Narcisse Beausse naît le 20 décembre 1869 à Saint-Maurice (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils d’Adélaïde Clémentine Honorine Servy et de son mari Jean Nicolas Beausse, jardinier et fruitier. Ses parents s’installent comme restaurateurs et marchands de vin dans la même commune, dans la Grande-Rue, au sein du quartier de Gravelle. Dans les années 1880, leur établissement accueille des réunions de mouvement laïcs, radicaux et socialistes révolutionnaires.
Il fait des études à l’école des Arts et métiers d’Angers (Maine-et-Loire) et en est breveté en 1889. Il est embauché en septembre la même année par la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) en tant qu’ouvrier monteur et traceur, et affecté aux ateliers de Paris, dans le service matériel et traction. Du fait de son statut de cheminot, il n’effectue qu’un an de service militaire à partir de novembre 1890. Il revient dans la société ferroviaire en tant que dessinateur, cette fois pour le service voie, en décembre 1891. En avril 1894, Narcisse Beausse se marie avec Pauline Gaconnet.
Il est récompensé en 1898 pour son « zèle et dévouement dans l’établissement des dessins et calculs de la charpente de la gare de Paris » du réseau PLM (la gare de Lyon, Paris 12e). Il progresse régulièrement, devenant dessinateur principal en 1899 puis chef dessinateur en 1907. Le couple est installé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), avenue des Marronniers en 1911. Dans cette commune, l’hebdomadaire mentionne, en mai 1915, l’appartenance de Beausse au comité radical-socialiste.
Comme les autres employés de chemin de fer, Beausse est maintenu à son poste pendant la première guerre mondiale.
Après le conflit, la famille déménage dans la commune voisine de Saint-Maur-des-Fossés, et réside, avenue de Condé. Il devient sous-inspecteur du PLM en septembre 1927 puis sous-chef d’études en septembre 1928.
Il meurt trois mois plus tard, le 9 décembre 1928 à Saint-Maur-des-Fossés. Il était âgé de 58 ans et père de quatre enfants. Son fils aîné, Maurice, fut décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre pour son comportement pendant la guerre de 1914-1918.
Chef machiniste de l’Opéra-comique, Eugène Ramelet est mobilisé comme 150 autres salariés de l’institutions dès le début de la première guerre mondiale. Du fait de son âge, 42 ans à la mobilisation en août 1914, il aurait dû être affecté à la réserve de l’armée territoriale. Cependant, il se porte volontaire pour rejoindre, en tant que sous-officier, les troupes combattantes.
En septembre, il rejoint le bataillon de marche du 1er régiment de la légion étrangère. Il est nommé adjudant-chef en octobre puis promu officier, en novembre la même année, en tant que sous-lieutenant. Il est blessé gravement à Belloy (Oise) à la tête de sa section de mitrailleuses « qu’il avait installée dans les conditions les plus difficiles sur la position conquise ». Dans une citation à l’ordre de l’armée, il est qualifié comme « Officier de réserve ayant la plus haute conception du devoir. »
Devenu lieutenant en février 1918, il est remis à disposition de son institution d’origine, l’Opéra-comique, pour réaliser une mission aux États-Unis. Il embarque à Bordeaux sur La Lorraine pour rejoindre New-York en septembre. Il est invité à visiter le Metropolitan Opera House. La revue Musical America le présente comme « l'une des plus grandes autorités dans les coulisses de théâtre ». Il soutient l’idée que la scénographie de l'opéra présente une spécificité en fonction de chaque œuvre.
Démobilisé juste après l’armistice, le 13 novembre 1918, Eugène Ramelet est nommé directeur technique de l’Opéra-comique. Il dispose d’un entrepôt, boulevard Berthier (17e arr.).
Encore avec l’architecte Ferret, il collabore en 1923 à la réorganisation du Théâtre du Capitole à Toulouse (Haute-Garonne).
Sans lien direct avec son activité principale, Eugène Ramelet constitue en juillet 1922 avec un tailleur italien, Gaston Venditti, installé rue des Filles-Saint-Thomas (2e arr.), une société, dénommée Ramelet et Venditti, destinée à commercialiser des machines à coudre portatives. Les deux associés dissoudront leur entreprise en septembre 1925 et feront apport de son actif au fabricant des machines.
