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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 00:01

La poète et résistante Marietta Martin a vu son nom donné en octobre 2024 à une rue de la ville d’Arras, sa commune natale. L'inauguration de la rue Marietta Martin est a priori prévue aux alentours du 8 mars 2025. C’est l’occasion de reprendre ici sa biographie.

 

Marietta Martin, née le 4 octobre 1902 à Arras (Pas-de-Calais), est la fille d’Arthur Martin, rédacteur en chef du quotidien d’Arras, le Courrier du Pas-de-Calais, et d’Henriette Martin-Le Dieu. Orpheline de père à l'âge de quatre ans, Marietta vit avec sa mère, professeur de piano à Arras et sa sœur, Lucie. Lors de l'offensive allemande dans le nord de la France en août 1914, sa mère et sa sœur se réfugient à Paris et s'installent dans le 16ème arrondissement, où Marietta les rejoindra après un séjour en Angleterre.

Elle fait ses études secondaires au Lycée Molière, où travaille sa mère, s'inscrit comme étudiante à la Faculté de médecine puis change de voie et prépare une licence de lettres et un doctorat. Elle parle couramment l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le polonais et le danois. Musicienne, elle joue du piano et du violon. Marietta voyage dans une bonne partie de l’Europe, malgré une santé très délicate, et fait notamment de longs séjours en Pologne, où vivent sa sœur et son beau-frère, Adam Rosé, diplomate et ministre. Ses voyages lui inspirent la rédaction d’un essai sur Marie-Thérèse Rodet Geoffrin, visiteuse française du roi de Pologne Stanislas Auguste à Varsovie en 1766.

En 1925, elle présente sa thèse de doctorat en littérature comparée sur la vie et l'œuvre d'un médecin allemand qui a eu Stendhal pour patient, le docteur Koreff, qu’elle qualifie d’aventurier intellectuel. Elle poursuit ses travaux par un mémoire sur le Saint-Simonisme qui fait l’objet de deux articles dans le Journal des débats en 1926.

Malade des poumons, Marietta Martin passe plusieurs années en Suisse, dans un sanatorium de Leysin (canton de Vaud) entre 1927 et 1931. Elle y écrit de nombreuses lettres, parfois poignantes, mais toujours gaies et optimistes. Dans un de ces courriers, elle résume sa pensée : « S’il faut lancer un message par le monde, il ne peut pas partir porteur de douleur pour augmenter cette douleur, il serait un faux message. Si c’est un message pour la terre, ce doit être un message de corps et d’esprit ; vivre comme il faut, selon toutes les règles, l’enseignement définitif est : soyez joyeux. Il ne faut pas rester dans le bizarre chemin qui y conduit. »

Elle publie en 1933 son premier ouvrage littéraire, Histoires du paradis. Comme l’ensemble de son œuvre, elle relève d’un style mystique. Marquée par sa culture chrétienne et son affirmation de l’amour comme sens de la mort, elle assure écrire du point de vue de Dieu. Elle écrit « J'ai du respect pour le Dieu qu'ils cachent en eux » et se décrit « J'ai tellement de soleil dans mon cœur que tout ce que je regarde en est illuminé. »

Bien que n’ayant pas d’engagement politique connu, elle accepte de travailler en 1936 pour rédiger les documents de propagande de la campagne électorale de Maurice Tailliandier (1873-1951), député sortant de la 2ème circonscription du Pas-de-Calais (Arras), membre du groupe Républicain et social (droite modérée). Il sera battu par un partisan du Front populaire.

En 1938, Marietta Martin rédige en un recueil des poèmes qu’elle signe du pseudonyme de François Captif. Le livre, intitulé, Adieu temps, paraîtra en 1947. En 1939, elle rassemble la plupart de son œuvre, sauf les écrits universitaires, sous le titre d’Enfance délivrée.

L’expérience mystique de la poète Marietta Martin est marquée par une prescience de la mort et de l’engagement patriotique. Dans un cahier de 1936, elle écrit : « Nuit ! Nuit ! Non, pour toi, Nuit, il faut partir. Le soldat sait qu’il part demain. Il sait où il part ; il sait qu’il veut partir pour le lieu dont il ne sait pas le nom. Les convois de troupes vers le lieu de l’action montent en ligne pour une destination inconnue. Il n’en sait qu’une et il l’aime, il l’aime tellement, enfin ! »

Marietta Martin entre peu après le début de la guerre dans le Réseau Hector, un important groupe de combat et de renseignement de la zone nord de la France, animé par le colonel Alfred Heurteaux, officier du 2ème Bureau de l'Armée d'armistice.

Elle participe, à la demande du diplomate Paul Petit, au réseau « La France Continue », mouvement de résistance créé notamment par Henri de Montfort, journaliste et secrétaire de l’Institut de France, et Annie de Montfort. Cette dernière fut étudiante aux Langues orientales avec Marietta. On comptait également parmi les collaborateurs l’historien Émile Coornaert, Suzanne Feingold ainsi que le professeur du lycée Buffon Raymond Burgard. La chambre de Marietta, rue de l'Assomption à Paris (18e), devient la salle de rédaction du journal publié par le réseau.

