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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 01:11

Pierre Jules Guillet naît le 26 juin 1831 à Saint-Mandé (Seine, act. Val-de-Marne), Grande-Rue, où sa famille s’est récemment installée. Il est le fils d’Élisabeth Louise Clémence Brot et de son époux, Pierre Louis Gustave Guillet. Son grand-père maternel est un ingénieur des mines parisien ; son aïeul paternel est quant à lui un ancien danseur et professeur de danse à l’Opéra de Paris, maître des ballets à l’Opéra-Comique, et auteur de livrets de pièces musicales. Le père, Pierre Gustave Guillet se présente comme artiste à la naissance de Pierre Jules ; il est probablement musicien.

Parmi les témoins de la naissance de Pierre Jules, qui se présentent en mairie de Saint-Mandé, outre son grand-père Jean Simon Guillet, figure le grammairien et homme de lettres Charles Pierre Chapsal, qui réside alors à Paris (3e arr.), boulevard Beaumarchais.

En septembre 1835, Chapsal acquiert le château de Polangis à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Pour sa part, Pierre Gustave Guillet prend en charge l’exploitation de la vaste ferme attenante au château, située sur cette commune et sur celle de Champigny-sur-Marne. Le quartier de Polangis, comme toute la rive gauche de la Marne, est alors très peu peuplé, avec une vingtaine de personnes sur les quelques 660 habitants de Joinville. Chapsal et Pierre Gustave Guillet resteront liés, ce dernier déclarant le décès du premier en 1858.

C’est à l'École nationale vétérinaire d'Alfort, à Maisons-Alfort, commune voisine de Joinville, que Pierre Jules Guillet fait ses études à partir de 1848. Il obtient un 2e prix à la fin de sa deuxième année en 1850 puis est reçu, en octobre 1853 au deuxième rang sur 72 reçus. À son entrée dans l’établissement, il a signé un engagement dans l’armée. Il intègre le 3e escadron des équipages, sa compagnie étant basée à Constantine (Algérie) avec le grade d’aide vétérinaire de 2e classe, qui le range parmi les officiers d’état-major. Il sert avec le même grade au 1er régiment de cuirassiers, basé à Lille (Nord) en 1857 puis l’année suivante au 2e régiment de carabiniers, stationné à Versailles (Seine-et-Oise, act. Yvelines).

Promu, dans la même unité, vétérinaire en 2e en septembre 1858, il a un nouveau casernement à Vendôme (Loir-et-Cher). Il est transféré en 1865 dans les carabiniers de la garde impériale, à Melun (Seine-et-Marne). Il devient vétérinaire en 1er en août 1866 au sein du 7e régiment de dragons à Verdun (Meuse), son grade étant équivalent à celui de commandant. Il rejoint, en décembre 1869, le régiment des cuirassiers de la garde impériale, à Saint-Germain (Seine-et-Oise, act. Yvelines).

Il prend part à la guerre franco-prussienne de 1870. Après la capitulation du 28 octobre, il est fait prisonnier et interné en Allemagne à Soest, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Son frère aîné, Jean Clément, alors chef d’escadron et qui sera plus tard général, est incarcéré dans le même camp que lui. Ils réussissent, en janvier 1871, à transmettre en France un message, envoyé par pigeon voyageur à Paris, la capitale étant alors encerclée par les troupes allemandes. Adressé à leur sœur, il était le suivant : « Guillet commandant, Guillet vétérinaire, prisonniers à Soest Westphalie, bien portants. »

Il est libéré suite à la signature de la paix, en avril 1871. Il sert alors au 12e régiment de cuirassiers basé au Mans (Sarthe) puis au 14e régiment d'artillerie à Tarbes (Hautes-Pyrénées). C’est dans cette unité qu’il prend sa retraite en décembre 1873, après plus de 25 ans de service militaire et sept campagnes. Il indique être domicilié en Algérie.

Pierre Jules Guillet figure dans le Livre d'or de la Légion d’honneur en tant que souscripteur ayant contribué à la reconstitution du Palais de cette institution, détruit pendant les derniers moments de l’insurrection de la Commune de Paris, le 23 mai 1871. Il participera à une autre levée de fonds, en février 1886 pour élever un monument à la mémoire d’Henri Bouley (1814-1885), qui fut son professeur à l'École vétérinaire d'Alfort, dont il fut le directeur.