Ayant quitté l’Opéra-comique, Ramelet est en 1927 directeur technique du Théâtre Mogador, dans la rue éponyme à Paris (9e arr.). Le Figaro salue en avril cette même année à propos de Rose Marie (Otto Harbach) « La conception des décors, la machinerie font le plus grand honneur à l'habileté de M. Ramelet » tandis que Le Gaulois considère qu’il a « monté cette, œuvre de la façon la plus heureuse et la plus somptueuse en même temps ». Mais, quand il réalise Le Chant du Désert du même Harbach, en avril 1930, Le Figaro est plus critique : « On frémit, en lisant sur l'affiche qu'un M. Ramelet a apporté sa direction technique à ces déhanchements de l'ancien Rat Mort. Où la technicité va-t-elle se nicher ? »
Il retrouve la faveur du quotidien du matin parisien pour La Bataille de Claude Farrère à la Gaité-Lyrique en mars 1931, celui-ci saluant « La machinerie ingénieuse et pittoresque de l'excellent technicien, M. Ramelet », tandis que son confrère du soir, Le Temps, juge que « les décors de MM. Bertin et Ramelet font merveille. »
L’hebdomadaire Gringoire félicite Ramelet pour la machinerie de L'Auberge du Cheval-Blanc (Ralph Benatzky), que le Théâtre Mogador affiche en octobre 1932. En septembre1934, c’est pour La Vie Parisienne d’Offenbach que félicite comme ayant fourni un « luxe de présentation scénique », jugé « fort heureux » et ayant produit une mise en scène « extrêmement vivante ». Plusieurs autres journaux ont également des appréciations positives, comme Le Temps qui assure que décors et costumes « charment et éblouissent ». Quant à L’Ami du peuple, après avoir considéré que « Tout » la machinerie fonctionne à souhait », il conclut « bravo, Eugène Ramelet. »
Cette présentation du chef-d’œuvre d’Offenbach est la dernière dont on trouve la trace dans la presse comme attribuée à Ramelet. Il a alors 62 ans. Depuis 1933, il est domicilié à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où il vit avec sa deuxième épouse, Marie Jeanne Albertine Euphrasie Leblanc, originaire de Haute-Marne. Ils s’étaient mariés en décembre 1925 à Paris (17e arr.) et l’associé de Ramelet, Eugène Ferret, était son témoin. Ils résident avenue d’Hill, une voie rebaptisée avenue de la Plage peu après leur installation, dans le quartier de Palissy.
Pendant la deuxième guerre mondiale, le gouvernement français de Vichy publie le nom d’Eugène Ramelet dans une « liste des dignitaires (hauts gradés et officiers de loge) de la franc-maçonnerie » dans l’objectif des les ostraciser. Curieusement, il y figure à deux reprises, à son adresse joinvillaise en tant que directeur technique de théâtre et à l’adresse de son entrepôt parisien sous le qualificatif de chef machiniste. Son grade (18e degré dans le rite écossais) est bien mentionné. Il est considéré comme membre de la loge Les Admirateurs de l'Univers, fondée au début du XIXe siècle.
Eugène Ramelet meurt le 26 juillet 1949 à Joinville-le-Pont. Il était âgé de 77 ans et vivait toujours dans le quartier de Palissy, avenue de la Plage. Il semble n’avoir eu qu’un enfant, une fille de sa première épouse, décédée en juin 1903 quelques jours après sa naissance.
Décoré des Palmes académiques en tant qu’officier d'académie en janvier 1905 puis officier de l’instruction publique en mars 1911, Eugène Ramelet avait obtenu la Croix de guerre en août 1916 et était chevalier de la Légion d’honneur depuis avril 1917.
Son neveu et homonyme, Eugène François Louis Ramelet (1903-1987), originaire du même village que son père (Séchin, Doubs), a été enregistré par le Service historique de la Défense dans un dossier administratif de résistant à l’occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale.
Eugène François Marie Ramelet naît le 14 mars 1872 à Paris (11e arr.). Il est le fils de Salomé Bülher et de son époux Eugène Ramelet, gardien de la paix. Sa mère est d’origine alsacienne, sa famille ayant fui l’invasion allemande de 1870 tandis que son père est natif de Franche-Comté (Doubs). Ils vivent rue de la Folie-Méricourt.