La France Continue, un des premiers véritables journaux clandestins, connaîtra 12 numéros entre 1941 et 1942. Marietta Martin écrit pour le journal et assure, à bicyclette, la diffusion de numéros dans Paris. Elle en expédie également plusieurs milliers d’exemplaires par la poste.

A la suite d'une dénonciation, une perquisition a lieu dans sa chambre au cours de la nuit du 7 au 8 février 1942. Un ouvrage est saisi, intitulé « Avec Charles de Gaulle de Gaulle, avec l’Angleterre ». Il s’agirait selon le jugement rendu en 1943 d’un « écrit politique assez long, rédigé par elle et plusieurs fois remanié » ; il aurait été « mis en lieu sûr » par les autorités allemandes et n’a pas été retrouvé depuis.

Marietta Martin est inculpée de « rédaction et diffusion de publications clandestines » et accusée d'être une militante du mouvement Libération nationale. Incarcérée à la prison de la Santé, elle est déportée le 16 mars 1942 en Allemagne dans huit établissements pénitentiaires successifs. Elle est condamnée à mort le 16 octobre 1943 par le « tribunal populaire » (Volksgerichtshof) de Sarrebruck pour « complicité avec l'ennemi » en même temps que Paul Petit et Raymond Burgard.

Emprisonnée en attente de son exécution à la prison de Cologne elle est soignée par Gilberte Bonneau du Martray, dans la cellule voisine de celles d’Elizabeth Dussauze, Jane Sivadon, Hélène Vautrin et Odile Kienlen. Elle est transférée suite aux bombardements, sur une civière en raison de sa faiblesse, à Francfort-sur-le-Main. Elle y décède le 11 novembre 1944. En 1949, son corps est rapatrié à Paris. Elle est inhumée avec les honneurs militaires au cimetière de Clichy-sous-Bois, car elle a été nommée, à titre posthume, sous-lieutenant, au titre des Forces françaises combattantes.

Marietta a été décorée de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre avec palmes. Elle a fait l’objet d’une citation à l'ordre du corps d'armée. La poète fait partie des 157 écrivains morts pour la France dont le nom figure au Panthéon de Paris. Une plaque est déposée sur son ancien domicile rue de l'Assomption à Paris (16e arr.) et une rue du même arrondissement porte le nom de « Marietta Martin ».

Une école est baptisée de son nom dans sa ville d’origine, Arras et une plaque a été déposée sur sa maison natale. En octobre 2024, une rue a été baptisée à son nom dans cette commune.

Une allée de la Forêt des écrivains combattants a été baptisée en 1961 du nom de Marietta Martin dans la forêt des écrivains combattants au sein du massif montagneux du Caroux-Espinouse, situé sur le territoire des communes de Combes (Hérault).

Voir aussi :

Portrait de Marietta Martin (arch. fam.)

 

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2 novembre 2023 4 02 /11 /novembre /2023 00:01

Suite de la biographie d’Émile Engel

Une des élèves du ténor Émile Engel, la pianiste et cantatrice mezzo-soprano Jane Bathori est engagée en 1901 à la Scala de Milan. Elle l’accompagne en 1908 au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles où il reprend une saison. En 1906, devenu professeur au Conservatoire de musique de la capitale, il poursuit une activité privée avec elle et tous les deux ouvrent leçons et cours de chant dans un salon de la rue de Londres à Paris.

Après avoir divorcé, en décembre 1907 d’avec Marie Garry, il épouse en mai 1908 à Paris (8e arr.) Jane Bathori (alias Jeanne Marie Berthier), qui a 30 ans de moins que lui. Le peintre Charles Léandre et le compositeur Albert Roussel sont ses témoins.

Au cours de la première guerre mondiale, le fils aîné d’Émile Engel, José, déjà trop âgé pour être dans les troupes de combat, est mobilisé en 1916 dans le génie puis mis à disposition du ministère de l’enseignement. Son fils cadet, René, ingénieur chimiste installé aux États-Unis, est affecté à l’artillerie, détaché à la direction générale des poudres et sert d’interlocuteur aux autorités américaines pour l’armement. Il est nommé lieutenant.

Pour leur part, les époux Engel organisent en janvier 1916 une matinée au bénéfice des soldats aveugles.

Contribuant aux efforts patriotiques, Émile Engel met en musique des œuvres poétiques. Il publie au moins cinq œuvres sur des textes de Paul Déroulède (Le bon Gîte en 1916 et Le Clairon l’année suivante), de M.-H. Chantrel (Le Coq gaulois en 1916), d’Alfred de Musset (Le Rhin allemand en 1917) ainsi que de Victor Hugo (Hymne à la France en 1917).

Après la première guerre mondiale, Émile Engel se consacre presqu’exclusivement à son enseignement, principalement au Conservatoire de Paris, ne chantant qu’à l’occasion de concert avec ses élèves.

Son divorce d’avec Jane Bathori est prononcé en juillet 1921 par le tribunal civil de la Seine « à la requête et au profit du mari ». Ce ne sera pas sa dernière union puisqu’en mars 1925 à Paris (10e arr.), il épouse de nouveau une de ses élèves, Rose Joséphine Daumas, fille d’un typographe de Toulon (Var). La différence d’âge est cette fois de 54 ans ; parmi ses témoins, on retrouve le peintre Charles Léandre, qui réalisera son portrait en 1927. Le nouveau couple vit rue Claude-Vellefaux (10e arr.).

