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2 novembre 2023 4 02 /11 /novembre /2023 00:01

Suite de la biographie d’Émile Engel

Une des élèves du ténor Émile Engel, la pianiste et cantatrice mezzo-soprano Jane Bathori est engagée en 1901 à la Scala de Milan. Elle l’accompagne en 1908 au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles où il reprend une saison. En 1906, devenu professeur au Conservatoire de musique de la capitale, il poursuit une activité privée avec elle et tous les deux ouvrent leçons et cours de chant dans un salon de la rue de Londres à Paris.

Après avoir divorcé, en décembre 1907 d’avec Marie Garry, il épouse en mai 1908 à Paris (8e arr.) Jane Bathori (alias Jeanne Marie Berthier), qui a 30 ans de moins que lui. Le peintre Charles Léandre et le compositeur Albert Roussel sont ses témoins.

Au cours de la première guerre mondiale, le fils aîné d’Émile Engel, José, déjà trop âgé pour être dans les troupes de combat, est mobilisé en 1916 dans le génie puis mis à disposition du ministère de l’enseignement. Son fils cadet, René, ingénieur chimiste installé aux États-Unis, est affecté à l’artillerie, détaché à la direction générale des poudres et sert d’interlocuteur aux autorités américaines pour l’armement. Il est nommé lieutenant.

Pour leur part, les époux Engel organisent en janvier 1916 une matinée au bénéfice des soldats aveugles.

Contribuant aux efforts patriotiques, Émile Engel met en musique des œuvres poétiques. Il publie au moins cinq œuvres sur des textes de Paul Déroulède (Le bon Gîte en 1916 et Le Clairon l’année suivante), de M.-H. Chantrel (Le Coq gaulois en 1916), d’Alfred de Musset (Le Rhin allemand en 1917) ainsi que de Victor Hugo (Hymne à la France en 1917).

Après la première guerre mondiale, Émile Engel se consacre presqu’exclusivement à son enseignement, principalement au Conservatoire de Paris, ne chantant qu’à l’occasion de concert avec ses élèves.

Son divorce d’avec Jane Bathori est prononcé en juillet 1921 par le tribunal civil de la Seine « à la requête et au profit du mari ». Ce ne sera pas sa dernière union puisqu’en mars 1925 à Paris (10e arr.), il épouse de nouveau une de ses élèves, Rose Joséphine Daumas, fille d’un typographe de Toulon (Var). La différence d’âge est cette fois de 54 ans ; parmi ses témoins, on retrouve le peintre Charles Léandre, qui réalisera son portrait en 1927. Le nouveau couple vit rue Claude-Vellefaux (10e arr.).

Bien qu’âgé alors de 80 ans, Émile Engel, est toujours professeur en 1927 et se confie en juin lors du concours de chant où se présente ses élèves à un rédacteur de Chantecler, qui le dit marchant péniblement, malade et usé : « Je vais mourir d'une minute à l'autre, tant je suis faible ». Il meurt le 18 juillet 1927 à Paris (10e arr.) dans son domicile de l’avenue Claude-Vellefaux. Son successeur à son poste au Conservatoire de musique de Paris voit sa nomination (décidée antérieurement) publiée le jour même de la disparition d’Engel. Chantecler écrit qu’il « est mort à l'heure même où commençait sa retraite », ayant cependant « connu le réconfort d’une affection et l'un dévouement féminins qui lui ont embelli ses derniers moments ». Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (20e arr.).

Une fille, Marie Françoise Antoinette, naît de manière posthume en septembre 1927 à Toulon (Var), où Rose Engel s’était retirée chez sa mère. Mais sa veuve décède elle-même un mois plus tard, laissant le bébé orphelin à la garde de sa grand-mère maternelle. Elle héritera de la vente d’une vaste villa située près de Dieppe, à Hautot-sur-Mer (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime), avec ses deux frères aînés (José a 59 ans de plus qu’elle et René en a 40). José est un peintre, dessinateur et illustrateur ; René, qui va prendre la nationalité des États-Unis, est professeur de géologie à l’Institut de technologie de Californie (Caltech), à Pasadena.

De nombreux journaux rendent hommage à Émile Engel. Comme beaucoup d’autres, Comoedia, met en avant, parmi ses créations, Le Rêve d’Alfred Bruneau à la salle Favart de l'Opéra-Comique. Le Journal souligne la « pénible émotion » que provoque sa disparition chez ses nombreux élèves et amis. La Volonté le décrit comme « un chanteur de grande classe ».

La Grande encyclopédie, publiée en 1894, voyait en lui « un artiste de talent, comédien aussi habile que chanteur expressif et expérimenté ». Outre les tableaux de Charles Léandre et José Engel, le photographe Félix Nadar figure par les nombreux auteurs de portraits de l’artiste.

Fin

Émile Engel et Jane Bathori

 

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31 octobre 2023 2 31 /10 /octobre /2023 00:01

Suite de la biographie d’Émile Engel

En 1885, le ténor Émile Engel s’engage pour au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, où il va passer quatre ans. Il fait cependant quelques apparitions sur des scènes estivales, comme en juillet 1886 à Aix-en-Provence. Il est nommé professeur de chant au Conservatoire de Bruxelles en janvier 1888.

S’il travaille en Belgique, au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, il a installé sa famille en banlieue parisienne, à Chatou (Seine-et-Oise, act. Yvelines), où naît en juin 1887 son second fils, René. Il expédie de cette adresse un don en mai la même année pour venir en aide aux sinistrés de l’incendie de l'Opéra-Comique et accepte de participer à une représentation en faveur des victimes.

L’embauche à l’Opéra de Paris d’Émile Engel participe de la légende. Elle a fait l’objet de nombreux articles dans la presse, souvent romancés. Le critique musical Henri de Lapommeraye, qui en fut témoin, décrit plus sobrement les évènements dans le quotidien Paris. Le 10 décembre 1889, l’Opéra de Paris reprend Lucie de Lammermoor de Donizetti. La salle est pleine, le président de la République, Sadi Carnot, assistant au spectacle avec son épouse. Le ténor Émile Cossira, qui tient le rôle d’Edgard, a un malaise dès sa première apparition et est incapable de poursuivre. « Eh quoi ! on allait être obligé de renvoyer tous ces spectateurs (…) Comment n'avait-on pas eu le soin de garder au théâtre celui qui doit doubler M. Cossira ? C’était un désastre ». Le jeune secrétaire de l’Opéra, M. Mobisson se serait écrié : « La bataille est perdue, mais il n’est que neuf heures et demie et nous avons encore le temps d’en gagner une avant minuit ! ». Il propose au directeur, Eugène Ritt, de requérir Engel, qu’il a aperçu dans la salle et dont il sait qu’il a chanté Lucie en province comme à l'étranger. Il fait remarquer qu’il n’a pas répété… mais accepte, considérant selon Lapommeraye que « c’est tard, mais c’est amusant ». Il est habillé « comme on peut » et reprend la représentation. À la fin de la représentation, à minuit, Engel reçoit une ovation. Dans les années suivantes, Engel reprit aussi, au pied levé, plusieurs rôles dans des conditions comparables, ce qui lui valut le surnom de Terre-Neuve, du nom d’une race de chiens réputée pour sa capacité de sauvetage en mer

