Le septième et dernier signataire du cahier de doléances de La Varenne Saint-Maur en avril 1789 est mentionné en tant que « Riquety » sur le manuscrit de ce document. C’est le seul dont l’identification pose un véritable problème.
L’attribution traditionnelle, derrière l’historien Émile Galtier (Le Vieux Saint-Maur, n° 3, 1925), est qu’il s’agirait d’André, Boniface, Louis Riqueti, vicomte de Mirabeau (dit Mirabeau-Tonneau, 1754-1792). Les mentions d’un rôle du député royaliste antirévolutionnaire dans la formation en 1790 de la commune de La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur (future Joinville-le-Pont en 1831) sont anciennes, puisqu’on en trouve la trace dès le milieu du XIXe siècle (Joanne, Les environs de Paris, 1856 ou Parizot et Boileau, Guide du Bois de Vincennes, 1860). Ils empruntent certainement une telle affirmation à une source plus ancienne, bien que non connue.
Cependant, aucune trace de la présence du vicomte de Mirabeau à Saint-Maur, à Pont de Saint-Maur, à La Varenne ou dans l’un des écarts de la presqu’île ne peut être trouvée dans des documents d’époque ou des archives biographiques. Au contraire, la chronologie rend difficile la présence du député de la noblesse limousine à Saint-Maur. Et son positionnement à l’extrême-droite de l’Assemblée nationale rend problématique qu’il ait pu apporter un soutien à des villageois dans une querelle administrative.
Georges Bousquié (Le vicomte de Mirabeau in Le Vieux Saint-Maur, 1950) estime que, « s'il a jamais habité Polangis, il n'a dû le faire que bien peu de temps, ou bien par pur artifice on a fait entrer Polangis dans sa légende. »
Il nous semble donc que son rôle dans l’indépendance de la commune de La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur doive être écarté. Il n’y a aucune raison de croire qu’il ait pu contribuer à la rédaction du cahier de doléances de La Varenne Saint-Maur, rédigé, on l’a vu, essentiellement par des agriculteurs de ladite paroisse. Par ailleurs, son positionnement politique fait qu’il est fort peu probable qu’on ait voulu se revendiquer de lui pour co-signer un texte éloigné des idées qu’il défend et mettant en cause, même sur des sujets secondaires, la noblesse qu’il représente.
La deuxième possibilité serait qu’il s’agisse de son frère, Honoré-Gabriel Riqueti comte de Mirabeau (1749-1791). Il est certain qu’il a séjourné à Polangis, dans une ferme isolée sur l’autre rive de la Marne, rattaché au village du Pont-de-Saint-Maur, entre le 21 et le 28 février 1789 (Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau, A. Auffray, 1834-1835). Mais à cette date il quitte l’Île-de-France pour la Provence, et il n’existe aucune preuve de son éventuel retour dans les environs. Ni le style littéraire, ni les préoccupations du cahier de doléances ne semble correspondre à ceux de Mirabeau.
Cependant, le passage de Mirabeau, même bref, a marqué les esprits du fait de la personnalité et du rôle politique majeur que joue le président de l’Assemblée nationale. S’il a résidé à Polangis pour des raisons privées, il est envisageable qu’il ait eu un contact avec certains habitants. Après sa mort, l’abbé Bauche organise dans la chapelle Saint-Léonard, de La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur, un service solennel à sa mémoire (Naudet, L'histoire de Fontenay-sous-Bois, 1980).
La participation de Mirabeau à la rédaction du texte du cahier de doléances n’est pas vraisemblable. Son lien avec La Varenne n’est pas établi. Cependant, des contacts entre les agriculteurs de la presqu’île et les résidents de Pont-de-Saint-Maur ont pu encourager les rédacteurs à souhaiter ajouter à leurs noms celui d’un homme politique prestigieux, qui renforce ainsi le poids de leurs revendications.
Il est en fait probable que le nom de Riqueti réfère à un autre personnage : Louis-Philippe-Gabriel Riguet. Nous examinerons sa situation dans prochain article.
Mirabeau (Honoré-Gabriel)