Casimir Paul Joseph Rey naît le 2 août 1847 au Cheylard (Ardèche), fils d’un cafetier, Joseph Rey, 35 ans, et de son épouse Marie Royet, 25 ans, ménagère. Il utilisera ensuite le prénom de Louis. Il est de petite taille, mesurant 1m62 selon son livret militaire, ce dont certains de ses adversaires tireront argument.
Après avoir sans doute été apprenti, il est cuisinier au Cheylard, probablement dans le café de son père, au moins entre 1866 et 1868 puis de 1874 à 1875.
Rey effectue un long service militaire, comme soldat au 1er régiment de zouaves à partir de 1868. Il fait toute la campagne contre l'Allemagne de juillet 1870 à février 1871. Son régiment participe à la défaite de Sedan et se replie à Hirson. Il combat ensuite autour de Paris à Châtillon (Seine, act. Hauts-de-Seine) et est fait prisonnier une première fois par les allemands. Il s’évade, rejoint l’armée de la Loire puis celle de l’Est (Bourbaki). Il témoigne qu’ils étaient « partout battus, harcelés après quelques victoires sans lendemain comme à Coulommiers [Seine-et-Marne] le 9 novembre 1870 ou à Villersexel [Haute-Saône] le 9 janvier 1871. »
Arrêté une seconde fois vers Sombacourt (Doubs), il s’évade à nouveau et rejoint la Suisse par Pontarlier puis Les Verrières de Joux. Il est interné à Uzenach, dans le canton de Saint-Gall. Selon son témoignage, 84 422 soldats français sont internés en Suisse, dont 70 à Uzenach. Dans un courrier du 18 février 1871 à un oncle, il s’interroge : « Nous sommes vaincus, mais à quand la revanche ? » Il peut rejoindre la France à la fin de ce mois et réintègre son régiment.
En mars 1871, Rey fait la campagne de l’insurrection arabe en Algérie, selon la terminologie de l’armée, appelée également révolte des Mokrani, qui voit 250 tribus, soit près du tiers de la population algérienne, se soulever à l’appel du cheikh El Mokrani contre l’occupation française. Elle se déroule principalement en Grande-Kabylie. Rey obtient la médaille coloniale. Il est libéré du service militaire en 1873.
Joseph Marc Jougla naît le 25 avril 1847 à Eycheil (Ariège). Il est le fils de Marie Justine Peyrat et de François Jougla, dit Magré, instituteur primaire. Bien que peu fortunée, la famille est issue d’une lignée noble. Le titre de baron de Paraza, du nom du village de la Narbonnaise (Aude) dont la famille était issue au 16e siècle, était porté par son arrière-grand-père Henri Elisabeth Jougla (1745-1801), également baron de Lignac. Le fils aîné de ce dernier étant mort sans descendance masculine, c’est son neveu, François Jougla, qui devenait le successeur légitime, puis, à sa mort en 1852, son premier fils, Joseph.
En 1867, Joseph Jougla devient conducteur de travaux des Ponts-et-Chaussées et travaille à Foix, préfecture de l’Ariège. Il continuera de revendiquer cette fonction, même après en avoir démissionné en 1889.
Orphelin et aîné, Jougla est dispensé de service militaire Il est cependant volontaire lors du conflit franco-prussien de 1870 et devient officier d’état-major du génie. Il garde son titre d’officier de réserve jusqu’en 1882.
Toujours à Foix, Joseph Jougla épouse en avril 1874 Marie Joséphine Schmit.
En 1883, Jougla s’associe avec Émile Graffe pour fonder une société de fabrication de plaques photographiques, installée dans un quartier de Nogent-sur-Marne (Seine, act. Val-de-Marne) qui sera rattaché, l’année suivante, à la nouvelle commune du Perreux, avenue de Bellevue. Il réside à proximité, rue des Corluis. En 1887, la société produit les premières pellicules photographiques en celluloïd, ce qui contribue au démarrage de l’industrie du cinéma. À la mort de Graffe en mars 1894 Jougla reprend seul l’exploitation de la société, rebaptisée en 1898 Société des plaques, pellicules et papiers photographiques Joseph Jougla.
