Émile Jean Desportes naît le 24 octobre 1840 à Paris (8e arr.). Il est le fils de Louise Florentine Talabas et de son époux, François Desportes, employé de commerce.
Devenu lui-même employé de commerce, Émile Desportes épouse en mai 1863 à Tonnerre (Yonne) Louise Victorine Hullin. Ils auront trois enfants.
Installé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), Desportes y retrouve son cousin Jean Ferdinand Lucot (1831-1885), entrepreneur propriétaire et conseiller municipal (1870-1874; 1876-1878 puis 1881-1885). Il réside dans le quartier du Centre, allée des Marronniers (act. rue Eugène Voisin). Sa propriété est qualifiée de château Les Marronniers.
Desportes est convoqué en mars 1888 comme juré dans un jury d’assises. Il participe également avec de nombreux élus au bal donné par la Fanfare municipale au profit des pauvres en avril de la même année.
C’est en juillet 1890 qu’Émile Desportes crée une société littéraire, musicale et dansante à Joinville, L’Espérance, dont il est le président avec comme vice-président le journaliste et conseiller municipal radical-socialiste Henry Vaudémont. Son mandat sera cependant court, puisqu’il laisse Vaudémont présider la première séance ce même mois et cède dès le mois suivant la place de président au maire, Eugène Voisin tandis que le député, Jules Ferdinand Baulard, également radical-socialiste, devient président d’honneur et que Vaudémont reste vice-président. Paul Desportes, fils d’Émile, est nommé trésorier. Jules Alger, négociant, succède fin août à Eugène Voisin, sans doute sous la pression de la préfecture qui voyait d’un mauvais œil qu’il assume une telle fonction, alors qu’il était entrepreneur de fêtes et maire de la commune. L’Espérance donne un grand bal en octobre 1890 puis semble cesser son activité.
Sur le plan politique, Desportes est le secrétaire de la séance publique de compte-rendu de mandat du conseil municipal en octobre 1891. Il s’agit d’une première dans la commune, voulue par Henry Vaudémont et ses camarades radicaux-socialistes. La séance est présidée par le Baulard.
En février 1895, Desportes est membre du comité directeur du Vélo-Club de Joinville, présidé par Laforest.
Émile Desportes meurt le 11 mars 1895 à Joinville. Il était âgé de 54 ans. Après son décès, sa veuve Louise Desportes devint membre en 1904 du comité joinvillais de la Société pour la propagation de l'allaitement maternel, principale organisation humanitaire locale. La Société rassemble principalement des épouses d’élus radicaux. Sa fille cadette, Jeanne, épousa le vice-champion olympique d’aviron, Ernest Barberolle, barreur du club emblématique de Joinville, la Société nautique de la Marne.
Pierre Louis Perre naît le 29 janvier 1847 à Lyon. Il est le fils de Catherine Baume et de son époux, Pierre Michel Perre, sculpteur. Il fait des études à l’École impériale des Beaux-Arts de la ville où il obtient, en 1862, un prix dans la discipline « Principes et bosse » dont le professeur est le peintre Pierre Bonirote.
Pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, Perre est mobilisé dans l’armée française. Il a adopté le prénom de Pétrus.
Ayant ouvert une bijouterie en or rue du Temple à Paris (3e arr.), il s’y marie en octobre 1873 avec Angéline Hugon, originaire de Franche-Comté. Après la naissance de deux enfants, la famille s’installe rue du Parc-Royal (4e arr.) où il exploite une bijouterie jusqu’environ 1887.
Après avoir été marbrier, Perre devient constructeur de bateaux de plaisance à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où il s’établit sur le quai de la Marne pendant les années 1890. Il est un des introducteur de cette activité qui fut, jusqu’à la première guerre mondiale, florissante sur les bords de Marne.
Le premier engagement public de Perre se situe dans le cadre sportif. Il est le secrétaire des courses de la Société de la voile de Nogent-Joinville, présidée par P. Meurgey, qui s’est reconstituée en 1896 après une mise en sommeil (elle avait été fondée en 1888). Le siège du club est situé à côté de l’atelier de Perre, qui en assure la gestion. Des régates sont organisées les dimanches matin et on compte 13 voiliers en 1900. Abandonnant le secrétariat en 1901, Perre continue de siéger au conseil d’administration au moment où la Société lance une course pour yachts à moteur entre Joinville et Neuilly-sur-Marne.
Vers 1903, Perre cède son activité nautique à son fils Armand, qui connaîtra trois ans après des difficultés économiques. Pour sa part, Pétrus Perre se lance en politique en étant candidat pour les élections municipales de mai 1904 sur la liste conduite par le maire sortant Eugène Voisin, qui est soutenue par le comité radical-socialiste local. Elle se présente face à une liste conservatrice, composée de quatre conseillers municipaux sortants qui ont rompu avec le maire, et une liste socialiste-révolutionnaire. Alors qu’il s’était jusqu’ici montré assez prudent sur le plan politique, Voisin accepte cette fois de faire campagne pour le programme radical-socialiste et contre le nationalisme et le cléricalisme de ses adversaires. La liste Voisin obtient au total des deux tours 22 des 23 sièges à pourvoir, n’en laissant qu’un seul ses opposants de droite. Au premier tour Perre recueille 573 voix soit 51,2% des 1 119 suffrages exprimés pour 1 363 inscrits. Il est élu.
L’ancien député Jules Ferdinand Baulard, qui a contribué à implanter le radicalisme dans l’Est parisien, est satisfait du résultat. Il considère que sa formation et ses amis, qui avaient « été considérés pendant longtemps comme des anarchistes qui voulaient tout bouleverser » va être en mesure de « décrasser notre commune ».
En mai 1908, pour les élections municipales suivantes, tous les élus sortants qui se représentent sont membres du comité radical-socialiste. La liste du maire fait face à une liste socialiste SFIO et une liste socialiste évolutionniste, composée d’anciens socialistes et de personnalités plus libérales. La liste Eugène Voisin conserve 21 des 23 sièges, dont six sont pourvus au premier tour et Perre en fait partie. Perre a eu 648 votes pour 1 319 inscrits.
Il participe, en juin 1909 à une rencontre avec le sous-secrétaire d’État à l’intérieur, Adolphe Maujan, par ailleurs député de la circonscription et également radical, pour discuter de la règlementation applicable à la construction des bateaux destinés au canotage que le gouvernement entend réglementer, eu égard au grand nombre d’accidents et de noyades. Les sports nautiques et le tourisme des bords de Marne sont une activité économique majeure à Joinville.
L’inondation centennale de la Marne de janvier 1910, qui recouvre une grande partie des terrains riverains et oblige à l’arrêt des activités économiques ainsi qu’aux relogements de centaines de familles dans la commune, touche un tiers du territoire municipal et 53 rues sur 89. Perre, qui a déménagé avenue de l’Étoile, à proximité de son ancien atelier, a organisé tout seul le service de sauvetage dans son quartier. Lorsque l’eau commence se retirer, dans la troisième semaine de février, Perre participe à l’organisation des désinfections.
Du fait de cet engagement, sa santé se dégrade et Perre est absent de la réunion de compte-rendu de mandat du conseil municipal tenue à la fin du même mois. Dans les graves crises qui secouent le groupe radical-socialiste et la municipalité, Perre reste solidaire du maire, Eugène Voisin, malade, et de la majorité sortante mais ne peut plus participer aux activités publiques.
