(Suite de la biographie d'Albert Bleunard)
Lors des élections municipales de mai 1881, Bleunard est élu conseiller municipal de Joinville, Gabriel Pinson, républicain modéré, étant élu maire. Il va en particulier être désigné comme tête de file du conseil municipal dans la nouvelle commission municipale scolaire instituée par l'article 5 de la loi du 28 mars 1882 sur l’instruction obligatoire.
Au cours des élections municipales de mai 1884, Bleunard est réélu dès le premier tour, avec 331 voix sur plus de 400 suffrages exprimés ; c’est un des trois représentants des quartiers de la rive gauche de la Marne sur 21 membres du conseil. Il joue un rôle important dans l’assemblée. Ainsi, en juin 1884, c’est lui qui établit le projet de budget, et un journal local relève que « M. Bleunard n’a pas seulement des talents naturels plus développés que ceux de tous ses confrères, il est, de plus, paraît-il, un administrateur des plus méticuleux. »
Sur le plan politique, il est désigné comme électeur sénatorial sur une liste radicale en juillet 1885. Il s’intéresse à la vie locale, se plaignant par exemple de l’enlèvement des boues en août. Il se met en colère en novembre de la même année « à propos d’une question de champagne » et envoie deux lettres annonçant sa démission « absolument définitive » ; cependant, après une longue discussion, le conseil sur l’avis du maire, « décide qu’une délégation composée de MM. Lesage, Gobin et Demeestère tentera une suprême démarche auprès de M. Bleunard pour l’engager à revenir sur cette regrettable détermination ». C’est ce qui se passe, puisque Bleunard reprend sa place immédiatement.
Lors de la création du conseil départemental de l’instruction publique en décembre 1885, Bleunard est désigné pour en faire partie. Il travaille également à un projet d’accord avec la commune voisine de Champigny pour prendre en charge l’école de la Fourchette, initiative privée de mise en place d’un enseignement laïque dans un quartier à cheval sur les deux villes et qui était dépourvu d’infrastructures scolaires.
Avec le futur député radical, Jules Ferdinand Baulard et le maire Pinson, Bleunard intervient auprès du ministère des cultes pour demander la reconstitution du conseil de fabrique, en conflit avec la municipalité au sujet de la gestion des fonds de la paroisse.
Peu avant les élections municipales, en février 1888, un incident se produit entre Bleunard et Pinson au conseil municipal, ce qui le conduit sans doute à ne pas être candidat au renouvellement de son mandat. Il va cependant jouer un rôle important en soutenant la constitution d’une liste radicale opposée à la majorité municipale et alliée avec le Groupe études sociales de Joinville-Saint-Maurice (parti ouvrier). Conduite par Alphonse Demeestère, la liste n’obtiendra que trois élus sur 21 (Diot, Demeestère, Vaudey). Cependant, la mort de Gabriel Pinson, réélu maire le mois précédent, en juin 1888, rebat les cartes.
Bien qu’ils ne siège plus au conseil, le nom de Bleunard est évoqué comme candidat au poste de maire. Lors de l’élection municipale partielle destinée à remplacer Pinson, bien qu’il ne soit pas candidat, un groupe d’électeurs lance un appel à voter pour lui : « Bleunard, républicain anticlérical, officier de l’instruction publique, délégué cantonal qui, pendant huit années, a siégé au conseil municipal de Joinville, dont il était un des membres les plus capables et les plus utiles. Il était du petit groupe des conseillers sortants qui ont rendu compte de leur mandat en réunion publique et il en a été félicité et acclamé par les électeurs. Les républicains comprendront qu’il y a déjà trop d’adversaires de la République dans le conseil et ils voteront Bleunard ». L’hebdomadaire radical-socialiste Voix des communes, qui relaie la campagne, commente : « Voter pour Bleunard, candidat malgré lui, c’est voter en rouge ! »
Si Amédée Gosset est élu par 307 contre 100 à Bleunard sur 407 suffrages exprimés pour 776 inscrits. Henry Vaudémont, rédacteur en chef de l’organe radical et militant radical à Joinville, interprète ainsi le résultat : « Le parti rural de Joinville-le-Pont vient de remporter dimanche la dernière de ses victoires à la Pyrrhus. Le résultat était sûr. Gosset, candidat incolore comme politique et que personne ne combattait comme homme ne pouvait manquer d’être élu. (…) Les dissidents ont réuni cent voix, un chiffre dans lequel j’ai dit qu’avoir mis le pied leur portera bonheur. C’est quelque chose en somme d’être parvenu à réunir cent votants, marchant quand même à la défaite, rien que pour affirmer le principe du devoir de voter. (…) Mais nous tenions à nous compter, nous autres, jeunes Joinvillois, parisiens immigrés, qui ne gagnons pas un sou à Joinville et y dépensons, au contraire, tout notre argent. »
Le nouveau maire, Eugène Voisin, se rapprochera d’ailleurs rapidement des radicaux-socialistes, qui remporteront trois sièges lors d’un nouveau scrutin partiel en 1890.
La dernière intervention publique connue de Bleunard se situe lors de la préparation des élections municipales de mai 1892. Il encourage des habitants des quartiers de Polangis et Palissy à se présenter, et notamment Paul Villain ; ce dernier ne sera pas candidat cette année-là, mais il sera élu quatre ans plus tard. Henry Vaudémont appréciait : « Je ne connais pas M. Villain, mais le patronage dont l’honore la haute personnalité de M. Bleunard nous garantit sa valeur. »
Son épouse décède à Joinville en mars 1896, et Albert Bleunard est toujours présent dans la commune en mai ; il a alors 69 ans. La date et le lieu de son décès ne sont pas connus. Il était décoré des Palmes académiques.
Son fils, Albert Bleunard (1852-1905), professeur de sciences physiques au lycée d'Angers (Maine-et-Loire), est l’auteur de plusieurs ouvrages mêlant vulgarisation scientifique et fiction : Le spirite malgré lui, La Babylone électrique, La Pierre philosophale, Toujours plus petit, ainsi que d’une monumentale Histoire générale de l'Industrie (8 vol.).