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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 01:01

Suite de la biographie de Frédéric Voinot

En février 1914, Frédéric Voinot accède à la fonction de commissaire de police des communes de la Seine. Son premier poste est celui d’Aubervilliers (Seine, act. Seine-Saint-Denis), qu’il connaît déjà puisqu’il y servait, en tant que secrétaire, en 1910.

Il doit gérer, en mai 1914, un conflit « Entre rouges et jaunes » selon le quotidien Le Voltaire. Un terrassier aurait roué de coups un de ses camarades parce qu’il refusait d’adhérer au syndicat.

Au cours de la première guerre mondiale, les commissaires de police sont mobilisés à leur poste. Cependant, pour des raisons administratives, la situation de Frédéric Voinot est incomprise de l’administration militaire. Elle considère que, comme il n’a pas récupéré son ordre de route en août 1914, il doit être déclaré « insoumis », ce qui est fait en novembre 1915. Il sera cependant rayé des contrôles de l’insoumission en novembre 1915, l’armée reconnaissant l’y avoir inscrit à tort. Son statut de réformé pour raisons de santé sera d’ailleurs confirmé en octobre 1919.

Pendant le conflit, il entreprend de réformer son commissariat d’Aubervilliers, en y créant, en avril 1917 un service spécial de sûreté, chargé de réprimer les vols et agressions à main armée. Il réalise des battues de nuit sous la conduite d’un sous-brigadier.

La même année, en août, Voinot est nommé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il participe à une collecte humanitaire en octobre 1917, lors des Journées joinvillaises. Il sera le dernier titulaire du poste de commissaire de police de Joinville. En effet, le commissariat, créé en 1874, comprenait une vaste circonscription, incorporant des villes nettement plus grandes, notamment deux chefs-lieux de cantons, Saint-Maur-des-Fossés et Nogent-sur-Marne, qui réclamaient d’avoir leurs propres postes.

Un arrêté de mars 1919 leur donne satisfaction, supprimant la circonscription de Joinville au profit des deux nouvelles entités. Voinot est désormais chargé de la circonscription de Saint-Maur-des-Fossés, nouvellement recrée, car elle existait déjà sous le second Empire.

Promu commissaire de police de la Ville de Paris, Voinot est affect en mai 1921 au quartier de Picpus (12e arr.). Il y reste un an, rejoignant en juin 1922 le quartier des Ternes (17e arr.). Il doit gérer en août 1929 une manifestation de cinq cents personnes, organisée par l’Association défensive des commerçants parisiens, qui protestaient contre l’expulsion, sans indemnité, d’un marchand de cycles par le propriétaire de son magasin. Un accord fut finalement trouvé par le secrétaire de l’Association et les protestataires qui avaient été arrêtés furent relâchés sans poursuites.

Voinot exerce toujours la fonction de commissaire de police du quartier des Ternes en août 1934. Il se retire sans doute en 1938 car, lorsqu’il se voit attribuer la Légion d’honneur fin août 1939, il est présenté comme retraité.

Cependant, il reprend du service au cours de la deuxième guerre mondiale. Il est, en avril 1940, commissaire de police d’Ivry. Puis, on le retrouve, en février 1942 dans son ancienne fonction à Aubervilliers, et il l’exerce toujours en décembre 1943.

Sans qu’il soit possible de faire un lien avec le commissaire Voinot, on note la nomination d’un certain Frédéric Voinot, en avril 1941, comme membre de la délégation spéciale instituée dans la commune de Lamorlaye (Oise) pour remplacer le conseil municipal dissout. Il en démissionne en septembre la même année.

Pour sa part Frédéric Théodore Voinot meurt le 4 janvier 1949 à son domicile du boulevard Saint-Germain de Paris (5e arr.). Il était âgé de 72 ans et n’avait pas eu d’enfant vivant.

L’hebdomadaire communiste, dirigé par le maire d’Aubervilliers et ancien ministre, Charles Tillon, le Journal du Canton d’Aubervilliers, publie le 15 janvier l’article suivant : « Nous apprenons que vendredi 7 janvier, à 9 h. 30, a eu lieu l’inhumation à Dugny, du sieur Voinot, commissaire de police d’Aubervilliers sous l’occupation. Il laisse le souvenir de l’activité néfaste qu’il mena contre les patriotes. Chacun se rappelle, en particulier, les menaces qu’il adressait à la population qui déposait des fleurs sur les tombes des aviateurs alliés. »

Fin

Ancien commissariat de police de Joinville-le-Pont, adjacent à la mairie

 

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5 juillet 2023 3 05 /07 /juillet /2023 01:01

Début de la biographie de Frédéric Voinot

Frédéric Théodore Voinot naît le 2 avril 1876 à Paris (17e arr.). Il est le fils de Lucie Brismontier, et de son époux, Frédéric Auguste Voinot, capitaine en retraite, officier de la Légion d’honneur. Ses parents, mariés en mars 1875, ont une importante différence d’âge, son père ayant 58 ans et sa mère en comptant 32. Ils vivent boulevard Pereire.

Alors que ses parents vivent à La Flèche (Sarthe) Frédéric Voinot entreprend des études ecclésiastiques au séminaire catholique du Mans, dans le même département. Il s’engage dans l’armée pour trois ans en novembre 1896 et est affecté au 117e régiment d’infanterie. Cependant, conformément aux dispositions légales eu égard à son statut d’étudiant, il est mis en congé au bout d’un an. Après avoir fait une période dans le cadre de la réserve en juillet 1898, il passe en novembre devant une commission qui le réforme, à cause de « varices noueuses remontant au jarret. »

Renonçant à sa vocation religieuse, il se réinstalle à Paris, devient employé et épouse, en décembre 1901 à Paris (9e arr.) Marie Louise Garneret. Elle accouchera, en janvier 1903, d’un enfant mort-né.

Embauché par la préfecture de police le la Seine, sans doute en 1906, Voinot est en 1908 secrétaire du commissariat de Courbevoie (Seine, act. Hauts-de-Seine), c’est-à-dire adjoint du commissaire. Le quotidien Le Journal écrit en septembre « il s'est fait remarquer par son énergie et aussi son habileté à diriger les affaires. »

Pour la presse, c’est son comportement qui fait que le préfet de police Louis Lépine le propose pour remplir les fonctions de chef de la police de la concession française de Tien-Tsin (ou Tientsin, Chine, act. Tianjin). Après son agrément par le ministre des affaires étrangères, Stephen Pichon, il rejoint son poste en octobre 1908.

La grande ville chinoise, port important, accueille alors huit concessions internationales : Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie.

La France dispose de quatre concessions à l'intérieur de villes sous souveraineté chinoise à Canton, Hankéou, Shanghai et Tien-Tsin, cette dernière depuis un traité de juin 1858. Les territoires sont administrés par un conseil municipal et par un consul, qui le préside.

Le consul général de France à Tien-Tsin est, depuis 1906, le poète et écrivain Paul Claudel, à ce titre chef de la concession française dans cette cité. Il est en conflit avec le secrétaire de mairie, un anticlérical qui envoyait des lettres de dénonciation au Quai d’Orsay, lui reprochant de recevoir trop de missionnaires. Claudel a connu depuis une douzaine d’années plusieurs postes diplomatiques en Chine. Il semble ne guère aimer Tien-Tsin : « C’est vraiment de la lisière de pays, comme on dit une lisière d’étoffe toute mangée par le sable et l’eau salée. »

Il avait sollicité le préfet Lépine pour l'organisation des services de police dans la concession. Voinot reçoit pour mission « d'organiser des services sanitaires, de détectives et d'identité judiciaire ». La presse espère qu’il fera « respecter les droits des Français », selon elle « si souvent menacés par les bandits chinois ». Pendant son séjour, le consul Claudel accueille, en juin 1909, un autre poète, Victor Segalen, médecin de la Marine. La mission de Voinot se termine avec son retour en février 1910. Il est probable qu’il rencontre en mars une délégation japonaise, venue étudier à Paris l’organisation de la police française.

