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28 septembre 2023 4 28 /09 /septembre /2023 01:01

Jean Simon Guillet naît le 28 octobre 1757 à Paris. Il est le fils d’Élisabeth Florence Thoury et de son époux, Clément Guillet.

En juillet 1781 Paris, Jean Simon Guillet épouse Élisabeth Florence Thoury en l’église Saint-Gervais (4e arr.).

Pendant la révolution française, il obtient en août 1792 une carte de sûreté délivrée par les autorités de police, mentionnant qu’il réside rue du faubourg Saint-Denis et qu’il est danseur à l'Opéra.

Serait-ce lui qui serait évoqué dans le livre de A. Lardier, Histoire des pontons et prisons d'Angleterre pendant la guerre du Consulat et de l'Empire (1845) ? Guillet, officier français prisonnier en Angleterre, présenté comme maître d’armes et de danse, s’échappe avec trois de ses compagnons en bateau.

La première pièce signée du nom de Guillet est un opéra-comique en un acte, intitulé Henriette et Verseuil, présenté en août 1803 et dont la musique est signée par Jean-Pierre Solié. La Gazette nationale assure que l’œuvre « n’a eu qu’un faible succès » mais y voit « le début d’un jeune homme » qui donne « l’espérance de le voir mieux faire ». Pour le Journal de Paris, qui fait une longue description de l’histoire, « L'intrigue de la pièce n’est pas très-forte ». Mais il assure que l’auteur du livret a été réclamé par le public et que celui de la musique a été vivement applaudi.

Un nouvel opéra-comique en un acte, Un Quart d’heure de silence, avec une partition de Pierre Gaveaux, est publié en juin 1804. Le Journal de Paris y voit « une attaque directe contre le beau sexe » et se montre très réservé, au contraire du public dont il juge qu’il « a eu l’indignité d'applaudir ». Pour son rédacteur, dans la pièce, « Rien de tout cela n’est mauvais, sans doute ; mais, s'il faut dire la vérité, tout en est complètement médiocre. » Il cite quelques vers :

Qu’une femme parle sans langue,

Et fasse même une harangue,

Je le crois bien.

Qu’ayant une langue, au contraire,

Une femme puisse se taire,

Je n’en crois rien.

En tant que danseur, Jean Simon Guillet se produit à l’Académie Royale de Musique, dont la salle est désignée comme l’Opéra. Il interprète ainsi en 1806 une Iphigénie en Tauride (celle de Gluck ou celle de Piccini sans doute) et La Dansomanie, ballet-pantomime de Pierre Gardel, musique de Méhul. Suivent en 1807 Les Prétendus, ballet sur un livret de Marc-Antoine-Jacques Rochon de Chabannes et Ulysse, ballet de Louis Milon, musique de Louis Luc Loiseau de Persuis.

On retrouve en 1812 Guillet sur la même scène pour La Caravane du Caire de Grétry, Les Noces de Gamache, ballet-pantomime de Milon, musique de François-Charlemagne Lefebvre. Il danse pour L’Enfant prodigue de Pierre Gardel l’année suivante.

Devenu professeur de danse pour la troupe de l’Opéra, Guillet adapte une farce musicale de Domenico Cimarosa, I Nemici Generosi, et la présente au Théâtre de l’Impératrice à Paris en 1813.

On retrouve de nouveau Guillet dansant en 1814 Ulysse et se produisant dans un autre ballet de Louis Milon, sur une musique d’Henri-Montan Berton, L’enlèvement des Sabines. Il réalise trois divertissements pour la comédie-ballet de Florent Carton Dancourt, qui est à l’affiche du Théâtre de l'Odéon en novembre 1814. Selon la Gazette de France, ce sont les ajouts de Guillet qui contribuent au succès de la reprise de cette pièce, qui datait de 1700.

En 1815, le Mercure de France remarque les élèves de M. Guillet « ont attiré la foule » lors de la relance du Théâtre de l’Odéon. Le fait d’avoir eu pour maître Guillet est souvent mentionné dans la presse, notamment lors des premières de danseuses.

La même année, Guillet se produit dans Œdipe à Colone d’Antonio Sacchini et dans Le Devin du village, intermède de Jean-Jacques Rousseau.

Désormais maître de ballets, conjointement avec un autre ancien premier danseur à l’Opéra et lui aussi maître des ballets, Baptiste Petit, Guillet programme la saison 1819 du Théâtre du Roi à Paris. Ils incluent deux ballets de Pierre Gardel, Paul et Virginie puis Télémaque ainsi que Zéphyr, ballet de de Louis Duport. Ils donnent également leur opus commun, Le Marchand d’Esclaves ou la Fête au Sérail.

En 1826, Guillet, à presque 70 ans, est encore maître des ballets du Théâtre de l’Opéra-Comique. Il prend la succession, en août, de Paul Maximien, décédé, comme maître des petits ballets de Feydeau et du théâtre royal Italien.

Vivant jusqu’ici à Paris (3e arr.) rue Sainte Anastase, Jean Simon Guillet cesse son activité puis quitte la capitale après le décès de son épouse en janvier 1829. Il s’installe, en compagnie de sa fille Élisabeth Clémentine, à Saint-Mandé (Seine, act. Val-de-Marne), Grande-Rue où il est recensé en 1836. Puis il rejoint la commune proche de Joinville-le-Pont, dans le quartier agricole de Polangis, chez son fils Pierre Gustave.

Jean Simon Guillet meurt le 20 mai 1839 à Joinville-le-Pont. Il était âgé de 81 ans et père de quatre enfants. Son décès est déclaré par son fils, Pierre Gustave, exploitant de la ferme de Polangis et par son petit-fils, Antoine Robin, marchand de bois.

Parmi ses œuvres figurent au moins quatre opéras-comiques, Henriette et Verseuil, Un Quart d’heure de silence, Le Marchand d’Esclaves ou la Fête au Sérail, Le Cerisier.

 

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26 septembre 2023 2 26 /09 /septembre /2023 01:01

Henri Adolphe Louis Laurent naît le 15 décembre 1830 à Valenciennes (Nord). Il est le fils de Rose Alexandrine Dauchy et de son mari, Philippe Louis Laurent, marchands épiciers. Son père meurt quand il a tout juste un an. Sa mère, fille de cultivateurs, qui a quatre enfants, se remarie avec Jean Baptiste Victor Wacheux.