Embauché à l’Opéra suite à cette soirée mémorable, Engel y reste un an. On le retrouve ensuite de nouveau à l’Opéra-Comique. En mars 1894, il interprète le rôle de Siegmond dans la Walkyrie de Wagner au théâtre de la Scala de Milan. Pour Le Monde artiste, « Il y a longtemps, que (l’on) n'avait eu un ténor de cette autorité et de ce style. (…) Engel ne cherche pas à lutter avec ces voix énormes [de ses prédécesseurs] ; il se contente d'être lui-même, c'est-à-dire un musicien excellent ; et de mettre au service des personnages qu'on lui confie, toutes les ressources d'un art très fin et très personnel ». Italia del Popolo, journal italien, le qualifie de « grand artiste » et de « savant commentateur de Wagner. »

En juin 1894, M. Charley, directeur de théâtre de Buenos-Aires, assigne Engel devant le la troisième chambre du tribunal civil de la Seine à Paris. Il lui reproche d’avoir quitté l’Argentine, où il l’avait recruté, sans avoir honoré les engagements de représentations. Le procès est l’occasion d’un débat sur le judicatum solvi, la caution que doivent verser les étrangers qui engagent des actions en France. Engel exige qu’elle soit payée par Charley, natif de Belgique, qui répond : « Il est possible que je sois Belge, mais vous êtes Luxembourgeois et vous n'avez pas le droit d'exiger la caution ». Mais Engel produit un décret, signé du président Carnot, prouvant qu’il détenait désormais la nationalité française.

À Paris au théâtre de La Bodinière (9e arr.), Engel crée en décembre 1896 Une heure de musique, où chaque semaine il donne une audition d’œuvres nouvelles, qui se tient début de soirée. Il programme notamment Saint-Saëns, César Franck, Olonne, Bussy, Bréville. Lui-même met en musique des poèmes de Paul Bourget. Il chante aussi à l’Opéra-Comique ou avec les concerts Lamoureux, à Paris et en province. Enfin, il donne des cours et leçons particulières rue des Martyrs puis boulevard Pereire.

Lors de l’exposition universelle de Paris en 1900, José Engel, son fils, présente un portrait de lui dans le « musée des artistes », œuvre que le quotidien Le Soir qualifie de « portrait d’une extrême et puissante originalité. »

À suivre

Émile Engel

 

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29 octobre 2023 7 29 /10 /octobre /2023 01:01

Début de la biographie d’Émile Engel

François Pierre Émile Engel naît le 15 février 1847 à Paris et est baptisé le lendemain en l’église catholique Saint-Étienne-du-Mont (5e arr.). Il est le fils s’Élisabeth Staat et de son époux François Engel, fabricant de chaussures, une famille qualifiée de bourgeoise par ses biographes, qui tient boutique rue Saint-Martin (3e arr.). Son père étant luxembourgeois, Émile Engel acquerra la nationalité française par naturalisation.

Élève du collège Henri IV (act. lycée) à Paris (5e arr.), il intègre en 1864 les cours de Gilbert Duprez au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Le quotidien Paris en fait la description en décembre 1889 : « Le front intelligent, large et haut du travailleur ardent, obstiné ; l’œil clair, vif, hardi, où perce une malice enveloppée et caressante. Les cheveux rejetés en arrière ; la barbe courte, broussailleuse, cache, à la commissure des lèvres, un pli d’amertume et d'ironie. Un peu du désenchantement du lutteur opiniâtre et invaincu. (…) Avec une voix sans puissance, il est parvenu à la plus grande force d’expression dans la déclamation lyrique ». Il est classé parmi les ténors légers, ceux qui possèdent la tessiture la plus élevée, la plus agile, et la moins puissante dans cette catégorie.

Tout en poursuivant son instruction dans la classe de Duprez, il se produit dans plusieurs salles parisiennes. Il débute en avril 1866 dans un opéra de Duprez, Jeanne d'Arc, donné au cours d’une soirée privée. La même année, il joue en octobre le rôle de Bastien des Rosières au Théâtre-Italien (act. Opéra-Comique, 2e arr.) puis en décembre aux Fantaisies Parisiennes (act. Théâtre des Nouveautés, 9e arr.) Le Chanteur florentin. La presse apprécie de manière critique ses premières prestations. La Liberté lui reproche ainsi « d’ouvrir trop largement la bouche pour les quelques bagatelles qu’il a à dire (…) Excès de zèle qui passera » tandis que La Comédie le qualifie de « grotesque et emphatique ténor. »

Mais, dès l’année 1867, on trouve des commentaires très favorables. Ainsi, dans Le Figaro en décembre, saluant les chanteurs élèves de Duprez, remarque « un jeune ténor nommé Engel, qui chante dans la manière du maître avec une chaleur et un sentiment bien rares aujourd'hui au théâtre. »

Gilbert Duprez présente en mars 1868 un oratorio qu’il a écrit et qu’il interprète, le Jugement dernier, au Cirque des Champs-Élysées lors d’une soirée au profit de l'Asile des vieillards du faubourg Saint-Martin. Engel en est le premier ténor. À ce moment, il vit à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), en compagnie de Marie Garry, fille d’un professeur musique, native de Bergerac, âgée comme lui de 21 ans. Ils ont un enfant en août cette année-là à Joinville, le futur peintre José Engel, puis ils se marient dans la commune en octobre. Duprez est leur témoin. Marie Garry a une sœur homonyme, aînée de 5 ans, née en juillet 1841 également dans la sous-préfecture de la Dordogne, qui fut artiste lyrique.

En août 1868, la presse parisienne mentionne l’engagement d’Émile Engel comme premier ténor d’opéra-comique et de traductions à la Nouvelle-Orléans (Louisiane, États-Unis). Citant Placide Ganonge, un critique de ladite ville, La Comédie relate que « La Traviata a été une révélation pour le jeune ténor Engel. Ses accents ont ému, il y a atteint au sommet de l'art ». M. Ganonge assure : « On n'a jamais mieux pris d'assaut un public. Vivent de pareilles violences ! »

Après son séjour américain, Engel participe à un concert de bienfaisance à Paris en avril 1896. Il est en septembre premier ténor du Grand-Théâtre de Genève (Suisse), dirigé par Louis Mankiewicz. Mais La Comédie relève que « Les premiers débuts de la troupe nouvelle ont eu lieu dans des conditions déplorables au point de vue de l'art et de toute justice ». Selon l’hebdomadaire parisien, « Engel, sait chanter ; il phrase d'une façon remarquable et joue mieux que maint comédien ; il devra réussir ». Cependant, dès la fin du même mois, son contrat est résilié après une séance que le journal qualifie ainsi : « scène scandaleuse, cris, insultes, envahissement de l'orchestre. »

Le ténor entame une tournée en province en France. Il est en novembre 1869 à Rennes, où il interprète dans Lucie de Lammermoor de Gaetano Donizetti, le rôle d’Edgard Ravenswood. Les années suivantes, il chante également à Lyon, Toulouse, Rouen, Nantes, Marseille, Lille, Royan et Valence.