Bien qu’âgé alors de 80 ans, Émile Engel, est toujours professeur en 1927 et se confie en juin lors du concours de chant où se présente ses élèves à un rédacteur de Chantecler, qui le dit marchant péniblement, malade et usé : « Je vais mourir d'une minute à l'autre, tant je suis faible ». Il meurt le 18 juillet 1927 à Paris (10e arr.) dans son domicile de l’avenue Claude-Vellefaux. Son successeur à son poste au Conservatoire de musique de Paris voit sa nomination (décidée antérieurement) publiée le jour même de la disparition d’Engel. Chantecler écrit qu’il « est mort à l'heure même où commençait sa retraite », ayant cependant « connu le réconfort d’une affection et l'un dévouement féminins qui lui ont embelli ses derniers moments ». Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (20e arr.).

Une fille, Marie Françoise Antoinette, naît de manière posthume en septembre 1927 à Toulon (Var), où Rose Engel s’était retirée chez sa mère. Mais sa veuve décède elle-même un mois plus tard, laissant le bébé orphelin à la garde de sa grand-mère maternelle. Elle héritera de la vente d’une vaste villa située près de Dieppe, à Hautot-sur-Mer (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime), avec ses deux frères aînés (José a 59 ans de plus qu’elle et René en a 40). José est un peintre, dessinateur et illustrateur ; René, qui va prendre la nationalité des États-Unis, est professeur de géologie à l’Institut de technologie de Californie (Caltech), à Pasadena.

De nombreux journaux rendent hommage à Émile Engel. Comme beaucoup d’autres, Comoedia, met en avant, parmi ses créations, Le Rêve d’Alfred Bruneau à la salle Favart de l'Opéra-Comique. Le Journal souligne la « pénible émotion » que provoque sa disparition chez ses nombreux élèves et amis. La Volonté le décrit comme « un chanteur de grande classe ».

La Grande encyclopédie, publiée en 1894, voyait en lui « un artiste de talent, comédien aussi habile que chanteur expressif et expérimenté ». Outre les tableaux de Charles Léandre et José Engel, le photographe Félix Nadar figure par les nombreux auteurs de portraits de l’artiste.

Fin

Émile Engel et Jane Bathori

 

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31 octobre 2023 2 31 /10 /octobre /2023 00:01

Suite de la biographie d’Émile Engel

En 1885, le ténor Émile Engel s’engage pour au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, où il va passer quatre ans. Il fait cependant quelques apparitions sur des scènes estivales, comme en juillet 1886 à Aix-en-Provence. Il est nommé professeur de chant au Conservatoire de Bruxelles en janvier 1888.

S’il travaille en Belgique, au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, il a installé sa famille en banlieue parisienne, à Chatou (Seine-et-Oise, act. Yvelines), où naît en juin 1887 son second fils, René. Il expédie de cette adresse un don en mai la même année pour venir en aide aux sinistrés de l’incendie de l'Opéra-Comique et accepte de participer à une représentation en faveur des victimes.

L’embauche à l’Opéra de Paris d’Émile Engel participe de la légende. Elle a fait l’objet de nombreux articles dans la presse, souvent romancés. Le critique musical Henri de Lapommeraye, qui en fut témoin, décrit plus sobrement les évènements dans le quotidien Paris. Le 10 décembre 1889, l’Opéra de Paris reprend Lucie de Lammermoor de Donizetti. La salle est pleine, le président de la République, Sadi Carnot, assistant au spectacle avec son épouse. Le ténor Émile Cossira, qui tient le rôle d’Edgard, a un malaise dès sa première apparition et est incapable de poursuivre. « Eh quoi ! on allait être obligé de renvoyer tous ces spectateurs (…) Comment n'avait-on pas eu le soin de garder au théâtre celui qui doit doubler M. Cossira ? C’était un désastre ». Le jeune secrétaire de l’Opéra, M. Mobisson se serait écrié : « La bataille est perdue, mais il n’est que neuf heures et demie et nous avons encore le temps d’en gagner une avant minuit ! ». Il propose au directeur, Eugène Ritt, de requérir Engel, qu’il a aperçu dans la salle et dont il sait qu’il a chanté Lucie en province comme à l'étranger. Il fait remarquer qu’il n’a pas répété… mais accepte, considérant selon Lapommeraye que « c’est tard, mais c’est amusant ». Il est habillé « comme on peut » et reprend la représentation. À la fin de la représentation, à minuit, Engel reçoit une ovation. Dans les années suivantes, Engel reprit aussi, au pied levé, plusieurs rôles dans des conditions comparables, ce qui lui valut le surnom de Terre-Neuve, du nom d’une race de chiens réputée pour sa capacité de sauvetage en mer