Entre 1889 et 1893, Pierre Jules Guillet séjourne durant le premier semestre en Algérie, puis le reste de l’année chez sa sœur Caroline, épouse d’un tapissier, Ernest Pierre Tétrel, qui vivent rue de Seine à Seine-Port (Seine-et-Marne).

Pierre Jules Guillet meurt le 26 avril 1905 à Seine-Port. Il est âgé de 73 ans et déclaré comme étant rentier. Depuis mars 1870, il est chevalier de la Légion d'honneur, à titre militaire.

Le domaine de Polangis à Joinville-le-Pont vers 1886

 

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28 mars 2022 1 28 /03 /mars /2022 00:01

Jean Baptiste Delpérier naît le 21 mars 1838 à Frayssinet (Lot). Il est le fils de Catherine Mondou et de son époux Jean Baptiste Delpérier, maréchal des logis de gendarmerie. Il utilisera, au début de sa vie professionnelle, le prénom de Léon puis reviendra à celui de Jean Baptiste, qui était également celui de son grand-père et de son arrière-grand-père paternels. Son père a été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1839.

Installé à Paris, Jean Baptiste Delpérier il devient, en 1852, vétérinaire et maréchal-ferrant à Paris (6e arr.) rue de la Barouillère (act. rue Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle). Il est diplômé comme médecin-vétérinaire de l’École nationale vétérinaire d'Alfort à Maisons-Alfort (Seine, act. Val-de-Marne) en août 1861.

En octobre 1862, désormais domicilié à Joinville-le-Pont tout en conservant son cabinet parisien, Jean Baptiste Delpérier épouse dans cette ville Marie Cornélie Dalibon. Dans le cadre de son activité professionnelle, Delpérier s’intéressera principalement aux chevaux. Il publie son premier ouvrage scientifique en 1869 : Du levier digital.

Au cours de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, Jean Baptiste est le vétérinaire du deuxième escadron de la garde nationale à cheval. Il sert notamment pendant le siège de Paris (septembre 1870 – janvier 1871).

Inventeur du « clou Delpérier », le vétérinaire publie en 1881 une Monographie sur les ferrures à glace. Son dispositif vise à permettre aux chevaux de marcher sur de la glace ou de la neige. Considéré comme très simple à placer dans des étampures ad hoc et sans danger pour l’animal, le clou Delpérier, même s’il a des concurrents, dispose d’une forte réputation. Encore en février 1929, le quotidien socialiste Le Populaire en faisait l’éloge : « Depuis l'apparition de l'invention de Delpérier, on a voulu innover de nombreux autres systèmes. Aucun, il faut le dire n'a pu présenter de meilleures qualités ». Un Manuel raisonné de la ferrure à glace Delpérier est publié en 1886 par l’imprimerie familiale, située à Cahors (Lot).

Après le décès de sa première épouse en juin 1879, Jean Baptiste Delpérier se remarie à Paris (6e arr.) en novembre 1883 avec une professeure de piano, Alexandrine Emma Kownacka, fille de Joseph Kownacki, professeur de dessin, ancien officier polonais engagé dans la lutte contre l’empire russe en 1830 et réfugié en France après l’écrasement de la révolte. La famille Kownacki était voisine de la propriété Delpérier à Joinville. La rue où ils demeurent, limitrophe de Champigny, porte désormais le nom de rue du 42e de Ligne, régiment qui s’est illustré dans la défense de la capitale contre les Allemands en 1870-1871. Le terrain des Delpérier se situait sur les deux communes.

Membre depuis 1873 de la société La Tempérance, qui lutte contre l’alcoolisme, Delpérier publie en 1898 une Étude spéciale du sabot du cheval et des altérations unguéales.

Il quitte la région parisienne au cours des années 1900 et s’établit sans doute d’abord à Cahors (Lot), où il aurait géré l’imprimerie précédemment exploitée par son frère Frédéric, puis à Lafrançaise (Tarn-et-Garonne).

Jean Baptiste Delpérier meurt le 21 mars 1911 à Lafrançaise, où il résidait avec son épouse. Il est décédé le jour de son anniversaire, à 73 ans. Il était père de cinq enfants dont l’aîné, Georges, fut un célèbre statuaire, chevalier de la Légion d’honneur, qui réalisa notamment une statue de Ronsard à Tours et le monument aux morts de Joinville-le-Pont. Jean Baptiste Delpérier était décoré depuis janvier 1887 du Mérite agricole, titulaire d’une médaille d'or de la Société nationale de médecine vétérinaire depuis novembre 1886, d’une médaille d'argent de la Société nationale d’agriculture depuis juillet 1898 et d’une médaille de vermeil de la Société protectrice des animaux depuis mai 1902.

