Suite de la biographie d’Eugène Hainsselin.
Les conseils de prud'hommes, instances discrètes jusqu’au début de la troisième République, étaient devenues en 1882 un enjeu électoral au sein du mouvement ouvrier. Le parti possibiliste de la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF) voulut les investir pour appliquer les principes socialistes sur la rémunération du travail manuel. Il a pour concurrent des blanquistes et la Fédération des chambres syndicales indépendantes. En décembre 1890, sur 69 prud'hommes ouvriers parisiens, il y avait 47 possibilistes, 21 socialistes indépendants et un blanquiste-boulangiste. Le développement du syndicalisme va changer la donne. En 1896, en tant que responsable syndical, Hainsselin fait campagne pour Tavernier, candidat dans la quatrième catégorie du bâtiment. En novembre 1899, il se porte lui-même candidat, en compagnie de Chariot, charpentier. Il est élu pour trois ans le 3 décembre par 425 voix sur 657 suffrages exprimés pour 1 241 inscrits.
Lorsqu’il se représente en 1902, Hainsselin est en butte à des accusations de Morice, ouvrier charpentier, qui obtient, le 8 novembre, le soutien des chambres syndicales des scieurs à la mécanique et des charpentiers. Mais, dans des réunions à Paris, au Pré-Saint-Gervais et à Saint-Denis (Seine, act. Seine-Saint-Denis), Hainsselin réussit à retourner les scieurs en sa faveur. Arrivé en tête au premier tour, avec 228 voix sur 541 votants pour 1 130 inscrits, Hainsselin devance Morice (209 voix) et Gardery (Solidarité des ouvriers charpentiers, 102 voix). Il l’emporte au second tour en décembre grâce à 255 votes sur 532 et est élu pour six ans. La chambre syndicale des charpentiers précise que, si elle combattait la candidature Hainsselin, « c'était l'homme qui était visé et non le syndicat. »
Les relations d'Hainsselin avec ses mandants se détériorent de nouveau. Le 10 juillet 1904, sur rapport d’une commission d'enquête au sujet de la Société coopérative des scieurs découpeurs du département de la Seine, l'assemblée générale décide « de radier de la chambre syndicale le nommé Hainsselin » et « lui retire la confiance de la corporation ». Devant ce qu’elle considère comme des « faits scandaleux », elle « le somme de donner sa démission de conseiller prud'homme. »
En décembre 1905, Hainsselin soutient victorieusement la candidature de son ancien concurrent Gardery face à celle de Chariot, soutenue officiellement pas les deux syndicats de charpentiers et de scieurs. Tirant avantage de son expérience, Hainsselin va régulièrement présider le conseil de prud’hommes en alternance avec la partie patronale. En mai 1907, un Comité de vigilance unique du bâtiment est constitué, pour dénoncer le « clan spécial » qui a participé à l'élection d'Hainsselin, comprenant, outre Gardery, cinq autres conseillers Riom, Tréfaut, Bazetoux, Dartois et Dubief ainsi que d’autres militants, Durr, Pichon, Mathieu, Guellob et Carrière.
En décembre 1908, se déclarant représentant, Hainsselin sollicite le renouvellement de son poste aux élections prud'homales, mais cette fois chez les employés de commerce et non plus dans le bâtiment. Avec 99 voix pour 345 votants et 663 inscrits, Hainsselin est cependant distancé, arrivant en 4e position pour deux sièges à pourvoir et se retire avant le second tour. Il se plaint d’une « campagne de mensonges et de calomnies », à cause de sa décoration (il est officier de l’instruction publique). Selon lui, « tout citoyen décoré est pour les sectaires du syndicalisme un traître et un vendu. »
À suivre.
commenter cet article …