Alors qu’il est étudiant et réside rue Pierre-Nys (11e arr.), Eugène Ramelet fils s’engage pour trois ans dans l’armée en mars 1890 à Paris (7e arr.). Il est affecté au 52e régiment d'infanterie. En octobre de cette année-là, il devient caporal. Nommé sous-officier, avec le grade de sergent, en juillet 1891, il finit son service militaire en mars 1893.
Devenu chef machiniste l'Opéra-Comique, théâtre lyrique de Paris (2e arr.), Eugène Ramelet est remarqué par la presse à l’occasion de la programmation de Grisélidis, de Jules Massenet en novembre 1901. Gil Blas commente « l’admirable organisation de la machinerie qui a opéré des prodiges », saluant le « jeune et distingué chef machiniste » grâce auquel le fonctionnement de la machinerie « a été absolument merveilleux ». Pour le quotidien parisien, « M. Eugène Ramelet s'est révélé hier comme un maître de machinerie de tout premier ordre ». Parmi d’autres journaux culturels, Le Gaulois qualifie Ramelet « d'habile chef machiniste » (janvier 1904) tandis que Comœdia le classe parmi « les trois mousquetaires qui ont la garde et le souci du plateau de l'Opéra-Comique, de ses frises et de ses dessous » (janvier 1909).
En juillet 1902, à Paris (3e arr.), Eugène Ramelet, qui vit alors rue Richelieu, épouse Hélène Blanche Chap, fleuriste. Ils s’installent dans le 2e arrondissement, rue d’Aboukir puis rue du Sentier. Ils divorceront en juillet 1914.
Secrétaire de l'Association des chefs machinistes en septembre 1909, reçoit avec une délégation de son organisation, le nouvellement créé syndicat des machinistes, affilié à la Confédération générale du travail (CGT). Il y adhérera. Il défend la revendication d’amélioration de leur situation matérielle, remarquant dans Comœdia que les députés viennent de s’octroyer 66% d’augmentation. Avec le soutien des autres chefs machinistes, L'Association des directeurs de théâtres de Paris signe un accord avec le syndicat.
Un an plus tard, à l’occasion d’une grève des machinistes en octobre 1910, Eugène Ramelet regrette son engagement syndical. Il s’en expliquera en mai 1912. Selon lui, « toute entente était impossible avec les révolutionnaires de la CGT » et il mettait en garde « contre les principes dissolvants des organisations révolutionnaires ». Il poursuit son engagement social en étant président en juillet 1912 de l'Œuvre de la maison de retraite du personnel du spectacle, qui installe une maison d’accueil en forêt de Montmorency à Saint-Brice (Seine-et-Oise, act. Val-d'Oise).
En juin 1911, Ramelet embarque vers Buenos-Aires. La traversée en bateau dure 21 jours. Il débarque en avant-garde afin de recevoir les décors envoyés de l'Opéra-Comique pour une tournée dans la capitale de l’Argentine. Il recrute une équipe italo-espagnole afin de disposer la scène de l'Opéra de Buenos-Aires et manier les décors. Prévue pour 36 représentations, la troupe, dirigée par Albert Wolff en fera 39, pour répondre à une très forte demande. Elle crée dans la ville Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), puis présente Louise (Gustave Charpentier), La Reine Fiammette (Xavier Leroux), Le Roi d'Ys (Édouard Lalo), Le Mariage de Télémaque (Claude Terrasse), Fortunio (André Messager), Carmen (Georges Bizet), Manon, Griselidis, Le Jongleur de Notre-Dame, ainsi que Werther (Jules Massenet), Lakmé (Léo Delibes), Mignon et Caïd (Ambroise Thomas), et enfin, seule œuvre non française, Madame Butterfly (Giacomo Puccini). Les spectacles rencontrent un franc succès.
Toujours chef machiniste à l'Opéra-Comique, Eugène Ramelet crée en décembre 1910 avec deux ingénieurs, le constructeur Abel Pifre et l’architecte Eugène Ferret, une société anonyme appelée Constructions scéniques et théâtrales ; ils la dissolvent cependant, sans qu’elle ait eu d’activité, en mars 1911.
La collaboration de Ramelet avec Ferret va cependant se poursuivre, notamment pour l’aménagement du théâtre du Casino de Trouville (Calvados) en 1912. Il intervient également à Paris pour la Gaîté lyrique (3e arr.).
Lors du départ d’Albert Carré, directeur de l’Opéra-Comique, en janvier 1914, c’est Ramelet qui s’exprime au nom du personnel de l’établissement.
