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20 juillet 2020 1 20 /07 /juillet /2020 00:01

Alain Raymond Nègre naît le 5 septembre 1937 à Champigny-sur-Marne, rue Charles-Infroit, dans le quartier de Polangis qui est partagé avec la commune de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils Raymond Nègre, décorateur de cinéma aux studios Pathé de Joinville et, probablement, de son épouse Marie Louise Bergasa y Gallardo.

Il fait des études d’arts appliqués à l’école Boulle Paris (12e arr.) puis à l’Institut des hautes études cinématographiques (act. FEMIS, Paris). Il effectue son service militaire au fort d'Ivry, qui héberge le service cinématographique des armées.

Alain Nègre, fils de Raymond Nègre, entre à la Radiodiffusion-télévision française (RTF) comme assistant décorateur en mars 1960.

En juillet 1969, Alain Nègre a été nommé décorateur-chef à l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) puis, après l’éclatement de cette structure publique, il entre en mars 1975 au Centre national du cinéma (CNC). Il collabore à environ 200 films et émissions de télévision, notamment avec Claude Barma, Marcel Cravenne ou Claude Santelli. Dans le courant des années 1980, sa spécialisation dans les scènes de trucage ou d'effets spéciaux le distingue sur le plan technique.

En 1983, Alain Nègre a été récompensé d’un César du meilleur décor pour le film Le retour de Martin Guerre de Daniel Vigne avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye. Il collabore au téléfilm de Pierre Cardinal, Le Dialogues des carmélites (1984), récompensé du prix Albert Ollivier. Enfin, L'odeur de la papaye verte réalisé par Tran Anh Hung et tourné à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) est récompensé par une Caméra d'or au festival de cinéma de Cannes en mai 1993.

Alain Nègre reçoit son César en 1983

Ayant pris sa retraite en 1994, Alain Nègre réside à Joinville-le-Pont. Il dépose, en 2008, le fonds d’archives de son père, Raymond Nègre, au département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Sa sœur, Osanne Nègre (1934-2020), artiste peintre et graveuse, a également été costumière et réalisatrice de décors pour des spectacles ou la télévision.

 

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18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 00:01

Osanne Marie Louise Nègre naît le 18 décembre 1934 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Elle est la fille de Marie Louise Bergasa y Gallardo et de son époux, Raymond Nègre, décorateur de cinéma aux studios Pathé de Joinville. La famille vit dans le quartier de Polangis, d’abord place Mozart à Joinville-le-Pont, ensuite rue Charles-Infroit à Champigny-sur-Marne.

Élève de l'École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art de Paris de 1947 à 1953, elle intègre ensuite l'École nationale supérieure des beaux-arts en 1954 et 1955. Elle signera ses œuvres de son seul prénom, Osanne. Elle se spécialise en gravure, qu’elle pratique à l’eau-forte de 1956 à 1960. Elle utilise également la lithographie qu’elle apprend auprès de Jacques Hallez à Marseille. Le graveur franco-américain Henri Goetz l'initie en 1984 à la gravure au carborundum.

Osanne, 2013, Villevaudé

Osanne est l’auteure des vitraux de la chapelle Notre-Dame-de-Jérusalem, construite à Fréjus (Var) par Jean Triquenot et Edouard Dermit sur les plans du peintre et poète Jean Cocteau.

Plusieurs expositions personnelles ont eu lieu à Aix-en-Provence (1959), Paris (1979, 1983, 2002), Villevaudé et Courtry (Seine-et-Marne, 2013) ainsi que Montpellier (2017). Son œuvre gravée a été présentée depuis 1985 à la Fiest et au Saga (Paris), à Art Basel (Bâle, Suisse), ainsi qu’aux foires de Londres, Francfort, Düsseldorf et New York. Elle a signé les gravures de deux albums, Un jeune enfant vêtu d’une robe éclatante de Joseph Guglielmi (Encrages, 1988) et La Pelote d’épingles de Philippe Lefranc (Le Méridien, 1988).

Elle réalise des costumes et des décors pour la télévision (ORTF) et une dizaine de spectacles, par exemple de Lucky Luke et Dugudu, pièce de Jean-Pierre Giordanengo d'après les albums de Morris et René Goscinny, mise en scène par Jacques Falguières, présentée à Marseille (1965) et Aix-en-Provence (1966), ou Les Baigneuses de Californie, pièce de Jean-Jacques Varoujean, mise en scène par Roland Monod (Paris, 1986).

Osanne Nègre meurt le 14 janvier 2020 au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Elle était âgée de 85 ans et résidait avenue Jauzier-Koestler à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). En 1980, elle avait obtenu le prix de gravure du ministère de la culture.

Son frère, Alain Nègre, a également été, comme leur père, décorateur de cinéma.

Osanne, la Vallée sauvage

 

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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 00:01

Raymond Jean Léon Nègre naît le 13 juillet 1908 à Domjulien (Vosges). Il est le fils de Marcelle Rachel Léontine Dalby et de son époux Jules Nègre, ciseleur. La sœur de Jules Nègre épouse le frère de Marcelle Dalby, dont les parents vivent à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne).