Il n’est probablement pas candidat au renouvellement de son mandat lors des élections municipales de mai 1912, qui voient la défaite des radicaux face à une coalition de dissidents, de libéraux, de conservateurs et de socialistes SFIO. Perre déménage avec sa femme et son fils pour aller habiter à Puteaux, avenue de la République. Il y meurt le 3 décembre 1913, à l’âge de 66 ans et est inhumé au cimetière Montparnasse
Ses obsèques civiles, des délégations du comité radical-socialiste, de la société des Vétérans de la guerre de 1870, et de la libre-pensée de Joinville sont présentes, conduites par Jacob Kauff, autre constructeur de bateaux, le futur maire Georges Briolay et le chimiste Louis Rey. Par contre, signe des tensions persistantes, le nouveau conseil municipal élu en 1912 n’est pas représenté.
Pétrus Perre avait obtenu plusieurs récompenses pour son dévouement, une première fois en août 1887 pour avoir porté secours en 1886 à des personnes en danger de se noyer puis, une médaille de bronze en janvier 1911 pour son comportement lors de l’inondation de l’année précédente. Il reçut également les palmes d’officier d’académie et une médaille d'argent en janvier 1912, à l’occasion de l’inauguration de l’agrandissement de la mairie de Joinville. il allait recevoir la médaille commémorative d’ancien combattant de 1870 lorsque sa mort est survenue.
Jacob Kauff naît le 16 mai 1857 à Courbevoie (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il est le fils de Caroline Elvire Bascou, blanchisseuse et de Jacob Kauff, grenadier au 1er régiment de la Garde impériale, qui ne sont pas mariés mais vivent ensemble dans la caserne de la Garde dans la commune. Son père le reconnaît à la naissance, sa mère fera de même en 1893.
Devenu menuisier Jacob Kauff épouse en mars 1883 à Neuilly-sur-Seine (Seine, act. Hauts-de-Seine) Marguerite Stock, couturière.
Ayant repris l’atelier de construction de bateaux de Charles Strologo à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), situé au 71, quai de la Marne Kauff y poursuivait la construction de canots et canoës. Il y est installé avec son épouse en 1909. Il l’exploite toujours en 1913 mais il l’a cédé ensuite à Bernard Renault, qui en est le patron en 1921. Les bâtiments ont été détruits pour permettre le passage de l’autoroute A4 en viaduc au-dessus de Joinville au cours des années 1970.
Après les graves inondations qui ont submergé une grande partie des communes riveraines de la Marne au premier trimestre 1910, Kauff est désigné par le préfet de la Seine comme marinier prud’homme. Il est chargé de l’organisation des secours par bateau pour la partie située en amont du pont de Joinville. Un autre marinier prud’homme a en charge l’aval, Arnoult, basé quai Moisson (act. quai Gabriel-Péri).
L’importance du sauvetage était majeure, non seulement en cas d’inondation, mais encore lors des parties de canot, très populaire les samedis et dimanche sur les bords de Marne et en particulier à Joinville.
En décembre 1913, Kauff représente le comité radical-socialiste de Joinville aux obsèques civiles de Pétrus Perre, autre constructeur de bateaux, ancien conseiller municipal de la commune. Deux autres représentants de cette tendance sont là, Georges Briolay (futur maire de la commune), en tant que délégué des Vétérans de la guerre de 1870-1871, et Louis Rey, au titre de la libre-pensée. Kauff est alors âgé de 56 ans.
Eugène Paul Hainsselin naît le 7 septembre 1890 à Paris (15e arr.). Il est le fils d’Anna Archambaudière et de son époux Louis Gentil (dit Eugène) Hainsselin, alors menuisier et scieur à la mécanique.
Militant politique et syndicaliste, élu conseiller prud’homme, le père de Paul, Eugène Hainsselin, devient juge de paix en 1909. Il est nommé dans les Indes françaises, à Pondichéry et ses enfants le rejoignent en août et décembre 1909. Paul reviendra en France en juillet 1910.
Installé de nouveau dans le quartier de Polangis, avenue Pauline, Paul Hainsselin est représentant de commerce pour la firme cinématographique Pathé. D’assez grande taille (1 mètre 78), mais de santé fragile, il effectue son service militaire de 1911 à 1913 comme secrétaire d’état-major. Peu après sa démobilisation, installé rue des Vignerons, à Vincennes (Seine, act. Val-de-Marne), il est rappelé au début de la première guerre mondiale et sert d’abord dans l’infanterie puis au 13e régiment d’artillerie, mais toujours avec un service auxiliaire non-combattant et enfin, à partir de décembre 1916, de nouveau à l’état-major. Il est rendu à la vie civile en avril 1919.
Après-guerre, Paul Hainsselin emménage d’abord à Paris, où il épouse dans le 15e arrondissement Marie Adrienne Brousse en décembre 1919. Ils vivent d’abord à Paris, puis à Vincennes, Champigny et Joinville.
C’est dans cette commune, qui accueille les usines Pathé, qu’Hainsselin va, comme antérieurement son père, engager dans la vie publique. Il y réside de manière intermittente, soit dans les trois quartiers de la commune : Palissy (rue du Cimetière, act. rue de l’Égalité), Polangis (avenue Gabrielle) et du Centre (quai Beaubourg, act. quai du Barrage).
Alors que, en 1912, son père Eugène Hainsselin avait été élu conseiller municipal contre la majorité sortante radical-socialiste, et notamment contre Georges Briolay, Paul Hainsselin rejoint la liste de ce dernier pour les élections municipales de mai 1929. Un groupement des gauches s’est constitué, dans la suite du cartel des gauches au plan national. Il regroupe les radicaux-socialistes, les socialistes SFIO et des socialistes indépendants.
Au premier tour, la liste de Concentration des gauches obtient une moyenne de 910 voix pour 2 126 suffrages exprimés (42,8%), devançant les conservateurs et libéraux de la liste d’Union nationale du maire sortant, Stephen Durande 825 voix (38,8%) et les communistes du Bloc ouvrier et paysan conduits par Roger Bénenson avec 391 voix (18,4%). Pour sa part, Hainsselin recueille 751 votes (35,3%). Au second tour, les gauches progressent avec une moyenne de 1 025 votes (45,9%) contre 929 (41,6%) à la droite et 278 (12,5%) aux communistes.
Hainsselin est élu conseiller municipal, parmi les 22 élus de sa liste face à 5 personnes issues de la majorité sortante. La municipalité est conduite par Briolay qui prend comme adjoints Robert Maxe (radical), Georges Roger (SFIO), Joseph Moutardier (radical) et Georges Scornet (socialiste indépendant).
Au sein du conseil municipal, Hainsselin va se manifester par des positions souvent personnelles, à l’encontre de la majorité.
Dès juin 1929, il refuse que l’on débaptise la rue du Cimetière, où il a vécu, en rue de l’Égalité. En août 1930, il est le seul à s’opposer à l’acquisition d’une arroseuse laveuse pour le nettoyage des rues. À l’été 1932, il tente d’aider à sortir d’un imbroglio, en représentant le conseil municipal au conseil syndical des riverains de la rivière de Polangis, dont le statut est incertain, ce qui fait que son curage n’est pas réalisé.
Le budget pour l’année 1934, voté en décembre 1933, est l’occasion d’une crise importante. Avec deux autres élus de la majorité de 1929, Béal (indépendant) et Galabert (ex-SFIO), Hainsselin rejoint trois conservateurs, Provin, Caillon et Lecuirot, pour voter contre. Du fait d’un nombre important de démissionnaires et décédés, le budget n’est adopté que par 9 voix contre 6, soit un tiers des 27 conseillers théoriques.