Plusieurs organismes opposés à la franc-maçonnerie signalent qu’il y est affilié depuis 1906. Au cours d’une cérémonie tenue au siège du Grand Orient de France, rue Cadet (9e arr.), il est initié au 18e degré selon le rite écossais, ce qui lui octroie le titre de « Souverain Prince Chevalier Rose-Croix ». La cérémonie était organisée par les loges Les Amis Bienfaisants et Les Vrais Amis Réunis.
À suivre
Symbole de la loge maçonnique Les Admirateurs de l'Univers
Madeleine Vinsonneau naît le 16 mai 1904 à Paris (6e arr.). Elle est la fille d’une domestique vivant rue de Verneuil à Paris, Eugénie Séraphine Vinsonneau. Elle prend le nom de son père, Jean-François Gallion, après le mariage de ses parents en juillet 1906 à Paris (7e arr.).
Le père, jusqu’ici monteur de piano, est embauché comme employé de la firme Pathé cinéma et s’installe avant 1911 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où cette société a une usine. Ils vivent d’abord rue de Créteil (act. rue du maréchal Leclerc).
En mai 1923, Madeleine, qui est alors bijoutière, épouse à Joinville Robert Sicre, également bijoutier. Ils vivent d’abord aux Lilas (Seine, act. Seine-Saint-Denis), rue du Bois puis, au début des années 1930, s’installent à Joinville, avenue Bizet, dans le quartier de Palissy. Son mari sera conseiller municipal communiste de Joinville-le-Pont (1950-1959).
Le frère aîné de Madeleine, Henri Gallion (1902-1938), mécanicien à la société Télégic (optique), implantée dans le quartier de Polangis à Joinville, est militant communiste et candidat sur les listes du PCF dans cette commune lors des élections municipales de 1929 et 1935, sans être élu. Robert Sicre est en avril 1925 à Joinville témoin du mariage en d’Henri Gallion avec Louise Émilie Perrot.
En novembre 1950, le quotidien communiste L’Humanité publie le nom de Madeleine Sicre parmi une liste de personnes transmettant des vœux à Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, en vue du rétablissement de sa santé. Elle réside alors avenue Courtin, dans le quartier de Polangis.
Ce même mois, ledit journal prend exemple sur elle pour promouvoir la diffusion de son Almanach Ouvrier et Paysan pour l’année 1951. « Depuis dimanche après-midi, j’ai eu le plaisir de vendre 11 almanachs et 9 calendriers dans onze foyers. Je ne sors pas sans avoir l'un et l’autre. Certains, pour qui 100 francs est une grosse somme, prennent le calendrier ; d’autres me prennent deux almanachs afin d’en offrir un à un ami. Si chaque camarade faisait ainsi, tous les almanachs et calendriers seraient vite placés. »
Madeleine Sicre meurt le 23 septembre 1989 à Férolles-Attilly (Seine-et-Marne). Elle était âgée de 85 ans. Son fils, Georges Sicre (1925-2023), outilleur, fut un des animateurs de l’association de locataires CNL de Joinville et siégea au conseil municipal, dans le groupe PCF de 1977 à 1983. Il était candidat, sous la même étiquette, sur la liste d’Union de la gauche en 2001 mais ne fut pas élu.
Auguste Jules Forgeot naît le 25 septembre 1874 à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il est le fils de Lucien Étienne Forgeot et de son épouse Anna Caroline Courtin, qui sont domiciliés à Châtellerault où son père est en garnison.
Il voit le jour au château de Polangis dont son grand-père maternel, Auguste Courtin, est le propriétaire. Celui-ci est également alors le maire de cette commune. Il la quittera l’année suivante pour s’installer à Salbris (Loir-et-Cher), où il exploite un domaine agricole, devenant de nouveau maire de Salbris et conseiller général du Loir-et-Cher. Auguste Courtin était le fils adoptif, et probablement le fils naturel de Charles Chapsal, grammairien, qui fut son prédécesseur comme maire et Joinville et avait acheté le domaine de Polangis.
La famille paternelle d’Auguste Forgeot remonte à de riches marchands de grains, bourgeois de Paris au XVIIe siècle. Claude-Etienne Forgeot (1728-1788) fut Premier apothicaire du Roi de 1769 à 1779 tandis que son épouse, Louise Routier, était femme de chambre de la fille de Louis XV, Madame Sophie.