Mirabelle de Domjulien, dessin Raymond Nègre

C’est dans cette commune que Raymond Nègre va vivre dans les années 1930. Il réside d’abord quai du Barrage, puis place Mozart, dans le quartier de Polangis, à proximité des studios Pathé où il est décorateur pour le cinéma. Peut-être est-ce lui qui bénéfice, en 1921 et 1922, d’une remise des frais d’externat dans le collège Chaptal à Paris (act. lycée Chaptal, 8e arr.)

En juillet 1933, il épouse à Joinville Marie Louise Pilar Bergasa y Gallardo. Ils vivent en 1937 toujours dans le quartier de Polangis, mais dans la commune voisine de Champigny, rue Charles-Infroit.

Spécialiste des trucages, Raymond Nègre signe les décors de plus de 60 films, notamment parmi ceux tournés aux studios de Joinville entre 1937 et 1971. Il travailla comme assistant pour deux des chefs-d’œuvre de Marcel Carné, Les Enfants du paradis et Drôle de drame, puis fut le chef-décorateur de nombreux films d'André Berthomieu comme L’Ange de la nuit (1944) ou La Femme nue (1949). Il collabora aussi avec Jacques Becker (Dernier Atout, 1942) et travailla pour la télévision.

Il a réalisé des croquis qui sont publiés dans la brochure Trucage et effets spéciaux propres aux décors (CST, 1978). Ils sont repris pour illustrer les effets spéciaux utilisés dans les films au sein du Dictionnaire technique du cinéma (Vincent et Christophe Pinel, Nathan, 1996, rééd. Armand Colin, 2016).

Le Pouldu, par Raymond Nègre

Raymond Nègre meurt le 7 juillet 1985 à Créteil (Val-de-Marne). La commune de Joinville-le-Pont a dénommé « allée Raymond-Nègre » une voie du quartier de Palissy. Elle se situe sur le site des anciens studios de cinéma.

Sa fille, Osanne Nègre (1934-2020), fut artiste peintre et graveuse. Son fils, Alain Nègre (né en 1937), également décorateur de cinéma, a déposé les archives de son père au département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France en 2008. Elles comprennent notamment des croquis faits pendant sa collaboration avec Abel Gance et Jean-Christophe Averty.

 

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 00:01

Daniel Chagnon naît le 30 mars 1929 à Saint-Maurice (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils d’Adrienne Renz et de Marcel Chagnon.

Ses parents exploitent dans le quartier de Polangis, à Joinville-le-Pont, une guinguette, le Petit-Robinson. Jouissant d’une évidente aisance, Marcel Chagnon fut le premier du quartier à disposer d’un véhicule automobile.

La famille de son père est originaire de Corrèze. Sa mère est issue de deux familles ayant une grande réputation dans le milieu du cirque, en France pour sa grand-mère, et en Allemagne pour son grand-père. Léopold Renz était un écuyer-voltigeur ; Gabrielle Carré a été danseuse de l'Opéra de Paris et dresseuse de chiens.

Très doué en matière sportive, Daniel Chagnon envisageait de rejoindre l’école des sports de Joinville, institution nationale d’origine militaire, située dans le Bois de Vincennes. Pendant son service militaire (1948-1949), il intègre le Groupement sportif interarmées, ancêtre du Bataillon de Joinville, où il devient moniteur.

Pendant la deuxième guerre mondiale, sa mère, selon des témoignages de l’ancien maire communiste de Joinville, Robert Deloche, et de l’historien local Michel Riousset, Adrienne Chagnon, toujours propriétaire du Petit-Robinson, prend une part active à la Résistance. Après la Libération, elle est une des toutes premières conseillères municipales, élue en 1945 à Joinville lorsque les femmes obtiennent le droit de vote.

Daniel Chagnon va être très rapidement attiré par les métiers du cirque. Des cousins de sa mère, Tilly et Henry Rancy, ayant fait construire une villa avenue Racine, à proximité de chez eux, par l’entreprise de maçonnerie de son grand-père. Le cirque Rancy était un des plus célèbres de France pendant l’entre-deux guerres. En 1946, parès le redémarrage des tournées du cirque Rancy, Daniel Chagnon accompagne sa cousine Sabine Rancy qui l’initie à l’équitation. Ils se marient à Lyon, en mars 1950, dans une cérémonie de prestige célébrée par Édouard Herriot, maire de la ville et ancien président du conseil.

Pour lancer sa carrière circassienne, Daniel Chagnon adopte le pseudonyme de Dany Renz. Il s’initie aux différents arts du cirque, avec ses beaux-parents mais aussi Gustave Fratellini pour l'acrobatie ou Philippe Ricono pour la voltige ainsi que le dressage de fauves avec les Bouglione ou le trapèze volant avec les Rénolds et les Antarès. Jongleur, il fait également, à l’occasion, des numéros de clown.

Avec son cheval comédien Dynamite, Dany Renz devient un écuyer-voltigeur reconnu internationalement. Il présente des numéros qui vont avoir une forte notoriété, comme Robin des bois dans lequel il mêle voltige, danse classique, tir à l’arc et cinq à sept sauts périlleux consécutifs sur un cheval au galop. Il reçoit en 1955 à Toulouse l’Oscar du cirque. Il fait partie de la troupe qui représente le cirque français à Moscou en 1958. En 1961, il monte un nouveau numéro, Kid Callagan.