L'école vétérinaire d'Alfort, coll. Ad 94

 

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24 août 2021 2 24 /08 /août /2021 00:01

Georgina Bassoutre naît le 16 mars 1899 à Uzerche (Corrèze) chez son grand-père. Elle est la fille de Marie Labrot et de son mari, Gabriel Bassoutre, facteur des postes. Ses parents vivent à Maisons-Alfort (Seine, act. Val-de-Marne).

Sa famille vit ensuite à Vincennes, commune où elle épouse en septembre 1922 René Julien Girot, électricien. Ils vivent d’abord à Joinville-le-Pont, puis à Nogent-sur-Marne. Deux filles naissent, mais la seconde ne vit que trois ans.

Son mari est très engagé dans la vie sociale et politique et Georgina va l’accompagner, parfois avec son père, qui devient, par exemple, en février 1926 vice-président de la Fédération des radio-clubs de la région parisienne dont René Girot est le secrétaire général.

En 1931, la famille Girot s’installe à Argenteuil (Seine-et-Oise, act. Val-d’Oise), rue d’Épinay, dans le quartier d’Orgemont, une cité-jardin construite à partir de fin 1929 dans le cadre de la loi Loucheur.

Sur le plan politique, René Girot est le secrétaire des fédérations de Seine-et-Oise et de l’Oise de l’Union socialiste républicaine (USR, centre-gauche), une des composantes du Front populaire.

Georgina Girot est, en août 1936, la présidente fondatrice du groupe féminin de l’USR en Seine-et-Oise. Elle assure également en 1937 la présidence du groupe des œuvres sociales du groupe Aristide Briand, organisation locale de l’USR basée à Goussainville (Seine-et-Oise). Elle organise notamment un arbre de Noël « auprès des enfants nécessiteux », ainsi que la distribution de layettes « aux futures mamans infortunées. »

En 1938, Georgina Girot a remplacé son marié à la présidence du groupe Aristide Briand.

La même année, sa fille Jeanne (ou Jeannine), âgée de 15 ans, a porté secours en compagnie de son père à une femme qui s'enlisait sur la plage de Brighton, à Cayeux-sur-Mer (Somme). Elle se voit attribuer une mention honorable pour actes de courage et de dévouement.

Georgina Girot meurt le 13 mars 1997 à Pelissanne (Bouches-du-Rhône), où son mari était déjà décédé trente-trois ans plus tôt. Elle était âgée de 97 ans. En mars 1938, elle avait été décorée en tant que chevalière du Mérite social pour son activité au sein du groupe Aristide-Briand à Goussainville.

Visite au Petit-Parisien, 1936

 

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26 janvier 2020 7 26 /01 /janvier /2020 00:01

François Aubignat naît le 29 décembre 1896 à Saint-Maurice (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils de Marie Chassac (1862-1917) et de son compagnon Jean Aubignat (1867-1950), mineur, illettré. Ils vivent dans la commune 137, Grande-Rue. En 1911, la famille s’est installée dans la commune voisine de Joinville-le-Pont, 5, rue du Canal. Ils résident dans le même immeuble que Jean Aubignat (1870-1961), frère homonyme de son père qui vit avec Marie Chassac (1868-1927), sœur homonyme de sa mère.

Du fait de la première guerre mondiale, François Aubignat, alors dégrossisseur, est incorporé de manière anticipée dans l’armée en avril 1915. Il est affecté dans l’artillerie, au 34e régiment en 1916 puis en 237e en 1917. Aubignat est porté déserteur le 26 août 1917 ; il est rayé des listes de contrôle le 31 août parce qu’il se présente volontairement à son unité. Cependant, cette absence lui vaut d’être l’objet d’une plainte et d’un procès, jugé le 28 novembre 1917 devant le conseil de guerre de la 127e division, où il est condamné à deux ans de travaux publics pour désertion à l’intérieur en temps de guerre. Le 4 décembre 1917, il est écroué à l’établissement pénitentiaire de Bossuet (act. Dhaya, wilaya de Sidi-Bel-Abbès, Algérie).