Réintégré dans emploi antérieur, Voinot est secrétaire au commissariat d'Aubervilliers puis promu, en août 1910, à celui du quartier de la Sorbonne à Paris (5e arr.). Il est muté en mai 1911 au commissariat du quartier de la Maison-Blanche (13e arr.). Il devient, en novembre 1913, inspecteur principal des gardiens de la paix.

À suivre

Le commissariat de la concession française de Tien-Tsin

 

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1 juillet 2023 6 01 /07 /juillet /2023 01:01

Marie Auguste Postaire naît le 15 septembre 1864 à Avrillé (Vendée). Il est le fils de Marie Berthe Caroline Clémenceau de La Gautraye et de son époux Marie François Auguste Postaire. Originaire de Belfort, son père est percepteur des impôts directs. Sa mère est d’une famille de la noblesse vendéenne. Auguste Postaire est l’aîné des sept enfants.

Alors employé de banque, Auguste Postaire épouse à Paris (9e arr.), où il réside rue de Parme, Flore Nathalie de Boek, native de Moselle (Lorraine) et fille d’un entrepreneur belge.

En mars 1895, Auguste Postaire rejoint la préfecture de Police du département de la Seine et est nommé secrétaire du commissariat de police de la circonscription des Lilas (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Deux ans plus tard, il est affecté au quartier de Belleville à Paris (19e arr.) puis en 1901 à celui de l'École-Militaire (7e arr.).

Il quitte le département pour être promu, en août 1901 commissaire de police d'Enghien (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise). Il est nommé commissaire de police des communes de la Seine en janvier 1904 et de nouveau affecté aux Lilas.

Suite à la séparation de l’Église et de l’État, votée en 1905, les fabriques, institutions paroissiales qui géraient les biens des paroisses, sont dissoutes. Les autorités publiques font réaliser un état des lieux, en attente de constitution des associations cultuelles, prévues par la loi, qui devront en être les attributaires. Ces inventaires sont parfois la source de tensions, et la police est généralement mobilisée pour accompagner les fonctionnaires chargés de l’opération.

À Romainville, en février 1906, le journal local Paris-Est remarque que seule la présence du commissaire Postaire et de deux gendarmes signalait l’évènement, qui s’est déroulé « au milieu de la plus complète indifférence de la population ». Par contre, à Villemomble, le même mois, il y avait environ 200 manifestants qui chantaient le Parce Domine. Devant le tapage qui régnait, M. Postaire suspendit l’inventaire. À Noisy-le-Sec, il fallut également s’y prendre à deux fois pour le réaliser. Une vingtaine d'agents et un serrurier furent nécessaires pour ouvrir les placards de la sacristie, pendant la protestation du curé et de deux cents fidèles chantaient : « Nous voulons Dieu ! ». Mais les gendarmes à cheval n'eurent pas à intervenir. L’hebdomadaire local relevait que l’on trouvait, au premier rang des protestataires, un membre influent de la Patrie française, mouvement d’extrême droite. Le rédacteur de Paris-Est se félicitait de la pondération de l’administration : « Les catholiques ont protesté à leur aise sans se livrer à aucun désordre ; cette satisfaction platonique leur suffira certainement. La loi sera exécutée sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la force. Cela dit, rappelons aux fidèles que l’inventaire n’est ni un acte de spoliation ni le prélude d’un acte de spoliation. »

En avril 1907, un autre organe de presse régional, le Journal de Saint-Denis, s’inquiétait que « M. Postaire, commissaire de police, est entièrement absorbé pour aller constater les délits d’adultères » ; il considérait que le printemps « le plus stimulant des amoureux » avait fait qu’ils étaient « devenus épidémiques. »

Ce n’est certainement pas pour répondre à cette situation mais, en juillet 1907, Auguste Postaire convainquit le maire des Lilas, M. Decros, de lui acheter trois chiens policiers. Leur utilité ne fit cependant pas l’unanimité dans la presse. Quand il quitta son poste, en juillet la même année, le Journal de Saint-Denis commenta : « il s’en va et il nous laisse trois roquets ; mais par contre, il emmène les niches. »

Affecté en septembre à Asnières (Seine, act. Hauts-de-Seine), Postaire y resta peu, transféré en avril 1908 à Joinville-le-Pont où il prend la succession de Louis Defert. Il a sous sa responsabilité une trentaine d’agents. Centrale, la commune de Joinville est cependant plus petite que la plupart des villes de la circonscription : Saint-Maur, Champigny, Nogent-sur-Marne, Le Perreux et Bry-sur-Marne. En décembre 1909, Postaire laisse la place à Charles Monsarrat.

Il devient commissaire de police de la Ville de Paris et est affecté au quartier Notre-Dame (4e arr.), qui comprend l’île Saint-Louis et une partie de l’île de la Cité. Dès sa prise de fonction, il doit faire face à l’inondation historique de la Seine qui plonge sous les eaux une grande partie de son territoire. Son comportement lui vaudra une lettre de félicitations et le quotidien Gil Blas l’inscrira sur son « tableau d’honneur de Paris ». Il estime qu’il « a montré, pendant toute la durée des inondations, un dévouement constant, prenant part au sauvetage des sinistrés et tenant à se rendre compte par lui-même des dégâts subis par ses administrés, s'est astreint à une visite minutieuse de tous les inondés de son quartier auxquels il a distribué des secours et des encouragements. »

La question des risques autour du fleuve le préoccupe une nouvelle fois les années suivantes. En mai 1913, on y repêche le corps d’un syndicaliste, Jean Schenck, secrétaire du syndicat des lamineurs selon une partie de la presse, des camionneurs selon d’autres. Les journaux émettent l’hypothèse d’un suicide, Schenck ayant été accusé d’avoir favorisé un « jaune » qui travaillait le jour dans une usine et la nuit dans une boulangerie où il remplaçait un gréviste pendant la grève des boulangers.

Toujours en Seine, le même mois, Postaire s’interrogeait de voir des accidents qui se produisaient avec une fréquence anormale, constatant que les sauveteurs étaient toujours les mêmes. Une petite bande organisait des chutes et simulait le secours aux victimes, partageant ensuite la prime versée par la préfecture aux pseudo-héros.

Pendant la première guerre mondiale, le commissaire Postaire resta à son poste. Il fut requis, en février 1919, dans le cadre d’une opération menée contre Julien Content, administrateur-gérant du Libertaire, journal de tendance anarchiste. Elle est présentée par le Journal des débats comme visant une organisation de propagande bolcheviste, servant de relais au gouvernement soviétique russe. Postaire perquisitionne chez Victor Kemerer (dit Taratuta), venu de Russie, et chez un certain Levistay, difficile à identifier.

En mars 1923 Postaire est encore commissaire de police du quartier Notre-Dame. Il prend sans doute sa retraite peu après. Il vit entre l’île de Noirmoutier (Vendée), où il possède une villa dans le Bois de la Chaise et Paris où il reste domicilié rue du Commerce (15e arr.),.

Marie Auguste Postaire meurt le 28 novembre 1926 à Noirmoutier (Vendée), dans sa Villa Rochebrune. Âgé de 62 ans, il était père de trois filles.

L’appel « Au Peuple français » (partiellement censuré) qui provoqua l’opération contre le journal anarchiste Le Libertaire en février 1919

 

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 01:01

Victor Rogeaux naît le 22 juin 1862 à, Allennes-les-Marais (Nord), dans la Flandre française. Il est le fils de Marie Françoise Cabre, épicière et de son mari Auguste Rogeaux, cultivateur.