 

À la retraite de Tilly et Henry Rancy en avril 1964, le cirque Sabine Rancy est créé et Dany Renz devient de la société Monde et Cirque qui le gérait. Avec 5 000 places, leur chapiteau était le plus grand de France. Il continue cependant son activité artistique avec Zorro (1965), La Veuve joyeuse (1967), Féérie au Népal (1968) et Tarass Boulba (1969), pour lequel il est gratifié en 1969 à Madrid d’un second Oscar.

Dany Renz meurt le 17 juin 1972, officiellement à Brioude (Haute-Loire). Cependant, selon le journaliste et écrivain Roger Parment, il serait en fait décédé à Clermont-Ferrand. Vers 0h30, Dany Renz, en voulant aider le cornac à embarquer dans sa remorque l’éléphante Chiquita, est mortellement blessé. Hospitalisé d’abord à Issoire puis à Clermont, il décède le matin même. Le soir, Sabine Rancy donna sa représentation avant d’annoncer sa disparition.

La cérémonie religieuse eut lieu le 21 juin en l’église Saint-Anne de Polangis, à Joinville-le-Pont. Dany Renz était revêtu de l’habit bleu de nuit qui avait été son costume de marié et que l’on avait pailleté pour la scène. L’éléphante Chiquita avait été abattue, et son cheval Dynamite mourut en 1973 à Lisieux.

Sabine Rancy poursuit seule l’exploitation du cirque puis se remarie en 1975 avec Ary Larible, grand nom du cirque italien.

 

 

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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 00:01

Suite de la biographie de Joseph Sauvêtre

Peu avant le début de la première guerre mondiale, l'abbé Joseph Sauvêtre quitte la banlieue populeuse de Saint-Ouen pour retrouver la rive gauche parisienne et le quartier latin, en devenant curé de Saint-Etienne-du-Mont, église paroissiale de la montagne Sainte-Geneviève (5e arr.). Il prend la place du chanoine Lesêtre, intellectuel réputé. Le journal mondain Le Gaulois  remarque le contraste : « à un homme d'étude et de science, succède un homme d'œuvres ». C’est l'abbé Jouin, ancien vicaire de la paroisse, qui procède à son installation, soulignant que l'abbé Sauvêtre fut « son commensal » et, selon Le Figaro, lui vouait « tendresse, respect et dévouement. »

Pendant le conflit, l'abbé Sauvêtre mobilise ses paroissiens en invoquant Sainte Geneviève, patronne de Paris. Il publie, en septembre 1916, Sainte Geneviève et l'invasion allemande en 1914, brochure illustrée par Mlle Moreau-Wolff. Il réclame qu’une statue de la saine soit dressée près de la Seine. Dans Dieu et patrie (octobre 1916), il répond à la question : « La victoire de la Marne. Y a-t-il eu miracle ? ». Pour Joseph Sauvêtre, il s’agit « d'un miracle relatif, c'est-à-dire d'une volonté toute spéciale de la Providence qui a tout disposé pour permettre à nos armées de remporter la victoire ». Pour lui, « celle qui, en 451, éloigna, par sa prière Attila et ses Huns des murs de Lutèce » a permis que soient repoussés en septembre 1914 « le nouvel Attila et ses hordes barbares. »

En août 1920, l'abbé Sauvêtre émit le souhait d’apposer une plaque commémorant cette bataille qu’il voulait qu’elle comporte le texte suivant : « Le 6 septembre 1914, les armées allemandes étant aux portes de la cité, Paris recourut à son antique patronne. Trois jours durant, la foule vint prier devant la châsse. Sainte-Geneviève entendit ces supplications. Comme Attila, l’ennemi se détournant de la ville fut vaincu sur les bords de Marne. ». Le quotidien Le Cri de Paris rapporte la polémique qui s’ensuivit dans les services municipaux. Pouvait-on laisser dire que « Paris » avait invoqué sainte Geneviève ? L’administration des Beaux-Arts « opina que le clergé catholique n'avait pas qualité pour parler au nom de Paris. On demanda donc à M. le Curé de substituer au mot Paris l'expression collective les fidèles de Paris. Et M. le Curé, qui est un homme d'esprit, ne fit pas la moindre difficulté pour accepter ce distinguo. »

Après la légendaire défenseuse de Lutèce, l'abbé Sauvêtre, devenu chanoine honoraire, rend hommage aux prestigieux anciens paroissiens de Saint-Etienne du Mont. Il fait graver dans son église le portrait de Frédéric Ozanam, fondateur des Conférences de Saint-Vincent de Paul en décembre 1919. Il célèbre le tricentenaire de Pascal en présence d’autorités politiques et du bureau de l’Académie française en juin 1923. En décembre la même année, il salue la mémoire du cardinal de Richelieu.

En 1925, il met une chapelle de sa paroisse à la disposition de l’église syrienne de Paris, qui permette d’accueillir la population originaire du Liban et du Levant.

Malade, Joseph Sauvêtre quitte son poste de curé de Saint-Etienne du Mont en en février 1929 ; il est remplacé par Joseph Courbe, premier vicaire de Saint-François-Xavier à Paris.