Libéré à l’été 1918, il reprend une part active aux combats, ce qui lui vaut d’être cité en janvier 1919 à l’ordre du régiment (le 210e RA) : « artilleur consciencieux et dévoué, ayant participé aux attaques du 9 et 18 août 1918 et à celles du 9 au 12 octobre 1918 ; a toujours donné entière satisfaction par sa conduite et son attitude au feu ». Il est décoré de la Croix de guerre. En septembre 1918, il avait obtenu une remise de peine d’un an. Il est démobilisé en septembre 1919, se voit refuser un certificat de bonne conduite, puis est amnistié en octobre 1919.

Devenu lamineur, sans doute à l’usine du Bi-Métal à Joinville-le-Pont, Aubignat réside en 1935 dans la commune voisine de Saint-Maur-des-Fossés. En 1937, il est terrassier débardeur. Il s’installe, en 1939 à Maisons-Alfort, toujours dans le même département, rue Eugène-Sue puis rue Ernest-Renan.

Son oncle, Jean Aubignat, et son cousin par alliance, Robert Lisambard, tous deux ouvriers, furent candidats communistes lors des élections municipales de Joinville en 1929 et également, pour le second, de 1935.

Il est rappelé au cours de la deuxième guerre mondiale, où il sert dans le 41e dépôt d’artillerie en février 1940 avant d’être démobilisé en mai de la même année.

Marié en mars 1951 à Paris (10e arr.) avec Marie Émilie Duflo, il meurt l’année suivant, le 3 août 1952 à Clichy-sous-Bois (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il était âgé de 55 ans.

L’établissement militaire de Bossuet, Algérie

 

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29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 00:01

Nous concluons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset.

Le 16 décembre 1864, le romancier et critique d'art Théophile Gautier (1811-1872) publie dans le quotidien parisien Le Petit journal un article consacré au livre Le Tour de Marne que vont sortir peu après Ildefonse Rousset et Émile de La Bédollière, aux éditions Lacroix, Verboeckhoven et Cie (1865).

Ildefonse Rousset (1817-1868), ancien éditeur et journaliste, vit à Alfort, partie de la commune de Maisons-Alfort qui formera vingt ans plus tard la nouvelle municipalité d’Alfortville. Il entraîne le journaliste Émile de La Bédollière, comme lui fervent républicain et opposant au régime impérial, dans une découverte en barque de la boucle de la Marne. Rousset prend des photographies qui illustrent le livre, une grande nouveauté, tandis que La Bédollière rédige les textes à la façon d’un récit de voyage. L’ouvrage connaît un grand succès. Nous reproduisons ci-après l’article de Théophile Gautier qui, avec son talent littéraire, partage l’enthousiasme de la presse.

On peut consulter Le Tour de Marne sur le site Gallica de la BnF.

« Un livre nouveau se présente habillé d'une couverture bleue à riche gaufrure. Sur le plat, un fer de reliure dessiné comme un bois d'illustration estampe en or un grand paysage dans lequel un soleil levant épanouit sa gloire rayonnante répétée par l'eau d'une rivière. Au-dessus de ce soleil s'arrondit ce titre Le Tour de Marne. Le Tour de Marne qu'est-ce que cela? Nous connaissons le tour du monde et même le tour de France. D'intrépides navigateurs, des canotiers au cœur ceint d'un triple bronze ont donc risqué un voyage d'exploration dans ces contrées inconnues qui s'étendent de Joinville â Gravelle?

« C'est cela même, et en ouvrant le volume magnifiquement imprimé par Claye, avec ces vieux caractères françois qu'ont mis a la mode les Contes de Perrault, nous apprenons, en effet, qu'il s'agit d'un voyage au long cours de quatorze kilomètres sur la Marne, cette rivière moins explorée, à coup sûr, que l'Amazone, le fleuve Amour, le Niger ou les cours d'eau mystérieux de l'Australie.

« La nef qui porte les modernes Argonautes au pourchas, non de la Toison d'or, mais du pittoresque, s'appelle l'Hélioscaphe. Elle a pour capitaine Ildefonse Rousset; Émile de La Bédollière, une fine plume humoristique, tient le livre de bord, relève le point et note tous les incidents du voyage.

« Cette portion de la Marne, que la batellerie ne fréquente plus, trouvant plus court et plus commode de prendre le canal de Saint-Maur, est retournée doucement à l'état sauvage. On dirait une de ces rivières sans nom qui coulent dans les solitudes à travers les régions encore inexplorées. Les chemins de halage, devenus inutiles, se sont peu à peu effacés, et, n'étant plus rasées par les cordes de traction, toutes les folles herbes aquatiques s'en sont donné a cœur joie. Dans une familiarité charmante que rien ne trouble, l'eau et la rive se confondent en empiétant l'une sur l'autre l'eau creuse de petites anses, la rive pousse des promontoires mignons. Aux graminées qui descendent se mêlent les joncs qui montent.