Victor est le plus jeune des huit enfants du couple. Comme au moins trois de ses six frères et son unique sœur, il est instituteur (deux autres garçons sont cultivateurs). Passé par l’école normale de Douai, il signe en 1882 un engagement de dix ans dans l’enseignement public, ce qui le dispense d’effectuer son service militaire.

Il épouse, en septembre 1890 à Lille Berthe Marie Delpierre, pl. du Théâtre, parents Lille. Contrat de mariage Me Desrousseaux, Lille. Témoins Charles Rogeaux, 45 ans, instituteur, Roubaix, frère, Émile Rogeaux, 37 ans, chef de bureau à la préfecture, frère, Félias Mazenghien, 54 ans, menuisier, Lille, oncle épouse, Gustave Vantieghem, 57 ans, tapissier, Lille, oncle épouse.

À l’issue de son contrat, il va à Paris où il est, à l’instar de son sixième frère, employé de préfecture en 1893, en tant que secrétaire suppléant dans les commissariats de police. Il est promu secrétaire, c’est-à-dire adjoint du commissaire, en juin 1894, affecté d’abord à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis), puis le mois suivant à Levallois (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il revient à Paris, affecté en avril 1896 au quartier de la Maison-Blanche (13e arr.).

Promu en septembre 1898 inspecteur principal des gardiens de la paix, il poursuit sa carrière en tant officier de paix dans le 20e arrondissement en avril 1899.

Le premier poste de commissaire de police des communes de la Seine de Victor Rogeaux est, en septembre la même année celui de Clichy-la-Garenne (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il doit y organiser en avril 1901 ce que Le Petit Journal appelle « Une chasse aux ours ». Deux plantigrades blancs s’étaient échappés de cages mal fermées, stationnés sur l'île Robinson, sur la Seine, dépendant de la commune de Clichy, et semblaient se diriger vers le fleuve. Le commissaire et ses six agents ne réussissaient pas à les en empêcher et les tirs qu’ils faisaient pour les effrayer semblaient les pousser à faire face. Alors que Rogeaux se décidait à les abattre, la propriétaire arriva et réussit à les ramener vers leurs enclos. Un agent fut, cependant, blessé, sans gravité, d’un coup de griffe.

Un escroc, qui se baptisait lui-même Le Messie est arrêté par Rogeaux en août 1901, après avoir escroqué de nombreuses victimes en prétendant être capable de pratiquer la magie noire.

Ce n’est pas un animal, mais un humain, qualifié de « fou furieux » par le quotidien La Politique coloniale, qui s’en prit, en juillet 1902, au commissaire Rogeaux. Il lui brisa deux doigts, armé d’un grand banc en bois et le frappa au bas-ventre. Il fallut six agents pour maîtriser le forcené.

Quittant le nord-ouest pour le sud-est du département, Rogeaux prend en janvier 1904 la suite de Napoléon Pacifique Orsatti en tant que commissaire de police à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Une trentaine de personnes étaient rattachées au commissariat, qui comprenait des communes plus importantes que la ville siège, comme Saint-Maur, Champigny, Nogent-sur-Marne, Le Perreux et Bry-sur-Marne.

Le mois suivant son arrivée, la grève des tramways est endeuillée par la mort d’un jeune garçon, écrasé par un non-gréviste, à La Varenne (Saint-Maur). Cinq cents personnes forment le convoi funéraire, parmi lesquelles se trouvent 360 grévistes en costume de travail, dont les membres du Comité syndical. Craignant des incidents, Rogeaux avait pris des mesures d'ordre très importantes. Mais la manifestation se déroula sans incident jusqu’au cimetière où Bounet, adjoint au maire de Saint-Maur et membre du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire prononça quelques paroles.

Devant de nouveau s’occuper d’animaux, M. Rogeaux récupéra en novembre 1904 un troupeau de mouton errant dans Joinville tandis que le berger, ivre, ne s’intéressait qu’à une pendule qu’il venait de dérober à un restaurateur.

La principale usine métallurgique de la région constatait la disparition de grandes quantités de matières premières. Deux inspecteurs de la Sûreté se firent embaucher pour quinze jours, déguisés en ouvriers et purent indiquer les voleurs au commissaire Rogeaux, qui arrêta huit personnes.

Promu au titre de commissaire de police de la Ville de Paris, Rogeaux prend en décembre la responsabilité du quartier des Enfants-Rouges (10e arr.). Il est remplacé à Joinville par Louis Defert.

Le commissaire est associé à une opération qui vise le syndicaliste Émile Pouget et son journal la Voix du Peuple en février 1906. Rogeaux se charge de visiter l’ancien siège de l'Association internationale antimilitariste, dont le militant anarchiste était proche.

Atteint d’une maladie de foie, Rogeaux quitte son service en juin 1907 et va suivre un traitement dans une propriété qu’il a à Madeleine-lez-Lille (Nord). Il y meurt le 27 août 1907, à l’âge de 45 ans. Le quotidien Le Journal vante « ses hautes qualités d’intégrité et de cordiale bienveillance. »

Le gourou-escroc de Clichy, arrêté par le commissaire Rogeaux

 

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27 juin 2023 2 27 /06 /juin /2023 01:01

Napoléon Pacifique Orsatti naît le 25 septembre 1858 à Quenza (Corse, act. Corse-du-Sud). Il est le fils de Marie Rosine Balési et de son mari Augustin Orsatti, propriétaire. Les deux familles comptent parmi les notables du village, le père étant à sa naissance adjoint au maire. Napoléon Pacifique est le dernier des neuf enfants de la famille.

Un de ses frères étant mort en service, il est dispensé de service militaire. À l’exemple d’un autre membre de la fratrie, son aîné de six ans, Joseph Mathieu Orsatti (1852-1918), qui sera commissaire divisionnaire et chevalier de la Légion d’honneur, Napoléon Pacifique Orsatti vient vivre à Paris et est embauché à la préfecture de police comme inspecteur, gardien de la paix, en 1883.

Il devient secrétaire suppléant des commissariats de police en septembre 1890 puis, en mai 1892, secrétaire, fonction qui fait de lui l’adjoint du commissaire de police, à Gentilly (Seine, act. Val-de-Marne). Il est transféré en août 1893, dans la même fonction, au quartier du Faubourg du Roule à Paris (8e arr.). Il est promu en octobre 1897 inspecteur principal des gardiens de la paix.

Nommé commissaire de police des communes de la Seine, il obtient en octobre 1898 son premier poste à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il prend ensuite en septembre 1901 la responsabilité du poste de Joinville-le-Pont où il succède à Maximilien Parnet. L’effectif du commissariat est d’une trentaine d’agents. Sa circonscription comprend des villes plus importantes que celle du siège : Bry-sur-Marne, Champigny, Nogent-sur-Marne, Le Perreux et Saint-Maur-des-Fossés.

En septembre 1902, il procède à ce que le Journal des débats qualifie comme une « épuration », procédant suite à « une battue » à l'arrestation de « vingt vagabonds et gens sans aveu. »

Le Petit Journal assure, en février 1902, qu’il résout un conflit agricole « avec une sagesse à rendre jaloux Salomon lui-même ». Une femme a fait paître, sans autorisation, son veau sur le champ d’un propriétaire de Champigny. Pour la faire partir, il frappe la dame avec un gourdin et la blesse ainsi à la tête, puis abat la bête avec le même instrument. Le mari arrivé aux cris de son épouse, atteint l’agresseur de son épouse dans les fesses avec une fourche. Une quarantaine de personnes, témoins et victimes, vociférantes, se présentent au commissariat. Pour son herbe, le propriétaire réclame 20 francs et demande que le mari soit poursuivi pour coups et blessures. Pour son veau, la femme veut 200 francs et exige que l’homme soit poursuivi pour l'avoir frappé. Orsatti les convainc tous qu’ils n'ont « aucun intérêt à se poursuivre mutuellement » et les renvoie devant le juge de paix du canton pour fixer le prix du dommage supporté par l'un et par l'autre.