En 1857, Henri Laurent est employé au ministère de la guerre à Paris. Il vit rue de l’Université (7e arr.). Il épouse dans cet arrondissement, dans l’église Saint-Pierre du Gros-Caillou, Lydie Adèle Desrousseaux, d’origine normande, qui suit des cours de peinture. Lui-même va étudier ledit art auprès de Joseph (Giuseppe) Palizzi (1812-1888), artiste d’une famille italienne de quatre peintres. Il a également pour maîtres les français Ernest Hébert (1817-1908) et Alexandre Defaux (1826-1900), un des membres de l'École de Barbizon.

Le couple d’Henri et Lydie Laurent séjourne en 1862 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), probablement dans l’hôtel tenu Alphonse Demeestère, situé quai Beaubourg. C’est une personnalité politique locale, président du comité radical-socialiste de la circonscription, très influent, conseiller municipal de sa commune et militant dans les groupes de libre-pensée. C’est dans cet établissement que naît en juillet leur fils Henri Alphonse Louis.

Ils partagent un atelier d’abord rue de Grammont à Paris (2e arr.), puis rue Lamartine (9e arr.) et enfin, à partir de 1879, rue Hippolyte-Lebas, dans le même arrondissement où il restera jusqu’à la fin de sa vie.

Son épouse signait avant son mariage Lydie Desrousseaux ; elle prend l’identité de Lydie Laurent puis Lydie Laurent-Desrousseaux. Elle présente ses œuvres depuis 1857 au Salon de peinture et de sculpture de Paris. Henri Laurent commence à présenter ses œuvres au même salon à partir de 1866, avec des Moutons aux champs. Il donne en 1868 la Falaise de Saint-Valery-sur-Somme. En 1878 il présente Dans la forêt de Dourdan (Seine-et- Oise). Le Chemin de Tracy à Fontenailles (Calvados) en 1879 lui vaut une récompense sous forme de mention honorable. Il accroche en 1880 La mare de Guédone (Seine-et-Oise). Le Moulin de Chantemilare, figure dans les collections du musée des Beaux-Arts de Bordeaux. L’Académie des beaux-arts luis accorde une mention lors de l’attribution du prix Troyon en septembre 1883 à Adolphe Marais. Il présente ensuite des paysages jusqu’en 1885, recevant une nouvelle mention honorable ; il cesse ensuite d’exposer.

Il devient fin 1884 le caissier principal de l'Académie nationale de musique, qui gère l’Opéra de Paris. Il est embauché par Pedro Gailhard (1848-1918), artiste lyrique, directeur de 1884 à 1891 puis de 1893 à 1907. Il exercera la fonction pendant 15 ans.

Henri Laurent meurt le 24 juillet 1900 à Valmondois (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise), alors qu’il séjournait chez son fils. Les journaux assurent qu’il a été victime « d'une longue maladie ». Le Journal le qualifie de « vieux et fidèle serviteur de l’Opéra ». La cérémonie funéraire a lieu en l'église Notre-Dame de Lorette (Paris, 9e arr.), puis il est inhumé au cimetière de Montparnasse (14e arr.). Il était âgé de 69 ans.

Son fils, Henri (1862-1906), artiste peintre, céramiste et illustrateur, signe Henri Laurent-Desrousseaux, sans doute pour éviter la confusion avec son père.

Voir aussi Henri Laurent-Desrousseaux : transparence inouïe

Œuvre d’Henri Laurent

 

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24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 01:01

Lydie Desrousseaux naît le 29 août 1836 à Cherbourg (act. Cherbourg-en-Cotentin, Manche). Elle est la fille de Joséphine Lydie Desrousseaux et de Joseph Alphonse Desrousseaux, mariés en janvier 1831 à Rio de Janeiro (Brésil), qui vivent rue du Val-de-Saire.

Ses parents sont tous deux originaires de l’est, issus de familles très nombreuses et apparentées, sa mère étant la nièce de son père. Celle-ci est native en 1805 de Sarrelouis, alors dans le département français de la Moselle (act. Sarre, Allemagne) ; le second a vu le jour en 1789 à Sedan (act. Ardennes). Ils se sont établis en Normandie, son procréateur étant officier de marine ; ils se sont mariés en janvier 1831 à Rio de Janeiro (Brésil). Son père a été commandant des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon puis du port de Marseille (Bouches-du-Rhône). C’est dans cette ville qu’il meurt en novembre 1849 ; Lydie a 13 ans. Il était officier de la Légion d’honneur. Le frère aîné de Lydie, Charles Desrousseaux (1833-1863), enseigne de vaisseau, meurt à La Havane (Cuba).

Vivant à Paris (7e arr.), rue de l'Université, Lydie Desrousseaux suit les cours de peintures d’Hippolyte Lazerges (1817-1887), diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts, peintre et compositeur, qui sera ultérieurement un des fondateurs, avec Joseph Sintès, de l’école orientaliste d’Alger. Elle est également élève de Léon Cogniet (1794-1880), peintre et lithographe romantique, professeur de peinture à l'École des Beaux-Arts de Paris.

Henri Adolphe Louis Laurent, employé au ministère de la guerre, et Lydie Adèle Desrousseaux se marient à Paris (7e arr.) en janvier 1857, dans l’église Saint-Pierre du Gros Caillou. Lui va également entamer une carrière de peintre, elle-même utilisant désormais le patronyme de Laurent puis, ultérieurement, de Laurent-Desrousseaux, au moins à partir de 1876.

Les premières œuvre, signées Lydie Laurent, sont exposées lors du Salon de peinture et de sculpture de Paris en 1857. Elle y présente deux portraits, dont un pastel. Elle accroche un d’autre portraits en 1857 et 1859. L’Intérieur de Ferme, qui est figure dans l’édition de 1861 de la même manifestation, est présenté par Alfred Darcel comme un « pittoresque assemblage de masures basses, que recouvrent des chaumes plaqués de mousses ». Mais il s’interroge sur l’absence de couleur : « À quoi bon employer le crayon noir pour être gris ? »

Le couple d’Henri et Lydie Laurent séjourne en 1862 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), probablement dans l’hôtel tenu Alphonse Demeestère, situé quai Beaubourg. C’est une personnalité politique locale, président du comité radical-socialiste de la circonscription, très influent, conseiller municipal de sa commune et militant dans les groupes de libre-pensée. C’est dans cet établissement que naît en juillet leur fils Henri Alphonse Louis.

À partir de 1866, les deux époux vont se retrouver à confier des œuvres au Salon. En 1866, elle donne une Vierge aux donateurs, d'après Van Dyck. Elle revient en 1869 avec une Descente de croix.