Leurs descendants firent carrière dans l’armée. Etienne-Henry Forgeot (1774-1853) a été commissaire des subsistances de la Marine et chevalier de la Légion d’honneur. Jules-Etienne Forgeot (1809-1877), officier d'artillerie, fut général de division et élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. Enfin, son père, Lucien Etienne Forgeot (1844-1910), colonel d'artillerie, était officier de la Légion d'honneur.
À l’instar de ses ascendants, Auguste Forgeot, qui est l’aîné de sa fratrie de trois garçons, s’inscrit à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et est admis à concourir aux épreuves orales en juin 1895. Il s’engage pour trois ans dans l'artillerie et est intégré en novembre 1895 comme canonnier au 32e régiment d'artillerie (RA). Il est promu brigadier en avril 1896 puis sous-officier, comme maréchal des logis en mai 1897. Il prolonge son contrat pour deux ans en 1898 puis est admis, en mars 1900, à suivre les cours de l'école militaire de l'artillerie et du génie, devenant officier en avril et renouvelant son contrat pour trois années de plus. Il sort diplômés en mars 1901 en tant que sous-lieutenant, affecté au 37e RA.
Le mariage de Joséphine Marie Madeleine Lasserre, fille d’un négociant, avec Auguste Forgeot est célébré à Bayonne (Basses-Pyrénées, act. Pyrénées-Atlantiques) en avril 1902. Le Pays basque deviendra désormais le lieu principal de vie de la nouvelle famille, en dehors des casernements militaires.
Devenu lieutenant en avril 1903, Auguste Forgeot est promu capitaine en septembre 1911, il est placé en congé spécial pour trois ans sans solde à compter de décembre la même année, semble-t-il pour raisons de santé. Il s’installe à Anglet (Basses-Pyrénées, act. Pyrénées-Atlantiques), dans la villa Mirambeau. Sa propriété est une exploitation agricole. Il obtient en 1912 un prix pour les taureaux qu’il élève.
Rappelé dès le début de la première guerre mondiale, Auguste Forgeot dirige une batterie au sein du 14e RA. Il sera cinq fois cité, à l’ordre de la division, de l’armée et du corps d’armée. En juillet 1915, on vante sa « grande habileté technique ». En juillet 1916, c’est son « dévouement inlassable » joint à une bravoure et une conscience remarquable qui sont récompensés. Pour le 14 juillet 1917, il est signalé comme s’étant « particulièrement distingué devant Verdun », « avec autorité et compétence ». On loue en juin 1918 « son calme et son énergie ». Enfin, en octobre 1918, son « exemple extrême » est cité comme ayant « soutenu le moral de sa troupe exténuée de fatigue. »
Un fait original est remarqué des autorités militaires : alors que son activité ne l’y conduisait pas, Forgeot fait en juin 1916 un séjour dans des tranchées au milieu des soldats, faisant lui-même le coup de feu au cours d’une attaque ennemie. Cette démarche lui aurait permis de rapporter « des renseignements de première importance », dont la nature n’est cependant pas précisée.
Vers la fin de la guerre, Auguste Forgeot, qui avait rejoint le 202e RA l’année passée, est nommé chef d’escadron (commandant) en juillet 1918 d’abord à titre provisoire, puis confirmé à titre définitif en septembre. Il est démobilisé en décembre 1918. Il était alors au 258e RA.
Reprenant une activité civile à Anglet, Forgeot exerce au sein d’une société industrielle, la maison Léglise, implantée au Pays Basque et exploitant le bois des Landes pour réaliser notamment des traverses destinées aux chemins de fer. Elle est en particulier spécialiste du créosotage, l’imprégnation chimique du bois pour en assurer la conservation. Albert Lasserre, beau-père de Forgeot, est le Pdg de cette société.
Poursuivant en parallèle son exploitation agricole, il fait figure de pionnier dans la culture du lin en 1920.
Apparaissant comme une personnalité locale, Auguste Forgeot va assurer un nombre important de responsabilités associatives. Il adhère en 1917 à la Société des sciences, lettres, arts et d'études régionales de Bayonne et en fait toujours partie en 1926. Il est le président de la section locale de l’Union des combattants d'Anglet en 1923 et exerce encore ce mandat en 1927. Il est également à la tête du Syndicat agricole d’Anglet en 1925 et conserve la fonction en 1927 ; il finançait des prix pour l’élevage depuis 1923, une dotation qui continuera après sa disparition ; il adhère aussi à la Société des agriculteurs de France. Forgeot fait partie des fondateurs et administrateurs de la Caisse d’épargne et de prévoyance de la ville et de l’arrondissement de Bayonne en 1924.