Les obsèques, en mai 1902, de Laurent Graillat, conseiller municipal, de Saint-Maur-des-Fossés, juge prud’homme, syndicaliste et militant du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, provoquent l’inquiétude de la préfecture de de police. Orsatti a l’ordre de déployer un important service d’ordre. Il se rend à la maison mortuaire pour interdire le déploiement du drapeau rouge apporté par les militants, ce qui provoquera une légère bagarre. La cérémonie se déroulement cependant sans incidents supplémentaires, avec un cortège de 700 personnes, encadré par une soixantaine de policiers et des gendarmes.

En août 1902, Napoléon Pacifique Orsatti, qui vit dans rue du Pourtour-des-Écoles, épouse Anne Marie Léontine Colin, résidente dans la commune voisine de Saint-Maurice,

Suite au refus d'autorisation de leur établissement d'enseignement privé de Joinville, le commissaire Orsatti va porter en avril 1903 à la communauté catholique des frères de Saint-Gabriel une notification de devoir se disperser d’ici à début août.

Promu commissaire de police de la Ville de Paris, Orsatti laisse le commissariat de Joinville à Victor Rogeaux et prend en janvier 1904 la responsabilité du quartier du Pont-de-Flandre (19e arr.).

Le 5 avril 1904, Napoléon Pacifique Orsatti meurt à son domicile du 126, rue de Flandre. Il s’est suicidé, ce qui provoque un émoi attesté par des dizaines d’articles de la presse parisienne mais aussi de province. Le Journal des débats mentionne « une crise de neurasthénie ». L’Intransigeant raconte qu’il s’est tiré un coup de revolver dans la tête, assis dans un fauteuil de la chambre à coucher ; découvrant le cadavre, son épouse se serait saisie de l’arme et aurait voulu en faire usage contre elle, mais fut retenue par le concierge ; selon le quotidien, il laissait une lettre dans laquelle il disait simplement qu’il se tuait pour échapper aux soucis de la vie. Pour Le Radical, qui le décrit comme un « magistrat correct et courtois », ; selon ses intimes, « il refusait obstinément de se soigner » et leur aurait dit : « Je ne suis pas guérissable ; lorsque cela n'ira plus, je me ferai sauter la cervelle ! »

Après une cérémonie en l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe de La Villette (19e arr.), il est inhumé au cimetière parisien de Pantin (Seine, act. Seine-Saint-Denis) en présence du préfet de police Louis Lépine. Le président du Conseil (premier ministre), Émile Combes, salua sa mémoire.

Le village Quenz, Corse du Sud

 

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25 juin 2023 7 25 /06 /juin /2023 01:01

Suite de la biographie de Louis Defert

Faisant l’objet d’un nouvel avancement, en tant que commissaire de police de la Ville de Paris, Louis Defert rejoint le quartier Saint-Victor (5e arr.) en avril 1908. Il y reste jusqu’en janvier 1911, quand il doit rejoindre le quartier de Rochechouart (9e arr.), repassant sur la rive droite de la Seine.

Fin novembre 1924, le commissaire Defert est réveillé par un de ses agents qui lui indique : « il faut que vous veniez tuer l'éléphant ». Agra, que Le Figaro qualifie d'éléphant facétieux, avait peu auparavant fait une randonnée boulevard Beaumarchais qui avait provoqué un grand émoi. Il s’était de nouveau échappé lorsque le cirque auquel il appartient avait voulu le faire monter dans un camion pour se rendre en tournée à Niort. Inquiet de voir l’animal furieux même après qu’il ait été rattrapé, le cornac voulait qu’on l’abatte. Mais M. Defert n'était pas de cet avis. Il le fit enchaîner et conduire de nuit vers la gare d'Austerlitz.

Un mois plus tard, la veille de Noël, Louis Defert épouse à Paris (15e arr.) Berthe Léonie Hugues, fille de tapissiers parisiens.

Parmi les affaires dont il a la charge figure, en août 1913, la découverte, chez un cambrioleur, d’une édition complète de Voltaire, en quarante-trois volumes, dont il fait rechercher le propriétaire. Deux mois plus tard, il voit débarquer dans son bureau un garçon de treize ans qui, à la suite d'une dispute avec son père, avait quitté le domicile familial avec le vélo paternel et était arrivé à Paris (environ 90 kilomètres) où il déclara : « maintenant je ne sais plus comment me débrouiller ». Defert le fit rapatrier.

En juillet 1914, Defert, malade, a pris sa retraite. Il est tiré au sort pour figurer dans le jury de la cour d’assises de la Seine qui doit juger Henriette Caillaux, épouse du ministre des Finances Joseph Caillaux, qui a assassiné le journaliste Gaston Calmette, directeur du Figaro. Cependant, il ne reçoit pas sa convocation, étant alors hospitalisé à Villers-Cotterêts (Aisne), où existe alors une maison de retraite gérée par la préfecture de Police. Il ne prend donc pas part au procès.

Du fait de la première guerre mondiale, il est appelé à reprendre sa fonction et est, de nouveau, commissaire de police du quartier Rochechouart en 1916. Il rejoint le quartier de Bercy (12e arr.) en 1918 et assure l’intérim du poste de commissaire aux délégations judiciaires en février cette même année.

Ayant été chargé par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale du contrôle d'une importante société mutuelle d'assurance-vie, comprenant plus de 10.000 adhérents, dont il accompagne la dissolution, il publie en 1918 une brochure sur L'Administration et la liquidation des sociétés de secours mutuels. Préfacée par Maurice Fenoux, sénateur du Finistère, elle est saluée par les milieux de la Mutualité, qui lui accordent une médaille.

Le gouvernement de Georges Clemenceau avait, à partir de novembre 1917, constitué un ministère des régions Libérées en prévision de la fin de la guerre, confié à Albert Lebrun puis, à partir de novembre 1919, à André Tardieu. Defert, de nouveau retraité de la préfecture de police, est recruté en tant qu’inspecteur dans ce ministère. Il est chargé d'inspecter les dix principaux camps américains achetés par la France pour prendre les mesures de protection du matériel qui y est entreposé. Il propose, en octobre 1919, la création d'un Service général de protection et de défense contre le pillage des camps.

Yves Le Trocquer, député du Finistère, sous-secrétaire d'État aux finances, chargé de la liquidation des stocks, intègre Louis Defert dans son cabinet et le nomme chef du service central de la sûreté des camps. Il reste en poste lorsqu’Emmanuel Brousse prit la succession de Le Trocquer comme sous-secrétaire d'État début 1920. Le quotidien L’Œuvre consacre un long reportage, en mai 1920, à son service dont il assure qu’il « fonctionne fort bien ». Defert fait remplacer les intendants militaires par des civils et veille à la coordination de leur action avec la police et la gendarmerie régionale, contrairement aux habitudes antérieures.

Ayant probablement cessé alors son activité professionnelle, Louis Defert s’engage dans la vie associative. Il est en 1922 vice-président de l'Association des retraités de la préfecture de police, dont Raoul Rongiéras est le président. Ensemble, ils font des démarches auprès de M. Lemarchand, rapporteur général du budget de la Ville de Paris, pour améliorer le paiement des pensions en décembre 1922. Defert abandonnera cette fonction en 1925.