Ayant installé son atelier d’abord rue de Grammont à Paris (2e arr.), puis rue Lamartine (9e arr.) et enfin, à partir de 1879, rue Hippolyte-Lebas, dans le même arrondissement, elle revient très régulièrement au Salon. En 1876, on y voit Convalescence et La moulière de Villerville (Calvados). Elle confie en 1877 A l'abri et Inquiétude. Pendant l’édition 1879, on voit Pêcheuse de moules et Sur la falaise. Les Vaneuses de Saint-Briac (Côtes-du-Nord) sont accrochées en 1880.

Le Salon de Paris accueille en 1886 La leçon de tricot, tandis que la même année elle présente à Reims des Raccommodeuses de filets. De nouveau à Paris on retrouve en 1887 À quoi pense-t-elle ? et en 1888 Tendresse maternelle, que le Journal des artistes juge « supérieurement traité ». Il lui vaut pour la première fois une récompense, sous la forme d’une mention honorable.

Ayant reproduit La Lecture du journal (ou Le petit journal), qu’elle a accroché en 1889, l’hebdomadaire Le Monde illustré assure : « Nous sommes trop heureux de voir que les arts comptent une femme de talent de plus ». Elle livre en 1891 Visite à grand-mère puis en 1894 Portrait de M. A. Enfin, quatre pastels sont transmis en 1895.

Lydie Laurent-Desrousseaux meurt le 23 janvier 1914 à Paris (9e arr.), dans son domicile de la rue Hippolyte-Lebas. Elle était âgée de 77 ans, veuve depuis 1888  et mère d’un enfant.

Une partie de ses tableaux sont vendus aux enchères par sa belle-fille le 6 avril 1914 à l'hôtel Drouot à Paris. Son fils, Henri (1862-1906), artiste peintre, céramiste et illustrateur, signe Henri Laurent-Desrousseaux, sans doute pour éviter la confusion avec son père, Henri Laurent.

Voir aussi Henri Laurent-Desrousseaux : transparence inouïe

Lydie Laurent-Desrousseaux : À la ferme

 

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20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 01:01

Bernard Marie Joseph Thorel naît le 10 août 1905 à Pontlevoy (Loir-et-Cher). Il est le fils de Marie Josèphe Geneviève Madeleine Sausse et de son époux Philippe Charles Louis Thorel.

Il est le deuxième des huit enfants du couple et le premier garçon. La famille est installée en 1911 à Courbevoie (Seine, act. Hauts-de-Seine), où son père est assureur. Il meurt en février 1920, Bernard ayant 14 ans.

Bien que fils aîné d’une veuve, ce qui aurait pu lui valoir une dispense de service militaire, Bernard Thorel passe en 1925 le concours pour devenir élève-officier. Alors soldat au 24e régiment d’infanterie, il est reçu et devient sous-lieutenant. Il effectue probablement sa période dans l’armée au sein de l’École normale de gymnastique et d’escrime qui devient en décembre 1925, l’École supérieure d’éducation physique. Basée à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), dans le Bois de Vincennes, elle est rattachée, comme la totalité du Bois en avril 1929 à la ville de Paris. Thorel est nommé lieutenant de réserve en mai 1930.

Engagé dans le mouvement scout, Bernard Thorel, alias Ours des Neiges, est l’un des fondateurs en 1923 de la troupe de L’Île-Saint-Denis avec André Linsi. Il est aussi en mars 1926 le chef de la troupe dite 1re Cuts. En sommeil une partie de l’année, elle se réunit dans l’Oise avec d’autres troupes au Camp de Vieux-Moulin. En janvier 1931, Bernard Thorel crée une nouvelle troupe à Joinville-le-Pont. Il est breveté du centre de formation du scoutisme en France, qui fonctionne au château de Chamarande (Seine-et-Oise, act. Essonne).

Après avoir quitté l’armée, Bernard Thorel entreprend en 1932 des études à la Faculté de théologie de l'Institut catholique de Paris. Il est reçu au baccalauréat en 1933 et obtient cette même année des certificats de grec biblique et d'hébreu. Il reçoit, avec mention honorable, le diplôme d'études supérieures de philosophie en novembre 1934. Sa thèse, présentée en Sorbonne, est consacrée au fondateur du mouvement de jeunesse : Le scoutisme de lord Baden-Powell, méthode et vie ; elle est éditée en 1935, avec une préface d’Albert Millot, professeur de philosophie au lycée Louis-le-Grand (Paris).

Ayant connu un important développement, en passant de 10 000 scouts en France en 1920 à 72 700 en 1937, le scoutisme commence à faire l’objet de l’attention des chercheurs. Pour l’hebdomadaire Sept, Thorel montre « la cohérence et le réalisme » du scoutisme français (décembre 1936). Le quotidien catholique La Croix salue « une recherche en profondeur pour l’expliquer, une pensée qui cherche à définir une vie (décembre 1936). Thorel soutient que « l'unité profonde du scoutisme doit être recherchée dans la vie même du Chef-Scout Baden-Powell, colonial et chevalier » selon Les Essais catholiques (octobre 1938). Dans la Revue dominicaine, Ceslas Forest, résume l’ouvrage : « Le scoutisme a pour but de faire d’abord, de la génération de demain, une génération d'hommes sains et forts (…) Le but ? Nous allons dire immédiatement que c’est le service du prochain et l’accomplissement de notre devoir de citoyen. »

Ultérieurement, la thèse de Thorel a servi de référence. Émile Poulat, dans les Archives de Sciences Sociales des Religions, oppose Bernard Thorel, apologiste du scoutisme, à ses adversaires au sein de l’église catholique à son origine (1995). Dans un mémoire de master, Manon Radiguet de la Bastaïe, assure que Thorel précise les principes pédagogiques du scoutisme : le service du prochain, la progression personnelle (2018).

Thorel est également licencié en décembre 1936, toujours à l'Institut catholique.

Pendant son cursus à la Catho de Paris, Bernard Thorel est ordonné prêtre catholique en avril 1935 au séminaire des Carmes, implanté au sein de l’établissement rue d’Assas à Paris (6e arr.). Il est nommé préfet de division au collège Saint-Jean de Passy, institution privée catholique rue Raynouard, dans le 16e arrondissement de Paris. D’abord en charge de la quatrième puis de la première division, il devient préfet des sports en 1937. Pour l’historien du lycée, Jacques Houssain, il donne à cette fonction une « vigoureuse impulsion, organisant entre-autres un camp de neige dans le Jura » (2015). Dans l’hebdomadaire Benjamin, l’abbé Thorel reconnait que l’institution était très en retard en matière d’éducation physique et assure mettre « les bouchées doubles ou même triples » (janvier 1939).