Une tension forte existe en 1933 entre la municipalité et un comité des chômeurs, fondé depuis l’aggravation de la situation économique suite à la crise débutée en 1929. Il est soutenu par le parti communiste. En mars, Hainsselin est désigné comme représentant du conseil au sein de la commission paritaire du chômage. Cependant, il désapprouve, comme l’ancien socialiste SFIO Galabert, la décision du maire de demander des travaux d’intérêt général aux chômeurs en contrepartie des allocations qui leur sont versées, ce que le comité appelle du « travail forcé ». Les deux élus présentent leurs démissions, ce qui va obliger à l’organisation d’élections partielles pour combler dix postes devenus vacants. Tirant le bilan de son mandat écourté, l’hebdomadaire Voix des communes qualifie ainsi Hainsselin « d’opinion incertaine, conseiller figurant, élève studieux, il ne consentit jamais à voter quoi que ce soit. »
Louis Rey a eu une activité sociale significative. En 1904, il fonde et administre une société d’assurance décès et d’achats en commun dénommée Les Mille débitants, hébergée dans son domicile quai des Célestins à Paris (4e arr.). Elle s’adresse aux marchands de vins de la région parisienne.
Secrétaire général du syndicat des marchands de vin et liquoristes de Paris depuis 1879 et toujours en poste en 1911, il est, depuis 1877 fondateur et administrateur de bureaux de placement gratuit, qui constituent un des ancêtres des institutions de gestion des services à l’emploi en faveur des chômeurs et des employeurs. Louis Rey est également membre du Syndicat central des chimistes et essayeurs de France, sans doute depuis sa fondation en 1890.
Ses amis politiques radicaux-socialistes ont connu la défaite lors de plusieurs scrutins au début du vingtième siècle : la ville de Joinville est passée en 1912 aux mains de radicaux dissidents alliés à des libéraux et des conservateurs, avec le soutien des socialistes SFIO et il n’y a plus de conseillers municipaux fidèles au comité radical-socialiste. Le canton de Saint-Maur est aux mains d’un homme de centre-droit, Henri Naudin. Quant à la députation, la 2e circonscription de l’arrondissement de Sceaux a vu la défaite des candidats radicaux au profit du socialiste Albert Thomas en 1910. Même le poste de conseiller d’arrondissement appartient à l’un des dissidents radicaux de Joinville. La République radicale, dont Joinville était l’épicentre dans l’Est parisien à la fin du 19e siècle et à laquelle se vouait Louis Rey est en profond déclin.
Dans la commune, Louis Rey indique qu’il a démissionné du comité radical-socialiste de Joinville en 1911 parce qu’en faisaient partie Henri Vel-Durand et plusieurs autres des dissidents qu’il appelle les Saxons, en référence à la défection des troupes de cet État allemand qui, alors alliées aux Français et à Napoléon 1er, changèrent de camp pendant la bataille de Leipzig en 1813. Rey s’explique : « Je ne pouvais défendre la République en leur compagnie ». Mais, en juillet 1913 Vel-Durand est exclu du parti radical par décision de la fédération départementale tandis que les autres, comme Ernest Mermet, ont cessé d’y adhérer. Rey s’en réjouit dans l’hebdomadaire Voix des communes : « Je puis rentrer, la maison est maintenant propre, l’on ne risque plus d’y coudoyer les traîtres et les renégats. »
Dans sa chronique de Voix des communes, Rey poursuit la défense des valeurs laïques et sociales qui sont les siennes, et les critiques envers la nouvelle majorité municipale. Cependant, l’incomplétude de la collection conservée du journal aux archives, puis son arrêt au début de la première guerre mondiale ne permet guère de suivre son rôle. On sait cependant qu’une affiche est posée en août 1913 pour critiquer à nouveau son rôle dans l’affaire de l’école de Polangis. il s’insurge, à la fin de l’année, de l’absence de toute représentation municipale à l’enterrement d’un ancien élu radical-socialiste, le constructeur de bateaux Petrus Perre.
La reprise de la parution de l’hebdomadaire voit une réorientation des préoccupations de Rey, qui se focalise beaucoup plus sur les questions graves de la vie quotidienne des Joinvillais ; il signe une partie de ses nombreux papiers du pseudonyme de Lécouteux. Il publie ainsi une lettre aux boulangers dans le premier numéro de 1915, leur reprochant de supprimer le portage à domicile sans diminuer le prix. Il s’inquiète de la pénurie de charbon, moyen de chauffage quasi-unique à cette période. Il relaie aussi les protestations des bouchers, pénalisés par l’interdiction d’entrée des marchandises la nuit.
S’intéressant toujours autant à la chose publique, Rey prononce, au nom de la franc-maçonnerie, un éloge de Régis Clavel, receveur des Postes, responsable de la Ligue des droits de l’Homme et militant radical-socialiste, qui est aussi salué par Georges Briolay au nom de ces deux institutions dont il est le responsable local. En mars, il s’insurge contre le fait que le prêtre ait traversé Joinville en habits sacerdotaux pour le premier enterrement d’une victime de la guerre au cimetière municipal. Pour lui, « En temps de guerre comme en temps de paix, la loi de séparation [de l’église et de l’État] doit être respectée. »
Le pavillon dont il avait été expulsé, deux ans plus tôt, restant inoccupé, Rey fait remarquer pourrait loger 2 ou 3 familles. Il conseille les familles de soldats qui ont des difficultés obtenir les allocations auxquelles elles devraient avoir droit. Il propose sinon qu’elle soit mise à la disposition de la Société des secours aux blessés (la Croix-Rouge). Finalement, le terrain servira pour des plantations de pommes de terre et les arbres finiront en bois de chauffage.
S’il est très patriote, Rey s’inquiète pourtant de ce que « Des gens voient des espions partout ». Ainsi, Andrès, membre du comité radical-socialiste de Joinville et candidat aux élections municipales de 1912, alsacien, soldat français, propriétaire à Polangis, membre de la Symphonie, était en Alsace en visite dans sa famille à la déclaration de guerre ; il est arrêté par les Allemands, s’évade et revient à Joinville. Mais il est dénoncé par la rumeur comme s’étant rendu en Allemagne.
La situation des animaux concerne aussi Rey, qui avait saisi la Société protectrice des animaux, laquelle, après enquête, confirme qu’une décision du maire concernant le stationnement des chevaux leur portait préjudice. Il conteste également la taxe qu’on veut imposer à son chien, qualifié de chien de luxe par la municipalité, alors qu’il l’a déclaré comme chien de garde. Le préfet lui donne raison en 1916.
S’agissant de la vie politique municipale, Rey explique son positionnement, à propos de ce qu’il appelle le devoir du maire : « Nous voulons bien respecter la trêve des partis, respecter l’union sacrée. Est-ce la rompre que de signaler ce qui devrait être fait ? » Il se plaint que le conseil municipal ne fonctionne presque plus, malgré la présence sur place de plusieurs élus. Mais il défend leur honnêteté, face aux rumeurs qui prétendent qu’ils accaparent une partie des allocations destinées aux chômeurs et aux femmes des mobilisés.
Le principal combat de Rey pendant la période de guerre va être autour du charbon. Dès avril 1915, il s’indigne qu’il atteigne, à Joinville, « des prix de famine », alors qu’il est deux fois moins cher à Saint-Maur et Maisons-Alfort où les municipalités ont fait des achats collectifs. Constatant, selon lui en octobre 1915, que « la municipalité ne fait rien », Rey lance le projet d’achat collectif d’une cargaison de charbon à Rouen. Il sera ensuite piloté par Georges Briolay à partir de juin 1916. Une centaine de personnes souscrivent, venant de Joinville et de communes voisines. La municipalité achète un stock qu’elle compte revend à la population pour faire concurrence à l’achat groupé de Rey et Briolay.