Après le décès de sa première épouse en 1887, Joseph Jougla s’était remarié, en février 1890 à Saint-Girons (Ariège) avec Hélène Marthe Jalbert. Il est membre correspondant de la Société d'histoire naturelle de Toulouse depuis 1874 et jusqu’en 1896.
Édouard Gilles Vautier naît le 5 octobre 1789 à Pantin (act. Seine-Saint-Denis). Il est le fils de Marie Jeanne Studians et de son époux, Gilles Vautier, commandant de la brigade de la maréchaussée.
Le père, Gilles Vautier (1740-1812), deviendra chef d’escadron et commandant de la gendarmerie impériale de la Seine-Inférieure (act. Seine-Maritime). Décoré en tant que chevalier de la Légion d’honneur, il est également anobli et fait chevalier de l’empire, titre non héréditaire. Son effigie est conservée au Musée des Beaux-Arts de Rouen sous le titre « Portrait d'un officier du 1er empire, M. Vautier », œuvre d’un peintre anonyme ; elle provient d’un don de son fils aîné, Louis Gilles Vautier, fait en 1871.
Édouard Vautier, qui n’est pas marié, vit, à la fin du second empire, avec son frère aîné, Louis Vautier, qui semble être également célibataire, rue de Sévigné à Paris (3e arr.).
Ils semblent jouir d’une certaine aisance et tous deux font des testaments en juillet 1869. Louis Vautier attribue trois mille six cents francs de rente pour moitié à la gendarmerie départementale de la Seine-Inférieure, et pour l’autre moitié à celle de l'Eure. Outre le tableau de son père, il attribue également une rente de cinq cents francs pour créer un prix triennal pour les élèves de l'École municipale de peinture et de dessin de Rouen. Une dernière rente de trois cents francs est destinée aux pauvres de la préfecture normande. Son frère, Édouard Vautier, est son exécuteur testamentaire.
Beaucoup plus modeste, le legs d’Édouard Vautier est une rente de 400 francs faite en faveur de deux vieillards de la commune de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où il disposait très vraisemblablement d’une résidence d’été.
Ce don va cependant faire de lui un bienfaiteur de la ville, qui donnera son nom à une rue d’un quartier pavillonnaire, proche des bords de Marne. Son patronyme est également inscrit sur la plaque des bienfaiteurs de la commune, apposée lors de l’agrandissement de la mairie en 1911.
Son frère Louis Vautier meurt, à l’âge de 87 ans, dans leur domicile parisien le 26 janvier 1871, deux jours avant la fin du long siège de Paris et l’entrée dans troupes de la Confédération germanique dans la capitale.
Édouard Vautier lui survivra peu, puisqu’il décède le 15 mars 1871 également à Paris (3e arr.), dans sa 82e année. L’insurrection révolutionnaire de la Commune de Paris débutera trois jours plus tard. Pendant le siège, la population de Joinville avait en grande partie quitté la commune et s’était réfugiée à Paris, où siégeait son conseil municipal.
Ancien bureau de poste à l'angle de la rue Vautier, 1908
Dominique Honoré Hippolyte naît le 12 mai 1825 à Paris (2e arr.) rue Rochechouart. Il est le fils de Mélanie Héloïse Roussel, non mariée. L’union de sa mère avec Dominique Thomas de Féraudy en juin 1827 lui apporte une légitimation.
Les de Féraudy constituent une des familles subsistantes de l’ancienne noblesse française. Elle aurait pour origine le bourg de Thoard, près de Digne, en Haute-Provence (act. Alpes-de-Haute-Provence) et revendique descendre de Raymond Féraudi, troubadour, décédé à Lérins en 1324.
À l’âge de 18 ans, Dominique de Féraudy s’engage dans l’armée en août 1843, rejoignant le 29e régiment d’infanterie de ligne. Rapidement promu dans les grades d’hommes du rang puis de sous-officier, il est sergent-major en février 1846. Il devient officier en octobre 1848, et, alors lieutenant, est nommé instructeur à l’école normale de gymnastique et d’escrime de Joinville-le-Pont en février 1852. Promu capitaine en mai 1859, il est nommé commandant provisoire de l’école en février 1860. Il exercera cette fonction, avec le grade de chef de bataillon jusqu’en octobre 1872, à l’exception de la campagne de France contre les armées alliées de la Prusse, en 1870-1871, qu’il fait avec le grade de lieutenant-colonel.