S’il n’est plus directement dans le scoutisme, Bernard Thorel est cependant nommé chef de troupe honoraire en juillet 1936. Il est également nommé aumônier du clan Charles de Foucauld, qui regroupe des scouts de l’école militaire de Saint-Cyr.

Pendant la deuxième guerre mondiale, le lieutenant Bernard Thorel est aumônier des prisonniers de guerre de l’Oflag X-D, situé à Fischbek, un quartier de l’arrondissement de Hambourg-Harbourg (Allemagne). Sa « valise chapelle » est déposée au Musée de la Libération de Paris (14e arr.). Elle lui avait été offerte par Mgr Léon-Albert Terrier, évêque de Tarentaise et expédiée en 1940 par Jean Rodhain, de l’Aumônerie des prisonniers de guerre de l’église catholique à Paris. Elle porte une étiquette : « Que ma peine d'aujourd'hui comme votre sacrifice, Seigneur, serve à la libération de tous mes frères. »

Établi en mai 1941, l'Oflag X-D a été le lieu de l’invention d’un réchaud de fortune par un officier polonais, baptisé « choubinette » par des officiers belges. En juin et juillet 1942, des prisonniers français organisent une kermesse au profit du Secours national, distributeur des secours en temps de guerre. Pendant un mois, on y organise musique, théâtre, sport, jeux scouts, ventes aux enchères… Le camp est libéré en mai 1945 par les troupes britanniques.

Après son retour de captivité, Bernard Thorel reprend sa fonction de préfet des sports à Saint-Jean de Passy. Il l’exerce jusqu’en 1947. Dans la réserve de l’armée de terre, il est promu capitaine en septembre 1949.

Est-ce lui le « Bernard Thorel, directeur de colonies de vacances » qui est victime, le 22 juillet 1946, d’un accident près de Forbach ? Un autocar transportant une vingtaine d’enfants français s’est écrasé dans un ravin d’une trentaine de mètres, dans la vallée de Ia Murg, causant la mort de trois enfants. Sept autres sont blessés et, comme quatre accompagnateurs adultes, transportés à l’hôpital militaire de Baden-Baden.

Bernard Marie Joseph Thorel meurt le 8 août 1975 à Paris (15e arr.) alors qu’il était hospitalisé. Il résidait alors rue Carnot à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). Il était toujours ecclésiastique et âgé de 69 ans.

La « valise chapelle » de Bernard Thorel, Musée de la Libération de Paris

 

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10 septembre 2023 7 10 /09 /septembre /2023 10:44

Jean Nicolas Beausse naît le 17 novembre 1832 à Bercy (Seine, act. Paris 12). Il est le fils d’Anne Suzanne Porté et de son époux Toussaint Nicolas Beausse.

Le père exerce en 1861 le métier de jardinier dans la commune de Saint-Mandé (Seine, act. Val-de-Marne), proche de Bercy. Jean Nicolas Beausse est également jardinier, dans le village contigu de Saint-Maurice. Il épouse en septembre 1861 à Tigy (Loiret) Honorine Clémentine Adélaïde Servy.

Au sein du quartier de Gravelle de la même commune de Saint-Maurice, le couple exploite dans la Grande-Rue un restaurant faisant aussi commerce de vins, au moins à partir de 1869.

Dans les années 1880, le restaurant accueille dans sa salle des réunions de mouvements laïcs, radicaux ou socialistes.

En avril 1885, le général Charles Victor Frébault (1813-1888), ancien gouverneur de la Guadeloupe puis député, alors sénateur, vient y parler de La politique radicale, à l’invitation du groupe local de la Libre-pensée.

Au cours du mois de juillet la même année, c’est le Comité central électoral du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) qui y tient une réunion publique. Les intervenants sont Jean-Baptiste Dumay (1841-1926), ancien maire du Creusot (Saône-et-Loire), destitué pour s’être solidarisé avec la Commune de Paris), syndicaliste et futur député, Jules Joffrin (1846-1890), ancien communard, conseiller municipal de Paris et dirigeant socialiste, ainsi que le chansonnier montmartrois Jean Baptiste Clément (1836-1903), également communard et militant du POSR.

C’est une tendance plus modérée, celle du sénateur opportuniste Henri Tolain (1828-1893), qui vient en septembre 1885 tenir une rencontre agitée, car les militants socialistes locaux lui reprochent de s’être désolidarisé de la Commune de Paris en mars 1871.

On retrouve en octobre 1888 Dumay et Victor Gelez (1845-1914), conseiller municipal de Paris, qui animent pour le POSR une discussion sur Le pain cher.

Ayant adhéré en avril 1883 à la Ligue révisionniste, qui rassemble de nombreux radicaux et socialistes, Beausse contribue en janvier 1889 à la souscription lancée en faveur de la candidature d’Édouard Jacques (1828-1900), qui affronte le général Boulanger dans une élection législative partielle à Paris avec le soutien des formations républicaines.

Xavier Chatel (1854-apr. 1911), ouvrier tréfileur et syndicaliste à Joinville-le-Pont est lié à Jean Nicolas Beausse, dont il fait le témoin de la naissance d’un fils en mars 1889.

Jean Nicolas Beausse meurt le 1er avril 1893 à Saint-Maurice. Il était âgé de 60 ans, et père d’au moins deux enfants. Son fils, Narcisse Beausse, sera militant radical-socialiste à Joinville-le-Pont, commune adjacente à Saint-Maurice.

Carte postale Grande-Rue de Saint-Maurice (arch. dép. Val-de-Marne)

 

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 01:00

Début de la biographie d’Eugène Ramelet

Eugène François Marie Ramelet naît le 14 mars 1872 à Paris (11e arr.). Il est le fils de Salomé Bülher et de son époux Eugène Ramelet, gardien de la paix. Sa mère est d’origine alsacienne, sa famille ayant fui l’invasion allemande de 1870 tandis que son père est natif de Franche-Comté (Doubs). Ils vivent rue de la Folie-Méricourt.

Alors qu’il est étudiant et réside rue Pierre-Nys (11e arr.), Eugène Ramelet fils s’engage pour trois ans dans l’armée en mars 1890 à Paris (7e arr.). Il est affecté au 52e régiment d'infanterie. En octobre de cette année-là, il devient caporal. Nommé sous-officier, avec le grade de sergent, en juillet 1891, il finit son service militaire en mars 1893.