Embauché à l’Opéra suite à cette soirée mémorable, Engel y reste un an. On le retrouve ensuite de nouveau à l’Opéra-Comique. En mars 1894, il interprète le rôle de Siegmond dans la Walkyrie de Wagner au théâtre de la Scala de Milan. Pour Le Monde artiste, « Il y a longtemps, que (l’on) n'avait eu un ténor de cette autorité et de ce style. (…) Engel ne cherche pas à lutter avec ces voix énormes [de ses prédécesseurs] ; il se contente d'être lui-même, c'est-à-dire un musicien excellent ; et de mettre au service des personnages qu'on lui confie, toutes les ressources d'un art très fin et très personnel ». Italia del Popolo, journal italien, le qualifie de « grand artiste » et de « savant commentateur de Wagner. »

En juin 1894, M. Charley, directeur de théâtre de Buenos-Aires, assigne Engel devant le la troisième chambre du tribunal civil de la Seine à Paris. Il lui reproche d’avoir quitté l’Argentine, où il l’avait recruté, sans avoir honoré les engagements de représentations. Le procès est l’occasion d’un débat sur le judicatum solvi, la caution que doivent verser les étrangers qui engagent des actions en France. Engel exige qu’elle soit payée par Charley, natif de Belgique, qui répond : « Il est possible que je sois Belge, mais vous êtes Luxembourgeois et vous n'avez pas le droit d'exiger la caution ». Mais Engel produit un décret, signé du président Carnot, prouvant qu’il détenait désormais la nationalité française.

À Paris au théâtre de La Bodinière (9e arr.), Engel crée en décembre 1896 Une heure de musique, où chaque semaine il donne une audition d’œuvres nouvelles, qui se tient début de soirée. Il programme notamment Saint-Saëns, César Franck, Olonne, Bussy, Bréville. Lui-même met en musique des poèmes de Paul Bourget. Il chante aussi à l’Opéra-Comique ou avec les concerts Lamoureux, à Paris et en province. Enfin, il donne des cours et leçons particulières rue des Martyrs puis boulevard Pereire.

Lors de l’exposition universelle de Paris en 1900, José Engel, son fils, présente un portrait de lui dans le « musée des artistes », œuvre que le quotidien Le Soir qualifie de « portrait d’une extrême et puissante originalité. »

À suivre

Émile Engel

 

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29 octobre 2023 7 29 /10 /octobre /2023 01:01

Début de la biographie d’Émile Engel

François Pierre Émile Engel naît le 15 février 1847 à Paris et est baptisé le lendemain en l’église catholique Saint-Étienne-du-Mont (5e arr.). Il est le fils s’Élisabeth Staat et de son époux François Engel, fabricant de chaussures, une famille qualifiée de bourgeoise par ses biographes, qui tient boutique rue Saint-Martin (3e arr.). Son père étant luxembourgeois, Émile Engel acquerra la nationalité française par naturalisation.

Élève du collège Henri IV (act. lycée) à Paris (5e arr.), il intègre en 1864 les cours de Gilbert Duprez au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Le quotidien Paris en fait la description en décembre 1889 : « Le front intelligent, large et haut du travailleur ardent, obstiné ; l’œil clair, vif, hardi, où perce une malice enveloppée et caressante. Les cheveux rejetés en arrière ; la barbe courte, broussailleuse, cache, à la commissure des lèvres, un pli d’amertume et d'ironie. Un peu du désenchantement du lutteur opiniâtre et invaincu. (…) Avec une voix sans puissance, il est parvenu à la plus grande force d’expression dans la déclamation lyrique ». Il est classé parmi les ténors légers, ceux qui possèdent la tessiture la plus élevée, la plus agile, et la moins puissante dans cette catégorie.

Tout en poursuivant son instruction dans la classe de Duprez, il se produit dans plusieurs salles parisiennes. Il débute en avril 1866 dans un opéra de Duprez, Jeanne d'Arc, donné au cours d’une soirée privée. La même année, il joue en octobre le rôle de Bastien des Rosières au Théâtre-Italien (act. Opéra-Comique, 2e arr.) puis en décembre aux Fantaisies Parisiennes (act. Théâtre des Nouveautés, 9e arr.) Le Chanteur florentin. La presse apprécie de manière critique ses premières prestations. La Liberté lui reproche ainsi « d’ouvrir trop largement la bouche pour les quelques bagatelles qu’il a à dire (…) Excès de zèle qui passera » tandis que La Comédie le qualifie de « grotesque et emphatique ténor. »

Mais, dès l’année 1867, on trouve des commentaires très favorables. Ainsi, dans Le Figaro en décembre, saluant les chanteurs élèves de Duprez, remarque « un jeune ténor nommé Engel, qui chante dans la manière du maître avec une chaleur et un sentiment bien rares aujourd'hui au théâtre. »

Gilbert Duprez présente en mars 1868 un oratorio qu’il a écrit et qu’il interprète, le Jugement dernier, au Cirque des Champs-Élysées lors d’une soirée au profit de l'Asile des vieillards du faubourg Saint-Martin. Engel en est le premier ténor. À ce moment, il vit à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), en compagnie de Marie Garry, fille d’un professeur musique, native de Bergerac, âgée comme lui de 21 ans. Ils ont un enfant en août cette année-là à Joinville, le futur peintre José Engel, puis ils se marient dans la commune en octobre. Duprez est leur témoin. Marie Garry a une sœur homonyme, aînée de 5 ans, née en juillet 1841 également dans la sous-préfecture de la Dordogne, qui fut artiste lyrique.