Enfin, en mai 1924, il participe à la relance de la Société d'Encouragement de Bayonne-Biarritz pour l'amélioration de la race chevaline, qui se donne pour objectif « d’organiser chaque année un des plus beaux meetings de France » dans son hippodrome de la côte basque. Elle est présidée par Maurice Labrouche, ancien maire de Tamos (Landes) et Forgeot en est le secrétaire.
En tant que personnalité influente, Auguste Forgeot est sollicité par le sénateur-maire d'Anglet, également conseiller général des Basses-Pyrénées, Albert Le Bariller. Il figure en mai 1925 sur sa liste, qui est étiquetée Union Républicaine (centre-droite). Anglet, comme les autres communes de la côte basque, est dirigée par des élus de cette tendance, sauf Bayonne, plus à gauche. Forgeot arrive en 4e position des candidats élus dès le 1er tour, avec un score meilleur que celui de Le Bariller. Leur liste emporte tous les sièges. Si Forgeot ne fait pas partie des trois adjoints au maire élus en 1927, il sera présenté en 1927 comme ayant cette fonction par plusieurs personnes lui rendant hommage, mais pas par la presse.
Avant d’être définitivement relevé de ses obligations militaires, il est nommé, dans la réserve, au titre de lieutenant-colonel en décembre 1926.
Auguste Forgeot meurt le 14 septembre 1927 à Anglet, selon l’état-civil. Cependant, le quotidien Paris-soir précise que son décès est intervenu « au cours d'un voyage d'affaires à Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées) » ; pour L'Indépendant des Basses-Pyrénées c’est à Saint-Christau, village adjacent à Oloron et dépendant de la commune de Lurbe-Saint-Christau, qu’il est mort. Il était âgé de 72 ans et est inhumé dans le caveau familial du cimetière de Marracq à Bayonne.
Dans leurs nécrologies, L'Indépendant des Basses-Pyrénées le qualifie d’« Officier d’artillerie des plus distingués » ; La Gazette de Bayonne estime qu’il était « dévoué à foules les œuvres patriotes et de bienfaisance. »
Décoré de la Croix de guerre, Auguste Forgeot était chevalier de la Légion d’honneur depuis juillet 1917 et avait été élevé au grade d’officier en juillet 1926. Une rue d’Anglet porte le nom d’impasse Colonel-Forgeot.
Le couple Forgeot a donné naissance à six enfants. L’aîné, André (1904-1940), agent général d'assurances à Lille (Nord), était lieutenant de cavalerie pendant la deuxième guerre mondiale ; il fut tué à l'ennemi en juin 1940 lors de combats dans les Vosges et fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Un autre fils, Bertrand, se distingua lors de combats en juillet 1944, au cours de la campagne d'Italie et fut décoré de la Croix de guerre. Une de ses filles, Marie Thérèse, fut religieuse salésienne et missionnaire en Inde.
Parmi leurs petits-enfants, Dom Antoine Forgeot (1933-2020) est un moine et prêtre catholique. Il a été le troisième Père abbé de Notre-Dame de Fontgombault, dans l'Indre, abbaye bénédictine de la congrégation de Solesmes.
Michel Rouget naît le 6 décembre 1874 à Saint-Amant-Tallende (Puy-de-Dôme). Il est le fils Nathalie Marguerite Boivin et de son marié Louis Rouget, notaire. Son grand-père paternel et homonyme, est alors maire de la commune du Vernet-Sainte-Marguerite, située dans le même canton.
Faisant des études de droit à la faculté de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), est partiellement dispensé de service militaire. Il n’effectue qu’une période de onze mois entre novembre 1895 et septembre 1896, dont il sort avec le grade de caporal. Il effectuera plusieurs périodes et sera nommé en octobre 1903 sous-lieutenant de réserve, puis en février 1908, lieutenant au 150e régiment d'infanterie, basé en Auvergne.