« Les aunes, les osiers verdoient sur la berge indécise au-dessous des saules penchant leurs troncs noueux. Plus loin, le pied dans l'herbue humide, les peupliers dressent leurs fines arêtes aux feuilles toujours émues; les grands arbres versent leur ombre et leur reflet aux transparences de l'onde. Ici, dans un endroit stagnant, les roseaux, les prêles, les sagittaires à la feuille en fer de lance, forment une forêt en miniature; là, les nénufars étalent leurs larges feuilles et dresser leurs fleurs jaunes.

« Ce sont à chaque pas ou plutôt à chaque coup de rame mille accidents pittoresques à faire prendre le crayon ou le pinceau à un artiste. Tantôt c'est un mur de soutènement en planches qui font ventre sous le poids de la berge et se déjettent, forçant leurs poteaux, à travers un fouillis de ronces, de glaïeuls et de végétations sauvages tantôt c'est un arbre trop près du bord qui crispe curieusement ses racines jaunies de limon et cherche à se rattraper au sol qu'affouille le courant. A cette place l'eau profonde prend des tons de miroir noir; à cette autre elle étale une mince gaze d'argent sur le sable qui affleure, ou bien elle se diamante de points brillants au soleil comme des écailles de poisson des canots amarrés découpent leurs coques élégantes contre les mousses veloutées de la rive.

« Une masure au toit de chaume darde sa fumée blanche entre les masses de feuillage; un moulin obstrue une arche de pont ou coupe la rivière avec ses batardeaux, ses écluses, ses vannes, ses roues verdies d'où pendent des barbes d'herbes; des îles aussi désertes que celle de Robinson Crusoé divisent le courant et noient dans l'eau l'image renversée de leurs grands ; arbres des marches d'escaliers rustiques descendent au rivage ; des débarcadères abandonnés se disloquent au fil de l'eau, et leurs vieilles, charpentes composent des premiers plans à souhait pour les peintres; des lavandières agenouillées frappent le linge de leurs battoirs et dont des groupes pittoresques; un bateau de tireur de sable reçoit à propos un rayon de soleil et produit un effet charmant; dans les petits bras que forment les îles, les feuillages s’enchevêtrent d'une rive à l'autre, et il faut, pour y passer, relever les branches, au risque d'effrayer quelque bergeronnette ou quelque martin-pêcheur, qui file coupant l'eau avec son aile de saphir tout un monde de choses pures, calmes, fraîches, primitives, charmantes, épanouies dans le silence, l'abandon et la solitude et dont il semble qu'on ait la virginité.

« Ces beautés de la nature ne sont pas perdues, et il n'est pas besoin de faire « le tour de Marne » pour en jouir. Mieux instrumenté que la nef Argo, le canot l'Hélioscaphe, parti pour cette exploration lointaine, avait à sa poupe un château de forme bizarre, en un mot une cabine de photographie. Le capitaine Ildefonse Rousset, dès qu'Il apercevait un site, un point de vue, un détail remarquable, arrêtait le bateau, braquait l'objectif, s'encapuchonnait de 'noir, et bientôt la plaque, impressionnée d'un délicat reflet, était portée dans la cabine sombre. Le soleil est comme Saturne qui dévorait ses enfants, il mange les images qu'il vient de produire, si on ne les soustrait bien vite à sa gourmandise.

« Ce n'est pas une chose facile que de faire poser la nature. On ne peut lui prendre le col dans ce demi-cercle qui vous emboîte la tête, chez les photographes. Même aux moments où elle paraît le plus tranquille, elle vit, elle palpite, elle remue. L'air tremble, le rayon scintille, l'ombre tourne, l'eau coule, l'arbre frissonné, le buisson tressaille. Le sein de Cybèle s'enfle et s'abaisse par une respiration invisible pour nous, mais qui n'échappe pas aux organes précis de l'instrument. Quelle patience, quel soin, quel tact il faut à l'opérateur. Un nuage passe sur son effet de soleil, un vague souffle de brise se lève, l'eau se ride, la danse des feuilles commence, les arbres se brouillent comme si on les estompait avec le doigt et l'épreuve est perdue.