En mars 1850 Dominique de Féraudy, qui résidait alors à Rosny (Seine, act. Seine-Saint-Denis), épouse à Saint-Aignan (Loir-et-Cher) Élodie Pauline Louise Jargois-Desgranges. S’il reprend une vie civile après une trentaine d’années dans l’armée, il continue de s’intéresser aux questions sportives. Ainsi, en 1878, il est chargé par le ministre de l'instruction publique de l'instruction militaire des lycées. La défaite de 1870-1871 a souligné la nécessité d'organiser réellement et systématiquement l'enseignement de la gymnastique dans les établissements de l'État pour les hommes politiques républicains qui arrivent au pouvoir en 1877.
Il est membre de la Commission de gymnastique et d'exercices militaires, qui promeut par exemple l’installation de stands de tir dans chaque arrondissement parisien en 1880.
La carrière militaire, et spécialement la direction de l’école de Joinville ont valu à de Féraudy de nombreuses distinctions. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en août 1865 puis officier en août 1872. Il est également titulaire de décorations étrangères, étant chealier des ordres de la Couronne royale de Prusse en juillet 1861, de Saint-Olaf de Suède en décembre 1861, des Guelfes du Hanovre en juin 1862, de Saint-Michel de Bavière en mars 1863, d’Adolphe de Nassau en juillet 1863, de Philippe le Magnanime de Hesse-Darmstadt en décembre 1863 et des Saints-Maurice-et-Lazare d’Italie en avril 1864.
L’incursion de Dominique de Féraudy dans la sphère économique privée est plus chaotique. Ainsi, en janvier 1883, il est condamné à un mois de prison pour « complicité d’escroquerie et émission d’actions d’une société irrégulièrement constituée », ce qui lui vaut d’être suspendu pour trois ans du droit de porter la Légion d’honneur et ses décorations étrangères.
Il tente de diriger une entreprise d’assurance, La Prudence financière et d’exploiter un commerce de vin, mais suite à la faillite de ce dernier, il est déclaré insolvable en 1893. Son fils Maurice de Féraudy, sociétaire de la Comédie française, prend en charge une partie de ses dettes, qui s’élèvent à 70 000 francs selon ses déclarations.
Plusieurs procédures vont toucher à sa réputation. La Grande-Chancellerie de la Légion d’honneur met en place, en décembre 1895, une commission d’enquête qui conclut, en février de l’année suivante, que Dominique de Féraudy aurait « par des manœuvres répréhensibles, fait déclarer apte à exercer le commerce une jeune fille de 15 ans dont il était le subrogé tuteur et lui avoir fait céder un fonds de marchand de vin qu’il a dirigé personnellement jusqu’au jour où intervint une liquidation désastreuse pour la mineure ». À l’unanimité, la commission propose de le priver du droit de porter toute décoration française ou étrangère, ce qui est fait par un décret présidentiel du 20 février 1896. Cependant, une décision du Conseil d’État, datée du 20 décembre 1897, casse son exclusion, relevant qu’il n’était en fait pas l’objet de poursuites judiciaires. Il est donc rétabli dans son droit à porter ses décorations.