Albert Vizentini l’engage en septembre 1876 au Théâtre lyrique national (act. Gaîté-Lyrique, Paris 3e arr.). Il y reprend La Giralda d’Adolphe Adam. Pour l’hebdomadaire culturel Vert-vert, il « a produit un très grand effet (…) par la pureté de sa voix, par le charme, par l'expression de son chant ». Le Petit Journal voit en lui « un ténor qui donne déjà bien plus que des espérances ». Le Constitutionnel commente : « Sa voix est chaude, expressive et d'une pureté rare. Elle ne manque pas d'étendue. Les cordes hautes sonnent avec une virtuosité puissante ; les phrases harmoniques sont traduites avec une tendresse et un charme dont peu de ténors sont actuellement pourvus à l'égal de M. Engel. Ajoutons à cela qu'il a bonne tournure, et que son jeu est signalé par une sûreté précoce. Le succès de M. Engel a été complet ». Cependant, l’arrivée d’Engel, qui remplaçait Victor Capoul, ne fut pas du goût de tout le public, comme en témoigne le Journal des débats : « Quand la direction du Théâtre-Lyrique, à l'expiration de l'engagement du célèbre ténor, dut le remplacer par M. Engel, les recettes baissèrent considérablement. Certes, M. Engel ne manque pas de talent, mais il manque de prestige ; il n'a pas du moins le prestige de M. Capoul, Et pour un ténor, à Paris surtout, la chose principale, la chose essentielle, c'est d'avoir du prestige. »

Mais les difficultés du Théâtre lyrique national n’étaient pas liées seulement à Engel, et il ferma en janvier 1878. Engel avait déjà été recruté par l’Opéra-Comique en septembre 1877. Il y reste deux ans, avant d’entamer un tour des grandes scènes musicales européennes. On l’entend en janvier 1880 à Naples au théâtre San Carlo, puis pendant trois saisons à Londres, dans la salle de Covent-Garden ; il revient en France, au Grand-Théâtre de Lyon en octobre 1881. Il quitte de nouveau le pays pour passer l’hiver 1882-1883 à Saint-Pétersbourg (Russie), où il rejoint M. Vizentini. Il joue ensuite en Espagne, à Barcelone et Madrid.

À suivre

Émile Engel

 

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24 mai 2023 3 24 /05 /mai /2023 01:01

Suite de la biographie de Joseph Routier

Joseph Timoléon Routier de Bullemont ayant choisi de s’appeler dorénavant Joseph Routier, un choix qu’il justifiera ensuite par son engagement républicain s’installe avec son épouse (selon le droit américain), Léonide, à proximité de Sacramento, capitale de la Californie.

Il doit devenir l’intendant du vaste domaine appartenant au capitaine Joseph Folsom, appelé Paterson, d’environ 6 lieues carrées, soit près de 140 km². Ce dernier fit partie des premiers militaires états-uniens venus s’installer dans le nouveau territoire des États-Unis, en 1846. La Californie a été annexée suite après la guerre américano-mexicaine de 1845. Elle devient, en 1850, le 31e État de l’Union. Le nom de Folsom a été donné à la ville qu’il avait fondée sous le nom de Granite, à proximité de son exploitation.

Joseph Routier doit planter et entretenir une vigne et un verger. Cependant, les premières plantations ne peuvent être faites, les semences transportées par bateau ayant pourri. Folsom meurt en juillet 1856. Il reste cependant sur place, reprenant la gestion et, en 1863, la propriété d’une partie du domaine.

Il exploite une ferme, baptisée Rancho Rio de los Americanos, située sur la rive sud de l’American river, de près de 90 hectares, dont une quarantaine en vigne et autant en verger, une vingtaine d’hectares étant consacrés à l’élevage. Il cultive notamment des prunes, amandes, pêches, abricots et oranges. Ses vignes sont constituées à partir d’un cépage de Tokay. Son vin acquiert une grande réputation.

En 1858, Joseph Routier est inscrit sur les listes d’immigration du comté de Sacramento. En juillet 1859, il est inscrit sur les listes électorales. Une cérémonie religieuse de mariage de Charles Marie Joseph Timoléon Routier de Bullemont avec Léonide Jadin est célébrée dans l’église catholique de Sacramento en novembre 1863. Cette dernière est toujours légalement mariée en France.

En 1871, la ligne de chemin de fer Sacramento Valley Railroad ouvre une gare à proximité du domaine des Routier sur la ligne secondaire reliant Sacramento à Folsom. Elle prend le nom de Routier station ; un bureau de poste attenant, installé en 1887, se nomme également Routier postoffice, et le village qui se développe prend lui aussi la dénomination de Routier, comptant environ 75 familles installées dans les années 1890.

La desserte ferroviaire, après la fin de la guerre de Sécession, va favoriser le développement de la ferme. Une conserverie de fruits est installée en 1876. Les améliorations apportées aux fruits, notamment les prunes et les pêches, sont remarquées dans les journaux professionnels. Il obtient une médaille d’or en 1886 lors de l’exposition de la Citrus Fair Association de Sacramento.

Sa prospérité étant établie, Joseph Routier prend part aux affaires publiques. Il est une des personnalités de la communauté française de Californie. Il est ainsi, en 1870, président du comité constitué à Sacramento pour soutenir l’effort de guerre français. Après la défaite devant l’armée allemande, il reste vice-président du comité qui tient une réunion, en août 1871 dans la capitale californienne. La presse parisienne publie une de ses résolutions : « Nous, citoyens Français-Américains de Californie, félicitons cordialement la France du choix qu'elle a fait pour Président de la République française de M: A. Thiers, qui s'est montré son ami vrai en adoptant une ligne de politique ferme et droite, et qui ne froisse ni les susceptibilités des partis politiques ni les grands intérêts des puissances européennes; Nous félicitons le peuple français des sages réformes de l'instruction publique et de la nouvelle loi militaire, .qui sont les seules; et les plus solides bases de la régénération de la France et du respect dû à sa forme républicaine de gouvernement ». En 1872, le même comité lance une autre souscription pour la « libération du territoire », à savoir l’Alsace-Lorraine, incluse dans l’empire allemand.