« M. Ildefonse Rousset n'est pas un photographe de profession, et on le voit bien à l’exquise finesse, à la perfection étonnante de ses planches. Il faut tout le loisir d'un amateur artiste, persévérant et passionné pour arriver à de tels résultats. Les vues du Tour de Marne sont des merveilles. M. Rousset a obtenu des effets d'une douceur et d'une poésie dont nous n'aurions pas cru le daguerréotype capable. Les premiers plans sont nets, sans dureté; les seconds et les troisièmes fuient avec une légèreté vaporeuse, bien rare dans les épreuves photographiques.

« Certaines planches rappellent Corot ou Daubigny, dont elles semblent refléter des tableaux inconnus. Cette morbidesse, cette transparence, ce flou, ne sont achetés par aucun sacrifice. Regardez de près, et vous serez surpris de la délicatesse infinie du détail, réduit a des proportions microscopiques, mais d'une netteté admirable.

« Ces belles épreuves, jointes au texte amusant, instructif et spirituel de M. Émile de La Bédollière, forment un magnifique volume, dont Janvier, le donneur d'étrennes, saura bien trouver l'emploi.

Théophile Gautier »

Le Canal Saint-Maur à Joinville par Ildefonse Rousset, 1864

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21 décembre 2016 3 21 /12 /décembre /2016 00:01

Nous poursuivons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset, ayant vécu et étant inhumé à Maisons-Alfort.

Rousset, qui avait côtoyé le pionnier de la photographie, Nadar, à la Revue Comique, s’affirme dans les années 1860, en tant que photographe. Il publie plusieurs livres illustrés, procédé alors rare, et ils ont un écho important dans la presse. La publication en 1864 de l’œuvre qu’il cosigne avec Émile de La Bédollière, Le Tour de Marne, après un voyage au sein d’une barque nommée l'Hélioscaphe dans les communes riveraines de la rivière Marne entre Nogent-sur-Marne et son confluent avec la Seine, est saluée notamment par le poète, romancier et critique d'art Théophile Gautier : « M. Ildefonse Rousset n'est pas un photographe de profession, et on le voit bien à l’exquise finesse, à la perfection étonnante de ses planches. Il faut tout le loisir d'un amateur artiste, persévérant et passionné pour arriver à de tels résultats. Les vues du Tour de Marne sont des merveilles. M. Rousset a obtenu des effets d'une douceur et d'une poésie dont nous n'aurions pas cru le daguerréotype capable. Les premiers plans sont nets, sans dureté; les seconds et les troisièmes fuient avec une légèreté vaporeuse, bien rare dans les épreuves photographiques. Certaines planches rappellent Corot ou Daubigny, dont elles semblent refléter des tableaux inconnus ». L’année suivante, il publie, toujours avec La Bédollière, Le Bois de Vincennes et des Études photographiques, préfacées par Jourdan, les deux livres bénéficiant également d’une critique très favorable.

Membre de la Société française de photographie, Rousset est récompensé pour sa participation à l’exposition photographique de Berlin en 1865. Il fait partie de la commission déléguée qui prépare l’Exposition universelle qui se tient sur le Champ-de-Mars à Paris en 1867. Exposant lui-même, il obtient une médaille d'argent.

Plusieurs grands musées possèdent des œuvres d’Ildefonse Rousset dans leurs fonds photographiques, comme le Musée Paul Getty Los Angeles), le Musée d’Orsay (Paris), le Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa) ou la collection Gabriel Cromer, confiée au musée de la photographie de la George Eastman House (Rochester, États-Unis).

Un site d’information sur le marché de l’art mentionne neuf ventes d’œuvres de Rousset entre 1989 et 2002 en Allemagne, France, Royaume-Uni et États-Unis.

Paysage de la Marne, 1860

À suivre.

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19 décembre 2016 1 19 /12 /décembre /2016 00:01

Nous poursuivons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset, ayant vécu et étant inhumé à Maisons-Alfort.

Après la Révolution française de 1848, Rousset débute dans le journalisme et crée Le Spectateur républicain et Le Conservateur, auxquels collaborent le diplomate et futur sénateur John Lemoinne, le saint-simonien Louis Jourdan, l’écrivain et député Noël Parfait ou l’écrivain et traducteur Émile de La Bédollière, avec lequel il restera étroitement lié tout le reste de sa vie. Ces journaux disparurent « pendant la tourmente réactionnaire qui signala la fin de l'année 1848 ». Le Spectateur républicain suspendit sa publication le 8 septembre 1848.