Il quitte Paris et vit en 1936 à Hyères (Var). Il consacre à son ami, Ernest Jouin, mort en juin 1932, une biographie, au contenu hagiographique, qui montre ses talents d’écriture, parie en 1936 chez Casterman. Elle a été rééditée plusieurs fois. Joseph Sauvêtre tente également d’engager la béatification d’Ernest Jouin ; cependant, sa tentative pour promouvoir la cause du protonotaire pourfendeur de la franc-maçonnerie et antisémite n’aboutit pas.

Il s’installe à Vern-d'Anjou (act. Erdre-en-Anjou, Maine-et-Loire) où son frère cadet Eugène Sauvêtre est curé depuis 1911. En juin 1940, l’église paroissiale Saint-Gervais-et-Saint-Protais est endommagée par un bombardement allemand, puis réparée en 1941.

Joseph Sauvêtre meurt le 25 juillet 1949 à Vern-d'Anjou. Il était âgé de 87 ans et était prêtre depuis 64 ans. Il avait obtenu le prix Montyon de l’Académie française en 1937 pour sa biographie de Mgr Jouin.

Fin

 

 

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12 juillet 2020 7 12 /07 /juillet /2020 00:01

Début de la biographie de Joseph Sauvêtre

Marie Joseph Sauvêtre naît le 27 mai 1862 à Chaudefonds-sur-Layon (Maine-et-Loire). Il est le fils de Françoise Piffard et de son époux Charles Sauvêtre, charron.

Vers 1873, Joseph Sauvêtre vit à Angers et fréquente le petit patronage paroissial de la cathédrale Saint-Maurice initié par le jeune vicaire Ernest Jouin. Il profite des promenades dans la campagne environnante. Il prend part également aux petits spectacles organisés dans ce cadre, La Grammaire d’Eugène Labiche ou l’opérette Les Deux petits Savoyards de Nicolas Dalayrac et gardera ensuite un goût évident pour la mise en scène. Joseph Sauvêtre restera toute sa vie très lié à l’abbé Jouin. Ce dernier raconte, en 1918, l’anecdote suivante : « Je lui avais donné sa première leçon de latin et j'y mis une telle chaleur qu'il faillit s'en évanouir d'émotion. Je cessai du coup mes fonctions pédagogiques. Dès lors, je suis devenu le pourvoyeur des écoles des petits et des grands séminaires. »

De fait, l’abbé Jouin étant devenu en 1875 vicaire de l’église Saint-Etienne du Mont à Paris, il fait venir Joseph Sauvêtre au petit séminaire de Notre-Dame des Champs, dont il fut un des plus brillants élèves selon la presse. Il poursuivit ses études au séminaire Saint-Sulpice, toujours à Paris puis fut ordonné prêtre en 1885.

À ce moment, l’abbé Jouin est curé de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Le tout nouvel abbé Sauvêtre, qui n’a pas de fonction officielle, le rejoint et s’occupe notamment du catéchisme dans la paroisse.

Toujours sans attribution bien définie, Sauvêtre suit Ernest Jouin, nommé second vicaire de l’église Saint-Augustin à Paris (8e arr.) en août 1886. Ce n’est que cinq ans plus tard, en mars 1891, qu’il est à son tour vicaire à Saint-Augustin. Au départ de l’abbé Jouin en 1894, il se voit confier la direction du patronage paroissial, fondé par ce dernier et qui a pris une certaine ampleur.

Retrouvant une cure, celle de Saint-Médard (Paris, 5e arr.), Ernest Jouin fait de nouveau appel à son disciple, et obtient qu’il soit nommé, en juin 1895, second vicaire de sa nouvelle paroisse. Il se charge d’œuvres caritatives. Il met également en scène les pièces musicales produites par l’abbé Jouin, notamment La Nativité et La Passion, des mystères chantés qui jouissent d’une certaine réputation, malgré les réticences d’une partie de l’épiscopat. Après le départ de Jouin pour la cure de Saint-Augustin en 1898, Sauvêtre, resté à Saint-Médard, poursuit ses représentations et est nommé premier vicaire.

Quittant le centre intellectuel de Paris, l'abbé Sauvêtre est nommé curé à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis) en janvier 1907. L’archevêque de Paris, le cardinal Richard, décide de dédoubler certaines paroisses des quartiers populaires du département de la Seine : Montreuil, Asnières, Clichy et le quartier de Clignancourt à Paris (18e arr.) sont concernées. Sauvêtre devient ainsi le premier curé de l'église neuve Notre-Dame du Rosaire. Le quotidien socialiste L’Humanité, qui note cette nomination alors qu’il n’évoque pas habituellement les mouvements du clergé, fait remarquer que « la séparation a libéré l'évêque de l'obligation de demander une autorisation » pour faire cette modification des circonscriptions du culte catholique, ce qui était le cas jusqu’en 1905.

Dans sa nouvelle paroisse, l'abbé Sauvêtre s’efforce de promouvoir le « théâtre chrétien », moyen selon lui de concourir « au relèvement moral de la classe ouvrière ». Il ouvre, en novembre 1908 la salle Jeanne-d'Arc. Il y représente de nouveau en décembre 1909 puis en janvier 1911 La Nativité et en mars 1910 La Passion. Le quartier culturel Comoedia remarque en voyant La Passion en avril 1911 qu’il s’agit d’un « spectacle, d'amateurs, qui, avec des facilités de mise en scène bien utilisées, a été non sans raison applaudi. »

Il accueille aussi en février 1910 une pièce sociale de Noyal-Méricour, Notre pain quotidien, qui raconte les épisodes d'une grève ou, en mars 1912, Joseph, opéra biblique d’Étienne Mehul.