Séjournant régulièrement en Aquitaine, à Royan et Bordeaux, entre 1897 et 1900, il s’installe à Paris où il vit rue de Poissy (5e arr.). Ayant obtenu son doctorat en droit, il devient avocat. Il s’installera dans le 18e arrondissement, rue Clignancourt puis boulevard Barbès.
Il est recruté, en février 1903, par la préfecture de police et nommé secrétaire de commissariat (adjoint au commissaire). Il est affecté à Charenton-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne).
Début mai 1906, il doit intervenir dans le Bois de Vincennes, dont une partie est sur le territoire de Charenton à cette date, suite à une explosion qui s’est produite dans la zone des Quinconces. C’est un anarchiste d’origine russe, désigné comme Stryga, qui a fait accidentellement fonctionner une bombe ; très grièvement blessé, il meurt, en tentant semble-t-il d’actionner le deuxième engin qu’il avait dans une autre poche. Un complice, Alexandre Sokoloff, blessé, est arrêté tandis qu’un troisième compagnon s’enfuit. Rouget témoigne en juillet au procès de Sokoloff.
Promu secrétaire des commissariats de la Ville de Paris, il est d’abord affecté à Belleville (19e arr.) puis en janvier 1908 à Bercy (12e arr.). Poursuivant une carrière rapide, il devient inspecteur principal des gardiens de la paix et est nommé commissaire de police des communes de la Seine en janvier 1912.
En mars 1912, Michel Rouget, qui se présente comme avocat, épouse à Paris (18e arr.) Octavie Tréhu de Monthiéry, originaire du département de la Manche, fille d’un ancien zouave pontifical, qui avait rejoints les troupes défendant les États du pape en 1861. Sa famille est de la noblesse bretonne, originaire de la région de Fougères.
Le premier poste de commissaire de police de Michel Rouget est à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il doit gérer, en mars 1913 une sanglante bagarre pendant laquelle deux gendarmes sont grièvement blessés. Des ouvriers d’un chantier électrique s’étaient mis en grève et avaient tenté de convaincre les salariés d’un établissement voisin de cesser le travail. Les incidents débutèrent du fait de leur refus.
Conduisant en juin une perquisition chez M. Buffet, membre des jeunesses syndicalistes, accusé de diffuser de la propagande antimilitariste, le commissaire Rouget est vivement pris à partie par un anarchiste espagnol, Stefano Seignol. Il demande qu'il soit expulsé de France.
En février 1914, prenant la suite de Léon Prodhon, Rouget est chargé de la grande circonscription de Joinville-le-Pont. Elle couvre des communes comme Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, Le Perreux et Champigny. Il arrête, en avril cette même année, pour vagabondage un « un vieillard de soixante-cinq ans, qui n'avait pas mangé depuis quarante-huit heures » selon Le Journal. Il déclare qu’il avait mené la campagne de 1870 (lors de la guerre contre l’Allemagne), été fait prisonnier et s’être évadé. « Depuis, je mène une existence lamentable, tantôt dans les hôpitaux, tantôt en prison. J'ai déjà été condamné quarante-trois fois pour vagabondage, cela fera une de plus ! »
Pendant la première guerre mondiale, à l’instar de ses confrères, le commissaire Rouget est mobilisé à son poste. Lors d’une importante crue de la Marne, rivière qui traverse toute sa circonscription, en février 1916, il assiste la municipalité de Champigny qui doit faire évacuer cent cinquante familles. À Joinville-le-Pont également, l'île Fanac, le quai du Barrage et la rue Vautier sont en partie recouverts.
Ayant obtenu un avancement comme commissaire de police de la Ville de Paris, Rouget est nommé au quartier de Javel (15e arr.) en août 1917. Après-guerre, il est muté au quartier des Ternes (17e arr.) en janvier 1919. Puis, suite à une réforme de la préfecture de police, il accède au grade de commissaire divisionnaire d’arrondissement en janvier 1921, retrouvant le 15e arrondissement.
Lors d’une grève aux usines d’aviation Caudron, en août 1922, alors que ses agents voulaient protéger l'usine, le commissaire Rouget est frappé de deux coups de poing par un jeune ouvrier.