La même année 1896 voit son fils en vedette d’un feuilleton judiciaire, avec un autre célèbre homme de théâtre, Philippe Garnier. Ce dernier, ayant prêté de l’argent à son père, Maurice de Féraudy se porte garant dans une lettre au contenu sibyllin. Le tribunal correctionnel de Paris s’interroge sur le lexique utilisé : s’agit-il d’une conjonction copulative ou alternative? En effet, Maurice de Féraudy a écrit « Si, soit par accident, soit par impossibilité de sa part, il ne pouvait te rembourser la somme ou partie de la somme, et s'il mourait sans être acquitté complètement vis à vis de toi, tu peux, comme je te l'ai dit de vive voix, compter sur moi. Je prendrai cette dette à mon compte et je te rembourserai, en me réservant seulement de le faire à une époque commode pour moi. »
Le défenseur assure que, son père n’étant pas mort, il n’a pas à rembourser la dette à sa place ; Garnier assure que c’est le cas car, étant insolvable, il ne peut rembourser. Après des débats qui portent sur la comparaison avec le Mariage de Figaro de Beaumarchais, « laquelle somme de deux mille piastres je lui rendrai à sa réquisition dans ce château, et je l'épouserai par forme de reconnaissance. »
Le tribunal, après de longues analyses, ne valide pas cette position dilatoire et condamne en mars 1896 M. de Féraudy à rembourser à la place de son père.
Dominique Honoré Hippolyte de Féraudy meurt le 30 décembre 1899 à Vincennes (Seine, act. Val-de-Marne), où il résidait boulevard de Strasbourg. Il était âgé de 72 ans et avait eu deux enfants.
La campagne électorale municipale de mai 1908 voit s’affronter avec les radicaux-socialistes une liste socialiste SFIO et une liste du comité socialiste évolutionniste, appellation locale d’un groupement d’anciens socialistes (Eugène Hainsselin), de radicaux dissidents (Leteuil) et de conservateurs (Provin). Il y a six élus radicaux dès le premier tour, dont Diot. La majorité radicale remporte 15 sièges supplémentaires au second tour, en laissant un aux opposants (Provin) et un autre à un indépendant (Dr Gripon) ; le premier adjoint sortant, Jullien, radical-socialiste, est battu, Eugène Voisin est réélu.
En plein inondation de la Marne, le 22 février 1910, Diot est secrétaire d’une réunion de préparation aux élections législatives qui réunit 200 à 250 personnes dans le quartier de Polangis, au côté de Gallas, président du comité radical-socialiste. Il fait partie d’une délégation des élus de la banlieue Est de Paris qui vont, en décembre 1910, remercier les sénateurs de la Seine pour l’aide apportée lors des inondations.
La perspective du départ d’Eugène Voisin, maire depuis 1888 et malade, va accélérer les tensions au sein du conseil municipal. Si le comité radical-socialiste est encore uni pour un compte-rendu de mandat en février 1911, la majorité éclate en mars avec un affrontement entre Louis Rey, conseiller municipal et idéologue du mouvement, et Henri Vel-Durand, qui vise la succession du maire à propos d’incidents dans l’école de Polangis. Vel-Durand et les éléments les plus conservateurs du conseil, Mermet, Watrinet, Arnaud et Poitevin font dissidence. Diot se voit remettre en juin 1911 une médaille d’honneur pour 30 ans de mandat.
Cependant, lui aussi va s’opposer à Rey, refusant sa proposition de réaliser un médaillon en bronze de Voisin, à placer dans la salle des délibérations du conseil municipal. Les dissidents attaquaient cette idée, critiquant le fait qu’on gaspille l’argent public et Diot signe leur appel. Il assure : « on ne doit pas statufier les vivants » et critique le fait que Voisin, en tant qu’entrepreneur de fêtes publiques, aurait eu un intérêt à rester maire.
Diot n’est pas réélu lors du scrutin de mai 1912 qui voit la victoire d’une coalition des radicaux dissidents, de libéraux et conservateurs ainsi que des socialistes SFIO face à la majorité sortante radicale-socialiste.
Henri Victor Diot meurt le 1er juillet 1920 à Joinville. Il était âgé de 75 ans. En janvier 1905, il avait été décoré des Palmes académiques en tant qu’officier d’académie.
Son épouse fut active dans des œuvres humanitaires dans la commune. Un de ses fils, Marcel Diot, comptable, fut, en 1908, secrétaire trésorier du comité radical-socialiste de Joinville. Le deuxième, Charles Diot, reprit l’activité de distillation de son père, développant un établissement en Haute-Marne avec un associé de ce dernier, Schérer.