Joseph Sauvêtre s’implique également dans le domaine social. Il fait ouvrir une chapelle, dédiée au Sacré-Cœur de Cayenne, dans un quartier très populaire où vivent de nombreux cheminots. Il lance, en décembre 1913 dans le quotidien conservateur L’Univers un appel en faveur des habitants de « la zone » : « Là, vivent un millier de familles, sans autre abri que des baraquements dont se contenteraient à peine des animaux. Là, dans une promiscuité funeste, vivent des familles de huit et dix personnes. Là, des vieillards abandonnés attendent vainement leur admission dans quelque asile; là, des orphelins, sollicitent d'être recueillis ; là, des femmes chargées de quatre, cinq et six enfants, demandent du pain et des vêtements pour leurs pauvres petits ». Il appelle « les désœuvrés et les riches » qui « passent dans leurs équipages et automobiles pour aller au champ de course » à soulager ces « misères sans nom. »

Il préside en avril 1914 une réunion de propagande de la section de Saint-Ouen du syndicat des employés, pilier de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et encourage ses paroissiens à se syndiquer.

À suivre

L'abbé Sauvêtre, 1931

 

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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 00:01

Suite de la biographie d’Ernest Jouin

En reprenant, en 1920, la publication de la Revue internationale des sociétés secrètes (RISS), Mgr Ernest Jouin utilise le terme « judéo-maçonnerie ». Il participa, en 1928, au congrès de la Ligue anti-judéo-maçonnique.

Il publie notamment, en 1920, les Protocoles des sages de Sion, un faux qui sert de prétexte à la littérature antisémite pendant la période hitlérienne comme postérieurement. Ernest Jouin ne nie pas qu’il pourrait s’agir d’un faux, mais se contente d’affirmer que leur contenu est vrai : « La véracité des Protocoles nous dispense de tout autre argument touchant leur authenticité, elle en est l'irréfragable témoin. »

En avril 1924 le pape Pie XI lui confia le titre, honorifique, de protonotaire apostolique.

Une partie des écrits de Mgr Jouin furent réunis en quatre volumes entre 1920 et 1929 sous le titre Le Péril judéo-maçonnique. La RISS étant devenue après-guerre, une revue de référence des milieux catholiques intransigeants ou d’extrême droite, elle souleva l’intérêt des publications de gauche ou de la Ligue internationale contre l’antisémitisme.

Selon l’historien Stéphane François le savoir-faire issu de la RISS sera utilisé pendant la deuxième guerre mondiale, notamment par le Service des sociétés secrètes de Bernard Fäy, le Service de police de Jean Marquès-Rivière ou le Centre d’action et de documentation d’Henri Coston.

Sa postérité aliment également les théories complotistes. Ainsi, Ernest Jouin considérait l'assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche lors de l'attentat de Sarajevo le 28 juin 1914, un des évènements à l’origine de la première guerre mondiale, comme le fruit d’un complot préparé par des loges de francs-maçons. Il dénonça également une tentative d'infiltration maçonnique au Vatican dans l’entourage du pape Léon XIII.

Ernest Jouin meurt le 27 juin 1932 à Paris (8e arr.). Il était âgé de 87 ans, était entré dans les ordres depuis 70 ans et prêtre depuis 64 ans. Son hagiographe, le chanoine Sauvêtre, proposa en 1957 de le béatifier mais le processus n’alla pas plus loin.

Si l’ancien prêtre Joinvillais exerça une influence conséquente sur les extrémistes de l’époque, il reste encore aujourd’hui une référence pour certains complotistes ou pour des publications racistes, qui aiment à reproduire ses nombreux écrits.

Un Cercle Ernest Jouin fonctionna à partir de mars 1934. Il a pour président Jacques de Boistel, collaborateur de la RISS. En 1935, il s’entretient avec le président portugais Salazar de la dissolution de la franc-maçonnerie récemment promulguée par son gouvernement. Il publie, en janvier 1943, La Judéo-maçonnerie et les événements contemporains.

La RISS parut jusqu’en 1939. Une partie de ses contenus est rééditée à diverses reprises. Au début du 21e siècle, la diffusion des œuvres de l’abbé Jouin reste significative tandis que l’influence de la RISS est toujours notable sur les thèses complotistes contemporaines. Elle a été rééditée par les éditions Saint-Rémi.

Fin

 

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8 juillet 2020 3 08 /07 /juillet /2020 00:01

Suite de la biographie d’Ernest Jouin

Si est Ernest Jouin est resté dans les mémoires, c’est pour avoir fondé en 1912 une revue antimaçonnique, la Revue internationale des sociétés secrètes (RISS), qu’il a dirigée jusqu’à son décès en juin 1932.

Son engagement dans la lutte contre les francs-maçons serait, selon Joseph Sauvêtre, consécutif à une discussion, en 1909, avec Jean-Baptiste Bidegain, ancien dignitaire du Grand-Orient de France, qui était devenu un farouche opposant à la franc-maçonnerie et exhortait Jouin à la « détruire » en composant « un roman dans le genre populaire du Juif errant », faisant allusion au livre d’Eugène Sue qui attaquait vivement les jésuites.