En août 1868, la presse parisienne mentionne l’engagement d’Émile Engel comme premier ténor d’opéra-comique et de traductions à la Nouvelle-Orléans (Louisiane, États-Unis). Citant Placide Ganonge, un critique de ladite ville, La Comédie relate que « La Traviata a été une révélation pour le jeune ténor Engel. Ses accents ont ému, il y a atteint au sommet de l'art ». M. Ganonge assure : « On n'a jamais mieux pris d'assaut un public. Vivent de pareilles violences ! »

Après son séjour américain, Engel participe à un concert de bienfaisance à Paris en avril 1896. Il est en septembre premier ténor du Grand-Théâtre de Genève (Suisse), dirigé par Louis Mankiewicz. Mais La Comédie relève que « Les premiers débuts de la troupe nouvelle ont eu lieu dans des conditions déplorables au point de vue de l'art et de toute justice ». Selon l’hebdomadaire parisien, « Engel, sait chanter ; il phrase d'une façon remarquable et joue mieux que maint comédien ; il devra réussir ». Cependant, dès la fin du même mois, son contrat est résilié après une séance que le journal qualifie ainsi : « scène scandaleuse, cris, insultes, envahissement de l'orchestre. »

Le ténor entame une tournée en province en France. Il est en novembre 1869 à Rennes, où il interprète dans Lucie de Lammermoor de Gaetano Donizetti, le rôle d’Edgard Ravenswood. Les années suivantes, il chante également à Lyon, Toulouse, Rouen, Nantes, Marseille, Lille, Royan et Valence.

Albert Vizentini l’engage en septembre 1876 au Théâtre lyrique national (act. Gaîté-Lyrique, Paris 3e arr.). Il y reprend La Giralda d’Adolphe Adam. Pour l’hebdomadaire culturel Vert-vert, il « a produit un très grand effet (…) par la pureté de sa voix, par le charme, par l'expression de son chant ». Le Petit Journal voit en lui « un ténor qui donne déjà bien plus que des espérances ». Le Constitutionnel commente : « Sa voix est chaude, expressive et d'une pureté rare. Elle ne manque pas d'étendue. Les cordes hautes sonnent avec une virtuosité puissante ; les phrases harmoniques sont traduites avec une tendresse et un charme dont peu de ténors sont actuellement pourvus à l'égal de M. Engel. Ajoutons à cela qu'il a bonne tournure, et que son jeu est signalé par une sûreté précoce. Le succès de M. Engel a été complet ». Cependant, l’arrivée d’Engel, qui remplaçait Victor Capoul, ne fut pas du goût de tout le public, comme en témoigne le Journal des débats : « Quand la direction du Théâtre-Lyrique, à l'expiration de l'engagement du célèbre ténor, dut le remplacer par M. Engel, les recettes baissèrent considérablement. Certes, M. Engel ne manque pas de talent, mais il manque de prestige ; il n'a pas du moins le prestige de M. Capoul, Et pour un ténor, à Paris surtout, la chose principale, la chose essentielle, c'est d'avoir du prestige. »

Mais les difficultés du Théâtre lyrique national n’étaient pas liées seulement à Engel, et il ferma en janvier 1878. Engel avait déjà été recruté par l’Opéra-Comique en septembre 1877. Il y reste deux ans, avant d’entamer un tour des grandes scènes musicales européennes. On l’entend en janvier 1880 à Naples au théâtre San Carlo, puis pendant trois saisons à Londres, dans la salle de Covent-Garden ; il revient en France, au Grand-Théâtre de Lyon en octobre 1881. Il quitte de nouveau le pays pour passer l’hiver 1882-1883 à Saint-Pétersbourg (Russie), où il rejoint M. Vizentini. Il joue ensuite en Espagne, à Barcelone et Madrid.

À suivre

Émile Engel

 

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9 juin 2023 5 09 /06 /juin /2023 01:01

Marie Émilie Nathalie de Virieu Pupetière naît le 25 décembre 1786 à Paris, dans le quartier de Saint-Sulpice (act. 6e arr.). Les archives reconstituées de l’état-civil de Paris mentionnent les années 1784 et 1787, toujours à la même date, mais les autres sources permettent de confirmer qu’il s’agit bien de 1786. Selon les sources généalogistes (Base Perfit), elle est une ludovicienne, c’est-à-dire une descendante du roi de France Louis IX (Saint-Louis).

Elle est la fille d’Élisabeth Digeon de Monteton et de son époux François Henri comte de Virieu et seigneur de Pupetière.

Son père François-Henri, marquis de Virieu, né en 1754 à Grenoble fut militaire, député de la Noblesse aux états généraux de 1789, fut président de l'Assemblée constituante en 1790. Puis il combattit avec les troupes royalistes. Il mourut lors des combats devant Lyon en octobre 1793.