Le prix du gaz est aussi dans le collimateur de Rey. Il remarque en janvier 1916 que des municipalités, notamment socialistes, ont refusé la hausse demandée par la compagnie du gaz, mais pas Joinville, contrairement à Nogent et Saint-Maur. Il approuve les quelques élus SFIO qui se sont prononcé contre l'augmentation. Le conseil de préfecture finira par l’annuler en décembre 1916.
Une très vive polémique va éclater, en janvier 1916, quand Rey reproche au maire de Joinville, Ernest Mermet, de faire des « largesses » avec la subvention que la société du Bi-Métal a remise pour la commune. Selon lui, il aurait dû la remettre au bureau de bienfaisance au lieu de l’utiliser « comme bon lui semble ». Le maire annonce qu’il veut intenter un procès contre Voix des communes, « organe de diffamation et de calomnies ». Les membres du bureau de bienfaisance et les élus, notamment les socialistes, protestent contre l’attaque de Rey et soutiennent Mermet.
Une boucherie municipale ayant été mise en place en mars 1916, vendant de la viande congelée, Rey critique le fait que, étant exemptée de taxes, elle fait une concurrence déloyale aux bouchers. Il soutient que, malgré cela, la viande est plus chère à Joinville qu’à Maisons-Alfort et affirme que la commune aurait le record de la vie chère. Racontant le début de la guerre comme il l’a vécu, Rey parle d’une émeute, le 2 août 1914, sur le marché d’alimentation quand les acheteurs eurent constaté l’augmentation des prix des pommes de terre ; des étals furent renversés. Des laiteries Maggi ont été mises au pillage, car il s’agissait d’une marque allemande.
S’agissant des boissons alcoolisées, Rey s’inquiète du déficit de la récolte de 1915. Il approuve la contestation par des débitants joinvillais de l’arrêté d’interdiction partielle de vente, désapprouvant qu’on utilise des agents pour verbaliser les débits de boisson qui ouvriraient après 22h ou avant 11h.
Annoncé comme souffrant en avril 1916, Rey reconnaît le mois suivant qu’il « a manqué à son devoir et au plaisir d’écrire pour la première fois depuis 9 ans ». Il s’absentera de nouveau en août pour raisons de santé.
Alors que la publication de Voix des communes était stoppée depuis plus d’un an, Louis Rey meurt le 5 août 1918 à son domicile de Joinville, quai Hector-Bisson (act. quai Gabriel-Péri). Il était âgé de 71 ans et n’avait pas eu d’enfant. Il continuait d’exercer son métier d’expert chimiste.
Rey était chevalier de la Légion d’honneur, décoré des Palmes académiques comme officier d’académie, officier du mérite agricole et avait reçu de nombreuses distinctions professionnelles ainsi qu’une médaille militaire.
Après la victoire des dissidents, une des premières décisions du nouveau conseil municipal fut de donner congé, en août 1912, à Louis Rey et à son épouse qui louaient une propriété communale dans le quartier de Polangis, rue des Platanes, après en avoir doublé le loyer. Rey avait obtenu un bail d’une ancienne propriétaire, puis celle-ci avait à son décès légué l’immeuble à la ville, qui avait maintenu le locataire dans les lieux avant d’en faire usage. La famille Rey déménage alors quai Hector-Bisson (act. quai Gabriel-Péri), dans une maison nommée Villa des flots, près du barrage sur la Marne.
Homme aux engagements multiples, Louis Rey avait besoin d’organes de presse pour s’exprimer. Il écrivit dans un quotidien national, Le Voltaire, dans les années 1880. Il eut ensuite une rubrique dans le Bulletin commercial puis dirigea une publication professionnelle, le Bulletin vinicole, dans laquelle il n’hésitait pas à prendre des positions politiques. Après son installation à Joinville-le-Pont, il s’intéressa à la presse locale
L’hebdomadaire Voix des communes, fondé en 1883, fut jusqu’en 1935 (avec deux arrêts de parution au début puis à la fin de la première guerre mondiale) le premier puis un des principaux journaux d’information locale sur la partie Nord de l’actuel Val-de-Marne, couvrant principalement les communes des cantons de Charenton-le-Pont, Saint-Maur-des-Fossés et Nogent-sur-Marne.
Au sein de l’hebdomadaire, une chronique hebdomadaire consacrée à Joinville-le-Pont est créée en juin 1884 et assurée, jusqu’à sa mort en 1896, par Henry Vaudémont. Elle est poursuivie, de manière irrégulière jusque l’été 1901 par Félix Salmon puis par Louis Dehné (alias Ludovic) qui l’assure jusqu’à sa disparition en juillet 1902. Louis Rey devient le chroniquer pour Joinville à partir du 25 juillet 1908. Il avait, les mois précédents, envoyé plusieurs courriers déjà publiés. Pendant cette période, le directeur Alfred Westphal
Alfred Westphal (1869-1928), négociant et industriel était le trésorier de la Ligue des droits de l’Homme. Protestant, il était responsable radical à Charenton, président du Comité central d’union et d’actions républicaines de la 2e circonscription de Sceaux en 1909. Il avait repris la Voix des communes en 1907 après la mort de son président-fondateur, Gaston Meynet, ancien maire d’Alfortville. Il le maintint en tant qu’organe du parti radical-socialiste.
Étant le doyen des rédacteurs de Voix des communes, c’est Rey qui préside à une réunion de toute la rédaction chez Alfred Westphal en mai 1911. Il poursuit sa chronique jusqu’en décembre 1916 et peut-être au premier semestre 1917 (mais la collection pour cette année-là n’est pas conservée aux archives du Val-de-Marne).
Rey avait, comme Henry Vaudémont avant lui, l’ambition de jouer un rôle politique sans nécessairement se mettre au premier plan. S’il n’avait pas le talent littéraire de son prédécesseur, il avait cependant l’art du dialogue théâtralisé. Il publie ainsi, sous le pseudonyme d’Ironiste d’abord puis d’Un radical-socialiste ou d’EB, Les aventures du balai, dans lesquelles il met en scène ses adversaires Eugène Hainsselin et Théophile Leteuil, satyre en 13 épisodes de la vie politique locale en 1908-1909.
Ses critiques acerbes lui valent parfois quelques ennuis. Ainsi, quand en septembre 1908 il traite le conseiller municipal indépendant, le Dr Gripon, de « morphinomane », c’est le rédacteur en chef du journal radical, A. Deyres, qui doit présenter des excuses. La même année, à une date inconnue mais probablement fin novembre, il rencontre en duel Eugène Hainsselin, qui publiait le journal l’Indépendant, qui n’est pas sorti vainqueur de la rencontre, selon Rey.En août 1912, reprochant au responsable d’un petit journal conservateur, Jean Contoux, d’avoir publié une liste de francs-maçons de la région à partir de documents volés, il le traite de « fripon ». Jean Contoux se plaint auprès du gérant de ne pas pouvoir provoquer Rey en duel, car, comme il a 65 ans, il se « couvrirait de ridicule ». Mais il entend demander à Westphal de lui rendre raison « aussitôt qu’il sera rentré de vacances. »
Tout en continuant à résider à Paris, Louis Rey prend en location une maison à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), dans le quartier de Palissy, d’abord avenue Naast puis dans une propriété municipale inoccupée, rue des Platanes. Il y réside, avec son épouse, principalement aux beaux jours.