Avec la Revue comique, également créée en 1848, Ildefonse Rousset renforce ses liens avec les artistes, comme le romancier Clément Caraguel, le directeur de théâtre, et feuilletoniste Auguste Lireux, le journaliste et futur député Taxile Delord, le photographe Nadar et toujours La Bédollière. La Revue accueillait également le caricaturiste Bertall ou le dessinateur Fabritzius. Ce journal satirique, jugé très incisif, très spirituel et très piquant, eut un vif succès.

Abandonnant le terrain politique que le glissement autoritaire de Louis-Napoléon Bonaparte rendait impossible, Rousset devient correspondant financier du quotidien bruxellois et international L'Indépendance belge. Il entre en 1849, comme nombre de ses amis tels La Bédollière, au quotidien Le Siècle. Il y tient la rubrique boursière jusqu’en 1868. Sa rubrique a de l’impact et, selon l’historien Alfred Sirven, « c'est tout d'abord sur les articles de M. Rousset que se jettent, tous les matins, la majeure partie des lecteurs du Siècle (…) Il excelle en ces matières délicates et qui exigent une excessive prudence ». Mais, cette réserve déplaît à un de ses confrères du Figaro, Justin Delaunay : « C'est le plus gras des bulletiniers et le plus maigre des bulletins. Tout écourté qu'il est cependant, M. Rousset trouve encore le secret de n'y rien mettre. Impossible d'imaginer quelque chose de plus vide, de plus creux, de plus nul que les huit lignes qui précèdent le steeple-chase à travers les cours de la journée que le Siècle intitule Bulletin financier. »

En 1867, Rousset fonde le Journal financier puis se retire du Siècle à la fin de 1868.

Le Canal de Saint-Maur

À suivre.

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17 décembre 2016 6 17 /12 /décembre /2016 00:01

Nous poursuivons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset, ayant vécu et étant inhumé à Maisons-Alfort.

Après sa sortie du collège, Rousset rejoint en 1836 l’éditeur Léon Curmer et se met en relation avec les artistes qui vont coopérer à ses publications, comme le peintre Ernest Meissonier, l’illustrateur Grandville ou le dessinateur Paul Gavarni. Il s’installe en 1837 en tant que libraire au Palais-Royal, 76, rue de Richelieu à Paris. Rousset innove en faisant de son magasin un endroit luxueux, décoré avec goût et devenu le « rendez-vous du monde élégant. »

Il diffuse notamment des livres de mode comme Le Livre des Mariages et Le Livre d'Heures qui font sa réputation et sa fortune. Ildefonse Rousset a édité des ouvrages religieux, par exemple une version en souscription de La Sainte Bible, dans la traduction de Lemaistre de Sacy. Il propose également des publications hagiographiques, par exemple Le Duc d’Orléans, prince royal par E. Briffault, s’affichant comme « libraire de S.A.R. [Son Altesse Royale] Mme la duchesse d’Orléans. »

Ildefonse Rousset édite une série de neuf recueils, baptisés Omnibus, mêlant textes et dessins, réalisés par Albert d’Arnoux et par Camille Rousset, son frère, et signés par eux des pseudonymes de Bertall, Tortu Goth et Léfix. Le troisième numéro, qui comprenait les Buses-Graves, parodie en vers des Burgraves, de Victor Hugo, eut beaucoup de succès.

Entraîné, selon un de ses contempteurs, par un penchant secret du côté de la Bourse, Rousset céda son établissement à Pierre-Jules Hetzel (l’éditeur de Jules Verne) avec lequel il collabora quelque temps puis se lança dans le courtage des valeurs.

Les Buses-Graves, édit. I. Rousset

À suivre.

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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 00:01

Nous poursuivons notre série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset, ayant vécu et étant inhumé à Maisons-Alfort.

Dans ses écrits, Rousset marque un engagement républicain permanent. Il s’affirme comme antibonapartiste en 1848. En 1869, il s’engage par ses écrits en faveur des candidats opposés à l'Empire pour les élections législatives. Il critique en particulier l'ultramontanisme. Il publie un éditorial dans le quotidien qu’il dirige, Le National, affirmant que les rédacteurs de son journal sont « voués aux idées démocratiques, nous voulons faire franchement et loyalement la guerre aux tendances révolutionnaires, de quelque côté qu'elles se produisent. Nous respectons toutes les croyances religieuses, nous pensons que le prêtre ne doit pas dépasser le seuil du temple et nous repoussons énergiquement toute intervention cléricale dans les choses de la politique. »

Pendant le siège de Paris (1870-1871), Rousset soutient la politique du gouvernement de la Défense nationale puis celle d’Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif. S’il ne sympathise pas avec la Commune de Paris, signant la Déclaration de la presse contre la convocation des électeurs par le Comité central de la garde nationale, Rousset refuse de rejoindre l'Union parisienne de la presse créée pour soutenir les candidats conservateurs en vue des élections législatives partielles du 2 juillet 1871. Il vient personnellement en aide à certains anciens communards, comme le journaliste Marc-Amédée Gromier.