François-Henri de Virieu

La mère d’Émilie, était fille d’un comte, négociant protestant de Bordeaux, sa ville de naissance en 1760. Elle fut, lors des deux dernières années de vie de celle-ci, dame de compagnie de Madame Sophie, fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska (1734-1782). Sous la révolution française, en 1793, elle partit se réfugier en Suisse avec ses deux filles, Stéphanie et Émilie, tandis que leur jeune frère Aymon était confié à sa nourrice à Lyon. Elle eut là-bas une vie miséreuse selon l’historien républicain Louis Blanc (Histoire de la révolution française, 1869), devenant ravaudeuse. Mais lorsqu’elle revint en France, en 1804, elle récupéra une part de sa fortune et put racheter les terres de Pupetière, de Montrevel et du Grand-Lemps (Isère), où elles ’installa et mourut en 1837.

Élisabeth de Virieu

Émilie de Virieu Pupetière épouse, en messidor an 13 (juillet 1805), sans doute à Creys-et-Pusignieu (act. Creys-Mépieu, Isère) Adelphe Édouard Henri Pourroy de Lauberivière, vicomte de Quinsonnas. Cependant, le mariage n’est pas enregistré dans l’état-civil communal. Né en 1774, il est lui aussi, par sa mère, Catherine Claudine de Chaponay, descendant de Saint-Louis. Originaires d’Aragon, d’où ils furent chassés au 16e siècle, les Quinsonnas viennent via le Béarn et font souche en Dauphiné au début du 17e siècle.

Selon Théophile de Lamathière, l’auteur du Panthéon de la Légion d'honneur, « C’est à l’estime dont a toujours joui cette famille illustre, qu’on doit attribuer ce fait rare, que son château de Mérieu a été défendu et gardé pendant la Révolution par des gens du village, et que la plus grande partie des biens de la famille ne furent pas vendus [comme biens nationaux]. » Adelphe de Quinsonas était chevalier de l’ordre de Malte. Agriculteur, il a pris en charge des œuvres de bienfaisance et a fondé à Morestel (Isère) une communauté de sœurs qui élèvent les enfants et soignent les malades.

Émilie, vicomtesse de Quinsonnas, vit en région parisienne à la fin du premier Empire. Elle possède une résidence à La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur (act. Joinville-le-Pont, Val-de-Marne). En mai 1812, elle commence à faire distribuer des soupes à la Rumford aux indigents de la commune. Inventée par Benjamin Thompson, un américain qui était resté fidèle à la couronne d’Angleterre pendant la guerre d’indépendance et s’était ensuite réfugié en Bavière, la soupe est confectionnée à partir d'orge perlé, de pois, de légumes assaisonnés de bière et de vinaigre. La vicomtesse continue, conjointement avec le comte de Sussy, Jean-Baptiste Collin, alors ministre des Manufactures et du Commerce à faire livrer du pain chaque semaine pour les pauvres des bords de Marne.

Son engagement est aussi politique, contrairement à son mari, qui se consacre aux domaines caritatif et agricole uniquement. Émilie de Quinsonnas est liée à Sosthènes de La Rochefoucauld, un homme politique ultraroyaliste, aide de camp du comte d'Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X. Quand La Rochefoucauld entre clandestinement à Paris, en mars 1814, il regroupe des partisans du retour des Bourbons et ils impriment des proclamations en cachette. Parmi les militants légitimistes, trois femmes, la marquise Eugène de Montesquiou, la comtesse Achille du Cayla et la vicomtesse de Quinsonnas. Pour La Rochefoucauld « Mme de Quinsonnas, qu’il suffit de nommer pour peindre le dévouement le plus éprouvé, imagina, en se retirant à pied à minuit, d’en placer un exemplaire entre les planches qui ferment chaque boutique. »

Son parti poursuit une activité sous le règne du roi Louis XVIII, auxquels ils reprochent sa modération. La Rochefoucauld poursuit, jusqu’en 1823 au moins, des échanges épistolaires avec la vicomtesse de Quinsonnas, qui s’est installée au château de Mérieu à Creys.

Elle entretient aussi des relations avec l’écrivain romantique Alphonse de Lamartine (1790-1869), compagnon de jeunesse de son frère Aymon et qui professe aussi, dans les années 1820, des opinions royalistes – il ralliera le camp républicain en 1848. Il lui écrira au sujet d’Émilie : « Elle m'aimait à cause de toi, et je le lui rendais à cause de toi »

Émilie de Quinsonnas meurt le 12 février 1832 dans son château de Mérieu, à Creys-et-Pusignieu. Elle était âgée de 45 ans et mère de cinq enfants. L’un d’eux, Octavien servit dans l’armée russe, notamment dans les guerres contre les Turcs et en Géorgie. Rentré en France en 1822, il fut nommé pair de France. Il créa des établissements de bienfaisance, d’abrod à Moscou, avec un refuge pour les Français ou étrangers malheureux. Sur les terres familiales, il fonda des écoles gratuites pour les enfants des deux sexes et des lits pour les vieillards pauvres à Crémieu (Isère). En Seine-et-Marne, on lui doit une école gratuite pour les garçons à Brie-Comte-Robert.

Blason des Quinsonnas

 

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11 mars 2023 6 11 /03 /mars /2023 00:01

Georgette Burgard naît le 19 juin 1921 à Estavayer-le-Lac (act. Estavayer, Fribourg, Suisse), localité située au bord du lac de Neuchâtel. Elle est la fille de Clémentine Thérèse Marie Francey (1891-1948), de nationalité suisse, native de Cousset, dans le même canton, et de Raymond Burgard (1892-1944), de nationalité française, professeur alors en poste à Sarreguemines (Moselle).