Devenu chef machiniste l'Opéra-Comique, théâtre lyrique de Paris (2e arr.), Eugène Ramelet est remarqué par la presse à l’occasion de la programmation de Grisélidis, de Jules Massenet en novembre 1901. Gil Blas commente « l’admirable organisation de la machinerie qui a opéré des prodiges », saluant le « jeune et distingué chef machiniste » grâce auquel le fonctionnement de la machinerie « a été absolument merveilleux ». Pour le quotidien parisien, « M. Eugène Ramelet s'est révélé hier comme un maître de machinerie de tout premier ordre ». Parmi d’autres journaux culturels, Le Gaulois qualifie Ramelet « d'habile chef machiniste » (janvier 1904) tandis que Comœdia le classe parmi « les trois mousquetaires qui ont la garde et le souci du plateau de l'Opéra-Comique, de ses frises et de ses dessous » (janvier 1909).

En juillet 1902, à Paris (3e arr.), Eugène Ramelet, qui vit alors rue Richelieu, épouse Hélène Blanche Chap, fleuriste. Ils s’installent dans le 2e arrondissement, rue d’Aboukir puis rue du Sentier. Ils divorceront en juillet 1914.

Secrétaire de l'Association des chefs machinistes en septembre 1909, reçoit avec une délégation de son organisation, le nouvellement créé syndicat des machinistes, affilié à la Confédération générale du travail (CGT). Il y adhérera. Il défend la revendication d’amélioration de leur situation matérielle, remarquant dans Comœdia que les députés viennent de s’octroyer 66% d’augmentation. Avec le soutien des autres chefs machinistes, L'Association des directeurs de théâtres de Paris signe un accord avec le syndicat.

Un an plus tard, à l’occasion d’une grève des machinistes en octobre 1910, Eugène Ramelet regrette son engagement syndical. Il s’en expliquera en mai 1912. Selon lui, « toute entente était impossible avec les révolutionnaires de la CGT » et il mettait en garde « contre les principes dissolvants des organisations révolutionnaires ». Il poursuit son engagement social en étant président en juillet 1912 de l'Œuvre de la maison de retraite du personnel du spectacle, qui installe une maison d’accueil en forêt de Montmorency à Saint-Brice (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise).

En juin 1911, Ramelet embarque vers Buenos-Aires. La traversée en bateau dure 21 jours. Il débarque en avant-garde afin de recevoir les décors envoyés de l'Opéra-Comique pour une tournée dans la capitale de l’Argentine. Il recrute une équipe italo-espagnole afin de disposer la scène de l'Opéra de Buenos-Aires et manier les décors. Prévue pour 36 représentations, la troupe, dirigée par Albert Wolff en fera 39, pour répondre à une très forte demande. Elle crée dans la ville Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), puis présente Louise (Gustave Charpentier), La Reine Fiammette (Xavier Leroux), Le Roi d'Ys (Édouard Lalo), Le Mariage de Télémaque (Claude Terrasse), Fortunio (André Messager), Carmen (Georges Bizet), Manon, Griselidis, Le Jongleur de Notre-Dame, ainsi que Werther (Jules Massenet), Lakmé (Léo Delibes), Mignon et Caïd (Ambroise Thomas), et enfin, seule œuvre non française, Madame Butterfly (Giacomo Puccini). Les spectacles rencontrent un franc succès.

Toujours chef machiniste à l'Opéra-Comique, Eugène Ramelet crée en décembre 1910 avec deux ingénieurs, le constructeur Abel Pifre et l’architecte Eugène Ferret, une société anonyme appelée Constructions scéniques et théâtrales ; ils la dissolvent cependant, sans qu’elle ait eu d’activité, en mars 1911.

La collaboration de Ramelet avec Ferret va cependant se poursuivre, notamment pour l’aménagement du théâtre du Casino de Trouville (Calvados) en 1912. Il intervient également à Paris pour la Gaîté lyrique (3e arr.).

Lors du départ d’Albert Carré, directeur de l’Opéra-Comique, en janvier 1914, c’est Ramelet qui s’exprime au nom du personnel de l’établissement.

Plusieurs organismes opposés à la franc-maçonnerie signalent qu’il y est affilié depuis 1906. Au cours d’une cérémonie tenue au siège du Grand Orient de France, rue Cadet (9e arr.), il est initié au 18e degré selon le rite écossais, ce qui lui octroie le titre de « Souverain Prince Chevalier Rose-Croix ». La cérémonie était organisée par les loges Les Amis Bienfaisants et Les Vrais Amis Réunis.

À suivre

Symbole de la loge maçonnique Les Admirateurs de l'Univers

 

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26 août 2023 6 26 /08 /août /2023 18:30

Madeleine Vinsonneau naît le 16 mai 1904 à Paris (6e arr.). Elle est la fille d’une domestique vivant rue de Verneuil à Paris, Eugénie Séraphine Vinsonneau. Elle prend le nom de son père, Jean-François Gallion, après le mariage de ses parents en juillet 1906 à Paris (7e arr.).

Le père, jusqu’ici monteur de piano, est embauché comme employé de la firme Pathé cinéma et s’installe avant 1911 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où cette société a une usine. Ils vivent d’abord rue de Créteil (act. rue du maréchal Leclerc).

En mai 1923, Madeleine, qui est alors bijoutière, épouse à Joinville Robert Sicre, également bijoutier. Ils vivent d’abord aux Lilas (Seine, act. Seine-Saint-Denis), rue du Bois puis, au début des années 1930, s’installent à Joinville, avenue Bizet, dans le quartier de Palissy. Son mari sera conseiller municipal communiste de Joinville-le-Pont (1950-1959).

Le frère aîné de Madeleine, Henri Gallion (1902-1938), mécanicien à la société Télégic (optique), implantée dans le quartier de Polangis à Joinville, est militant communiste et candidat sur les listes du PCF dans cette commune lors des élections municipales de 1929 et 1935, sans être élu. Robert Sicre est en avril 1925 à Joinville témoin du mariage en d’Henri Gallion avec Louise Émilie Perrot.

En novembre 1950, le quotidien communiste L’Humanité publie le nom de Madeleine Sicre parmi une liste de personnes transmettant des vœux à Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, en vue du rétablissement de sa santé. Elle réside alors avenue Courtin, dans le quartier de Polangis.