En 1872, lors des élections législatives, Rousset marque sa préférence pour Vautrin, qui s’oppose à Victor Hugo, relevant que « certainement, M. Victor Hugo ne manque pas de talent, mais son concurrent, M. Vautrin, est un administrateur de premier ordre. »

À partir de 1873, Rousset appuie les idées de la Gauche républicaine, tendance modérée au sein de l’Assemblée nationale.

De Joinville à Champigny, I. Rousset

À suivre.

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13 décembre 2016 2 13 /12 /décembre /2016 00:01

Nous démarrons une série de sept articles consacrés à un personnage intellectuel du 19e siècle Ildefonse Rousset, ayant vécu et étant inhumé à Maisons-Alfort.

Ildefonse Rousset naît le 16 juin 1817 à Paris (11e arr.). Comme son frère cadet, l’historien et académicien Camille Rousset, il fit ses études au collège Stanislas à Paris.

Il épouse en août 1854, toujours dans la capitale française, Marie-Adélaïde Chanoine. Ils vont s’installer à Alfort, alors partie de la commune de Maisons-Alfort (Seine, act. Val-de-Marne), plus tard devenu Alfortville. Aux abords de sa maison il avait installé « une sorte de ménagerie et un jardin botanique » selon Amédée Chenal, ancien maire et historien de Maisons-Alfort et d'Alfortville Avec son épouse, qui obtiendra des récompenses du fait de ses activités agricoles comme une médaille d'or à l’Exposition universelle de 1867, il élève des animaux de basse-cour.

Si Rousset est présenté presqu’unanimement comme un « excellent homme », il se fait également remarquer par son obésité. Il est qualifié de « pachyderme des lettres » par Léon Guillot de Saix, auteur dramatique, critique et scénariste, qui cite un mot de Victor Hugo à son propos « Il défonce les chaises ». L’écrivain Maxime Rude note que son ventre laissait « une distance énorme entre son fauteuil et sa table de rédacteur en chef ». Un correspondant du Figaro, qui signe Marc Fournier, raconte un séjour en Savoie : « Quant à Brides-les-Bains Brides c'est une gorge étroite entre deux montagnes, tellement étroite, que depuis l'arrivée de Rousset venu ici dans l'espérance de maigrir, on ne peut plus se retourner (…) vu sa corpulence mastodontoïde (…). Brides est la station favorite des obèses. Seulement, on ne devrait bien les recevoir qu'à tour de rôle, et par numéro d'ordre. »

Ildefonse Rousset meurt le 31 mars 1878 dans sa propriété d'Alfort à Maisons-Alfort suite à une attaque d'apoplexie. Selon le journal Le Gaulois, il avait reçu dans la nuit la visite du docteur Proust, peut-être Adrien Proust, père de l’écrivain Marcel Proust. Ses obsèques ont, selon les comptes-rendus de presse, « réuni un nombre considérable de sénateurs, de députés, d'hommes de lettres et d'ouvriers. Ces derniers surtout étaient en grand nombre, car ils connaissaient, de longue date, l'affabilité de M. Rousset qui les accueillait toujours avec sympathie et leur donnait les meilleurs conseils ». Il est enterré à Maisons-Alfort où son monument funéraire est une structure de naos à 6 colonnes, due au sculpteur J. Guerlain (probablement Joachim Guerlain, né en 1837 à Saint-Pierre-lès-Calais). Le buste en marbre était un hommage de ses collaborateurs du National.

Ildefonse Rousset avait constitué une importante collection de tableaux anciens et modernes, qui fut vendue aux enchères à l’hôtel Drouot à Paris en mars et avril 1879. Le peintre François-Louis Français a réalisé en 1873 un portrait d’Ildefonse Rousset intitulé Souvenir de Nice.

Buste d'Ildefonse Rousset

À suivre.

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