Selon le témoignage de sa femme, Joseph Routier, après avoir appris la fin du régime de Napoléon III, aurait envisagé de se rendre en France. Une dépêche télégraphique envoyée début 1871 par pigeon voyageur à Paris (alors assiégée par les forces coalisées autour de la Prusse) depuis Saint-Bonnet (probablement Saint-Bonnet-de-Joux, Saône-et-Loire) à son frère Lucien, secrétaire général de la préfecture de police, mentionne « oncle inquiet sur Timoléon ». Il est peut-être fait référence à un projet de retour. Il ne serait cependant jamais revenu d’après son épouse.

L’instauration de la troisième République va permettre la restauration du droit de divorce, aboli en France le 8 mai 1816, puis rétabli par une loi du 27 juillet 1884. Léonide Jadin obtient un jugement du tribunal civil de la Seine rompant son union d’avec qu’André Borel d’Hauterive en juillet 1888 ; elle avait vécu, pendant 35 ans, dans une situation de polyandrie.

Au cours des années 1870, Joseph Routier s’engage dans la vie politique californienne. Il est d’abord juge de paix du Township de Brighton, où se situe sa résidence. En 1877, il est élu membre de l’assemblée législative de l’État qui tient sa 22e session ordinaire. Il figurait sur la liste du parti républicain. C’est avec la même étiquette qu’il est élu en 1882 membre du Sénat de Californie, où il siège jusqu’en 1886. Lorsqu’il finit son mandat, il devient président de la commission de la pêche et de la chasse, mise en place par le gouverneur. Il a à ce moment quitté la formation conservatrice pour rejoindre le parti démocrate.

L’environnement économique de l’activité viticole se dégrada dans les années 1890, du fait de la montée des ligues antialcooliques et de sécheresses. Joseph Timoléon Routier poursuivit cependant son train de vie assez dispendieux, du fait notamment de l’accueil de visiteurs fréquents, en s’endettant. Il dut céder une partie de son domaine à ses créanciers en 1894, puis le reste en 1897. Il ne conserva alors qu’une maison plus modeste.

Joseph Timoléon Routier de Bullemont fut tué le 5 février 1898 dans un accident, sa calèche ayant été renversées par un écart du cheval au moment où il rentrait dans son domaine le 6 février 1898 à Sacramento. Il était âgé de 72 ans. De nombreux journaux américains, de Boston à la Californie, publièrent des informations nécrologiques. Il en fut de même pour l’hebdomadaire de la communauté américaine à Paris. Il était père de trois enfants, issus de son deuxième mariage, dont deux moururent jeune ; son fils George était décédé en 1888 sur le domaine à 29 ans, après avoir eu deux descendants, fille et garçon.

Les lieux environnants le domaine continuèrent à porter le nom de Routier : le village, la poste, la gare. Au 21e siècle, l’ensemble est inclus dans l’agglomération de Sacramento ; une voie, Routier road, longue de 2 300 mètres, parcourt la ville à proximité de l’ancienne résidence.

Plusieurs des frères de Bullemont ont joué un rôle significatif en France ou en Belgique. L’aîné, Lucien (1822-1904) fut secrétaire général de la préfecture de police de Paris ; il épousa Louise Charlotte Jadin, sœur de la seconde épouse de Joseph. Emmanuel (1836-1913) devint membre de la Société royale de botanique de Belgique et auteur de plusieurs ouvrages. Alfred (1840-1872), natif de Belgique, a été critique d’art à Paris. Son neveu, Armand, fut commissaire de Paris à Joinville-le-Pont et Paris.

Fin

La propriété Routier et le chemin de fer

 

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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 01:01

Début de la biographie de Joseph Routier

Charles Marie Joseph Timoléon Routier de Bullemont naît le 4 mars 1825 à Tailly (Somme). Il est le fils de Lucie Jenny Joseph Vassel et de son époux Alexandre Annibal Routier de Bullemont. La famille de son père est d’une petite noblesse de Picardie, lui-même étant propriétaire terrien.

La famille sera fort nombreuse, puisqu’elle a compté au moins 15 enfants nés vivants. Ils déménagent fréquemment, d’abord dans la Somme, puis à Paris en 1830 et en Belgique à partir de 1834, dans différentes provinces : d’abord celle de Liège, à Fallais, dans la commune de Braives puis en Flandre, à Anvers en 1840. Les parents s’installeront ensuite dans le Luxembourg belge, où ils procèderont à différents essais agricoles, avant de revenir s’installer en France, dans la Meuse, après la fin de la guerre franco-prussienne.

Pour sa part, Joseph Routier de Bullemont est employé, en 1846, au sein des cristalleries du Val-Saint-Lambert, installées près de Liège, sur le site de l’ancienne abbaye de Seraing.

Il quitte la Belgique pour s’installer, début 1848, à Paris. Il s’inscrit probablement à l’université et prend part à la révolution de 1848, qui renverse, en février, le régime du roi Louis-Philippe.

Son frère aîné, Lucien Routier de Bullemont (1822-1904), employé à la préfecture de police de Paris, est adhérent depuis février 1848 à la Société républicaine centrale, présidée par le dirigeant socialiste Louis-Auguste Blanqui. Il en devient un des orateurs. Cependant, en février 1850, il collabore avec le nouveau préfet de police, Auguste Carlier, pour lequel il rédige une circulaire aux commissaires de police titrée « Le socialisme, c'est la barbarie ».

Pour sa part, Joseph Timoléon Routier de Bullemont assurera être resté fidèle à ses convictions républicaines. Lors de la deuxième phase de la révolution, en juin 1848, il est membre de la Garde mobile, et domicilié dans la caserne de la Grande-Rue-Verte (Paris 8, act. rue de Penthièvre). La classe ouvrière parisienne s’est soulevée contre la suppression des mesures sociales prises par le gouvernement provisoire, et une partie des gardes territoriaux s’est solidarisée avec les insurgés. Il est inculpé pour sa participation à l’insurrection de Juin 1848. Le 30 juillet, la 3e Commission, qui siège en tant que conseil de guerre, décide de le remettre en liberté.

Selon les archives militaires françaises, il est recensé en 1849 pour le service militaire, ayant été omis sur le tableau de recensement de sa classe, en 1845.

Il s’oppose au coup d'État du 2 décembre 1851, organisé par Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, pour se maintenir au pouvoir. Après avoir participé à une assemblée républicaine, rue d’Assas, il est incarcéré à la prison de Mazas, dans la capitale. La résistance, menée par les républicains et soutenue notamment par Victor Schœlcher et Victor Hugo, est un échec. Son frère Lucien lui rend visite dans sa cellule ; il lui conseille de choisir de s’exiler en Amérique pour sortir de prison. Libéré en janvier 1852 sur cette promesse, il obtient du futur empereur Napoléon III l’autorisation de passer neuf mois en Belgique auprès de sa famille avant de traverser l’Atlantique, suite à l’intercession en sa faveur de Léonide Borel d’Hauterive auprès du président de la République, le prince Napoléon. Celle-ci, née Jadin, musicienne, est issue d’une famille d’artistes proches des familles royales depuis plus d’un siècle. Elle est la sœur de Charlotte Louise Jadin, mariée depuis août 1848 à Lucien Routier de Bullemont, frère de Joseph Timoléon. Son mari est un avocat, également historien et éditeur de l’Annuaire de la noblesse.