Ce même mois, ledit journal prend exemple sur elle pour promouvoir la diffusion de son Almanach Ouvrier et Paysan pour l’année 1951. « Depuis dimanche après-midi, j’ai eu le plaisir de vendre 11 almanachs et 9 calendriers dans onze foyers. Je ne sors pas sans avoir l'un et l’autre. Certains, pour qui 100 francs est une grosse somme, prennent le calendrier ; d’autres me prennent deux almanachs afin d’en offrir un à un ami. Si chaque camarade faisait ainsi, tous les almanachs et calendriers seraient vite placés. »

Madeleine Sicre meurt le 23 septembre 1989 à Férolles-Attilly (Seine-et-Marne). Elle était âgée de 85 ans. Son fils, Georges Sicre (1925-2023), outilleur, fut un des animateurs de l’association de locataires CNL de Joinville et siégea au conseil municipal, dans le groupe PCF de 1977 à 1983. Il était candidat, sous la même étiquette, sur la liste d’Union de la gauche en 2001 mais ne fut pas élu.

L'Almanach de l'Humanité, 1950

 

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6 août 2023 7 06 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Au tournant du 20e siècle, installée à Joinville-le-Pont, Astié de Valsayre poursuit de manière régulière son activité politique, sociale et féministe. On la voit ainsi participer de manière rituelle à tous les anniversaires de la libre-pensée ou sur socialisme révolutionnaire, où elle prononce des discours de circonstance mentionnés dans la presse : le 9 janvier pour l’anniversaire de la mort du révolutionnaire Auguste Blanqui, 18 mars, pour le début de la Commune de Paris, le 1er mai, en souvenir des massacres des ouvriers de Chicago et de ceux de Fourmies, le 28 mai, pour la fin de la Commune, le 3 août pour l’anniversaire de la naissance et de la mort d’Étienne Dolet, brûlé vif après avoir été condamné par l’Inquisition…

La vie privée d’Astié de Valsayre, qualifiée par un journaliste comme « Une des plus jolies femmes de Paris », intéresse la presse. On annonce en 1893 son divorce d’avec Albin Rousselet, son compagnon depuis une dizaine d’années ; on annonce aussi son mariage avec Louis Champy. Elle dément les deux. Elle annonce une candidature à l’Académie française, à laquelle elle ne donne guère de suite. Mais elle va effectivement se consacrer, de plus en plus à des travaux littéraires.

Des nouvelles signées d’Astié de Valsayre paraissent dans Le Cri du Peuple, L’Express et dans L’Humanité. Le secret d'Hermine sort sous le pseudonyme de Fernand Marceau ; l’anarchiste Han Ryner n’aime pas ce « petit feuilleton très sombre, très patriotique, très révolutionnaire et très empoignant » où un « ange féminin et français » fait face à un « salaud de prince allemand. »

Dans les œuvres on compte aussi un conte grivois, L'Amour à la hussarde, réédité en 2022.

En compagnie de Camille Hayot, qui est sans doute un acteur ayant vécu à Lausanne, Astié de Valsayre s’essaie à l’art dramatique, en proposant deux pièces au Théâtre-Populaire de Belleville en 1904 et 1905. Mais ni La Grande Coupable, ni La Chasse aux millions ne semblent avoir été jouées.

La dernière intervention publique connue d’Astié de Valsayre fut, en avril 1914, le discours qu’elle fit, en compagnie de Séverine avec celle que la presse qualifiait de doyenne des féministes, Hubertine Auclert.

Claire Tastayre, alias Marie Rose Astié de Valsayre, meurt le 8 juin 1915 à Paris (13e arr.), à l’hôpital de la Salpêtrière. Elle était âgée de 68 ans et toujours domiciliée à Joinville-le-Pont. Le contexte de la guerre fait qu’il n’y a pas eu de notices nécrologiques dans les journaux de l’époque. Par contre, plusieurs publications ultérieures rendront compte de son activité et de sa personnalité ; elles feront l’objet d’un article prochain.

Fin

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Après avoir dissout en décembre 1889 la Ligue des femmes socialistes, Astié de Valsayre constitue, en juillet 1890, la Ligue de l’affranchissement des femmes. Elle a la participation de citoyenne Léonie Rouzade et le soutien de dirigeants socialistes, comme Jean Allemane, qui vient de fonder le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire après avoir quitté la FTSF, ou Henry Louis Champy, un ancien communard et conseiller prud’homme. Une des premières actions de la nouvelle ligue est d’ailleurs de solliciter l’inscription des ouvrières comme électrices aux prochaines élections générales prud'homales. Le ministre du commerce répond en août qu’il ne le peut pas, renvoyant la demande à la commission parlementaire compétente ; le quotidien y voit Le Soleil « un bel enterrement de première classe ! » En novembre, le syndicat des blanchisseuses tentera, sans succès, de présenter des candidates à son instigation.

Astié de Valsayre participe à la création de la Revue européenne, dans les bureaux de laquelle elle installe le siège de sa ligue. Le féminisme connaît toujours des polémiques internes ; la Ligue de l’affranchissement des femmes adresse ainsi « un blâme sévère » à Séverine, la journaliste libertaire Caroline Rémy, coupable, à leurs yeux, d’avoir demandé à son compagnon, Georges de Labruyère, de sa battre pour elle en duel face à un homme partisan du boulangisme. La Ligue considère « que toute, femme, qui ne veut pas avoir la responsabilité de ses actes, en obligeant un homme à se battre pour elle, commet un crime en toute circonstance. »

Lors des grèves des ouvriers des dentelles de Calais, en octobre 1890, Astié de Valsayre, encourage « l'union défensive des sexes ». Elle poursuit son combat anticlérical, participant au congrès de la Libre-Pensée et déclarant que « le prêtre est l'ennemi mortel de l'amélioration du sort de la femme ». En décembre, sa ligue assimile le budget des cultes à un « vol légal. »

En décembre, commentant une affaire d’avortement jugée à Toulon (Var), la Ligue de l’affranchissement des femmes s’insurge contre « la coutume de blâmer les femmes, qui disposent de ce qui leur appartient le mieux : leur corps ». L’année suivante, après un nouveau drame à Paris, elle est plus explicite : « l’état social donne ainsi à la femme le droit d’avortement. »

En janvier 1891, Astié de Valsayre est secrétaire du Syndicat des couturières qui organise son congrès de fondation le mois suivant avec une cinquantaine d’ouvrières. Elle dénonce aussi la concurrence des « congrégations religieuses exploitant sur une grande échelle l'industrie du blanchissage » et responsables ainsi de « la misère féminine ».

En mars, elle tente également, sans y parvenir cette fois, de constituer un Syndicat des filles de brasserie, les « verseuses. »

La Ligue de l'affranchissement des femmes quitte parfois le terrain social, comme en mars 1891 où elle demande « la suppression en France des courses de taureaux, ces inutiles scènes de boucherie. »

Astié de Valsayre participe à la naissance de l'Union universelle des femmes, annoncée à Paris en avril 1891. Clémence Royer y proclame : « Surtout ne demandons rien, mais prenons tout. Un jour viendra où le monde sera entre nos mains. »

Manifestant le 1er mai à Paris Astié de Valsayre s’est plaint d’avoir reçu, place de la Concorde des coups de pèlerine. Mais elle n’en veut pas aux sergents de ville, qu’elle traite de « vils esclaves » selon le quotidien La République française.