Pour pouvoir faire la lumière sur le « péril maçonnique », l’abbé décida de se constituer une importante bibliothèque. Il estima plus intéressant, plutôt que de faire œuvre romanesque, de publier une revue scientifique, s’appuyant sur sa documentation.

La RISS, fut d’abord mensuelle puis bimensuelle. Fondée dans le but de continuer le combat antimaçonnique, elle accueille 1928 à 1933 un deuxième volume rose, s’intéressant à l’occultisme et aux sociétés secrètes. Chaque numéro était volumineux, avec 250 à 300 pages. Le tirage, très faible, n’empêcha pas une forte influence dans certains milieux catholiques et d’extrême-droite.

Le quotidien antisémite La Libre Parole d’Édouard Drumont et le journal royaliste L’Action française, de Charles Maurras, saluèrent cette parution. La Croix souhaita également « bon succès » à la revue. Le journal catholique soutint en octobre 1913 les positions de la RISS quant à la soi-disant véracité de crimes rituels imputés aux Juifs.

En 1913, Ernest Jouin fondait également la Ligue Franc-catholique, dont la RISS devenait l’organe de presse. Il entend regrouper « les défenseurs de la Foi contre la collusion des Juifs et des Maçons, cette formidable armée lancée par l'Enfer contre le Christ et les siens ». Il tenta de monter une fédération avec d’autres mouvements aux buts comparables, l’Association antimaçonnique de France, de l'abbé Tourmentin et Ligue française antimaçonnique du commandant de Fraville, mais échoua dans cette construction.

Pendant la première guerre mondiale, l’abbé Jouin installa, en partie à ses frais, un hôpital provisoire dans sa paroisse, dénommé ambulance 139. Près de 1 300 soldats blessés y furent accueillis.

Si la parution de la RISS est interrompue par la guerre, Jouin poursuivait son offensive idéologique, construisant en particulier une relation entre juifs, protestants et francs-maçons. Il publie en 1917 un opuscule, traitant en parallèle Le Quatrocentenaire de Luther et le bicentenaire de la franc-maçonnerie, et un autre, la même année sur Lourdes, la guerre et Bernadette, consacré à Bernadette Soubirous.

Le pape Benoît XV l'élève, à l’occasion du jubilé cinquantenaire de son entrée en religion en mars 1918, à la dignité de la prélat romain, ce qui l’autorise à se faire appeler Monseigneur, bien qu’il n’ait pas été nommé évêque. Pendant ces noces d'or, le RP Hébert des Frères Prêcheurs, se félicitait des œuvres sociales de l’abbé Jouin et notamment du « patronage Saint-Augustin, prospère après vingt-huit ans d'existence et auquel l'acquisition d'une maison de vacances à par Chaville, donnait, encore, un nouveau développement ». Il concluait : « Personne n'est moins mondain que ce curé d'une paroisse mondaine. »

A suivre

 

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6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 00:01

Suite de la biographie d’Ernest Jouin

L’abbé Ernest Jouin, exfiltré de la cure de Joinville-le-Pont, est nommé second vicaire de église Saint-Augustin à Paris (8e arr.) en août 1886.

Il entreprit la rédaction de ses Explications logiques du Catéchisme, premier de ses nombreux essais. Il réalise également, en compagnie de l’abbé Joseph Sauvêtre, un voyage, au pas de course, en Scandinavie.

Devenu premier vicaire, l’abbé Jouin se lance également dans l’écriture de pièces chantées, en commençant par La Nativité (1893), pour laquelle il emprunte des musiques à Grieg, Berlioz ou Gounod notamment.

En l’abbé Jouin 1894, est de nouveau nommé curé, à l’église Saint-Médard (5e arr.), retrouvant ainsi le quartier latin de Paris. Il appelle à ses côtés l'abbé Joseph Sauvêtre, qui l’avait déjà suivi précédemment comme vicaire de Saint-Augustin et est, selon Le Figaro (1895/06/26), « le plus intelligent et le plus zélé des auxiliaires. »

C’est au cours d’une représentation de la Nativité en février 1895 à la salle des fêtes de Saint-Pierre de Chaillot (Paris, 16e arr.) que Mgr François Désiré Mathieu, évêque d'Angers, le nomme au chapitre de sa cathédrale à titre honorifique. La presse remarque qu’il « est assez rare de voir un évêque créer un prêtre chanoine sur les planches d'un théâtre ». En septembre la même année, Mgr Michel André Latty, évêque de Châlons (act. Châlons-en-Champagne, Marne), lui attribue la même distinction pour son propre diocèse.

Dans sa paroisse, il fonde, avec l’abbé Bossard, un patronage, qu’il emmène dans des randonnées en forêt et en montagne, y compris sur le Mont-Blanc. Il obtient l’installation d’une nouvelle maison des Servantes des pauvres, toujours sous l’autorité de mère Agnès. Comme celle de Joinville, c’est l’abbé Jouin qui en assume la charge. Se montrant souvent fort généreux, il dispose manifestement de ressources importantes dont même l'abbé Sauvêtre ignore l’origine. Il subventionne, par exemple, des fouilles archéologiques à Éphèse et la publication des six premiers volumes du Recueil des écrivains chrétiens orientaux, devenu ensuite une vaste œuvre scientifique.

