Louis Carpin naît le 27 janvier 1861 à Charenton-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), au domicile de son grand-père maternel, rue des Bordeaux. Il est le fils de Julie Virginie Charlotte Boissenot et de son époux, Anthelme Carpin, négociant en vin et ancien commissaire de police dans l’Ain, la Sarthe et la Haute-Vienne. La famille de son père possède des domaines agricoles, notamment viticoles à Virignin (Ain).
La famille émigre aux États-Unis en 1876, « pour essayer de reconquérir la fortune que lui avait fait perdre la guerre de 1870 », d’abord en Floride, puis, après que différents sites ont été examinés, elle rejoint le Piedmont de Caroline du Sud, près de Greenville. Le père acquier un domaine boisé à cinq kilomètres au nord-ouest de la ville, qu’il transforme en exploitation viticole à la française tout en utilisant des cépages locaux. Louis, qui a alors 15 ans, aide son père dans la propriété, baptisée Mammoth. Cependant, Louis tombe malade de fièvre typhoïde et sa mère, qui craint pour sa vie, rentre avec lui en France. Il son hébergé par un de ses frères aînés, Charles, boulevard de Reuilly à Paris (12e arr.).
Ce dernier, comptable dans une librairie, assure la subsistance de la famille. Pour éviter que sa mère se retrouve sans ressource, Louis, après son rétablissement, s’engage en mars 1879 pour cinq ans dans l’armée, ce qui permet à son frère d’être dispensé de ses obligations militaires. Il sert dans le 123e de Ligne, à Valenciennes (Nord). Devenu caporal, puis sergent fourrier, Louis Carpin finira sa période sous les drapeaux en tant que secrétaire copiste à la préfecture du département Nord, dans le bureau chargé du recrutement. Il est démobilisé en septembre 1883.
En 1881, son frère Charles, qui avait perdu son emploi de comptable du fait de la faillite de la librairie qui le salariait, est embauché comme secrétaire de commissariat à la préfecture de police de Paris. Louis fait de même, dès sa sortie du régiment, en novembre 1883. Il est affecté à Paris, dans le quartier de la Porte Saint-Martin (10e arr.), comme secrétaire suppléant. Il est titularisé en décembre 1884 et affecté dans sa commune natale, Charenton-le-Pont. Il raconte y avoir été félicité par le secrétaire général de la préfecture pour son « attitude et initiative à l’occasion d’une manifestation organisée par Louise Michel, tombée actuellement dans l’oubli, et pour cause… ». Il mentionnait l’écrivaine, militante anarchiste et oratrice du mouvement ouvrier. Nommé, un an plus tard au commissariat du quartier Vivienne, toujours secrétaire, il est de nouveau apprécié pour son rôle au cours de l’incendie de l’Opéra-Comique, qui fit 84 morts en mai 1887.
Le mois précédent, à Anzin (Nord) en avril 1886, Louis Carpin épousait Noémie Céline Victorine Farez, fille d’un vétérinaire, dont la famille exploitait une sucrerie et avait joué un rôle significatif du côté républicain pendant la révolution française de 1789. Il avait probablement rencontré son épouse, native de Valenciennes, lors de son séjour dans le Nord à l’armée.
Promu officier de paix en août 1889, Louis Carpin sert d’abord dans le 19e puis le 12e arrondissement, où il doit surveiller les grèves des terrassiers et des conducteurs de la compagnie des Omnibus (ancêtre de la RATP).
Nommé commissaire du quartier de la Monnaie (6e arr.), en septembre 1895 ; il écrit : « je n’y suis resté que dix mois parce qu’il n’y avait rien à faire », si ce n’est la surveillance de bâtiments officiels. Il revient alors Porte-Saint-Martin, où son équipe assure la surveillance de la salle Rivoli-Vauxhall, qui accueille des rencontres de révolutionnaires, notamment espagnols. Mais il se mobilise aussi pour empêcher une manifestation royaliste en saisissant des photos du duc d’Orléans, ce que la justice considèrera comme illégal.
Son poste suivant est celui du quartier le plus chargé de France, selon ses dires, celui de Clignancourt (18e arr.), qu’il rejoint en juin 1898. Après la séparation de l’Église catholique et de l’État, en 1905, il doit procéder à l’inventaire des lieux de culte qui deviennent propriété des pouvoirs publics, notamment Notre-Dame de Clignancourt, Saint-Pierre de Montmartre et la basilique du Sacré-Cœur.