En 1925, la famille s’installe en Martinique, où Raymond Burgard enseigne les lettres au lycée Victor-Schœlcher. Ils rejoignent en 1928 Tunis, le père étant désormais affecté au lycée Carnot. Il réussit cette année-là l’agrégation et est nommé en 1932 au lycée Buffon, à Paris. Les Burgard vivent rue Pérignon (7e arrondissement).

Thérèse et Raymond Burgard sont tous deux germanophones ; ils traduisent ensemble en 1922 un ouvrage de Carl Einstein, La sculpture africaine.

Dès le début de l’invasion de la France par les troupes allemandes à l’été 1940, Raymond Burgard s’engage dans la résistance. Il est un des fondateurs et le dirigeant du réseau Valmy, largement constitué par des membres du mouvement chrétien de gauche La Jeune République et notamment de sa section du 15e arrondissement de Paris. il collabore aussi au journal clandestin La France continue, créé par Paul Petit, lui aussi d’inspiration catholique. Arrêtés à Paris en avril 1942, Raymond Burgard, Paul Petit et Marietta Martin sont transférés en Allemagne, jugés à Sarrebruck et condamnés à mort. Burgard et Petit sont exécutés en juin et août 1944, Martin meurt d’épuisement en prison.

À l’instar de son père et de son frère cadet, Marc Édouard, Georgette Burgard s’engage dans la résistance. Son appartenance aux Forces françaises combattantes est reconnue après le conflit.

Reçue à l’agrégation d’allemand en 1945, Georgette Burgard épouse en avril 1947 Jean Epiney. Ils vivent à Romont, dans le canton de Fribourg, en Suisse. Après avoir donné naissance à probablement cinq enfants, au cours des deux décennies suivantes, elle prépare un doctorat ès-lettres qu’elle soutient en 1970 avec une thèse sur Gérard Grote et les débuts de la Dévotion moderne (Devotio moderna). Grote ou Groote (1340-1384), natif des Pays-Bas, est à l’origine d’une rénovation des pratiques religieuses, et fut l’organisateur d’une congrégation, les Frères de la vie commune.

Georgette Epiney-Burgard centrera ses travaux ultérieurs sur les mystiques du Moyen-Âge, comme Jean de Ruysbroeck, Jean Eck ou Henri Herp (Harphius). Ses travaux sont évoqués notamment dans la Revue des Sciences Religieuses et les Cahiers de civilisation médiévale.

Mais c’est surtout sur le rôle des femmes que se concentre Georgette Epiney-Burgard. Elle documente notamment l’influence sur Ruysbroeck du mouvement des béguines. Deux d’entre elles, la poétesse Hadewijch d'Anvers et la religieuse Mathilde de Magdebourg, sont particulièrement étudiées.

En collaboration avec la théologienne Émilie Zum Brunn, elle publie en 1988 Femmes troubadours de Dieu, livre qui sera traduit en anglais et en espagnol.

Délaissant parfois le cadre ancien, Georgette Epiney-Burgard rédige en 1956 un avant-propos à la publication posthume des Cahiers de Marietta Martin, poète mystique et résistante, condamnée à mort dans le même procès que son père. En 1957, elle traduit l’ouvrage d’Adolf Busemann sur le Rôle de la petite enfance dans l'édification de la personnalité humaine. Elle prépare la version française d’un livre sur la faune d'Europe en 280 images, la Féerie animale de F. A. Roedelberger et Vera I. Groschoff, sortie en 1961. Elle anime, en septembre 1977, une session consacrée à Madeleine Delbrêl, assistante sociale à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), essayiste et poète mystique catholique.

Depuis 1964, Georgette Epiney-Burgard était membre de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève.

Elle meurt le 13 avril 2003 à Genève, âgée de 81 ans, possédant la double nationalité française et suisse.

Femmes troubadours de Dieu, de Georgette Epiney-Burgard

 

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 00:01

Clémentine Thérèse Marie Francey naît le14 novembre 1891 à Cousset (canton de Fribourg, Suisse). Elle est la fille de Séraphine Madeleine Grémaud et de son mari Jacques Alexandre Francey ; elle utilise habituellement le prénom de Thérèse.

Elle est le septième enfant du couple ; sa mère, qui en aura eu probablement trois de plus, décède en septembre 1915, toujours à Cousset, actuellement localité de la commune de Montagny, dans le district de la Broye. Son père, qui avait été agent de la banque d’État de Fribourg puis professeur, est député au Grand conseil fribourgeois entre 1887 et 1917. Il sera ensuite préfet de la Broye 1917 à 1923.

Thérèse Francey suit des études à Fribourg. C’est dans la faculté des lettres de l’université de cette ville qu’elle rencontre Raymond Burgard, originaire de Troyes et d’une famille alsacienne, qui avait été prisonnier civil en Allemagne pendant la première guerre mondiale. Il y obtient une licence qui lui permet d’enseigner en France à partir de 1919. Thérèse Francey réside à Estavayer-le-Lac (act. Estavayer, Fribourg), où elle épouse Raymond Burgard en juin 1920 et où naît sa fille Georgette un an plus tard. Elle obtient son doctorat ès-lettres à Fribourg en 1921 en soutenant une thèse sur Les idées littéraires de Saint-Augustin dans le De doctrina christiana.