Face à une liste du comité électoral socialiste-révolutionnaire, la majorité municipale sortante est une nouvelle fois réélue avec à sa tête Eugène Voisin. Diot arrive en quatrième position, après le maire, son premier adjoint Henri Jullien et un conservateur, Moulinet, avec 660 voix pour 1 096 inscrits.
Il prend part à la campagne législative de 1902, qui voit l’élection d’Adolphe Maujan comme successeur de Jules Ferdinand Baulard. Il est assesseur d’une réunion publique en mars où les radicaux s’opposent à une « bande de nationalistes ». Il est membre du Comité d’union et d’action républicaines de la 2e circonscription de Sceaux, en tant que représentant du groupe radical-socialiste de Joinville, avec Jullien, adjoint au maire, Villain et Leteuil, conseillers municipaux.
En juin 1902, le Comité républicain radical-socialiste de Joinville décide de devenir une structure permanente, suivant la mise en place l’année précédente du parti radical national en tant que formation pérenne. Jusqu’ici, les comités étaient fondés à chaque scrutin. Diot en est membre avec Jullien, Leteuil, Roussel, Salles, Vallat, Vel-Durand, et Villain.
Le même mois, Diot fait partie des 13 élus locaux qui, contre 5 et une abstention, se prononcent contre l’autorisation demandée par les Sœurs enseignantes de la Providence pour leur installation à Joinville.
Le renouvellement du conseil municipal, en mai 1904, voit s’affronter les quatre conseillers municipaux conservateurs qui avaient été intégrés dans la liste Voisin la fois précédente (Dalbavie, Raoult, Provin et Moulinet), une liste socialiste-révolutionnaire et la majorité sortante, qui s’affiche désormais ouvertement comme radicale-socialiste avec le soutien du comité local. Elle revendique « une réprobation énergique du nationalisme et du cléricalisme » en même temps que ses « sentiments démocratiques » et sa « fidélité au vieux programme républicain. »
Comme 14 autres de ses colistiers, Diot est réélu dès le premier tour avec 622 voix pour 1 363 inscrits et 1 119 votants (55,6%). Les radicaux avaient atteints une moyenne de 50,2% face à la droite à 31,9% et aux socialistes à 14,9%. Au second tour, le centre-gauche remporte sept des sièges restant, en laissant un aux conservateurs (Moulinet). En avril 1907, Diot est une nouvelle fois délégué sénatorial.
Le décès, en juillet 1888, de Gabriel Pinson va changer la donne dans la politique locale, le nouveau maire, ancien premier adjoint, Eugène Voisin se rapprochant des radicaux.
Avec une demi-douzaine d’autres joinvillais, Diot est signataire en janvier 1889 d’un appel de l’Union des républicains du canton de Charenton qui soutient le président du conseil général, Jacques, contre le général Boulanger, candidat à une élection législative partielle ; c’est ce dernier qui l’emporte. Diot est membre d’un groupe d’une vingtaine de joinvillais qui s’opposaient au candidat populiste, comprenant le maire et les radicaux de la commune.
Trois conseillers municipaux radicaux, Demeestère, Diot et Henry Vaudémont (élu lors d’un scrutin partiel en avril 1890) rendent compte de leur mandat publiquement de leur mandat en octobre 1890, conformément à un engagement électoral. Ils expliquent leur rôle pour la préservation du projet de tramway, demandent « de faire reboucher la porte du curé », souhaitent l’installation de lanternes d’éclairage public et soutiennent plus généralement « des réformes démocratiques et sociales ».
Les trois radicaux sont élus délégués sénatoriaux en décembre 1890, preuve de leur influence grandissante dans l’assemblée locale, et convainquent leurs collègues de tenir en octobre 1891, pour la première fois, une séance rendu publique de compte de mandat. Elle est présidée par Jules Ferdinand Baulard, ancien conseiller municipal, conseiller général et futur député radical de la circonscription. Seuls deux élus, de tendance conservatrice, ne s’associent pas à cette initiative.
Le renouvellement de l’assemblée locale, en mai 1892, voit le triomphe des radicaux, conduits par Eugène Voisin, qui remportent 22 des 23 sièges à pourvoir, dont 17 au premier tour, tandis que les conservateurs n’en recueillent qu’un. Diot est élu dès le premier tour avec 362 voix sur 639 suffrages exprimés pour 644 votants. Il est membre des commissions des finances, des marchés d’alimentation, des logements insalubres, de l’octroi ainsi que de la caisse des écoles.