À partir de 1908, Rey, s’il conserve des activités dans le 4e arrondissement de Paris, en particulier comme membre de la commission scolaire où il siège depuis 1887 et est encore réélu en 1908, va cependant inscrire son activité politique dans sa nouvelle résidence.
Lors des élections municipales de mai 1908, il est présent sur la liste du comité radical-socialiste de Joinville, qui est présidé par Albert Gallas. La liste comprend, derrière le maire Eugène Voisin. Elle s’oppose à deux listes incomplètes, celle du comité socialiste évolutionniste qui comprend d’anciens socialistes comme Eugène Hainsselin et des personnalités plus à droite comme Provin ou Leteuil, et une autre qui a le soutien du parti socialiste SFIO, nouvellement constituée, conduite par Henri Lacroix.
Les 23 candidats radicaux obtiennent 604 voix en moyenne soit 45% des votants. Les 17 évolutionnistes recueillent 500 suffrages (37%) et les 5 socialistes SFIO 252 (18%). Il y a 6 élus au premier tour. Au total, la liste radicale gagne 21 sièges, les opposants évolutionnistes en ont un et il y a un indépendant. Louis Rey est élu au second tour avec 574 voix soit 48,2% des 1 189 votants.
Au sein du conseil municipal, il devient le porte-parole des radicaux, dont l’influence est contestée tandis que le maire, Eugène Voisin, au pouvoir depuis 1888 et dont la santé se dégrade, voit son autorité baisser. Rey polémique, au conseil et par journaux interposés, avec les élus et groupes d’opposition. François Provin, l’élu de la liste évolutionniste, prendra d’ailleurs prétexte du comportement de Rey pour démissionner en novembre 1908 : « je ne saurai siéger au conseil avec le sectaire qui nous traite de ratapoils et de ratichons ». L’autre élu indépendant, le docteur Gripon, qui a au premier semestre 1909 des ennuis familiaux et judiciaires, s’indigne que Rey soit « un intriguant prétentieux et borné. »
Conseiller actif, Rey tient le compte des réalisations, comparant par exemple en septembre 1908 ce qui a été fait par rapport à ce que demandaient les programmes des trois listes. Il s’intéresse en particulier à ce qui touche aux enfants, écoles et patronage, ainsi qu’à l’organisation de séjours pour les enfants de Joinville à la montagne, en l’occurrence dans son Ardèche natale. Rey s’intéresse aussi à l’hygiène publique et à la vie associative. Dans ce domaine aussi, il n’échappe pas à la controverse : ainsi, il encense la société de l’Allaitement familial, laïque, mais est accusé de calomnie pour avoir considéré que l’Union des mères de famille, catholique, faisait un tri parmi les personnes secourues.
Gardien de la ligne politique, Rey est élu électeur sénatorial en décembre 1908. En mars 1909, le conseil municipal et le comité radical et radical-socialiste organise un banquet en l’honneur de la médaille de chevalier de la Légion d’honneur que reçoit Rey et des Palmes académiques qu’obtient un autre radical, Georges Briolay, adjoint au maire.
Une élection partielle étant rendue nécessaire par l’élection au sénat d’Adolphe Maujan Rey soutient le candidat radical Amédée Chenal contre le socialiste SFIO Albert Thomas, appelant les républicains à voter « contre le représentant de la lutte de classes, pour celui qui représente la solidarité de tous les français dans la République sociale ». Il est élu.
À partir de mai 1909, un problème de voirie va dégénérer en crise politique locale. Un entrepreneur, Castella, utilise une rue de Joinville, le chemin de Brétigny (act. avenue du Président-Wilson), pour faire circuler des tombereaux de boues depuis le port sur la Marne provoquant une dégradation de la chaussée. La ville veut qu’il paie les réparations, ce qu’il conteste longtemps. Tous les opposants se retrouvent pour attaquer la majorité municipale, et notamment Rey : les socialistes, les royalistes, les libéraux… Ils utilisent des arguments parfois contradictoires, accusant parfois la ville de ne rien faire, s’inquiétant d’autres fois qu’elle menace une activité qui procure des emplois.
La majorité municipale éclate en juillet 1909 sur un prétexte. Rey voulait organiser un compte-rendu de mandat uniquement auprès de ceux qui avaient voté pour la liste radicale, mais sept de ses colistiers protestent, estimant avoir à rendre des comptes à tous les électeurs. Lors de cette réunion, finalement ouverte à tous, un socialiste traita Rey de « petit Clémenceau », il répliqua « vous êtes une caricature de Jaurès. »
Après avoir visité l’exposition nationale 1909 à Saint-Cloud (Seine, act. Hauts-de-Seine) en septembre, Rey propose d’en organiser une en 1910 à Joinville. Il met en place un comité ad-hoc, mais le projet n’aboutira pas.
La polémique avec l’opposition ne cesse pas ; en novembre 1909, Rey s’en prend au socialiste SFIO Émile Lebègue, lui reprochant d’avoir un arriéré d’impôt, assurant qu’être un « mauvais contribuable amoindrit son autorité de censeur ». Lebègue lui reproche d’être logé dans une propriété communale. Rey répond : « il m’accuse d’être petit et gros, comme si ça l’excusait d’être long et maigre. J’acquitte depuis 6 ans mon loyer à la commune, il n’a pas payé ses taxes. »
Toujours violemment anticlérical, Rey fait adopter une protestation contre l’exécution du pédagogue et anarchiste espagnol Francisco Ferrer, après l’insurrection de Barcelone. Il propose en janvier 1910 de créer un square ou un jeu de boules sur le terrain autour de l’église, ce qui est contesté par le curé, qui fait remarquer que le terrain accueille déjà la morgue.
L’affaire du chemin de Brétigny, que Rey croyait résolue fin 1909, continue cependant en janvier 1910. Une réunion publique, à laquelle participent les sept conseillers municipaux qui se sont détachés de la majorité radicale, exige que, à défaut d’exécution des travaux le 31 janvier, la municipalité démissionne. Cependant, une violente inondation de la Marne touche Joinville ce même mois, laissant tous les quartiers riverains sous les eaux pendant plusieurs semaines.
Malgré le contexte de submersion, la campagne électorale pour les élections législatives générales de mai 1910 est lancée. Face au socialiste Albert Thomas et à un libéral, Daboncourt, le parti radical-socialiste a investi Louis Bonnet, ancien adversaire à l’épée de Rey, mais qui sont réconciliés. Bonnet n’arrive qu’en deuxième position, loin de Thomas. Bonnet s’efface mais un radical indépendant, Adolphe Chéron, se présente au second tour. Rey avait annoncé que, si Bonnet devait se retire, il voterait pour Thomas « parce qu’il est trop intelligent pour ne pas évoluer une fois élu ». S’il dit regretter le vote il assure : « nous ne désespérons pas de la République radicale-socialiste ». Il change cependant d’avis : « J’abandonne Thomas pour venir à Chéron, préférant la grive républicaine au merle des unifiés ». La situation n’est pourtant pas très claire, car si Chéron est soutenu par les radicaux de la circonscription, du fait d’un accord fédéral, Thomas a le soutien du parti radical-socialiste. Thomas est élu. Il sera ministre pendant la première guerre mondiale puis maire de Champigny et directeur du Bureau international du travail après-guerre. Rey n’est pourtant pas peiné du résultat : « Thomas est élu, vive Thomas ! C’est un homme d’une haute culture intellectuelle. Thomas jaunira. C’est le lot des unifiés qui ont quelque chose dans le cerveau que de ne pas rester esclave du syllabus guesdiste ». Les revirements de Rey ont cependant des conséquences locales dont il témoigne dans la rubrique qu’il tient au sein de l’hebdomadaire Voix des communes : « Des évolutionnistes et des ratapoils sont venus dimanche dernier entre 11h et minuit crier sous ma fenêtre avenue des Platanes Vive Thomas !, m’invectivant et me criant de donner ma démission du conseil municipal et conspuant Voix des communes. »
L’échec législatif, dans une circonscription acquise aux radicaux depuis le retour au scrutin majoritaire en 1889, provoque des incidents. Plusieurs commerçants joinvillais assurent, selon Rey « Nous voilà débarrassés des radicaux ! » ou « les démissions pleuvent chez le président Gallas, c’est la débandade ». Reconnaissant la crise, Rey tente de la relativiser. Sur 80 adhérents au comité radical, il compte quatre démissions dont celles de trois élus.
