Suite de la biographie de Gabriel Pinson
En septembre 1879, un conflit va éclater au sein du conseil municipal, opposant d’un côté les plus radicaux, derrière Alphonse Demeestère, et de l’autre la droite, derrière Gabriel Pinson.
Adolphe Morandy, ancien officier de la Commune de Paris, gracié et rentré du bagne en août 1879, est hospitalisé à l'Hôtel-Dieu, hôpital de Paris, dont il sort le 13 septembre pour s’installer à Joinville, dans un dénuement absolu selon Demeestère. Ce dernier, qui fut un révolutionnaire de 1848, décide de lui venir en aide et lance une souscription en sa faveur dans la commune. Mais le commissaire de police de Joinville le fit appeler et lui dit avoir reçu une lettre du maire ordonnant d'empêcher cette souscription. Il considère dans une lettre reprise par les quotidiens Le Petit Parisien et Le Rappel « inouï d'un maire se disant républicain qui ne voulant rien faire pour les amnistiés, empêche ses administrés de venir au secours d'un malheureux en interdisant le seul moyen de lui venir en aide d'une manière efficace. »
Demeestère raconte que, lors d’une séance du conseil municipal, il avait fait la proposition de former un comité de secours aux amnistiés. Selon lui, sa demande « fut repoussée vivement par le maire, l'adjoint et un grand nombre de [ses] collègues. »
Suite à ses interventions dans la presse, Pinson fait voter par le 27 septembre un blâme contre Demeestère, qu’il fait afficher dans Joinville. Outre Demeestère, sept autres élus locaux refusent de se prononcer en faveur du texte de Pinson qui « loue M. le maire, dont les opinions républicaines ne peuvent être suspectées, pour sa bonne administration, l'énergie avec laquelle il sait, dans une juste mesure, faire respecter ses droits, et l'impartialité avec laquelle il dirige les travaux du conseil. »
Lors des élections municipales générales de janvier 1881, Gabriel Pinson est réélu avec la majorité de ceux qui l’avaient soutenu en 1879. Par contre, ses opposants sont tous éliminés de l’assemblée communale.
Le journaliste Henry Vaudémont commentera, en juin 1884, l’élection de 1881 : « C’est inouï quelle consommation ces 4 000 habitants font de calomnies, de médisances, d’insinuations perfides, d’enquêtes sournoises. (…) On a choisi [pour le conseil municipal] des commerçants qui ne se sont même pas donné la peine de rédiger un programme. (…) Le maire, M. Pinson, n’est pas un méchant homme, il s’occupe des affaires de la commune avec autant d’ardeur que si c’étaient les siennes propres. C’est même le seul défaut que l’on ait à relever dans son caractère : il est trop zélé à faire ce qu’il croit être le bien et ne supporte pas assez la contradiction. Or comme tout homme est susceptible, il est nécessaire qu’une opposition – non point systématique, mais courtoise – lui rappelle de temps en temps qu’un excès de zèle est un défaut. Le noyau de cette opposition existe dans le conseil et nous ferons de notre mieux pour diriger ses efforts et le faire grossir si faire se peut. »
En mars 1881, Pinson est amené à témoigner au procès d’un de ses conseillers municipaux, Jean Ferdinand Lucot (1831-1885). Ce dernier, entrepreneur riche et estimé, est jugé par le tribunal de la Seine sous l’accusation de tentative d’escroquerie au préjudice de la ville de Paris. Il aurait demandé, en novembre 1880, le paiement de travaux effectués l’année précédente. Or, sa facture avait déjà été réglée en avril. Après que Pinson ait déclaré qu’il le considérait comme « au-dessus de tout soupçon », l’ancien maire Courtin assura qu’il était d’une « exquise probité ». Un médecin vint expliquer que Lucot, à la suite d’une chute faite autrefois du haut d’un échafaudage, est resté sujet à des absences de mémoire. Il considère qu’il était dans une crise d’amnésie. Le tribunal l’acquitta.
De fin novembre 1882 à janvier 1883, la commune de Joinville fait face à une importante inondation de la rivière Marne, qui restera la crue de référence jusqu’à celle de 1910. Dans le seul quartier de Palissy, 120 maisons, sous les eaux, sont évacuées, tandis que les usines du quartier du Canal (usine des eaux de Paris, forges de Saint-Maur) sont à l’arrêt, mettant 300 ouvriers au chômage. Plusieurs journaux récoltent des fonds pour les inondés, que la mairie réceptionne.
À suivre
Marchands de fleurs à Joinville
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