Polémiquant avec d’autres militants, elle regrette que l’on ait refusé qu’elles puissent signer la pétition en faveur d’un chemin de fer métropolitain.

Faisant une conférence en juin 1891 sur La question féminine à Paris, Astié de Valsayre elle a de nouveau plaidé pour faire la femme l’égale de l’homme, relevant que la liberté du costume puisqu'elle a pour but de donner ainsi aux femmes accès à beaucoup de professions, que leur ferment justement leurs vêtements.

Cette même année, en septembre, Astié de Valsayre signale qu’elle réside désormais à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) ; sa villa sera dévalisée en décembre 1898, lors de vacances qu’elle passait dans le sud de la France.

Elle est en 1891 la compagne du docteur Albin Rousselet, rédacteur en chef de la revue de l’Assistance publique. Sa vie familiale n’est pas sans heurts ; le deuxième fils qu’elle a eu de son défunt mari, Gaston, né en 1872, a quitté le domicile familial dès ses 13 ans. Il a de nombreux ennuis avec la police, arrêté une première fois pour vagabondage puis, en novembre 1891 pour vol. La presse parisienne ne manque pas de relater l’inconduite du fils. Elle-même le traite de « vaurien ». À ses intervieweurs, Astié de Valsayre assurera qu’elle avait un enfant « presque tous les ans » ; cependant, seuls deux garçons survécurent, tandis qu’une fille ne vécut que quelques mois.

L’installation sur les bords de Marne permet à Astié de Valsayre de pratiquer plus régulièrement le cyclisme.

En décembre 1892, la Ligue de l'affranchissement des femmes décide de présenter une quinzaine de candidates pour les élections municipales à Paris. Elles essaient, sans y réussir, d’enrôler l’actrice Sarah Bernhardt. Astié de Valsayre ne fait pas partie de la liste « faute de pouvoir tout faire ». Mais elle prépare avec elles le programme : protection de l'enfant, de la femme et des faibles, lutte contre la spéculation, dénonciation des guerres coloniales, comme au Tonkin, demande d’exclusion des curés des activités sociales. Face à plusieurs défections, Astié de Valsayre rejoint la demi-douzaine de candidates. Elle adresse dans le même temps une pétition à la Chambre des députés, demandant l’inscription de certaines femmes sur les listes électorales ; une commission rejette sa demande.

Une réunion électorale, organisée en avril 1893 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève à Paris (5e arr.), est totalement perturbée par les lazzis des étudiants qui y sont venus pour s'amuser. Comme en 1889, les bulletins de vote à son nom dans le 7e arrondissement ne sont pas décomptés.

Les élections sénatoriales de janvier 1894 voient de nouveau Astié de Valsayre se présenter, sous l’étiquette de « candidate à perpète ». Elle prend un programme original « 1° N'aller au Sénat que pour dormir ; 2° N'y ouvrir la bouche que pour bailler ; 3° Porter une perruque blanche, pour avoir l'air suffisamment abrutie. »

En novembre 1895, après avoir démenti des rumeurs répandues dans la presse sur sa retraite politique, Astié de Valsayre fait partie du comité d’accueil de Louise Michel qui débarque gare Saint-Lazare à Paris, revenant de son exil à Londres. Elle l’accompagne à son meeting de la salle Tivoli-Vauxhall. Au retour de la longue tournée en province de l’ancienne communarde et déportée, Astié de Valsayre intervient à ses côtés dans la conférence qu’elle tient en juin 1897 sur L’imminence et la nécessité de la révolution sociale.

Exclue d’un Congrès féministe, tenu à Paris en avril 1896, Astié de Valsayre, proteste par une lettre contre « ces affreuses bourgeoises, qui ne connaissent pas le premier mot de la question ouvrière, qui semblent ignorer que la galanterie n'est concédée aux femmes qu'en échange de leurs droits et qui, véritables accapareurs, prétendent garder les deux ».

L’activité d’Astié de Valsayre ne se limite pas au domaine politique. Elle devient secrétaire d’un patronage de jeunes filles du 6e arrondissement de Paris en septembre 1890. Il les accueille gratuitement les dimanches et fêtes pour leur offrir des activités sportives et récréatives.

Au cours des années 1890, Astié de Valsayre rédige, en le signant Mère Marthe, un petit ouvrage, L’Aisance par l'économie (1892), d’une tonalité très classique à l’image des livres sur la vie domestique, expliquant que la femme doit se lever tôt, travailler beaucoup et savoir se taire. Le relatif succès du livre fait qu’il est réédité en 1902 et signé alors Grand-Mère Marthe. Ce texte est très éloigné des thèses défendues par ailleurs par Astié de Valsayre.

Renouant avec la littérature patriotique, en 1896, Le Secret d'Hermine est publié sous le nom de Fernand Marceau. Reprenant le pseudonyme de Jehan des Etrivières, elle donne peu après un texte érotique, L'Amour à la hussarde.

Dans son Histoire de la littérature française, parue en 1909, le critique Léo Claretie range Astié de Valsayre parmi les écrivains socialistes, au côté de Jules Guesde et Paul Lafargue notamment. Mais le journaliste anarchiste Han Ryner considère qu’elle a une écriture de « cantinière. »

L’activité principale d’Astié de Valsayre est toujours le journalisme. Elle fonde et dirige, de 1897 à 1901, La Femme de l'avenir, où elle publie en particulier des articles sur l'instruction des jeunes filles ou sur l'hygiène.

Sensible au thème du racisme, qu’elle fustige à plusieurs reprises, Astié de Valsayre écrit en décembre 1898 à un journal antisémite : « J’apprends que L'Antijuif organise une équipe de photographes pour prendre les instantanés des Françaises achetant chez les Juifs, et que ces photographies seront exposées dans la salle des dépêches. Je serais particulièrement flattée de figurer dans celte galerie de « mises à l’index ». Craignant donc d'être absente quand se braqueront les appareils, je m’empresse de vous faire savoir que ma photographie est à votre disposition. Un mot m’apprenant que vous me faites l’honneur de m’admettre, et mon photographe vous l’enverra immédiatement. Astié de Valsayre, secrétaire général de l’affranchissement ». Le directeur de l’hebdomadaire, qui publie sa lettre, Jules Guérin, estime qu’elle est « une des plus jolies femmes de Paris », oratrice distinguée, élégante et spirituelle. Mais il lui reproche d’avoir « demandé qu’on coupât les curés en morceaux », même s’il y voit une fantaisie d’artiste.

À suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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2 août 2023 3 02 /08 /août /2023 01:01

Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre

Devenue une oratrice en vue, Astié de Valsayre participe de manière régulière aux actions politiques. Elle est ainsi l’oratrice principale, assistée d’Eugénie Potonié-Pierre, d’une réunion publique organisée dans la grande salle de la Bourse du travail le 15 novembre 1888 « pour la réorganisation du syndicat des dames ». Elle est cependant mécontente de l’organisation de cette réunion par le Parti socialiste possibiliste FTSF, considérant que le montant fixé pour l’adhésion au syndicat écarte de nombreuses femmes du peuple. Elle démissionne alors de la commission de réorganisation.

Mais elle va s’intéresser aux luttes menées par des travailleuses, en tenant, en janvier 1889, sous l’égide du mensuel L’Union Internationale des Femmes, un meeting au bénéfice d’ouvrières teinturières en grève, conjointement avec Louise Michel, icône de la Commune de Paris, revenue au début de la décennie du bagne de Nouvelle-Calédonie. Elle critique, dans un article dudit journal, l’inégalité salariale fondée sur le concept selon lesquels les femmes seraient des êtres inférieurs : « l’ouvrière travaille le double de l’ouvrier pour gagner moins que lui. »

Toujours avec Louise Michel, Astié de Valsayre tient au cours de l’année 1889 plusieurs réunions à Paris et en banlieue sur les questions sociales. Elle soutient l’idée que « la femme doit être socialiste parce qu'elle est l'opprimée ». Elle n’oublie pas ses combats pour le droit des femmes à s’habiller comme elles le veulent. Ainsi, elle écrit au préfet du département de la Seine en février de cette année-là : «Ayant été faire une conférence à Fontenay-sous-Bois, le 10 de ce mois, par le temps de grande neige que vous avez vu et, grâce aux jupons qui s’imprègnent jusqu’à la ceinture, en étant naturellement revenu avec un refroidissement ; Considérant que le costume féminin n’est possible que pour les femmes qui n’ont rien à faire, je vous préviens que dorénavant je m’habillerai en homme, chaque fois que mes occupations le nécessiteront. »

Parmi les thèmes favoris d’Astié de Valsayre figure celui de l’éducation. La différence entre le baccalauréat féminin et celui des garçons fait que les filles n’ont pas le droit de s’inscrire aux études de médecine. Elles doivent d’abord faire deux années complémentaires d’études pour maîtriser les langues anciennes et matières scientifiques qui étaient écartées du cursus des lycées qui leur étaient réservés. Une des conséquences est qu’elles n’ont pas accès à l’internat des hôpitaux, dont l’âge limite est fixé à 27 ans, et Astié de Valsayre demande au ministre de l’éducation de changer en premier lieu cette limitation pour les filles, avant d’égaliser les programmes en vigueur dans les études secondaires. Mais au fond, ce que Astié de Valsayre revendique, c’est « Une éducation virile, scientifique et anticléricale des citoyennes. »

Rédactrice du journal l'Égalité, prend part au Congrès français et international du droit des femmes tenu à Paris en 1889 en tant que déléguée du Cercle des femmes indépendantes de France. Elle y fait une communication sur les « Recherches sur la dissolution des mœurs et sur les moyens d'y remédier » ; sa conclusion est claire, il faut « la parfaite égalité des deux sexes et la concession à la femme de tous les droits donnés à l’homme sans exception. »

En août 1889, Astié de Valsayre prend l’initiative de fonder la Ligue des femmes socialistes, dont elle devient la déléguée. En septembre, elle participe en tant que telle au congrès de la Libre pensée. Le premier objectif de la Ligue est de présenter Des candidatures féminines aux prochaines élections législatives.

Léonie Rouzade, qui avait déjà candidaté à Paris aux municipales de 1881 et aux législatives de 1885, fait partie des quatre candidates promues par la Ligue mais elle ne donnera pas suite. Elles seront trois à tenter de s’aligner : Eugénie Potonié-Pierre, Émilie Saint-Hilaire et Astié de Valsayre. Cette dernière se présente dans la circonscription de Clignancourt à Paris (18e arr.) revendiquant l’étiquette de socialiste. Dans son programme, elle fait figurer l’abolition de la réglementation de la prostitution et la suppression du mariage.

Une réunion, convoquée par la Ligue des femmes socialistes le 19 septembre à Montmartre se fait devant une salle comble d’environ 300 femmes selon la presse, un millier pour les organisatrices. Mais l’ambiance est hostile ; ainsi, la majorité applaudit quand, selon le quotidien Le Matin, une assistante déclare que les femmes ne doivent pas s'occuper de politique.

Dans son carnet d’une candidate, pour L'Égalité, Astié de Valsayre convient qu’elle n’a pas pu « dominer le tumulte » mais se félicite qu’un ordre du jour ait été voté la félicitant, avec les autres intervenantes « de l’énergie qu'elles déploient chaque jour pour obtenir l’émancipation de la femme. »

Le préfet met de nombreux obstacles au dépôt des candidatures, même s’il ne peut les empêcher de faire campagne. Les voix qu’elle recueille ne sont pas comptées. Le général Boulanger (populiste, alors réfugié en Angleterre) obtient la majorité absolue et est déclaré élu, mais il est bientôt jugé comme inéligible et Jules Joffrin (socialiste)  proclamé à sa place.

En octobre, lançant un appel Aux femmes dans L'Égalité, Astié de Valsayre proclame « Mes sœurs, il n’y a plus d’hommes ! Le mâle se meurt, le mâle est mort et celui qui se pare de ce nom n'est plus digne de le porter ! » et elle conclut : « Il y a quelques années j’avais déjà songé à organiser un bataillon de franches-tireuses pour ces cas douloureux où il faut bien répondre à la violence par la violence !... Puisqu’il n’y a plus d’hommes, c'est actuellement le vrai moment. »

La Ligue des femmes socialiste restera une organisation politique, soutenant les grévistes, dénonçant les conditions de travail dans les couvents, promouvant les droits politiques des femmes. Cependant, suite à un conflit avec le directeur du quotidien L'Égalité, qui l’hébergeait, Astié de Valsayre démissionne en novembre 1889. Elle reproche à Roques de vouloir interdire l’adhésion d’hommes à son organisation.

À suivre

Marie Rose Astié de Valsayre

 

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