La fin de l’inondation et celle de la période électorale relance de nouveau l’affaire du chemin de Brétigny. Rey est toujours l’objet d’attaques de ses adversaires : le conservateur Louis Gallas parle de lui comme d’un « petit gnome (vous le reconnaîtrez facilement au ruban rouge qui orne, on ne sait trop pourquoi d’ailleurs, sa boutonnière) ». Quant au socialiste Lebègue, il le traite « d’échappé de séminaire, zouave en rupture de courage, chimiste raté, empereur de carton, comédien de la salle des trois escobardes, habile jésuite, petit garçon… ». Rey assure n’avoir jamais mis les pieds au séminaire et compter quelques amis dans le parti SFIO.
La gestion de l’inondation devient aussi une source de polémique. Théophile Leteuil, candidat aux élections de 1908 sur la liste évolutionniste, se proclame président d’un Groupement des sinistrés de Joinville et met aussi en cause la gestion de la caisse des écoles. Rey récapitule attitude « girouettesque » : boulangiste en 1889, radical en 1900, évolutionniste en 1908, socialiste en 1909, proche des libéraux en 1910. Il regrette ces changements, car Leteuil fut son parrain lorsqu’il arriva à Joinville – qu’il lui fournissait du vin « excellent. »
En 1911, la crise s’accentue chez les radicaux avec la démission de leur président local Albert Gallas. L’un d’entre eux s’inquiète : « Y aura-t-il en 1912 une liste radicale et radicale-socialiste ? Y aura-t-il seulement un comité radical ? J’ai peur que non. Dès à présent, ce comité n’existe plus. Ce n’est même plus l’ombre d’un comité ». La réunion de compte-rendu de mandat du conseil municipal le 16 février met en scène la fracture, quatre dissidents (Watrinet, Vel-Durand, Mermet et Arnaud) se faisant applaudir à la fois par les socialistes et les évolutionnistes. Lebègue (SFIO) dénonce « l’incurie et la mauvaise gestion municipale » et appelle la municipalité à démissionner. À 23h, les conseillers municipaux qui, l’hiver, habitent Paris, demandent la permission de se retirer pour prendre leur train : c’est le départ de Guelpa, Roux, Boileau, Nivelet et Rey, tous fidèles du maire Eugène Voisin, souffrant. Des cris de « démission ! démission ! » fusent de la part des unifiés, évolutionnistes et libéraux.
Le libéral Louis Gallas considère que les quatre dissidents « ne veulent plus obéir servilement aux injonctions de la franc-maçonnerie » et reprend dans Le Courrier libéral des assertions de Lebègue qui considère Rey « comme un dégoûtant et répugnant personnage, ayant été chercher la Légion d’honneur qui orne sa boutonnière dans une officine louche de placement gratuit ». Rey assure que « Si la loi de 1904 sur l’abolition des bureaux de placement payant, trafic honteux du travail des prolétaires, a été votée, j’en suis le premier artisan. (…) Sept ans avant la loi de 1884 sur les syndicats, je créais des associations ouvrières et j’y instituai des offices de placement mutuel qui ont été honorées de récompenses aux expositions universelles de 1889 et 1900, économie sociale. Le ministre du travail voulut bien reconnaître la part prise par moi à cette émancipation des travailleurs. »
Un dernier évènement va renforcer la confusion au sein du conseil municipal. Rey dénonce un scandale avec des faits répréhensibles se passant depuis deux ans dans une classe de l’école de Polangis, dénoncés par une mère d’élève. Avec le directeur de l’école, les élus dissidents – qui sont devenus six – reprochent à Rey d’avoir mis l’affaire sur la place publique alors qu’il ne s’agissait que d’enfantillages ; il répond « Que la divulgation ne soit pas correcte, soit ; elle était nécessaire, les scandales ont cessé ». Il assure qu’il défend « la moralité des enfants des pauvres. »
Sept conseillers municipaux ayant démissionné en avril 1911, il devient nécessaire d’organiser des élections municipales complémentaires en mai. Rey qualifie les démissionnaires de « saxons ». Six d’entre eux se représentent. Anciens radicaux, ils ont désormais le soutien des socialistes unifiés et des libéraux. Rey s’étonne de l’attitude d’Henri Vel-Durand, l’un des plus en vue et futur maire de Joinville : « J’ai défendu Vel-Durand quand il était attaqué et qualifié de juif (…) Vel-Durand renierait son meilleur ami, s’il en avait, pour servir ses intérêts ». Les démissionnaires sont réélus face à une liste constituée par des commerçants. Rey assure que la réorganisation du parti radical-socialiste s’impose et annonce vouloir démissionner. Un de ses amis, Paul Guelpa, conseiller municipal, lui envoie une lettre ouverte formulée ainsi : « à SM Rey, empereur de Joinville. Malgré les objurgations de vos amis, vous persistez à rester démissionnaire ? Vous, le fougueux polémiste, vous resteriez étourdi au premier choc ? Descendez de votre trône, soyez le citoyen Rey. Vous prétendez être la cause directe de l’élection des dissidents ; leur succès est une victoire d’intrigues unifiés-réactionnaires. La majorité républicaine du conseil a besoin d’union. »
Répondant à Paul Guelpa, Louis Rey assure « J’ai ri de bon cœur. Pendant 3 ans, nous avons fait notre devoir, rempli notre mandat. J’ai dépensé sans compter mon activité et mon temps, j’ai pris à cœur mon rôle de conseiller municipal. J’ai défendu la municipalité et le conseil municipal attaqués par Lebègue et Leteuil. Je reste empereur, c’est autrement gai que de siéger à côté d’un croquemort comme vous allez être obligé de le faire. Vive Joinville, à bas les Saxons et leurs alliés les calotins ! » S’il ne démissionne pas, il ne siègera plus au conseil municipal.
Le comité radical-socialiste est en désarroi et son bureau démissionne tandis que certains membres demandent l’exclusion des élus dissidents. Vel-Durand répond qu’en attaquant Rey il attaque celui qui voulait être le maître du conseil municipal et qui attaquait tout le monde. Georges Briolay devient le nouveau président du comité. Diot, conseiller municipal, rejoint les sept opposants.