En attendant son départ pour l’Amérique, Joseph Timoléon Routier de Bullemont épouse Claire Augustine Suleau en août 1852, à Paris (9e arr.). Peut-être est-elle liée à Élysée, vicomte de Suleau (1793-1871), conseiller d’État, préfet, directeur de l’administration des domaines et administrateur de sociétés, sénateur sous le second empire. Cependant, c’est avec Léonide que Joseph Timoléon embarque au Havre (Seine-Inférieure, act. Seine-Maritime) le 8 novembre 1852. Ils voyagent jusqu’à San Francisco, via le Cap Horn, un itinéraire de plus de six mois.

Selon le témoignage de Léonide en 1898, un juge ou un officiel, dont elle ne se rappelle plus la fonction exacte, les aurait mariés juste après leur arrivée le 31 mai 1853. À ce moment-là, ils ont tous les deux des époux en France. La femme légitime de Joseph Timoléon, Claire Augustine, meurt à Paris moins d’un mois plus tard, le 22 juin.

À suivre

Joseph Routier

 

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 01:01

Marie Armand Lucien Routier de Bullemont naît le 7 mai 1862 à Montrouge (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il est le fils d’Élisabeth Alexandrine Rocmont et de Marie Arthur Édouard Routier de Bullemont, alors commis principal à la préfecture de police de Paris. Ses parents se marieront en juillet 1865, toujours à Montrouge.

Un oncle paternel travaille également dans les forces de sécurité parisiennes : Alexandre Routier de Bullemont (1822-1904) sera secrétaire général de la préfecture de police de Paris.

Pour sa part, Armand Routier de Bullemont fait partie des quinze candidats admissibles après les examens pour devenir commissaire de police organisés à Paris en juillet 1885. Il est nommé secrétaire au quartier Saint-Lambert ; il passe dans la même fonction au commissariat du quartier Vivienne en octobre 1887.

C’est en juin 1888 qu’il devient officiellement commissaire de police dans la banlieue. Il rejoint en juillet son poste à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où il remplace Charles Wilfrid Carpin. Sa circonscription comprend les communes de Bry-sur-Marne, Champigny, Nogent-sur-Marne et Saint Maur.

En juillet 1891, Routier de Bullemont, est promu en tant que commissaire de police à Paris. Il est remplacé à Joinville par M. Soulliére. Il est affecté au quartier des Ternes (17e arr.). Dans cette fonction, il doit gérer en septembre cette année-là une affaire d'avortement d’une jeune femme, interprète dans un grand magasin de confections du quartier de l'Opéra, droguée puis violée « par une bande de jeunes viveurs » et qui avait, seule, mis fin à sa grossesse dans le lit qu’elle partageait avec sa jeune sœur, âgée de 14 ans. Elle s’était débarrassée du fœtus et avait été dénoncée par une lettre anonyme.

Armand Routier de Bullemont meurt le 15 janvier 1894 à Paris (17e arr.), en fonction de commissaire. Il était âgé de 31 ans et n’était pas marié.

Son père mourut en février 1909 à Bois-Colombes, à 79 ans, après avoir constaté la disparition d’une grosse somme d’argent (9 500 francs). En janvier 1910, sa domestique fut jugée, en compagnie de sa sœur, aux assises de la Seine. Elle fut cependant acquittée, après avoir assuré que la somme était un don du vieillard.

Plusieurs de ses autres oncles paternels ont joué un rôle significatif aux États-Unis, en Belgique et en France. Joseph (1825-1898), d’abord militant républicain en France, deviendra agriculteur en Californie et membre du Sénat de cet État. Emmanuel (1836-1913) fut membre de la Société royale de botanique de Belgique et auteur de plusieurs ouvrages. Alfred (1840-1872), originaire de Belgique, a été critique d’art à Paris.

Le château de Warlus (Somme), demeure de la famille Routier de Bullemont, devenu une maison de la préfecture de police de Paris

 

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16 mai 2023 2 16 /05 /mai /2023 01:01

Marie Joseph Alfred Routier de Bullemont naît le 15 juillet 1840 à Louvain, Brabant (Belgique). Il est le fils de Lucie Jenny Joseph Vassel et de son mari, Alexandre Annibal Routier de Bullemont, propriétaire. Ils sont originaires de la Somme, en France, où son père est agriculteur. Alfred est le onzième des douze enfants nés vivants du couple.

La famille s’installe en Belgique vers 1836, résidant dans la province de Liège, le Brabant puis le Luxembourg belge où Annibal Routier de Bullemont a une exploitation dans laquelle il procède a des essais de cultures nouvelles, notamment la spergule pour laquelle il est récompensé à l’exposition de Bruxelles en décembre 1848.

En 1865, Alfred de Bullemont publie plusieurs articles, dans la revue Les Beaux-arts, sur La peinture d'histoire. S’il apprécie l’orientalisme de Guillaumet, qu’il présente comme « Africain, de beaucoup de talent », il est bien plus critique sur beaucoup d’autres artistes. S’agissant d’Henri Fantin-Latour, il écrit : « Ainsi M. Fantin voudrait nous persuader que la Vérité c'est cette grosse fille rousse aux chairs flasques, aux yeux gris, et que le vrai c'est le vin bleu qu'on boit aux barrières, dans des verres communs. Il nous accordera que ce n'est qu'une vérité relative, vraie seulement pour les matelots et les charretiers, les brutes et les ivrognes qui n'aiment que la fille qui jure et le vin qui gratte. »

Commentant l’œuvre d’Ernest Meissonier, il écrit « On n'en est plus aujourd'hui à nier le talent de M. Meissonier, mais ce talent nous semble si uniforme, si monotone, que nous ne pouvons comprendre l'engouement ridicule dont il est l'objet ». Il attaque aussi Victor Mottez : « M. Mottez, déjà assez coupable d'avoir abîmé l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, essaye de nous faire rire avec sa Médée. Si M. Mottez était jeune, nous ririons peut-être de sa caricature, mais M. Mottez a l'âge du repos. »

Alexandre Protais, proche de la famille impériale, n’est pas épargné par de Bullemont : « La mode a pris M. Protais sous sa protection : il est peintre de cour ; il fait de mauvaises choses, mais on le trouve toujours admirable ». C’est peut-être Eugène Courbet qui est le plus férocement attaqué : « Terminons ce premier article en parlant des erreurs d'un homme entêté, qui veut rompre en visière avec le genre humain et que ses amis, ses élèves et ses admirateurs sont obligés d'abandonner. Le portrait de la Famille de Proudhon est le dernier mot du mauvais. M. Courbet n'avait encore rien fait d'aussi peu raisonnable, et, comme le disait un de nos camarades, en présence de cette nullité : Il aimait trop Proudhon, c'est ce qui l'a tué ! »

En avril 1870, Alfred de Bullemont épouse Marie Dupuis à Paris (17e arr.).