Lors d’une assemblée publique, en octobre 1892 à Joinville, Diot se prononce en faveur du député radical Baulard. Il proteste en novembre 1895 contre la tenue de séances du conseil municipal l’après-midi, ce qui empêche la participation de certains membres. Il participe en novembre 1895 à une souscription en faveur des victimes de la catastrophe de l'usine Bi-Métal de Joinville, qui fait cinq morts après une explosion.
La réélection de la municipalité se fait, en mai 1896, sans opposition, les 23 candidats de la seule liste Eugène Voisin obtenant une moyenne de 800 voix pour 918 inscrits.
L’Union des radicaux-socialistes de la 2e circonscription de Sceaux (département de la Seine), dont Demeestère a été longtemps le président, intègre Diot comme représentant de Joinville dans son bureau en mars 1898. Il est de nouveau délégué sénatorial en janvier 1900.
Sur le plan politique, Henri Diot fait partie de la liste républicaine qui s’oppose, en janvier 1878 au maire sortant, bonapartiste, Louis Ferdinand Rousseau, qui est battu. Gabriel Pinson, républicain modéré, est élu maire.
Au sein du conseil municipal, Diot se solidarise avec Alphonse Demeestère, qui a lancé une souscription pour venir en aide à un ancien officier communard, récemment libéré et malade, Adolphe Morandy. Le maire fait voter un blâme contre Demeestère, futur pilier du radical-socialisme à Joinville, mais huit élus s’y opposent, dont Diot. Aucun d’entre eux n’est réélu en 1881.
Par contre, en mai 1884, toujours avec Gabriel Pinson comme maire, Diot figure sur la liste républicaine, conduite par Pinson. Elle avait obtenu au premier tour une moyenne de 310 voix, contre 56 à une liste conservatrice. Diot est élu au second tour de scrutin, en compagnie de Demeestère, avec 205 suffrages. Il joue un rôle politique significatif, étant désigné comme électeur sénatorial en juillet 1885 et figurant parmi les quatre délégués joinvillais au sein du comité central radical-socialiste avec Demeestère, l’ouvrier Thyme et le rentier Vaudey.
Toujours en compagnie de Demeestère, Diot est à l’origine d’un incident au sein de la municipalité en mars 1887. Conformément aux positions des radicaux, Diot s’associa à une initiative gouvernementale apportant des restrictions au rôle des bookmakers pendant les courses de chevaux. Beaucoup de commerçants de la commune (y compris eux deux) profitaient sur le plan commercial de ces épreuves, avec l’hippodrome du Bois de Vincennes et celui du Tremblay, sur la commune de Champigny. Après une pétition des commerçants, le maire et son premier adjoint, Eugène Voisin, démissionnent, avant de reprendre leur mandat.
Pour les élections municipales de mai 1888, Diot figure en seconde position sur la liste du comité électoral républicain radical-socialiste, emmenée par Demeestère, et sur laquelle figurent deux socialistes-révolutionnaires. L’hebdomadaire radical Voix des communes présente Diot comme ayant « toujours professé les opinions les plus avancées. »
Avec les autres membres du comité électoral, il interpelle les sortants : « Avez-vous voté les poursuites contre le curé ? [En cas de changementlégislatif, voulez-vous le] maintien des appointements du curé ? Êtes-vous partisan d’un sénat ? [Préconisez-vous que] réunions du conseil municipal [se tiennent] le soir ou l’après-midi ? ». Les élus de la majorité républicaine sortante refusent de répondre à leur convocation, la réunion des candidats de gauche, le 2 mai, rassemblant selon eux près de 300 électeurs.
Le scrutin voit la victoire des partisans de Gabriel Pinson, qui remportent dès le premier tour 17 des 21 sièges à pourvoir, plus un au second. Ils recueillent une moyenne de 302 voix. Diot est en tête des opposants, avec 259 suffrages. Il est élu au second tour, avec deux autres radicaux, Demeestère et Vaudey. Il remporte alors 271 votes.
