Suite de la biographie de Léon Lesestre
En août 1939, après la signature du pacte germano-soviétique entre l’Allemagne nazie et la Russie communiste, Léon Lesestre, maire de Joinville-le-Pont, fait partie des élus du département de la Seine qui refusent de prendre place à côté d’élus communistes dans une réunion du Syndicat des communes de la Seine pour l’octroi. Ils déclarent dans un communiqué « qu’ils ne siégeront plus au bureau aussi longtemps que les représentants d’un parti hors la loi y figureront ». Le PCF sera interdit le 26 septembre, tandis que ses organes de presse cessent de paraître, comme l’hebdomadaire local Le Réveil. Lors d’un conseil municipal le 27 septembre 1939, Paul Rouhaud, artisan chauffeur de taxi, refuse de répondre à une question du maire : « Approuvez-vous ou non le Pacte germano-soviétique ? ». L’autre élu du même parti, Robert Deloche, est réfugié en Corrèze. Ils seront tous deux déchus de leur mandat pour appartenance au Parti communiste le 9 février 1940.
Au début de la deuxième guerre mondiale, en septembre 1939, en application des consignes de sécurité civile, une partie des jeunes joinvillais est conduite dans en province. Vers la fin du mois, Lesestre conduit une mission d’inspection auprès des 300 enfants évacués dans le Loiret.
Il reste encore 200 enfants évacués de Joinville dans le Loiret et en Saône-et-Loire en janvier 1940 et Lesestre s’y rend de nouveau, en compagnie de son épouse. Au retour vers Joinville, sa voiture percute un arbre ; le chauffeur et l’épouse du maire sont blessés. Tous les enfants seront regroupés dans le Loiret, où il y en a plus d’une centaine en mai 1940.
L’historien Émile Galtier, proche de Lesestre qu’il accueille au conseil d’administration de la revue Le Vieux Saint-Maur, raconte que Lesestre « reste à son poste pendant les jours tragiques de l’exode » et « dote la ville d’œuvres sociales : vestiaire, patronage scolaire, soupes populaires, œuvre des prisonniers de guerre ». Il indique que, contrairement aux ordres, Lesestre signe le 14 juin 1940 l’ordre de ne pas faire sauter le pont de Joinville, en l’absence de l’autorité militaire. Pour Galtier, Lesestre est « un maire si généreux, si bon, si méritant ». Le quotidien Le Matin considère que « M. Lesestre, a refusé de se replier et, avec Mme Lesestre, s’est mis à l’œuvre sans compter. »
La législation du régime de Vichy supprime les assemblées élues au profit de corps nommés, en exécution d’une loi du 16 novembre 1940. Par arrêté du 9 mai 1941, Lesestre est maintenu dans sa fonction de maire de Joinville. Par décret, trois de ses adjoints sont renommés en 1942, Chaussée, Béal et Kirbühler et un autre de ses anciens colistiers, Frédéric Bautsch remplace Caillon pour le quatrième poste ; le syndic, Decrombecque, n’est pas renommé.
Début décembre 1941, Lesestre est, avec d’autres maires du département, signataire d’un Appel aux populations de Paris et du département de la Seine dénonçant la Résistance : « Malgré l'exhortation pathétique du maréchal Pétain, chef de l’État, les adversaires de l'unité française, les ennemis de notre patrie continuent leur criminelle activité. Dans l'ombre, sournoisement, ils commettent les plus lâches attentats contre les membres de l'armée d'occupation qui exécutent leurs consignes de soldats. Vous manifesterez votre réprobation de ces crimes odieux. »
Lors d’une cérémonie organisée pour Noël par le Secours national d’entraide du maréchal [Pétain] en décembre 1941 à Joinville, Lesestre appelle à « bien aimer le maréchal, sauveur de notre France ». Il participe en mars 1942 à une cérémonie en hommage aux victimes des bombardements de Boulogne-Billancourt, organisée dans l’église Saint-Charles ; les actions comparables suscitées par le gouvernement de fait de l’époque visent à faire porter sur l’Angleterre et les alliés la responsabilité de la poursuite de la guerre.
