochera pas, j’aime à la croire, leur manque de prévoyance. Le pain de la vieillesse, eh, fichtre ! Comment le mettre de côté, quand celui du jour est à peine suffisant pour sa journée ? La bête humaine, dans sa nudité native est parfois singulièrement résistante. Arriver ainsi à la soixantaine, la dépasser et n’être pas si complètement déjetée qu’elle ne puisse dans son métier s’employer utilement ? Que M. le directeur n’aille pas s’imaginer que, de propos délibéré, je m’en prends à lui personnellement et à ses actionnaires de ces tristes conditions. (…) Toutefois, il me permettra de faire appel aux sentiments de solidarité, d’humanité qui sommeillent dans le cœur humain et qui, sous la pression des évènements terribles, en jaillissent en de splendides réveils. Il n’a pas oublié la lamentable catastrophe que rappelait Charton, il se souvient de ces morts et de ces vivants enfoncés sous les décombres, que fouillaient les ouvriers de l’usine au risque d’être écrasés par la chute d’un mur croulant. Ne fut-il pas lui-même parmi ceux que l’irréfléchi dévouement de ces hommes arracha à la mort ? N’en est-il pas parmi ceux qu’il vient de balayer qui ont contribué à ce magnifique sauvetage ? (…)

Le mois suivant, toujours dans le même journal, Charton dénonce des incidents avec un prêtre et la famille pendant la maladie de Robert, libre-penseur joinvillais.

De nouveau, en 1899, Charton vit à Joinville. Il est domicilié 8, rue du Pont, dans le même immeuble qu’un autre socialiste-révolutionnaire, Henri Martinet (1865-1932), ouvrier menuisier, syndicaliste, coopérateur, militant socialiste puis communiste et conseiller municipal de Champigny-sur-Marne (1908-1925).

Jean Gustave Charton meurt le 5 février 1900 à Joinville. Son décès est déclaré à l’état-civil par son fils Fernand Alfred Charton, 23 ans, sous-officier au 153e régiment de ligne en garnison à Toul et par Alexandre Isidore Hénocq, 42 ans, militant du POSR à Joinville.

Ses obsèques rassemblent une assistance nombreuse de militants républicains, socialistes révolutionnaires comme radicaux-socialistes, avec notamment le député radical Jules Ferdinand Baulard, le maire de Joinville Eugène Voisin ou Adolphe Aureau, ancien maire de Saint-Maur. La presse radicale commente son décès. Pour Voix des communes, « Charton était un bon et ferme républicain, un libre-penseur convaincu, qui appartenait depuis un certain nombre d’années au parti ouvrier socialiste révolutionnaire, il comptait beaucoup d’amis parmi les groupes de la démocratie, qui avaient été à même d’apprécier sa loyauté, sa bonne foi, en même temps que la bonté de son cœur et sa courtoisie habituelle ». Le quotidien Le Radical voit en lui un « camarade de combat. »

Une des filles de Charton, Clarisse, épouse en octobre 1901 Alphonse Doret, petit-fils d’Alphonse Demeestère, ancien dirigeant des radicaux de la circonscription. Le mariage est célébré par le maire de Joinville Eugène Voisin tandis que le député Jules Ferdinand Baulard prononce un discours.

Un atelier de l'usine Bi-Métal, Joinville

 

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