En décembre 1898, après avoir cru qu’il serait nommé évêque du Mans, l'abbé Jouin, retourne à Saint-Augustin où il est cette fois nommé curé. Il ne quittera plus ce poste, où il restera en fonction pendant 34 ans ce qui, ajouté aux huit années de vicariat, fait qu’il aura séjourné 42 ans dans ladite paroisse. Un de ses collègues, l'abbé Schuster, remarquera en 1917 que « Saint-Augustin est le fief des curés décapités. »

Poursuivant la rédaction de ses spectacles édifiants, Ernest Jouin produit Notre-Dame de Lourdes (oratorio, musique d’Alexandre Georges, 1900), La Passion (musique d’A. Georges, 1902, version augmentée en 1906), Clotilde (1907), Bernadette (1908) et Jeanne d'Arc (musique d’A. Vivet, 1909). Seules La Nativité et La Passion eurent une diffusion importante.

On lit dans Notre-Dame de Lourdes :

Quelle est l'âme

Dont la flamme

A le parfum de l'encensoir ;

Si limpide,

Si candide

Que la Vierge descend la voir ?

Parallèlement, le chanoine Jouin lance la publication d’une revue mensuelle, Le Catéchisme, qui paraît de 1900 à 1908. Il est fait une fois de plus chanoine honoraire, de la cathédrale de Paris cette fois, en 1905.

L'abbé Jouin voulut combattre le modernisme, porté notamment par Alfred Loisy, en s’appuyant sur l'autorité des Pères de l'Église. Il tenta de mobiliser un groupe de prêtres parisiens autour de ce projet, qui resta inabouti.

Au début du XIXe siècle, le curé de Saint-Augustin est un des plus farouches opposants à la séparation de l’église et de l’État, mise en œuvre par la loi du 9 décembre 1905. Lors de l’inventaire des biens de l’église Saint-Augustin, réalisé en application de cette loi le 31 janvier 1906, l’abbé Jouin convoqua une « messe de deuil » et à l’instigation de son clergé, l’inspecteur en charge de cette opération fut empêché d’entrer dans la sacristie. S’adressant à ses paroissiens il leur déclare « Vous êtes la paroisse sous les armes (…) notre protestation est pacifique, mais je sais maintenant que, s'il faut demain une protestation plus énergique, vous serez là. »

Il met en place une « garde de l’église », se réservant pour lui la nuit et s'étant installé pour ce faire dans une des tours de l'église. Elle fonctionne pendant quatre mois. L’inventaire fut cependant fait en novembre et l’attitude du curé de Saint-Augustin lui valut d’être un des trois curés parisiens inculpé par un juge d’instruction en décembre 1906. Il convoque, le 12 décembre, une nouvelle « messe de deuil » qu’il appelle par un texte qui se finit comme ceci : « il faut que notre deuil, si triste et si profond qu'il puisse être, soit un deuil armé. Garder la foi ne suffit plus, nous devons la défendre. »

Il comparut le 12 avril 1907 devant la 9e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Il assura que par armes, il entendait « les armures de la vérité et de la foi ». Défendu par Me Danet, il fut condamné à 16 francs d'amende, mais le verdict qualifiait également la loi de 1905 comme étant « d'exception exorbitante », ce qu’il présenta comme une victoire.

Ernest Jouin publia en 1921 un essai intitulé La Judéo-maçonnerie et la loi de séparation.

Comme à Joinville et à Saint-Médard, l’abbé Jouin recrute les Servantes des pauvres, qui s’implantent une fois encore avec pour supérieur la mère Agnès.

À suivre

 

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4 juillet 2020 6 04 /07 /juillet /2020 00:01

Suite de la biographie d’Ernest Jouin

L’évêque d’Angers ayant accepté le départ d’Ernest Jouin pour Paris, il devient en 1875 vicaire de Saint-Étienne-du-Mont, église paroissiale de la montagne Sainte-Geneviève (5e arr.). C’est un quartier estudiantin, avec la Sorbonne, l’école Polytechnique, la faculté de droit ou le collège de France, ainsi que cinq collèges ou lycées. Deux années plus tard, il est chapelain de la basilique Sainte-Geneviève, toute voisine, où il se charge de prédication, tout en reprenant des études théologiques, qui lui permettront, en septembre 1879, d’obtenir le grade de maître en théologie et le diplôme de docteur, délivré à l’abbaye de Flavigny. La basilique devait être désacralisée et redevenir le Panthéon en 1880.

Atteint d’une pleurésie, l’abbé Jouin était en ce qui le concerne parti en convalescence à Arcachon (Gironde), où il assume quelques fonctions au sein de l’église Saint-Ferdinand pendant un séjour de 18 mois. De retour à Paris début 1882, L’abbé Jouin est nommé curé de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) en juillet.

Il prend la succession de l’abbé Georges Moreau (1842-1897), prêtre et essayiste, qui allait ensuite, en tant qu’aumônier en prison acquérir une certaine réputation en affichant son opposition à la peine de mort et aux mauvais traitements dont étaient victimes les prisonniers. Le nouveau curé rejoint une paroisse récente, puisque créée en 1860. Il n’a probablement pas de vicaire, mais un de ses anciens élèves du patronage d’Angers, l’abbé Joseph Sauvêtre, vient le rejoindre, sans fonction officielle. Il restera son ami pendant toute sa vie et sera son biographe.