Il fait paraître, en août 1871, peu après la fin de la Commune de Paris, un Catalogue raisonné des peintures, sculptures et objets d'art qui décoraient l'hôtel de ville de Paris avant sa destruction. Il en avait fait un relevé en 1869, et il estime nécessaire de publier ce témoignage alors que l’insurrection parisienne a détruit l’ancienne mairie et ses nombreuses œuvres d’art.

Il publie en 1872 deux tomes d’un Catalogue des peintures, sculptures et objets d'art des églises de Paris, concernant Saint-Étienne du Mont et Saint-Denis du Saint-Sacrement.

Alfred de Bullemont meurt le 5 octobre 1872. Il était âgé de 32 ans et résidait rue du Faubourg-Saint-Denis. L’écrivain Armand Renaud lui a dédié un des poèmes de son recueil Les nuits persanes (1870), intitulé Le supplice.

L'ancien Hôtel de Ville de Paris, avant sa destruction en 1871

 

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12 mai 2023 5 12 /05 /mai /2023 01:01

Marie Alexandre Lucien Routier de Bullemont naît le 28 janvier 1822 à Abbeville (Somme). Il est le fils de Josèphe Jeanny Lucie Vassel et de son mari, Alexandre Annibal Routier de Bullemont, propriétaire. Ils sont originaires du département, d’une famille de petite noblesse. Son père est agriculteur. Alexandre est le second des quinze enfants nés vivants du couple, dont quatorze, filles comme garçons, portent le prénom de Marie.

La famille s’installe en Belgique vers 1836, résidant dans la province de Liège, le Brabant puis le Luxembourg belge où Annibal Routier de Bullemont a une exploitation dans laquelle il procède à des essais de cultures nouvelles, notamment la spergule pour laquelle il est récompensé à l’exposition de Bruxelles en décembre 1848.

Installé à Paris, Lucien de Bullemont rentre comme employé à la préfecture de police de Paris en 1846, recruté par le préfet de police Alexandre-François Vivien. Il est chef de la comptabilité en 1848. En août 1848 à Paris (2e arr.), il épouse Charlotte Louise Jadin, fille d’un musicien et auteur dramatique, issue d’une famille comptant de très nombreux artistes.

Au surlendemain de l’abolition de la monarchie et de l’instauration de la deuxième République, il adhère le 27 février 1848 à la Société républicaine centrale, présidée par le dirigeant socialiste Louis-Auguste Blanqui. Ses séances se tiennent dans la salle du Conservatoire, rue Bergère. Routier de Bullemont devient un « des orateurs ordinaires du club Blanqui » selon Alphonse Lucas, auteur d’une histoire des clubs politiques pendant la révolution de 1848. Il partageait ce rôle avec Hippolyte Bonnelier et Arnoult Frémy, hommes de lettres, Alphonse Esquiros, Malapert, avocat, et Savary, ouvrier cordonnier puis employé au gaz.

Selon La Voix de la vérité, qui cite la Chronique de Paris et lui consacre un article en septembre 1850, de Bullemont « se signala dans les bureaux de la préfecture par l’activité de sa propagande socialiste ». Mais le journal assure que son engagement ne dura pas longtemps : Auguste Carlier, nouveau préfet de police, fit appel à lui, en février 1850, pour rédiger une circulaire aux commissaires de police, diffusée le 12 de ce mois, sous le titre « Le socialisme, c'est la barbarie ». L’auteur de l’article remarque que Routier de Bullemont « avait donc commencé par être tout ce qu'il y a de plus barbare avant que M. Carlier eût pris la peine de le civiliser. »

En récompense de son style, il fut nommé chef de division. Il poursuivit cet emploi sous le second Empire. Il siège, en tant que responsable de la gestion des fonds parisiens, à la commission instituée en novembre 1865 pour répartir les secours aux familles nécessiteuses atteintes par l’épidémie de choléra. Les aides furent distribuées à 3 000 familles et concernèrent 1 700 orphelins, dont 428 sans famille d’accueil.

Considéré comme bonapartiste par le quotidien La République, Routier de Bullemont remplace en septembre 1872 au secrétariat général de la préfecture de police M. Fouquier, bonapartiste également, passé au secrétariat du conseil d'État.

En septembre 1879, après une campagne du quotidien La Lanterne, il est révoqué de ses fonctions dans ce qu’un autre journal, Le Français, appellera une épuration. Quand il prit sa retraite, en 1886, La Lanterne soutient que par ce départ, « le tribunal de la Seine admettait les concussions [de Routier de Bullemont] comme prouvées. »

Ayant quitté son poste de fonctionnaire, il devint en 1979 directeur de la Compagnie parisienne de vidanges et engrais, présidée par Frédéric Lévy, ancien maire du 11e arrondissement de la capitale.

En 1881, il est directeur de la Banque de prêts à l’industrie à Paris. Il en est toujours administrateur en 1884.

Résidant à Bruxelles en 1889, il héberge Jacques Meyer, un escroc recherché par la police française, arrêté chez lui en

Ayant pris sa retraite, Lucien de Bullemont est installé à Aincreville, dans la Meuse. Il rejoint la Société des Amateurs naturalistes en juin cette année-là, qui le qualifie de « botaniste émérite » et salue « sa science approfondie des végétaux » et apprécie qu’il dispose d’un herbier de quinze mille plantes. La Société compte 71 adhérents. Lors d’une excursion en mai 1890, il est accompagné par son frère, Emmanuel Routier de Bullemont, qui réside à Bruxelles et est membre de la Société linnéenne de la capitale belge. Lors de l’assemblée générale de 1891, Lucien de Bullemont, mentionné comme « botaniste des plus expérimentés » est élu président d'honneur ; il conservera cette fonction jusqu’en 1900.

Lucien Routier de Bullemont meurt le 12 octobre 1904 à Paris (16e arr.). Il est inhumé à Charny-sur-Meuse (Meuse), où avait déjà été enterrée son épouse deux ans plus tôt. Il était officier de la Légion d’honneur depuis février 1866 après avoir été fait chevalier en 1856.