Pour les élections municipales générales de mai 1912, Rey assure qu’il n’est pas candidat. Il soutient par contre le comité radical-socialiste qui compte, selon lui, près de 100 adhérents et appelle « à l’union des radicaux ». Rey approuve « Soldat discipliné du parti, j’obéis, je veux oublier les attaques qui m’ont meurtri parce que j’avais fait mon devoir, j’espère que les citoyens Vel-Durand, Mermet et Poitevin, qui se recommandent du parti, feront de même et nous aideront à combattre la liste que Dalbavie est en train de recruter pour mettre hors de la mairie les républicains radicaux-socialistes dont ils font partie. »
Présentant son propre rôle, Rey indique « L’on m’a présenté aux électeurs de Joinville comme le maire occulte, une espèce d’éminence grise. (…) c’est me faire beaucoup d’honneur, me prêter beaucoup de pouvoirs, il n’en est rien. »
Les élections municipales de mai 1912 voient, au second tour, la victoire d’une alliance inédite entre trois listes présentes au premier tour : les dissidents radicaux, les libéraux et conservateurs et les socialistes SFIO contre la liste radicale conduite par Georges Briolay. Un des dissidents, Ernest Mermet, devient maire.
Les premières attestations de l’engagement politique de Louis Rey remontent à 1880. Il est alors âgé de 33 ans. Il fait partie du comité de soutien à Désiré Barodet, ancien maire de Lyon, devenue député de la Seine, libre-penseur, franc-maçon et promoteur de l’instruction publique laïque et gratuite.
En octobre 1885, les élections législatives ont lieu au scrutin de liste majoritaire à deux tours dans le cadre départemental, contrairement aux échéances précédentes et futures, où le vote a lieu dans le cadre de circonscription. Le département de la Seine doit pourvoir 38 sièges. Les journaux et regroupements politiques présentent leurs listes de candidats.
Pour préparer ce vote, en septembre, le comité Jean, représentant le commerce, l'industrie et le travail fusionne avec le comité Lacoste-Révillon intitulé Comité central industriel et commercial. Le premier comité est soutenu par la chambre syndicale des débitants de vin de la Seine et par Rey. La nouvelle entité, baptisée comité central républicain, économique, industriel et commercial, s’appuie sur le Gaudissart, journal des voyageurs de commerce. Elle publie une liste des candidats qu’elle soutient, avec à sa tête Guichard, conseiller municipal de la Villette; Buisson, ancien chef de bataillon d'infanterie de marine, candidat de la défense nationale. Rey y figure en 30e position. Les candidats de tendance radicale arrivent en tête dans le devis-programme, mais sont devancés par les républicains opportunistes et modérés au plan national.
Une polémique oppose, en janvier 1889, Louis Bonnet, fondateur de La Ligue auvergnate et du Massif central et éditeur de L'Auvergnat de Paris, à Louis Rey, alors qu’une élection législative partielle est prévue à la fin du mois. Une grande partie des marchands de vins est originaire du Cantal et du Puy-de-Dôme. Louis Bonnet attaque ainsi : « Un M. Rey, qui était entré comme garçon de bureau au syndicat du quai des Célestins, et qui, profitant d’une période de désarroi, s’était improvisé chimiste, se mit dans la tête qu'il n’était nul besoin de grammaire ni d’orthographe pour faire du journalisme, et il prit en mains la direction du Bulletin commercial. M. Rey ne se contenta pas de faire un journal sans orthographe et sans grammaire ; il voulut se créer une tribune du haut de laquelle il prêcherait ses doctrines et lancerait ses anathèmes et d’où il ne descendrait que pour la quête. M. Rey écorche toujours la langue française, mais il se croit devenu puissance. Aujourd’hui, il ne consulte plus ni commission de rédaction, ni conseil du syndicat; il va de l’avant, fait de la politique dans un journal où l’on n’en devrait faire qu’après mûre réflexion et lance tout une corporation dans une aventure électorale d'où elle ne retirerait, si elle écoutait M. Rey, que des déboires et de la déconsidération. »
Bonnet reproche en particulier à Rey de soutenir Charles Floquet (organisateur de la défense de Paris pendant le siège de 1870-1871) contre le général Boulanger (leader populiste), alors que Bonnet reproche au premier sa désinvolture face aux syndicats de marchands de vins et qu’il voit avec bienveillance le second. Il concluait « Il n'y a que les chiens qui lèchent la main qui les frappe » et dénonçait l’attitude de Rey qui continuerait « à cirer les bottes de l’autocrate Floquet ». Il défendait également le responsable du laboratoire municipal d’analyse, ennemi de Rey. Et il critiquait le fait que ce dernier soit franc-maçon.
Louis Rey répondit qu’il « détend la République » avec, croit-il, les « applaudissements de la corporation tout entière » et « de la majorité des Auvergnats républicains », relevant que Bonnet traitait les membres de son syndicat de « chiens. »
Poursuivant ses attaques, Bonnet précise : « c’est Rey que je traitais de chien. Jadis socialiste à tout crin, M. Rey, à mesure que son rond-de-cuir se rembourrait, est devenu radical-socialiste puis radical tout court, enfin parlementaire et réactionnaire. (…) M. Rey manque d’orthographe, de syntaxe, de politesse et de véracité, mais il n’est pas inintelligent… »
Protestant, le 18 janvier, contre l’envoi d’une délégation de marchands de vin au candidat Boulanger, Rey affirme que la plupart des débitants de vin ont répudié la candidature du populiste, théoriquement républicain mais soutenu notamment par des bonapartistes et traite LaLigue, publication de l’association, d’organe boulangiste.
Le 21 janvier, Louis Rey et Louis Bonnet s’affrontent dans un duel à l'épée au Bois de Boulogne à Paris (16e arr.), provoqué par le premier qui s’estimait offensé. À la quatrième reprise, Rey a été atteint d'une blessure d'environ quatre centimètres de profondeur à la main droite et le combat a cessé. Il se réconforte le lendemain lors d’un lunch organisé au siège de la chambre syndicale des débitants de vin, qui est aussi son domicile, 22, quai des Célestins à Paris. Boulanger fut élu député de Paris par 244 070 voix, contre Jacques, soutenu par les radicaux et républicains, qui en recueille 162 520.
Lors des élections municipales de mai 1890, Louis Rey est candidat du comité républicain radical dans le quartier de l'Arsenal de Paris (4e arr.) contre le sortant, Eugène de la Goublaye de Ménorval, boulangiste. Dans une réunion publique, le 21 avril, Louis Rey s’adresse à son concurrent : « il ne vous reste plus que la corde de Judas, la fin des traîtres ». Dans sa profession de foi, Louis Rey se déclare « partisan d'une république démocratique éclairée et libre », soutenant « le progrès, la perfection des lois et par elles l'amélioration de l'état social et de la République » qu’il veut défendre contre « n'importe quel César de droit divin, d'aventure ou de contrebande ». De Ménorval arrive en tête au premier trou, avec 34,6% des suffrages exprimés, Rey en obtenant 11,7%. Il se désiste en faveur du candidat conservateur Hervieu qui avait obtenu 26,7% et est élu au second tour. Rey, qui assure avoir été « candidat pour la lutte » et « à l'avant-garde de la démocratie », avait demandé à de Ménorval « d’aller rejoindre dans la fosse commune du boulangisme, les cadavres putréfiés de la honte nationale. »
Le centenaire de l’insurrection parisienne du 10 août 1792 est l’objet d’un banquet, organisé par Rey, pour commémorer la déposition du roi Louis XVI.
De nouveau candidat au scrutin municipal d’avril 1893, Rey obtient cette fois le soutien du Comité républicain radical socialiste, formé des trois Comités républicains de 1890. Il a le soutien de la Fédération républicaine socialiste de la Seine. Il est cependant devancé par le sortant, Hervieu (29,7%) avec 11,5% des suffrages exprimés. Il refuse de se désister en faveur d’un républicain socialiste (centre-droit) arrivé second avec 23,1%. Hervieu est réélu.