Son engagement principal est au sein de la Fédération Nationale des Retraités municipaux, départementaux et hospitaliers de France. Il prend part à son congrès constitutif en janvier 1923 à Paris et en devient vice-président, Cauderelles, de Boulogne-sur-Mer étant le président. Il lui succède en juin la même année. Il est désigné, en août 1924 pour faire partie de la commission extraparlementaire chargée de préparer un nouveau régime de retraite des employés départementaux et communaux. Il défend l’idée d’une obligation de péréquation au profit des vieux employés et ouvriers retraités des services publics.

En 1926, suite à la dégradation de son état de santé, il demande a être remplacé mais accepte d’être nommé président d'honneur et conseiller technique de la Fédération. Il est remplacé par Gobert, issue de l’association de Troyes (Aube), qui avait joué un rôle très actif dans la création du groupement. Defert continue de participer aux travaux de la commission d'administration générale de la Chambre des députés, saisie du projet sur les retraites des municipaux déposé par le gouvernement. Avec les autres dirigeants fédéraux, Defert rencontre en août 1927 le ministre de l'intérieur, Albert Sarraut, qui adresse aux préfets une circulaire pour encourager l’amélioration des pensions versées par les conseils généraux et les conseils municipaux aux retraités. En novembre 1927, Defert préside la cinquième assemblée générale de la Fédération nationale dans la mairie du 9e arrondissement de Paris.

Les retraités municipaux de Lille, Roubaix et Tourcoing lui rendent hommage en janvier 1928. Les quotidiens La Lanterne, Le Rappel et La Nation publient le 19 avril 1927 dans le cadre d’une série consacrée aux militants des groupements de retraités un long article qui lui est consacré, accompagné d’un portrait dû au photographe Henri Manuel (1874-1947).

Jusqu’alors domicilié Paris, rue Condorcet, dans le quartier de Rochechouart (9e arr.), les époux Defert sont installés en 1931 à Viarmes (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise). Ils reviennent ensuite dans leur appartement parisien pour le reste de leur vie.

Trois ans après son épouse, Louis Defert meurt le 9 novembre 1956 à Paris (18e arr.) où il était hospitalisé, à l’âge de 89 ans. Ils n’ont pas eu d’enfants.

Titulaire de la médaille de la Mutualité et de celle de l'Hygiène, Defert avait obtenu à deux reprises des médailles d'argent pour actes de courage et de dévouement en 1898 et 1910. Il avait aussi été attributaire d’un Grand diplôme d'honneur de l'assistance aux animaux en 1903. En avril 1911, il était décoré de chevalier de l’Ordre du Dragon de l’Annam (Indochine, Vietnam).

Fin

Louis Defert, Photo Henri Manuel, 1927.

 

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23 juin 2023 5 23 /06 /juin /2023 01:01

Début de la biographie de Louis Defert

Jean Louis Augustin Defert naît le 16 avril 1867 à Paris (11e arr.). Il est le fils d’Augustine Jeanne Soreau, blanchisseuse, et de son mari Louis Constant Defert, sergent de ville. Ses parents vivent rue de Montreuil. Il est le troisième des sept enfants du couple, dont quatre meurent en bas âge. Ses parents sont originaires de la Sarthe ; il se séparent peu après la naissance du dernier en 1881 puis divorcent en juillet 1887.

Après des études à la Faculté de Paris, Louis Defert obtient en 1890 une capacité en droit et exerce comme clerc dans une étude d'avoué au tribunal de première instance de la Seine puis en tant que secrétaire d'agréé au tribunal de commerce de la Seine.

Il rejoint, en 1892, les services de la préfecture de police de Paris, d’abord comme ire suppléant près les commissariats de police de la Ville de Paris. Il est nommé secrétaire titulaire en novembre 1892 à Ivry (Seine, act. Val-de-Marne). Les secrétaires sont les adjoints des commissaires de police. Il est transféré, en mars 1893 à Asnières (Seine, act. Hauts-de-Seine) puis en janvier 1894, dans le quartier Sainte-Avoye de Paris (3e arr.).

Dans cette dernière fonction, il organise, en septembre 1896, une présentation de presse d’une « invention qu'il a faite dans le but d'enrayer le cambriolage et de protéger les bureaux du ministère de la guerre ». Il présente son matériel dans une brasserie de la rue Montmartre, en compagnie d’un professeur de physique à l'École de pharmacie, M. Séguy. Il s’agit d’alarme électrique, qui sonne dans les locaux privés et s’affiche sur un tableau dans la loge du concierge pour les établissements publics. De nombreux articles rendent compte de son invention, estimant qu’il « a imaginé un appareil fort bien combiné » (XIXe Siècle, 1896/09/20).

Devenu en mai 1897 secrétaire aux délégations judiciaires, Defert est nommé inspecteur principal des gardiens de la paix en février 1901. C’était la fonction qu’avait exercé son père.

Parallèlement à ses fonctions policières, Defert rédige un ouvrage, L'Enfant et l'adolescent dans la société moderne, qui est publié la même année aux éditions Montgrédien à Paris. Il est préfacé par le Dr Théophile Roussel, sénateur de la Lozère, médecin et philanthrope, qui est considéré comme l'un des premiers hommes politiques français à avoir contribué à la protection de l’enfance. L'Académie de médecine lui décerne une médaille d'argent et le conseil de Paris lui vote des remerciements. Son livre est réédité, en 2013, par Hachette-Livre.

Il est promu, en septembre 1901 commissaire de police des communes de la Seine et obtient son premier poste à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis).

Dans la même fonction, il remplace en décembre 1905 M. Rogeaux à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Sa circonscription comprend des villes souvent plus importantes que celle qui accueille le siège du commissariat : Bry-sur-Marne, Champigny, Nogent-sur-Marne, Le Perreux et Saint-Maur-des-Fossés. Il compte une trentaine d’agents.

Au cours de l’année 1905, Louis Defert fait paraître un Code de police (éd. Giard et Brière, Paris). Il s’agit d’une compilation des textes des ordonnances depuis l'origine applicables dans le ressort de la préfecture de police (arrêtés, règlement sanitaire, lois et décrets). Le quotidien La Lanterne y voit « un travail aride », mais souligne qu’il vient d’un « juriste distingué » et qu’il est honoré par le conseil général de la Seine et le conseil municipal de Paris.

En février 1906, Defert doit assurer le service d'ordre lors des inventaires des biens des fabriques, qui géraient les paroisses catholiques, après la séparation de l’église et de l’État en 1905. À Joinville et au Perreux, ces actes se déroulent « sans autre incident que la protestation des curés de chaque paroisse » selon le quotidien Le Radical. C’est plus difficile à Saint-Maur, où l'agent des domaines doit se retirer lors de sa première visite, car la sacristie de l’église Saint-Nicolas était barricadée. Mais il peut revenir et procéder quelques jours plus tard à l’inventaire de ce bâtiment et des autres lieux de culte de Saint-Maur. À Champigny, les opérations furent conduites « pendant qu'une centaine de vieilles dévotes chantaient des cantiques » selon le même journal radical-socialiste.

En décembre 1906, le trente-sixième anniversaire de la bataille de Champigny, pendant la guerre franco-allemande de 1870, est l’occasion d’une manifestation de militants nationalistes dans cette commune, avec à leur tête Paul Déroulède. Defert à quelques difficultés à contenir la foule qui s'écrase aux grilles de l’entrée.

À suivre

Administration et liquidation des Sociétés de secours mutuels, ouvrage de Louis Defert, 1918

 

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21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 01:01

Maximilien Jean Mathurin Parnet naît le 13 avril 1865 à Moncontour (Côtes-du-Nord, act. Côtes-d'Armor). Il est le fils de Caroline Marie Joséphine Camus (ou Le Camus) et de son mari Jean Marie Parnet, absent au moment de sa naissance car il navigue.