Plusieurs de ses frères jouent un rôle significatif en France, aux États-Unis et en Belgique. Joseph (1825-1898), d’abord militant républicain en France en 1848, deviendra agriculteur en Californie et membre du Sénat de cet État ; il épousa Léonide Jadin, probablement apparentée à la femme d’Alexandre. Emmanuel (1836-1913) fut membre de la Société royale de botanique de Belgique et auteur de plusieurs ouvrages. Alfred (1840-1872), natif de Belgique, a été critique d’art à Paris. Un autre de ses frères, Arthur (1830-1909) fut également responsable d’un service à la préfecture de police, tandis que le fils de ce dernier, Armand (1862-1894) a été commissaire de police.

Armoiries de la famille Routier de Bullemont

 

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8 février 2022 2 08 /02 /février /2022 00:01

Robert Charles Albert Derivière naît le 25 février 1896 à Bruxelles (Belgique). Il est le fils d’Élisabeth Elvira Céline Fould et de son mari Aimé Charles François Derivière. Son père, originaire d’Amiens (Somme), est lapidaire. Sa mère est native de Saint-Hélier, à Jersey.

Résidant à Saint-Maur-des-Fossés (Seine, act. Val-de-Marne), Robert Derivière est sténodactylographe en 1915.

Convoqué pour son service militaire de manière anticipée, du fait de la première guerre mondiale, Robert Derivière est mobilisé en avril 1915 au sein du 76e régiment d’infanterie. Il passe au 404e régiment d’infanterie en août 1916 et devient caporal en février 1918 puis caporal-fourrier en juillet la même année. Il est démobilisé en septembre 1919 et deviendra, dans la réserve caporal-chef en septembre 1930.

Son comportement pendant la guerre lui vaut quatre citations, deux à l’ordre du régiment, une à l’ordre de la brigade et la dernière à l’ordre de la division. En décembre 1917, Derivière est considéré comme un « très bon soldat, énergique et très brave. A réussi au cours d’une patrouille difficile à capturer un ennemi, permettant ainsi d’obtenir de précieux renseignements ». Il est qualifié ainsi  en juillet 1918 : « excellent gradé, brave et dévoué. Au cours d’un coup de main a, sous un feu violent de mitrailleuses, avec le plus grand mépris du danger, assuré la liaison entre les différents groupes du régiment ». De nouveau en août 1918, on voit en lui un « excellent caporal. Lors de l’attaque du 9 juillet 1918, a assuré constamment la liaison entre les éléments des premières lignes et son commandant de compagnie, pour lequel il a été un auxiliaire précieux ». Enfin, le même mois, on le remarque comme « jeune fourrier qui s’est distingué dans maintes circonstances. Lors des attaques 20 et 21 août 1918 a assuré de façon parfaite la transmission des ordres, malgré un bombardement continu et un feu violent de mitrailleuses. »

Quelques jours après la fin de sa période militaire, Robert Derivière épouse en octobre 1919 Madeleine Lucie Petibon à Morlhon-le-Haut (Aveyron). Elle est la fille de l’instituteur du village de Marmont. Ils s’installent à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), rue de Paris.

Continuant de travailler comme secrétaire sténodactylo, Robert Derivière est membre, en 1919, du Syndicat des employés du commerce et de l'industrie, qui est le principal fondateur de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) en novembre 1919.

En janvier 1924, Derivière devient secrétaire de la section de Joinville de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), dont le professeur d’allemand Jules Edmond Neumann est le président. Active, comptant 56 adhérents en 1924, la section a pour responsables principalement des personnalités membres du parti socialiste SFIO et des socialistes indépendants, notamment d’anciens communistes. En février la même année, la section demande qu’une enquête soit lancée sur les socialistes-révolutionnaires russes, victimes d’une répression de la part du gouvernement soviétique et réclame la libération de trois prisonnières.

La section participe à une collecte pour les affamés d'Allemagne en février 1924 et s’oppose aux sanctions décidées par la France et ses alliés contre les populations civiles. Avec les partis socialiste, communiste et d’autres formations, la section de la LDH même campagne contre la guerre du Rif (Maroc) en 1925. Elle proteste contre la dislocation du Cartel des gauches en août la même année. Elle intervient en 1926 contre la suppression des libertés en Afrique du Nord.

La section joinvillaise remet en question le comportement de la LDH au début de la première guerre mondiale, demandant en mai 1927 « à la Ligue d’avouer qu’elle a contribué à tromper le monde en cautionnant tous les mensonges de 1914. »

Comptant un maximum de 75 adhérents en 1927, la section va ensuite voir décliner son nombre de militants. Robert Derivière préside la section en avril 1930 et exerce toujours cette fonction en septembre 1934. À cette date, il y a 45 membres.

À titre personnel, Robert Derivière signe une pétition, destinée en août 1927 au gouverneur du Massachusetts (États-Unis) pour lui demander la grâce des anarchistes d'origine italienne Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti,

À partir de mai 1930, apparaît comme un des principaux animateurs de la section de Joinville du parti socialiste SFIO. Il en est le secrétaire en décembre et s’occupe notamment de la diffusion du quotidien Le Populaire.

Des élections municipales partielles sont organisées à Joinville en octobre 1934, dans un contexte de tensions au sein de la majorité municipale, élue en 1929 dans le cadre du groupement des gauches (radicaux-socialistes, socialistes SFIO et socialistes indépendants). La liste que Derivière conduit obtient une moyenne de 403 voix soit 17,5% des 2 297 suffrages exprimés pour 2 360 votants sur 3 225 inscrits. Elle arrive légèrement derrière la liste communiste (17,8%), pour laquelle elle se désiste au second tour. La liste comprenant des candidats radicaux favorables au maire reçoit 25,4% et est devancée par une liste de concentration républicaine, plus à droite, qui a 36,9%. Elle emporte les dix sièges au second tour.

En février 1935, un groupe de socialistes se rend au poste de police de Joinville pour réclamer la libération d’un vendeur de journaux qui avait été arrêté. Roger Jamet, le secrétaire du groupe des Jeunesses socialistes de Joinville, mutilé d'une jambe, est bousculé, tombe, et traite les policiers de « saligauds ! » Ce qui lui vaut d’être poursuivi pour outrages à agents. À l’audience, en mars 1935, Derivière témoigne en faveur de Jamet. Défendu par Me Betty Brunschvicg, Jamet est condamné à 50 francs d'amende avec sursis ce qui équivaut selon Le Populaire « fort équitablement, à une absolution. »

Pour les élections municipales générales de mai 1935, Robert Derivière conduit de nouveau une liste socialiste SFIO. Elle obtient une moyenne de 12,3% des voix, nettement distancée par la liste communiste de Deloche (23,5%), celle des sortants de Georges Briolay, radical-socialiste (26,7%) et l’Union des républicains (droite, 32,6%).

