Le texte que nous avons publié mentionne que les « habitants de la paroisse de Varenne-Saint-Maur-les-Fossés, tous assemblés le 14 avril 1789 ». Cette affirmation pose plusieurs questions.
Tout d’abord, de quelle paroisse s’agit-il ? Le texte parle de « la paroisse de Varenne-Saint-Maur-les-Fossés (…) qui est située dans une espèce d’île ». On sait que, sur le plan spirituel, il y avait deux paroisses : Saint-Maur, avec l’église Saint-Nicolas et La Varenne avec l’église Saint-Hilaire. Sur le plan physique, on compte quatre agglomérations : le bourg de Saint-Maur, Pont de Saint-Maur, Port de Créteil et La Varenne, plus quelques fermes isolées : Champignol, Schaken, Polangis…
Le rattachement du village du Port de Créteil, qui compterait quelques dizaines d’habitants, pose problème. Il dépend administrativement de La Varenne, cependant ses habitants sont baptisés, mariés et inhumés par le curé de Saint-Maur qui les porte sur son registre. Le rapprochement spirituel avec Saint-Maur pourrait avoir eu lieu dès 1693.
Sur le plan fiscal, on compte trois paroisses relevant de la subdélégation de Choisy-le-Roi : La Branche du Pont de Saint-Maur [future Joinville-le-Pont], La Varenne Saint-Maur, Saint-Maur (Auger, Traité sur les tailles et les tribunaux, Barrois, Paris, 1788). Sur le plan administratif enfin, la création des municipalités, arrondissements et départements en 1787 dénombre également les trois mêmes paroisses dans le département de Corbeil (Mavidal et Laurent, Archives parlementaires de 1787 à 1860, Tome 4, P. Dupont, Paris, 1879).
Trois communes sont constituées en 1790, sur la base des trois paroisses administratives, mais la municipalité de Saint-Maur contestera la formation de La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur en commune séparée. Le 5 décembre 1791, les deux municipalités de La Varenne et Saint-Maur fusionnent définitivement, tandis que La Branche reste indépendante.
La population totale est estimée à moins de 1 200 personnes, dont environ 560 pour Saint-Maur, 410 pour La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur, 80 pour La Varenne et un peu moins pour Port de Créteil. Le nombre d’hommes adultes doit être proche de 380.
Nous examinerons dans de prochains articles qui sont les signataires de ce cahier de doléances. Ils sont sept (Desaint, Buchot, Géant, Bouillon, Mathieu, Claudin, Riquety). Un réside au Port de Créteil, Desaint et un second probablement également, Buchot ; trois autres vivent à La Varenne Géant, Mathieu, Claudin. Bouillon est aubergiste dans le même village, même s’il est possible qu’il réside au bourg de Saint-Maur. Enfin, le septième, Riquety, n’est pas forcément résident dans la presqu’île.
Le lieu de la réunion n’est pas mentionné. Il est vraisemblable, au vu d’évènements comparables dans d’autres lieux, qu’il s’agit d’un bâtiment religieux, en l’absence de maison commune ou d’autres monuments, la date ne permettant pas de penser à une réunion en plein air. La logique plaide en faveur de l’église Saint-Hilaire de La Varenne.
Au vu du texte lui-même, nous supposerons que les rédacteurs sont les six premiers signataires, qui représentent les intérêts des résidents des bourgs de Port de Créteil et de La Varenne. La participation de représentants du bourg de Saint-Maur et de La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur paraît peu probable.
La profession de six signataires est connue : deux laboureurs, un berger, un blanchisseur, un journalier et un aubergiste. Le texte du cahier mentionne sept fois les cultivateurs. Aucune autre profession n’est citée, si ce n’est pour dire que « la paroisse de Varenne-Saint-Maur est sans aucun corps de métier, ni artisans ». Au contraire, le bourg de Saint-Maur comporte un château et plusieurs maisons bourgeoises. La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur est un village dans lequel on compte plusieurs corps de métiers artisanaux et une activité commerciale forte autour du bois.
Nous estimons donc que, par la main des signataires, ce sont les agriculteurs des villages de La Varenne et du Port de Créteil qui ont pris la part majeure (si ce n’est unique) à la rédaction de ce cahier.