Jean Marie Parnet est capitaine au long cours. À partir de janvier 1867, il est commandant du paquebot trois-mâts le Java. Il voyage principalement entre Le Havre (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime) et l’Amérique du Sud. Il récupère des chargements de guano dans les îles Chinchas et Guanape du Pérou, charge du nitrate de soude et de la laine au Chili, du cuir et des cornes en Argentine… Son bateau part de Buenos-Aires pour Le Havre le 28 octobre 1871 et il en est identifié comme le capitaine. Il meurt cependant le même jour, selon le consul de France dans la capitale argentine, probablement victime d’un accident qui a conduit à ce qu’il soit ramené à terre.

Les deux enfants vivants du couple, Maximilien, 6 ans, et sa sœur Marguerite, 2 ans, sont alors confiés Mathurin Droüart (1812-1884), notaire à Moncontour et futur avocat, qui ne leur est pas apparenté et n’est pas marié, mais qui avait déjà accueilli dans sa maison la naissance de Marguerite. Leur mère, fille naturelle non reconnue, vit toujours à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) en 1922.

En tant que fils aîné de veuve, Maximilien Parnet est dispensé d’effectuer son service militaire. Il devient lieutenant de la marine marchande et navigue pendant deux ans sur les côtes des Antilles et de l’Indochine.

Il quitte la flotte et se fait embaucher par la préfecture de police de Paris, où il est nommé en septembre 1889 secrétaire suppléant des commissariats de la capitale. Il est nommé secrétaire titulaire (adjoint du commissaire de police) à Asnières (Seine, act. Hauts-de-Seine) en janvier 1891 puis revient, dans la même fonction, au commissariat du quartier des Invalides à Paris (7e arr.) en mars 1893. Il est ensuite inspecteur-principal de gardiens de la paix.

Marie Josèphe Pallier, fille de marchands de bois de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord, act. Côtes-d'Armor), épouse Maximilien Parnet à Paris (17e arr.). Signalé comme membre d’une loge maçonnique lorsqu’il exerce ses fonctions de secrétaire de commissariat, il le sera toujours en 1904.

En février 1897, il est promu commissaire de police des communes de la Seine et affecté à Saint-Denis-Nord (Seine, act. Seine-Saint-Denis) où il remplace M. Baube, décédé.

La même année, en octobre, il rejoint dans la même fonction Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où son prédécesseur, M. Rougean, prend sa retraite. Le commissariat compte une trentaine d’agents. Sa circonscription comprend des villes souvent plus importantes que celle du siège : Bry-sur-Marne, Champigny, Nogent-sur-Marne, Le Perreux et Saint-Maur-des-Fossés.

Une des premières affaires à laquelle il fait face est le cambriolage de la mairie en novembre 1897. Les bureaux du maire et du secrétaire sont visités, et les cambrioleurs forcent les tiroirs-caisses du secrétariat, où ils trouvent 378 francs, ainsi que le tronc des pauvres, qui contenait plusieurs centaines de francs. Son commissariat ayant été envahi par des abeilles en juin 1898, il fait appel à un de ses gardiens de la paix, ancien apiculteur, pour récupérer les insectes et les fait vendre dans la journée aux enchères publiques au bénéfice du bureau de bienfaisance communal.

Deux violents incendies de déclarent, en janvier puis en avril 1899, dans des bâtiments industriels à Joinville-le-Pont. Le premier, dans un entrepôt, fait plusieurs blessés. Le second, dans la principale usine métallurgique locale, le Bi-Métal, nécessite l’appel à cinq compagnies de pompiers et à l’armée. Il n’y a pas de victimes, mais les dégâts sont importants. La même année, c’est un chien enragé qui s’introduit dans le commissariat de Joinville, mordant deux agents et un enfant avant d’être abattu. Les victimes suivirent un traitement antirabique à l'Institut Pasteur.

Recevant un avancement en tant que commissaire de police de la Ville de Paris, Maximilien Parnet est nommé en septembre 1901 au quartier Sainte-Avoye (3e arr.). Il est remplacé à Joinville par M. Orsatti. Puis, en juillet est muté au quartier du Gros-Caillou (7e arr.).

Parallèlement à ses activités professionnelles, il est membre actif de l’association Amicale et de prévoyance de la préfecture de police, une structure mutualiste. Il est aussi formateur au sein de la Société sportive de la préfecture de police, où il exerce la fonction de directeur des cours de culture physique. Il aurait été l’auteur de trois ouvrages sur l’éducation physique, ce qui lui aurait valu d’être lauréat de l’Académie des sports.

Tout en restant commissaire, Parnet est nommé suppléant du ministère public au sein du tribunal de simple police en octobre 1913. L’année suivante, en janvier, il prend le poste de commissaire du quartier des Champs-Élysées (8e arr.).

Gravement malade et opéré en 1916, il décide de rester à Paris. Il prend sa retraite pour raison de santé en juillet 1918.

Il reprend cependant une activité, d’abord en étant associé d’une société anonyme créée en avril 1920, baptisée Rénovation ayant pour objet la reprise et le développement des affaires. Un article antisémite du journal La Vieille-France, commentant cette constitution remarque « Le commissaire de police est français. Les garçons de bureau pareillement. »

Se séparant de son épouse, sans cependant divorcer, Maximilien Parnet prend pour compagne Augusta Bell, fille de commerçants et divorcée. Ils s’installent à Saint-Servan (act. Saint-Malo, Ille-et-Vilaine) mais conservent un appartement à Paris (15e), avenue Émile-Zola. Il collabore avec la maison Berland, société La Morue française dont il est chef du personnel à Saint-Malo en 1923.

Maximilien Parnet meurt le 16 novembre 1939 à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine). Il était âgé de 74 ans et n’avait pas eu d’enfant.

Titulaire d’une douzaine de décorations françaises et coloniales, il était attributaire des Palmes académiques en tant qu’officier d'académie (novembre 1902) puis officier de l’instruction publique (1907). Il avait été fait chevalier du Mérite agricole en 1906 et ensuite officier pour l’organisation des services d’ordre et de police pendant onze ans aux concours agricoles du Champ-de-Mars. Il avait reçu une médaille de vermeil pour Actes de courage et de dévouement, la médaille d'or de Sauvetage et la médaille des Épidémies. Son action dans la mutualité lui avait valu deux médailles, de bronze et d’argent. Il était titulaire de la médaille d'Anjouan (Comores) et de l’Ordre royal du Muniseraphon du Cambodge. En juillet 1923, il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur.

Des bateaux aux îles Chincha (Pérou), semblables au Java de Jean René Parnet (Wikipédia)

 

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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 01:01

Raymond Marie Rougean naît le 16 mai 1844 à Toulouse (Haute-Garonne). Il est le fils d’Antoinette Élisabeth Couzy et de son époux, Charles Julien Rougean, serrurier.

En 1870, Raymond Rougean est employé à la préfecture de police de Paris comme secrétaire de M. Dulac, commissaire de police à Saint-Denis (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Les secrétaires des commissariats sont les adjoints des commissaires.

Il épouse en avril 1872 à Paris (11e arr.) Zoé Berecka, native du Var et fille d’un conducteur des ponts et chaussées d’origine polonaise. Ils vivent boulevard Voltaire. Son épouse meurt en octobre l’année suivante. Raymond Rougean se remarie en février 1876 à Paris (4e arr.) avec Joséphine Adèle Agneray, employée de commerce ; ils habitent rue Saint-Antoine.

Toujours secrétaire de M. Dulac, devenu commissaire aux délégations judiciaires à Paris, il l’accompagne en octobre 1880 pour procéder à l’expulsion des religieux de la communauté des Carmes déchaussés, à Paris (16e arr.), rue de la Pompe, après la dissolution d’une partie des ordres monastiques par le gouvernement. Ils sont obligés de sortir de force les pères de leurs cellules.