Thérèse Francey-Burgard (arch. fam.)

Thérèse Burgard rejoint son époux à Sarreguemines (Moselle), où ils vivent rue de Nomeny ; son fils Marc Édouard y naît. 1921. Les éditions Hofer, de Sarrebruck, publient des extraits de sa thèse en 1923.

Germanophone comme son mari, Thérèse Burgard traduit, avec lui, Afrikanische Plastik, livre paru en 1921 à Berlin, de l’historien de l'art Carl Einstein (1885-1940), né dans une famille juive et qui sera militant anarchiste, engagé dans les brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Leur ouvrage paraît en 1922 aux éditions Georges Crès à Paris, sous le titre La sculpture africaine.

Raymond Burgard est affecté comme professeur au lycée Victor-Schœlcher de Fort-de-France, en Martinique, à ce moment colonie française. Il s’y rend, accompagné de Thérèse et de ses deux enfants, sur le paquebot Pérou, au départ de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, act. Loire-Atlantique) 1er octobre. Ils restent trois ans dans l’île et leur dernier fils, Jean Jacques, y naît en juin 1926.

Après que Raymond Burgard ait été reçu, en août 1928, au concours de l’agrégation en grammaire, il est nommé au lycée Carnot, à Tunis, alors sous protectorat français. Ils y résident quatre ans, Raymond s’implique, comme en Martinique, dans la vie littéraire locale, et il en est de même, semble-t-il, de Thérèse.

Raymond Burgard obtient un poste au lycée Buffon, à Paris, et la famille rentre en métropole à l’été 1932. Elle s’installe rue Pérignon (7e arr.).

Ayant poursuivi une activité historique, Thérèse traduit de l’allemand un livre de l’historien suisse Gustav Schnürer, Kirche und Kultur im Mittelalter. Elle le fait avec Gaston Castella, professeur à l'université de Fribourg et président de la société d'histoire du canton. Conformément à l’usage suisse, elle signe Thérèse Francey-Burgard le livre paru à Paris chez Payot en 1933 sous le titre L'église et la civilisation au moyen âge.

Au cours de la deuxième guerre mondiale, la famille Burgard va s’engager dans la résistance à l’occupation allemande. Raymond le fait dès l’été 1940 ; il fonde, le 21 septembre, le réseau Valmy, qui édite le journal clandestin éponyme. S’appuyant sur les militants du mouvement catholique La Jeune République du 15e arrondissement, il a un fort écho parmi les lycéens de Buffon (dont font partie ses deux fils) qui manifestent, à son instigation, le 11 novembre 1940. Il collabore à une autre publication clandestine, La France continue, éditée par le diplomate Paul Petit, et est lié au réseau du Musée de l’Homme, fer de lance de la lutte intellectuelle à Paris.

Outre Raymond Burgard, leur fille Georgette et l’aîné des garçons, Marc Édouard, seront tous deux reconnus comme membres des Forces françaises combattantes après le conflit. L’appartement familial sert, à plusieurs occasions, de lieu pour des réunions secrètes. Arrêté le 2 avril 1942, transféré à la forteresse de Sarrebruck, il est condamné à mort par un tribunal allemand puis décapité à Cologne le 15 juin 1944. Le 16 avril 1942, une manifestation de protestation contre son arrestation par des lycéens de Buffon avait conduit à ce que cinq d’entre eux soient fusillés.

Selon des sources généalogiques reprises dans la biographie de son mari publiée sur Wikipédia, Thérèse Burgard aurait posé « pour La femme assise de René Iché représentant l'intense désespoir d'une jeune femme, la tête penchée et le visage enfoui dans sa paume droite ». Le sculpteur est lié aux réseaux du Musée de l’Homme et Valmy.

Thérèse Burgard meurt le 21 février 1948 à Paris (15e arr.) à l’hôpital Necker. Elle était toujours domiciliée dans l’appartement familial de la rue Pérignon. Elle est inhumée le 25 au cimetière parisien du Père-Lachaise. Son mari y sera transféré en septembre 1953.

Sa fille Georgette, épouse Epiney, fut comme elle docteure ès-lettres ; elle s’est, à l’image de son père engagée dans la résistance à l’occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale. C’est le cas aussi de son fils Marc Édouard, fonctionnaire en France et en Tunisie, administrateur de sociétés en Europe et au Brésil, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, décoré de la Croix de guerre, chevalier de la Légion d’honneur. son troisième enfant, Jean Jacques, fut inspecteur général des Finances, administrateur d’organismes publics ou financiers (Société nationale des chemins de fer français, Commission des opérations de bourse, Association française des banques), professeur également à l'Institut d'études politiques de Paris, écrivain, président du Secours catholique (1997-1998), responsables d’organismes humanitaires et d’organisations professionnelles, officier de la Légion d’honneur et commandeur de l’ordre national du Mérite.

Sculpture de René Iché

 

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