Au second tour, la SFIO et le PCF décident de fusionner leurs listes et font appel au responsable de l’association des anciens combattants ARAC, André Blocher, pour conduire la liste unifiée. Cette dernière, avec une moyenne de 36,6% des voix devance la liste radicale (19,5%) et talonne la droite (39,8%). La gauche gagne deux sièges, contre 25 à la droite. Les élu sont deux communistes, les candidats socialistes faisant des scores bien inférieurs à ceux issus du PCF. Derivière lui-même est crédité de 999 voix, soit 34,4% des 2 899 suffrages exprimés pour 2 924 votants sur 3 433 inscrits.

 

En tant que secrétaire de la section de Joinville, Derivière signe, en septembre 1935 l'Appel pour la création de la Gauche révolutionnaire du Parti socialiste SFIO, tendance conduite par Marceau Pivert qui quittera cette formation en 1938 pour créer le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP).

Comme à la LDH, Robert Derivière prend la succession de Jules Edmond Neumann dans le groupe local de la Fédération ouvrière et paysanne des anciens combattants (FOP). Fondée en 1929, cette organisation est proche des milieux socialistes.  Il siège en novembre 1933 à la commission de contrôle de la section de la région parisienne. Il signe, pour le 11 novembre 1936, l’appel des associations d’anciens combattants de Joinville avec la société des mutilés et anciens combattants et l’ARAC.

Robert Derivière meurt le 21 avril 1946 à Joinville. Il était âgé de 50 ans et père de deux enfants. Il avait été décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze et étoile d’argent ainsi que de la Médaille militaire en janvier 1921.

Le café des sports à Joinville

 

 

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 00:01

Suite de la biographie de Pierre Schaken

Quittant la commune flamande pour Bruxelles, devenue en 1830 capitale de la Belgique indépendante, Pierre Schaken devient entrepreneur de travaux publics. Il est notamment chargé de la réalisation de fortifications et du creusement de canaux. Adepte du Saint-Simonisme et franc-maçon, Schaken va ensuite se consacrer principalement à la réalisation de voies ferroviaires, en Belgique, au Pays-Bas, en Espagne, au Portugal et, principalement, en France. Associé à Basile Parent, sa société est une des principales entreprises, associée notamment à la construction des liaisons entre Lyon et la Méditerranée, de Paris à Mulhouse ainsi que de la capitale française à Strasbourg. Toujours avec Basile Parent, il commença en 1855 la construction de matériel ferroviaire à Oullins (Rhône) et transporta en 1861 ses ateliers à Fives, dans la région de Lille. Cette entreprise devint en 1865 la Compagnie de Fives-Lille pour constructions mécaniques et entreprises. Les diverses sociétés contrôlées par Parent et Schaken employaient plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers, dont une vingtaine de milliers en Belgique et plus en France. Schaken s’intéressa également à la production de gaz pour l’éclairage et le chauffage, notamment à Bruxelles et Naples.

En juin 1851, Pierre Schaken, alors domicilié à Schaerbeck-les-Bruxelles (Belgique) achète pour 35 000 francs aux héritiers de Marie Jean Baptiste Bertin une maison de deux étages avec un belvédère, un jardin et une île, située rue du Canal à Saint-Maurice (Seine, act. Val-de-Marne). Le terrain s’étend également sur le terrain de la commune, alors voisine, de Saint-Maur-des-Fossés.

Après avoir fait démolir l’ancienne maison, Schaken fait construire en 1852 un bâtiment par l’architecte et archéologue Pierre Manguin. Il sera désigné, d’abord comme le château de Gravelle, ensuite comme le château Schaken. Il est orné de mascaron et rinceau. Plusieurs constructions annexes sont faites dans le domaine, dont une maison miniature et un pont donnant accès à l’île, entre la Marne et un bras comblé ultérieurement.

Plusieurs publications présentent le château Schaken comme celles de César Daly (L’architecture privée au XIXe siècle, Paris, 1864) ou l’Atlas de la Seine (BHVP, Paris, 1900). Le peintre aquarelliste Albert Capaul a réalisé une représentation du château ainsi qu’une autre de la pompe à eau et des écuries.

Albert Capaul, le château Schaken

La construction par la compagnie du Chemin de fer de l’Est de la voie ferrée qui relie la gare de Paris-Vincennes à Saint-Maur-des-Fossés, via Vincennes, entraine l’expropriation d’une petite partie du parc Schaken, identifié comme étant au lieu-dit Pré de Presles, aménagé en jardin d’agrément avec des murs, arbres, arbustes et espaliers. Une indemnité pour dépréciation de 27 570 francs lui est accordée, la superficie concernée faisant 1 142 m². Selon J. Bailly, qui signe un portrait de Schaken dans la Revue des races latines (septembre 1863) « sa délicieuse villa de Saint-Maurice est un petit et brillant chef-d’œuvre de parfaite élégance. Le jardin, au terrain accidenté, est traversé par un viaduc de la ligne de Paris à Vincennes, produisant l’effet le plus original. »

Un décret du 2 mai 1868 modifia les limites entre les communes de Saint-Maurice et Joinville-le-Pont, les fixant « par le canal et la route du canal de Saint-Maur ». Saint-Maurice perdit donc toute la partie de Gravelle entre le canal et le territoire de Saint-Maur-des-Fossés. De ce fait, la propriété Schaken se retrouva dans le giron de Joinville, les parties non construites en bords de Marne continuant à relever de Saint-Maur. Son adresse devint 174, rue du Canal (act. 20, rue Henri-Barbusse).

Pierre Schaken meurt le 8 janvier 1870 à Joinville. Il était âgé de 76 ans et père de trois enfants, un fils, mort très jeune et deux filles. D’abord inhumé au cimetière de Joinville, où son tombeau subsiste au 21e siècle sous le nom de Schaken-Rommel (nom d’épouse d’une de ses filles), son cercueil est transféré en janvier 1885 dans une chapelle funéraire familiale, au cimetière du Montparnasse à Paris (14e arr.).

Il était titulaire de nombreuses décorations : chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre de Léopold de Belgique depuis janvier 1844, commandeur du nombre de l'ordre d'Isabelle la Catholique (Espagne, janvier 1860), chevalier de l'ordre du Lion néerlandais, commandeur de l’ordre du Christ du Portugal et médaille de Sainte-Hélène (France).

Le château Schaken est vendu aux enchères en 1883 par ses héritiers ; la mise à rpix est de 330 000 francs. La propriété vendue fait 2,8 hectares pour le domaine et 1,3 hectare pour le potager. Le terrain est loti et le bâtiment lui-même est détruit en 1970 pour laisser place à un immeuble social, la résidence Sévigné à Joinville. Seule la « villa miniature » subsiste au 21e siècle, au 56, avenue de Sévigné, dans la même ville. La ville de Saint-Maur-des-Fossés a baptisé une voie de son nom, le quai Schaken, ainsi qu’un établissement public, l’école maternelle Schaken ; le quartier environnant est fréquemment désigné aussi sous ce nom.

Fin

Le parc du château Schaken

 

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