Toujours sous les ordres de M. Dulac, Rougean est en janvier 1881 à la tête d’une escouade de gardiens de la paix à l’entrée du cimetière du Père-Lachaise à Paris (20e arr.), lors des obsèques du militant socialiste révolutionnaire Auguste Blanqui, auxquelles plus de dix mille personnes participent selon la presse.

En avril 1881, il est nommé commissaire de police à Saint-Denis, à la tête du nouveau commissariat créé dans la partie nord de cette ville, après le dédoublement de l’ancien établissement. En novembre 1883, la presse quotidienne parisienne ainsi que l’hebdomadaire local publient de très nombreux articles sur la réclamation d’un habitant de la commune, relayée à l’Assemblée nationale par un député, Eugène Delattre, membre du groupe de la Gauche radicale (radicaux modérés). Le scandale est dénoncé dans au moins quarante journaux, principalement à Paris mais également en province.

L’homme en question, M. Fleury, propriétaire dans la commune, avait fait appel aux services de M. Rougean pour l’exhumation d’une dizaine de membres de sa famille qu’il voulait transférer dans un autre caveau ; il a déposé une plainte au parquet puis auprès du ministre de la justice, reprochant qu’une « somme d’argent assez considérable », soit 160 francs, lui a « été extorquée par ruse, presque par violence » alors que, selon lui, « l’usage admet seulement que du consentement de l’intéressé, une somme de 10 francs soit allouée au commissaire de police comme gratification volontaire. »

Le Journal de Saint-Denis, journal républicain, qualifie Rougean de « commissaire voleur ». Une réunion publique se tient le 23 décembre dans une salle de la ville, dans laquelle une résolution est votée, déclarant que « le sieur Rougean, commissaire de police, a abusé sciemment de ses droits et pouvoirs ; qu’il a par ces faits perdu l’estime et le respect de tous, nécessaires à un administrateur public ayant d’aussi importantes fonctions ». les participants assurent « qu’il n’a plus qualité morale pour veiller à la sécurité, publique, étant l’objet du mépris général » et « déclarent ne plus considérer moralement le sieur Rougean comme fonctionnaire, attendu qu’il en a perdu les qualités essentielles : honneur et probité. »

La préfecture de police ne prononça pas de sanctions officielles. Cependant, la veille du meeting, le commissaire avait remboursé à son administré la somme versée et il avait été muté dans la circonscription des Lilas (Seine, act. Seine-Saint-Denis), « ce qui ressemble fort à une disgrâce », commentait le quotidien Le Gaulois. Au contraire de la plupart de ses collègues, Le Petit Journal assure que l’enquête de la préfecture de police « a établi la parfaite honorabilité de M. Rougean ». Et La Petite République assure qu’il « a emporté avec lui la sympathie et l’estime de ses administrés dont un grand nombre ont fait une pétition pour demander son maintien à Saint Denis. »

L’arrivée du policier dans son nouveau poste ne passe pas inaperçue. Fin janvier 1884, le le de propagande collectiviste révolutionnaire des Prés-Saint-Gervais-Lilas met à l’ordre du jour d’une réunion « L'affaire Rougean ». Un de ses membres, M. Fuzillier, constitue un dossier en vue de demander sa révocation. En juin la même année, le quotidien L’Intransigeant l’accuse d’avoir ordonné des violences envers « de pauvres femmes et de paisibles citoyens ». Il estime que Rougean veut apparaître comme un commissaire « à poigne », pour se faire bien voir de ses chefs.

En septembre 1886, Rougean est désigné comme commissaire de police de Choisy-le-Roi (Seine, act. Val-de-Marne). Il est de nouveau mis en cause par L’Intransigeant, en août 1891, pour ne pas avoir, selon le quotidien qui fait état de ses antécédents à Saint-Denis, réglé la course d’une personne qu’il avait chargée de conduire en fourrière une voiture appartenant à des individus arrêtés.

Après l’attentat contre la Chambre des députés du militant anarchiste Auguste Vaillant, en décembre 1893, Rougean conduit une enquête sur le Cercle philosophique, fondé par Vaillant à Choisy-le-Roi où il résidait. Il conclut qu'aucun des membres n'avait même eu l'idée de ce que pouvait avoir l'intention de faire l'anarchiste.

Le commissaire doit intervenir, en juillet 1894, pour rétablir l’ordre après des bagarres entre ouvriers français et italiens, employés au chantier ferroviaire de Villeneuve-Triage.

En août 1894, Rougean devient commissaire de police de Joinville-le-Pont, en remplacement de Louis Soullière. Il doit gérer l'explosion en février 1895 d’une chaudière à l’usine du Bi-Métal dans la commune, qui fait quatre morts, dont une enfant du gardien. Elle provoque une vive émotion.

Le mois suivant, les agents du commissariat de Joinville arrêtent un nihiliste russe Joseph Epeler qui criait « Vive l'anarchie ! Vive Caserio ! Mort aux bourgeois ! ». Lors de son interrogatoire par Rougean, il aurait déclaré : « je professe les doctrines anarchistes ; j'étais l'ami de Caserio dont je suis encore l’admirateur ; j'ai voué une haine mortelle aux bourgeois et à la société, qu'il faut détruire. » Sante Caserio, boulanger italien, a assassiné à Lyon en juillet 1894 Sadi Carnot, président de la République. En septembre 1895, il fait arrêter, toujours à Joinville, un ouvrier tréfileur à l'usine du Bi-Métal, Louis-Joseph Mercier, qui criait dans la rue « Vive Ravachol ! Vive Caserio ! »

Rougean prend sa retraite en octobre 1897 ; son départ est salué par l’hebdomadaire radical-socialiste local, Voix des communes : « Il était fort aimé et estimé dans la circonscription, en raison de son esprit de justice, de sa droiture et aussi de sa bonté ». Il est remplacé par M. Parnet, jusque-là commissaire de police à Saint-Denis (nord). Lors de son départ de Choisy-le-Roi en août 1894, c’était Le Réveil républicain qui le saluait : « Il fut ici très bon magistrat, sut tenir la circonscription dans la voie de l'ordre et dans une complète sécurité. De là découle les regrets de beaucoup de le voir partir. »

Il meurt dans sa ville natale de Toulouse, où il avait pris sa retraite rue du Tarn, le 25 novembre 1903. Il était âgé de 59 ans.

Explosion de la chaudière du Bi-Métal, février 1895, Joinville-le-Pont

 

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30 mai 2023 2 30 /05 /mai /2023 01:01

Suite de la biographie de Louis Soullière

Sa disgrâce terminée, Soullière est de nouveau nommé commissaire à Aubervilliers (Seine, act. Seine-Saint-Denis) en mars 1897, mais il est transféré immédiatement dans la commune voisine de Saint-Ouen où il inaugure, en janvier 1898 un nouveau commissariat de police. En octobre la même année, il rejoint Neuilly-sur-Seine (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il y crée une brigade d'agents cyclistes, qui est à l’origine de l’arrestation de malfaiteurs qui s’attaquaient aux promeneurs dans le bois de Boulogne, désignés comme la bande du « Grand Caïman ».

En août 1901, Soullière, ouvre une enquête suite au cambriolage du Pavillon des Muses, propriété située boulevard Maillot de Robert de Montesquiou, alors en villégiature à Capvern, dans les Pyrénées. Le comte, poète, dandy et critique d'art, était très proche du milieu littéraire de son époque. Il entretint une abondante correspondance avec Marcel Proust, pour lequel il fut un des inspirateurs d’un des personnages de La Recherche du temps perdu, le baron de Charlus.