À suivre.
Sucrerie de Baron, Oise, dont Diot est un des propriétaires
Henri Victor Diot naît le 13 juillet 1844 à Paris (6e arr.). Il est le fils d’Orphine Adélaïde Clergé et de son époux Jean Louis Sévère Diot.
Il effectue probablement un service militaire pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et est libéré en avril 1872. Il résidait alors sans doute à Paris (11e arr.).
Devenu distillateur, Henri Diot réside à Sucy-en-Brie (Seine-et-Oise, act. Val-de-Marne) où son père est propriétaire et où il épouse en septembre 1872 Claire Julie Olive Bérel. La famille s’installe peu après à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) 38, rue de Paris où elle réside en 1875. Elle exploite également un restaurant et un commerce de vins.
Henri Diot est un des associés qui exploite la sucrerie de Baron (Oise), société fondée en 1867 qui transforme la betterave et portait en 1911-1913 le nom de distillerie Diot, Schérer et Martin puis en 1918 celui de Diot Schérer et Cie. Deux accidents s’y produisirent en février 1911 et octobre 1918.
En tant que distillateur, Henri Diot était présent à l’exposition universelle de Paris en 1900 et y obtint une médaille de bronze.
Dans sa commune de résidence, Henri Diot va avoir une importante activité civique. Il est administrateur de la société de secours mutuels des sapeurs-pompiers ce qui lui vaut, en 1903, de recevoir une mention honorable de la mutualité ; il exerce toujours cette fonction en 1911. Il siège également au conseil d’administration de la caisse des écoles, mentionné entre 1892 et 1910. Enfin, il est également administrateur de la Fanfare municipale en 1889.
Théodore Jean Baptiste Létang naît le 11 octobre 1835 à Paris (2e arr.). Il est le fils de Clarisse Thérèse Stéphanie Prophétie et de son époux, Marie Christophe Létang, qui a fondé, l’année de sa naissance, une entreprise de ferblanterie produisant des moules à chocolat installée rue Saint-Denis à Paris (3e arr.). Théodore Létang travaille dans l’atelier familial, fondé en 1832, qui devient une société en 1866 dans laquelle il est associé avec son père. Elle prend le nom de Marie Létang et fils. L’activité a été transférée au 44, rue du Montmorency encore dans le 3e arrondissement.
En octobre 1860 à Paris (3e arr.), Théodore Létang épouse Joséphine Eulalie Feuillet, fille d’un coiffeur de Bordeaux.
Pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, Létang est capitaine au 54e bataillon de marche de la Seine. Il prend part notamment à la bataille de Champigny. Du 30 novembre au 2 décembre 1870, les combats qui se déroulent à Champigny-sur-Marne et Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) font 2 000 morts. Le pont de Joinville sur la Marne est détruit. A Joinville, c'est la plaine de Polangis, alors non urbanisée, qui est le lieu des affrontements.
Les établissements Létang fils et leurs moules à chocolat ont une réputation internationale. Ils obtiennent des médailles à l'exposition universelle de Philadelphie (1876), à celle d’Anvers (1885), de Paris (1889), de Bruxelles (1897) et encore à Saint-Louis (États-Unis) en 1904.
Marque de fabrique de Létang
Théodore Létang lui-même est membres de jurys ou de comités pour les expositions universelles de Paris (1878 et 1889), Amsterdam (1883), Anvers (1885), Barcelone (1888) et Chicago 1893).
Dans son arrondissement de résidence, Théodore Létang assume plusieurs responsabilités caritatives et associatives. Il est président de l’Harmonie municipale en 1894. Administrateur du bureau de bienfaisance de la mairie du 3e arrondissement en 1899, il est également délégué cantonal à Paris. La fonction, instituée en 1886, place des représentants de la laïcité et de la République auprès des écoles ; ils veillent aux conditions de vie et de travail des écoliers. En 1900, il est vice-président du patronage laïque de l’arrondissement et président du dispensaire municipal en 1904.