Le journaliste Jean Clochard, dans l’hebdomadaire France-Europe, consacre un long portrait à la situation locale : « Les guinguettes ont fermé leurs volets... Mais à Joinville, notre Hollywood fronçais, M. Lesestre, maire, travaille toujours ». Il est très louangeur : « M. Lesestre se consacre avec un dévouement exemplaire à l’administration de sa ville. Son activité ne connaît pas de limites. Tous les problèmes matériels et moraux retiennent son attention, et il essaie, malgré les difficultés de l’heure, de leur donner les solutions les plus équitables. (…) C’est un homme calme, bon, qui jouit de l’estime de ses administrés. »
Il lui donne la parole : « La première de mes préoccupations a été de faire de Joinville une cité propre et agréable. (…) L’assistance est à l’heure présente une de mes préoccupations les plus vives (…). La tâche d’un maire est aujourd’hui bien ingrate. (…) Conviction, en servant notre petite patrie, de bien servir la grande. »
À côté du comité d’assistance aux prisonniers, la mairie crée en novembre 1943 un comité d’entraide aux travailleurs en Allemagne, « à la demande du Commissariat général à la main-d’œuvre française ». Conformément à la doctrine officielle, il vise à encourager le départ de Français en Allemagne, dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Parallèlement, le secrétaire général de la mairie de Joinville et son adjoint ont organisé, de manière clandestine, un réseau d’appui aux personnes pourchassées et aux réfractaires au STO, en leur fournissant notamment des faux papiers.
Une exposition du Secours national dans le préau de l’école Jules Ferry, dans le quartier de Polangis, montre que la population réagit à la politique menée dans le cadre officiel. Le conseiller municipal de Joinville, délégué au Secours national, Paul Léon Rieux, industriel, s’en émeut et « dénonce les nombreuses critiques purement imméritées. »
Le 6 février 1944, Léon Lesestre fait le déplacement à Vichy (Allier) pour être reçu, avec des maires de banlieue, par le maréchal Pétain. Leur dialogue porte sur l’école des sports de Joinville, annexée en 1929 par la ville de Paris mais qui en conserve le nom : « C’est la seule école militaire où je ne sois pas allé et je le regrette bien » aurait déclaré le chef de l’État selon l’hebdomadaire Gazette de l’Est.
Les 12 et 13 juillet 1944, plus d’un mois avec le débarquement allié en Normandie, Lesestre continue d’exercer ses fonctions officielles et préside, avec ses adjoints, une assemblée générale de l’Association des familles françaises ainsi que la distribution des prix aux élèves des écoles Jules-Ferry et Jean-Charcot.
Le jour de la Libération de Joinville, le 20 août 1944, le maire et les trois adjoints sont arrêtés par le comité local de Libération qui a occupé la mairie et mène des actions armées contre les forces allemandes qui se replient. Lesestre et les autres membres du bureau sont transférés au camp de Drancy (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Ils sont libérés début mars 1945. A. Dély, secrétaire du comité d’épuration de Joinville, qui dépend du comité local de Libération, écrit le 13 mars 1945 une lettre à Georges Marrane, président du comité parisien de la Libération, où ils déplorent qu’ils aient été relâchés, considérant que c’est une décision « pour le moins prématurée. »
Lesestre ne sera pas jugé pour son activité de collaboration avec les autorités allemandes. Après-guerre, il n’a plus de rôle politique. Cependant, il reste président de la Société philatélique de Saint-Maur et est même décoré à ce titre en 1949. Il organise en octobre 1950 à Saint-Maur une journée consacré à Rabelais, qui fut moine dans l’abbaye de la commune, avec une exposition ; Lesestre y prononce une causerie philatélique.
Léon Lesestre meurt le 11 mars 1955 à Joinville. Il était âgé de 77 ans et père de trois enfants. En février 1936, il avait été attributaire de la croix de la Ligue républicaine du Bien public, avait reçu en mai cette année-là une décoration attribuée par le roi des Belges puis, en août, la médaille de bronze de la mutualité. L’Assistance publique lui avait décerné en août 1937 également une médaille de bronze pour des « services exceptionnels ». Enfin, la Fédération française des associations philatéliques en avait fait, en 1949, le lauréat de la médaille Dole.
Fin
Léon Lesestre en 1952
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