Lors des élections législatives de mai 1896 Rey constitue avec les radicaux un comité d’union républicaine du 4e arrondissement, qui fit élire Gabriel Deville, candidat collectiviste et ancien membre du parti ouvrier français de Jules Guesde.
Participant en 1897 aux activités de l'Union progressiste, groupe parlementaire anticlérical de centre-gauche, Louis Rey contribue à la rédaction d’un projet de loi de réforme de l'impôt foncier.
Signataire en novembre 1898 d’une protestation contre « les persécutions qui frappent le colonel Picquart », dans le quotidien L’Aurore qui défend le capitaine Dreyfus, il signe ainsi « L. Rey, directeur du Bulletin Vinicole, (ancien soldat au 1er zouaves de 1868 à 73, médaille coloniale, campagne contre l'Allemagne du 01/08/1870 au 01/02/1871, deux fois prisonnier, deux fois évadé. »
Défendant en 1902 la candidature de Gabriel Deville aux élections municipales de 1902, Rey est alors président du Comité radical-socialiste du 4e arrondissement de Paris. Il le soutient de nouveau aux élections législatives de 1903, où il est élu. Il mène de nouveau campagne pour les municipales d’avril 1904 dans son quartier parisien, où il se retrouve sur la même position que son ancien adversaire Louis Bonnet, en faveur de deux candidats radicaux.
En novembre 1890, Louis Rey s’amusait beaucoup qu’un tribunal eût fixé une valeur marchande à l'eau de Lourdes. Il racontait l’histoire suivante au critique dramatique et journaliste Francisque Sarcey, chroniquer du quotidien XIXe siècle : « Un de mes amis, m'écrit M. Louis Rey, propriétaire de bagares qui chargent sur le port les marchandises qu'on transbordera, à Pauillac et à Royan, sur les grands navires qui vont au Brésil, avait commission d'un moine franciscain d'embarquer des fûts remplis de l'eau miraculée, pour les transporter et les transborder sur un navire dans le port de Pauillac. Il arriva que pendant la manœuvre un des précieux fûts subit un accident : il fut défoncé, et l'eau de Lourdes se répandit dans la Garonne. Le mal, après tout, était réparable. Le chef de manœuvre avait offert de puiser dans la Garonne, à la même place, de quoi remplir un autre fût ; sans doute, la vertu miraculeuse de l'eau eût été quelque peu diluée, mais il en serait toujours bien resté quelque chose. Et puis, vous savez, il n'y a que la foi qui sauve. Le moine qui assistait au chargement fut inflexible. C'était de l'eau de Lourdes qu'il voulait, de l'eau sans mélange; il refusa avec horreur l'idée de l'étendre avec de l'eau puisée dans la Garonne. Il exigea des dommages-intérêts. On plaida. Savez-vous à combien fut estimée la barrique défoncée, contenant et contenu ? A trois cents francs que mon ami paya, enchanté d'avoir acquis, fût-ce à ses dépens, la preuve que l'eau de Lourdes était une marchandise comme une autre, un peu plus chère même que beaucoup d'autres. Car à cent francs, on a du bordeaux très passable. »
Francisque Sarcey faisait remarquer que, quelques années plus tôt, sous la période de l'ordre moral (1873-1876), « il nous en coûtait à nous-mêmes, au XIXe Siècle, 6 000 francs pour avoir pris la liberté de nous moquer des bons pères de Lourdes et de leurs bouchons. »
Anticlérical affirmé, Louis Rey était également franc-maçon. Certains de ses adversaires réactionnaires tentaient de le mettre en cause pour cela, par exemple en publiant une liste des francs-maçons de Joinville dans un journal conservateur, l’Échorépublicain. Dans son propre hebdomadaire, Voix des communes, Rey répondit qu’il s’agissait de « braves gens » et que « en ce qui concerne Joinville, il y manque une soixantaine de nos frères ». Le quotidien d’extrême-droite La Libre parole fait de même en mai 1912.
Dans la commune, Rey avait mis en place une Union fraternelle, qui regroupait les francs-maçons appartenant à différentes loges autour d’un banquet annuel et d’un bulletin hebdomadaire. En octobre 1909, l’Union fraternelle adhère au programme du Parti radical et radical-socialiste, adopté au congrès de Nantes. Elle exprime sa sympathie pour Francisco Ferrer (1859-1909), pédagogue et anarchiste espagnol, fusillé après sa participation à l’insurrection de Barcelone au cours de l’été 1909.
Dans un climat politique local très tendu, la franc-maçonnerie est une cible. En mai 1911, Rey témoigne dans Voix des communes : « On avait sur le marché exposé un mannequin couvert d’emblèmes maçonniques qu’on devait ensuite brûler. C’est de l’intolérance. La peur du commissaire a empêché l’autodafé du bonhomme de paille. »
L'anarchiste et fondateur de "l'école moderne", Francisco Ferrer (Wikipédia)
Émile Léopold Greninger naît le 4 décembre 1856 à Doulaincourt-Saucourt (Haute-Marne). Il est le fils de Marie Leboucher, lingère, et de son mari Samuel Greninger, domestique.
Il achète à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), en juillet 1885, un fonds de commerce de vins, d’épicerie, et de tabac, rue du Canal (act. rue Henri-Barbusse) qu’il exploite avec ses parents. Il épouse, en septembre 1887 à Migé (Yonne) Marie Valentine Vérain, couturière et fille de vignerons.
Comme 260 souscripteurs à Joinville, Greninger participe à l’appel lancé par le quotidien la Petite République et relayé par l’hebdomadaire radical local Voix des communes en faveur des « affamés de Carmaux », les ouvriers grévistes des verreries.
Candidat lors des élections municipales de Joinville en mai 1900, Greninger figure sur la liste du maire sortant, Eugène Voisin, soutenu par les radicaux-socialistes, mais qui comprend également des personnalités conservatrices. Elle emporte dès le premier tour les 23 sièges à pourvoir, face à une liste socialiste-révolutionnaire. Greninger obtient 514 voix pour 1 096 inscrits, en 21e position.
Comme la majorité du conseil, et notamment les radicaux-socialistes, Greninger se prononce contre l’autorisation des Sœurs enseignantes de la Providence lorsque le conseil municipal est consulté à ce sujet en juin 1902 ; l’installation est refusée par 13 votes, contre 5 et une abstention.
De nouveau candidat lors du scrutin de mai 1904, Greninger, membre du comité radical-socialiste local, accompagne de nouveau Eugène Voisin qui, soutenu par le parti radical, s’est par contre séparé des sortants les plus conservateurs. Les soutiens de la municipalité sortante s’affichent contre « le nationalisme, le cléricalisme et la réaction ». Il est réélu dès le premier tour avec 561 pour 1119 votants (soit juste une voix de plus que la majorité absolue, 50,1%) pour 1363 inscrits. La liste des radicaux emporte 22 des 23 sièges, face à des concurrents conservateurs (un siège) et socialistes-révolutionnaires.
Vendeur de son commerce de Joinville en juin 1904, Greninger acquiert en mars 1905 un restaurant à Saint-Mandé rue de la République. Il quitte le métier plus tard et est installé, en 1911, à Champigny-sur-Marne où il travaille comme journalier. Il ne s’est pas représenté en 1908 aux élections municipales de Joinville.
Émile Léopold Greninger meurt le 6 mars 1917 à Champigny, dans son domicile de la route de Joinville. il était âgé de 50 ans et avait eu un fils.
C’est probablement ce dernier, Gabriel Eugène Greninger, qui sera trésorier puis vice-président en 1923-1925 du club cycliste Joinville Sportif.