Cependant, c’est à Joinville-le-Pont, où il dispose d’une résidence secondaire, que Létang va s’engager dans l’action politique et dans une action associative auprès des anciens combattants. Il est candidat en mai 1888 sur la liste du maire sortant, Gabriel Pinson, républicain modéré, qui s’oppose aux radicaux-socialistes, qui ont fait alliance avec un groupe socialiste-révolutionnaire. La majorité sortante est reconduite, avec 17 sièges, dont 16 gagnés au premier tour, contre trois pour la gauche. Létang remporte 291 voix sur environ 550 suffrages exprimés (environ 53%) et intègre l’assemblée locale au premier tour.
En décembre 1889 Létang participe à la cérémonie en mémoire de la bataille de Champigny au pied du monument élevé dans la commune. Il prononce un discours, aux côtés des députés Jules Ferdinand Baulard, élu radical-socialiste de la circonscription et ancien conseiller municipal de Joinville et Mathieu Bizouard, de la Côte-d'Or.
Devant plusieurs milliers d’assistants, Théodore Létang s’exprime de nouveau au nom des anciens combattants, toujours à Champigny, en décembre 1890 pour la commémoration des vingt ans de la bataille.
L’année suivante, sous une pluie incessante, l’hommage patriotique regroupe une foule considérable que le quotidien Le Radical évalue à dix mille personnes. Létang est de nouveau chargé de faire une allocution. La manifestation se termine par un incident avec un groupe de boulangistes, qui tentent d’intervenir avec des slogans nationalistes et antirépublicains, mais sont finalement évacués.
Après le décès, en juin 1888, un mois après sa réélection, du maire de Joinville, Gabriel Pinson, son adjoint Eugène Voisin est élu. Il conduit une liste, en mai 1892, en alliance avec les radicaux-socialistes, à laquelle s’opposent une formation conservatrice conduite par Bocquentin et le docteur Barborin. La majorité sortante emporte 16 sièges au premier tour et 6, dont celui de Létang, au second, laissant un poste à l’opposition de droite. Avec une moyenne de 360 sur 639 suffrages exprimés, la liste Eugène Voisin avait recueilli environ 70% des votes.
Lors du scrutin suivant, en mai 1896, la liste Eugène Voisin n’a pas de concurrents. Tous ses candidats, dont Létang, sont élus au premier tour avec environ 800 voix pour 918 électeurs inscrits. Désigné à deux reprises comme électeur sénatorial en 1899, Létang joue un rôle politique plus affirmé.
Les élections du nouveau siècle, en mai 1900 sont également emportées au premier tour par la liste Eugène Voisin, qui fait face à un groupement socialiste-révolutionnaire. Létang obtient 560 voix pour probablement un peu plus de 800 votants.
Enfin, en mai 1904 Létang est élu pour la cinquième fois, dès le premier tour, sur la liste radical-socialiste d’Eugène Voisin, avec 585 voix (52,3%). La majorité sortante remporte 22 des 23 sièges, face à une liste conservatrice (1 siège) et à des socialistes-révolutionnaires. Son mandat se termine en mai 1908 et il n’en demande pas le renouvellement.
Théodore Létang meurt le 14 février 1909 à Paris (10e arr.). Son décès est relaté par au moins dix-huit quotidiens nationaux et plusieurs titres de province. Âgé de 74 ans, Théodore Létang assistait à la représentation de la Femme X... au théâtre de la Porte-Saint-Martin, pièce d'Alexandre Bisson, mise en scène par Louis Péricaud. Au moment où le rideau se levait, il s'est subitement affaissé dans son fauteuil, victime d’une affection cardiaque.
L’industriel avait deux enfants ; son fils, Léon Létang, poursuivit l’exploitation de l’entreprise familiale.
Titulaire des Palmes académiques, Théodore Létang était officier d’académie depuis juillet 1891 et officier de l’instruction publique depuis avril 1900.
Il avait fait une donation à la ville de Joinville, la chargeant d’offrir chaque année en prix annuel un livret de caisse d’épargne pour un enfant des écoles municipales. Son nom figurait sur la liste des 12 bienfaiteurs de la commune apposée dans la mairie agrandie en octobre 1911.