À Joinville-le-Pont, Ernest Jouin a affaire à plusieurs élus républicains et radicaux, comme le maire, Gabriel Pinson, le restaurateur Honoré Jullien ou Jules-Ferdinand Baulard, ancien ouvrier devenu industriel, un temps communard et ardent défenseur de la cause laïque. Conseiller municipal de Joinville depuis 1881, ce dernier devint conseiller général de Charenton en 1884, puis député en 1889. Les relations virent à la confrontation.

Le nouveau curé hérite d’un conflit, provoqué par un contrôle, en 1881, des comptes du conseil de fabrique qui gère les fonds de la paroisse par le secrétaire général de la mairie, Fontaine. Les élus municipaux trouvaient que les recettes des pompes funèbres, perçues par le prêtre, responsable de la morgue municipale, étaient maigres. L’audit établit qu’il manquait à l’appel 1 200 francs. Le curé répondit qu’il avait mis cette somme dans sa poche, « ainsi que ça se fait toujours ». Il refusa de reverser les fonds ; l’archevêque de Paris assura qu’il n’avait fait que « suivre un usage ancien commun aux paroisses suburbaines ». En conséquence de ce refus, la municipalité décida de supprimer l’indemnité de logement versée au prêtre, qui ne disposait pas d’un presbytère. Dans un souci d’apaisement, l’archevêque nomma, en juin 1882, l'abbé Moreau aumônier de l'hôpital militaire Beaujon à Paris.

Plutôt que de chercher la conciliation, l’abbé Jouin va se lancer dans un combat juridique épique, transformant son bureau en un cabinet de conseil. L’affaire des recettes des pompes funèbres sera clôturée par une lettre du ministère de l’intérieur et des cultes de mars 1884 : « il y a lieu de prendre acte de l’aveu de M. l’Archevêque qui reconnaît qu’une bonne comptabilité ne saurait admettre cet usage ». Cependant, l’administration conclut : « mais la restitution des sommes perçues soulèverait de nombreuses difficultés ». Par contre, plusieurs questions connexes occuperont les tribunaux parisiens.

À la demande du conseil municipal, le ministre décide de dissoudre en février 1885 le conseil de fabrique qui, outre le curé et le maire, membres de droit, comprend des deux délégués du préfet et trois personnes nommées par l’archevêque. Un nouveau conseil doit être composé et le préfet nomme sur proposition du maire, deux francs-maçons notoires, Jules Ferdinand Baulard et Honoré Jullien, tandis que l’archevêque tarde à nommer ses remplaçants. Ayant à faire approuver le budget, le curé convoque, en avril, le maire et les membres de l’ancien conseil révoqué. Mais le maire, Gabriel Pinson, vient avec les nouveaux désignés. La séance se termine par des cris et des échauffourées, qui l’amènent à porter plainte pour avoir été jeté à terre. Lors du premier procès en juillet 1885, Jules Ferdinand Baulard indiquera que les membres révoqués les ont traités de « canailles, libres-penseurs, francs-maçons, buveurs d'absinthe et de vermouth » tandis que l’abbé Jouin assure que le maire a qualifié ses supporteurs de misérables et de voleurs.

Un des fabriciens est condamné en première instance à six jours de prison, peine commuée en appel en novembre en 16 francs d’amende. Après cassation en janvier, ils écopent tous de 25 francs d’amende en février 1886. En dernière instance, le conseil d’État confirme les peines, la révocation des membres du conseil et la qualification de « rébellion contre la loi » de leur attitude.

Pendant les péripéties judiciaires, l’abbé Jouin avait diffusé une Lettre aux paroissiens, tandis que le conseil municipal répliquait en diffusant le courrier du préfet révoquant le conseil de fabrique, dont les anciens membres publiaient une Lettre à la population dénonçant des « cabales montées par M. le maire à tous les carrefours de la commune » et « un parti prix haineux. »

À côté de son combat contre les autorités municipales, l’abbé Jouin obtient l’installation, en novembre 1883, d’une communauté de Servantes des pauvres, venues d’Angers, sous la conduite de mère Agnès (Modeste Bondu). Les trois premières sœurs, en plus de leur fonction de garde-malades, auraient obtenu des conversions : « des agnostiques, une protestante, des juifs, un franc-maçon » selon le biographe d’Ernest Jouin.

Il est également proche des sœurs Céleste et Caroline Amiel, issues d’une famille qui a compté plusieurs conseillers municipaux et un célèbre peintre portraitiste. Elles font don à la paroisse d’une maison, devenue le presbytère.

Manifestement inquiet de la tournure prise par l’affrontement politique entre le curé et les élus, l’archevêque tente de convaincre l’abbé Jouin de demander son déplacement. Il finit par décider de le nommer vicaire de l’église Saint-Augustin à Paris en juillet 1886. Une pétition, diffusée en particulier par les sœurs Servantes des pauvres et les demoiselles Amiel et qui aurait eu 900 signatures, avait demandé son maintien.

Commentant, en 1917, son départ de Joinville, l’abbé Jouin l’interpréta ainsi : « Je fus chassé par une municipalité franc-maçonne pour avoir fondé les sœurs Servantes des pauvres. »

À suivre

Le cardinal Dubois et Ernest Jouin en 1928

 

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