Dans le même poste, Carpin eut à procéder en 1909 à l’arrestation de Detollenaere, dit Delaunay, voleur et assassin de deux policiers. L’homme se suicida quand il entrait dans son repaire.
Après avoir assumé pendant 14 ans la responsabilité de ce commissariat, une durée inhabituellement longue, il est nommé en septembre 1912 dans le quartier du Faubourg-Montmartre (9e arr.), situé rue de la Folie-Méricourt.
Le 16 mars 1914, il procède à l’interrogatoire d’Henriette Caillaux, qui vient de tirer dans son bureau sur le directeur du Figaro, Gaston Calmette, lequel mourra ensuite de ses blessures. Elle se disait exaspérée par l’intense campagne de presse lancée par le quotidien contre son mari, Joseph Caillaux, ancien président du conseil et président du parti radical. Alors ministre des finances, il préparait l’introduction de l’impôt sur le revenu dans le droit français, et le journal, comme l’opinion de droite, contestait ce projet, y compris en attaquant Joseph Caillaux sur sa vie privée, notamment qu’il avait eues avec sa future épouse, alors qu’ils étaient encore mariés à d’autres personnes. La meurtrière avait déclaré « Il n’y a pas de justice… je la fais moi-même. »
Lors du procès de Mme Caillaux devant la Cour d'assises de la Seine, Louis Carpin fut amené à témoigner le 20 juillet 1914. Répondant à la question sur l'attitude de Mme Caillaux le soir du drame, il assura « Mme Caillaux fut d'abord très calme, elle devint nerveuse un peu plus tard ». Interrogé ensuite sur son opinion concernant la sincérité de Mme Caillaux qui avait dit qu'elle ne croyait pas avoir tué M. Calmette, il assura « Cette déclaration me parut sincère et spontanée ». La déposition de Carpin, jointe à d’autres témoignages, contribua à écarter la préméditation, ce qui permit de faire acquitter Henriette Caillaux, le jury retenant la thèse d’un crime passionnel.
Peu après le début de la première guerre mondiale, en septembre 1914, Carpin mit à disposition du sous-préfet de Senlis (Oise) une propriété qu’il avait dans cette ville pour y installer ses bureaux et accueillir des officiers et sous-officiers blessés. La sous-préfecture venait d’être détruite par les bombardements allemands lors de la première bataille de la Marne.
Louis Carpin prit sa retraite de la police en septembre 1917. Le quotidien Le Gaulois assura alors qu’il « détient le record pour le nombre des affaires traitées et plus particulièrement pour les affaires sensationnelles ». La Presse écrivit : « il sut toujours exercer avec équité ses délicates fonctions. »
Ayant quitté l’administration, Carpin devint inspecteur chargé d’enquête de la compagnie d’assurances Foncière Transport, fondée en 1879. Il résidait alors rue Baudin à Paris (9e arr.). En 1927, il s’installe à Saint-Maur-des-Fossés, boulevard des Corneilles. Il était toujours actif dans cette fonction en 1931, à ses 70 ans. Selon Police Magazine, qui lui consacre un long article en juin 1933, il était président du déjeuner trimestriel des commissaires de police en retraite de la Ville de Paris et du département de la Seine.
Louis Carpin meurt le 21 février 1941 à Saint-Maur-des-Fossés. Il était veuf et âgé de 80 ans. Son fils était décédé quatre ans plus tôt, tandis que son gendre, Eugène Lucien Dupuis, fut également commissaire de police à Paris.
Titulaire de nombreuses décorations, Louis Carpin avait été fait officier de l’Ordre du Cambodge en mars 1899, officier de l’instruction publique en février 1903 et chevalier du Mérite agricole en décembre la même année pour sa « contribution à la répression des fraudes sur les denrées alimentaires ». Il était décoré de la médaille de bronze de la Mutualité en mars 1907, avait reçu celle du Courage et du dévouement en juillet 1909. Enfin, il était devenu chevalier de la Légion d’honneur en décembre 1925, après avoir multiplié les démarches pour ce faire.
Portrait de Louis Carpin, Police magazine, juin 1933
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