Promu commissaire de police de la ville de Paris, Soullière est chargé du quartier de Javel (15e arr.) en mai 1902. Il devient commissaire-chef deux ans plus tard et est nommé à la tête de la première brigade des recherches, dite brigade des jeux. Il organise de très nombreuses opérations de police dans les Cercles de jeux parisiens. Mais il conduit également des enquêtes sur l’exercice illégal de la médecine ou le trafic de drogue. En avril 1906, il réalise une perquisition au siège du Comité antimaçonnique et chez son président, l’abbé Joseph Tourmentin, s’attirant une protestation dans les milieux catholiques.

Le quartier Le Soleil, commente son attitude en juin 1906 dans les Propos d’une parisienne : « Il y a des magistrats qui ont du tact et savent à l’occasion se montrer conciliants, voire même courtois en certaines circonstances. (…) M. Soullière, par exemple ! l’intelligent commissaire de la première brigade des jeux. Dernièrement encore il faisait une descente dans un cercle mixte, quand il s’aperçut qu’à son entrée une femme très élégante, en robe décolletée, avait brusquement saisi l'enjeu et l'avait vivement caché dans son corsage, puis... simulant un évanouissement, s'était laissé tomber dans un fauteuil. Le tenancier du cercle, avec un air de circonstance, cherchant à attendrir M. Soullière, lui demanda l’autorisation de faire conduire Mme X... à sa voiture. (…) Le spirituel commissaire des jeux, moins farouche et plus humain que celui de Longchamp, mais ne voulant pas laisser croire qu’il était dupe de la comédie, se tourna vers ses agents et d’un geste plein de convoitise : Messieurs, leur dit-il, laissez passer la cagnotte. »

Avant les législatives, Soullière produit en avril 1910 un rapport sur « La Ligue patriotique des Françaises et les élections », une institution qu’il surveille depuis deux ans. Il souligne le rôle des jésuites dans la mobilisation féminine selon l’historienne Magali Della Sudda, qui relève la « bonne connaissance de l’association et de l’inquiétude que suscite la compagnie de Jésus » à une époque où le « péril clérical » reste un thème politique important, le gouvernement et la presse voyant dans les jésuites une « Internationale noire (…) aux ordres d’une puissance étrangère. »

En avril 1911, tout en restant chargé du service des jeux, M. Soullière est nommé commissaire divisionnaire. Il fait partie, en novembre 1912 de la commission chargée d’étudier la réglementation des séances publiques de boxe. Il fait également saisir la comptabilité du Sou du Soldat et de nombreux documents dans les bureaux de la Fédération communiste anarchiste, rue Henri-Chevreau, en mai 1913.

Après la première guerre mondiale, durant laquelle il dirige un des districts de la police de Paris, M. Soullière, est chargé en décembre 1919 du service des locataires expulsés et des réfugiés. Le journaliste et écrivain Gabriel Reuillard, proche du romancier Henri Barbusse, l’interroge pour le quotidien socialiste L’Humanité qui publie leurs longs échanges le 26 janvier 1920 :

« - Ce que je fais des personnes qui viennent me demander un domicile, nous dit-il, je les héberge, actuellement, boulevard Jourdan, en des masures dont je suis en quelque sorte le gérant.

- Sont-elles nombreuses et habitables ?

- Euh !... On doit en trouver d'autres plus vastes et mieux aménagées, car les solliciteurs sont nombreux et je suis accablé de requêtes.

- Prévoyez-vous que la crise actuelle puisse avoir une fin prochaine ?

- Hélas ! je te voudrais ; mais je n'y vois pas de solution possible avant des années ! Car les raisons qui l'ont provoquée et qui ne cessent de l'entretenir sont loin de disparaître, La crise provient de la congestion de Paris pendant la guerre Les régions libérées ne sont pas reconstruites et un grand nombre de réfugiés ne peuvent regagner encore des pays dévastés et que l'on ne se hâte pas, il faut le dire, de reconstruire. C'est difficile, je le sais : pas de transports, de matériel, de machines et peu de main-d’œuvre. Alors... Alors...

- Alors, il faudra des années ?

- Des années... Du moins, c'est à craindre... Ce sont aussi les expropriations de plus en plus importantes et de plus en plus nombreuses de maisons d'habitation à cinq, six ou sept étages, en vue de l'agrandissement de tel ou tel grand magasin ou pour souscrire à la folie d'édification de cafés, de dancings, de restaurants, de cinémas ou de boites à spectacles ou à plaisirs, qui aggravent le mal. Le gouvernement devrait autoriser les administrations qu'il a chargées de chercher des remèdes à cet état de choses, à employer des mesures énergiques.

- Lesquelles ?

- Elles sont très simples. Ce ne sont, pas les logements inhabités qui manquent. Tel ou tel grand appartement que je pourrais citer abrite depuis 7, 8, 9 ou 10 ans, le mobilier de familles qui se sont retirées au bord de la mer ou à la montagne. Ce système de garde-meubles est onéreux, me dites-vous. Ces personnes-là sont riches. Quelques milliers de francs par an de plus ou de moins, n'est-ce pas, pour elles !...

Et les maisons entières, les maisons d'exhibition ou de rendez-vous, les garçonnières de toutes sortes !...

Il faudrait pouvoir réquisitionner tous ces logements et distribuer les locaux disponibles à ceux dont la mauvaise volonté de certains propriétaires intransigeants a l'ait comme une espèce nouvelle de vagabonds...

Il faudrait, il faudrait que l'on nous autorise à prendre des mesures énergiques. »

Et M. Soullière ajoute :

« - Tout le mal provient de ce que certains ont trop de moyens et de ce que d'autres n'en ont pas assez. De là le déséquilibre constant entre les situations, les heurts de plus en plus fréquents, de plus en plus violents, de plus en plus pénibles, entre les individus de catégories diverses. Les uns ont trois ou quatre appartements spacieux, les autres n'en ont pas du tout. Et pour tout, c'est la même chose ! »

L’écrivain pacifiste conclut : « La conclusion de cette juste argumentation ? M. Soullière ne pouvait la formuler : le caractère et l'essence même de ses fonctions le lui interdisent, on le comprend. Mais son impression pessimiste demeure et l'on s'explique combien il est difficile, impossible même, de trouver une solution : équitable à la crise des loyers dans l'état actuel de notre société bourgeoise. »

Louis Soullière prend sa retraite en octobre 1920. Il meurt le 22 octobre 1934 à Boulogne-Billancourt, où il résidait rue de l'Est. Il était âgé de 73 ans.

Un médecin, ami de longue date de la famille, rapporte, dans la Revue métapsychique en 1935, que le décès de Louis Soullière fut pour lui l’objet, la veille, d’une « monition de mort ». Il raconte sa disparition : « M. Soullière qui avait été bien portant, gai et allant le 21 octobre, fut réveillé le lundi 22 octobre, à 2h moins le quart, par une crise d’étouffement, accompagnée d’un vomissement. Il dit « J’étouffe, comme j’étouffe ! ». Sa femme envoya de suite sa bonne chercher un docteur dans le voisinage. Celui-ci arriva et lui mit des ventouses. M. Soullière dit : « S'il me faut encore souffrir comme ça, j'aime mieux mourir. » Et il expira à trois heures moins le quart. »

Le commissaire Soullière était officier dans l’ordre de l'Étoile noire du Bénin (Dahomey) depuis mai 1900, commandeur dans celui du Medjidié (empire Ottoman) depuis février 1905, décoré des Palmes académiques comme officier d'académie en décembre 1905. Il était chevalier de l'ordre de Victoria, dont la croix lui avait été remise en mai 1906 par le roi d'Angleterre Edouard VII. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en février 1919.

Son épouse avait accouché d’un enfant sans vie en octobre 1892. Par testament rédigé en 1925, il lui avait légué 50 000 francs. Elle sollicita, mais n’obtint pas, une aide du conseil général du département, en sus de sa pension de réversion.

Fin

Un cercle de jeux à Paris

 

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