Il dirige le service d’ordre, dans la commune de banlieue du Pré-Saint-Gervais en juin 1924, à l’occasion d’une manifestation communiste du parti communiste et de la CGTU contre l'assassinat du député italien Matteotti, victime des fascistes. Un maçon italien arracha un drapeau français, qui fut aussitôt, brûlé. Rouget fit intervenir ses troupes pour l’interpeller. Selon Le Petit Parisien, « Une mêlée s'ensuivit, au cours de laquelle les manifestants brisèrent les grilles en fonte protégeant les arbres de la Grande-Rue et les jetèrent contre les policiers qui ripostèrent vigoureusement. »
Devenu commissaire divisionnaire du 1er district, qui couvre le 7e arrondissement de Paris, où se situent de nombreuses institutions publiques, Michel Rouget organise un service d'ordre très important lors d’une manifestation interdite du mouvement royaliste Action française en mai 1936. Les militants d’extrême-droite protestent contre la dernière inculpation de leur dirigeant, Charles Maurras. Les Camelots du Roi, milice de l’organisation, ayant tenté de forcer un barrage, Rouget fait faire une trentaine d'arrestations. Mais, dans les incidents, il a été renversé et-piétiné.
En juillet 1936, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite et quitte son poste en décembre cette même année. À son départ, il est nommé directeur adjoint honoraire à la Préfecture de Police.
Michel Rouget meurt le 22 août 1948 à Clermont-Ferrand, où il s’était retiré. Il était âgé de 73 ans et ne semble pas avoir eu d’enfant.
Décoré en juillet 1910 d’une médaille d’argent pour actes de courage et de dévouement, suite aux inondations de la Seine du début de cette année, il avait obtenu une autre médaille d’argent, de la Prévoyance sociale, en avril 1934. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur par le préfet de police Jean Chiappe en juillet 1930. La décision mentionnait qu’il était un « fonctionnaire des plus consciencieux, occupant avec le plus grand dévouement le poste qui lui est confié. »
Blason de la famille Tréhu de Monthiéry, épouse de Michel Rouget
Le commissaire de police Louis Gourdel, jusqu’ici affecté aux communes du département de la Seine, suivant le parcours habituel de la préfecture de police, est promu commissaire de police de la Ville de Paris en avril 1913. Il est chargé du quartier d'Amérique (19e arr.). il fait arrêter, en août cette même année, trois personnes qui collaient des affiches antimilitaristes sur un immeuble de la rue Bolivar, où il va résider quelques années plus tard.
Pendant la première guerre mondiale, comme tous les chefs policiers, il reste à son poste. Il met en état d’arrestation, en mai 1916, un consommateur qui, dans un débit de vin, tenait des propos antimilitaristes « ce qui lui avait valu une correction méritée de la part des consommateurs indignés » selon Le Petit Parisien.
Après-guerre, la police du 19e arrondissement continue de s’intéresser à l’extrême-gauche. En janvier 1921, il perquisitionne chez un certain Constantin Lebedeff, originaire de Russie, et présenté comme membre d’une organisation de communistes étrangers. En août 1923, il vise les milieux anarchistes ; il fait arrêter Marcelle Weill qui militait pour la libération de Louis Émile Cottin, auteur d’un attentat contre Georges Clemenceau en février 1919.
Devenu en août 1923 commissaire quartier du Mail à Paris (2e arr.), fait cette fois face à des militants d’extrême-droite, après avoir interpellé six camelots du roi collant des affiches « La République, c'est la banqueroute. »
Son quartier accueillant de nombreux journaux, Louis Gourdel va devoir intervenir dans une querelle très culturelle.
Le 24 avril 1926, Louis Aragon, jeune écrivain qui vient de rejoindre le très récent mouvement surréaliste, donne une conférence à la Résidence des Étudiants de Madrid. Le directeur de l’hebdomadaire Les Nouvelles Littéraires, Maurice Martin du Gard, rend compte brièvement de son intervention. Il rapporte que « dès la gare il voulut faire scandale, selon son habitude » puis assure que « notre surréaliste se vantait d'avoir été plusieurs fois arrêté pour un délit qui naît d'une déviation sentimentale. »
Un biographe d’Aragon, Philippe Forest, assure que c’est ce qui provoqua la colère des surréalistes. Il demande à Martin du Gard, littérateur lui aussi et cousin du romancier Roger Martin du Gard, de publier un démenti. Après avoir accepté, celui-ci se rétracte et indique à Aragon qu’il veut bien publier un droit de réponse de sa part, mais qu’il ne voit pas de quoi il devrait s’excuser.
Louis Aragon proteste d’abord, accompagné de l’essayiste Emmanuel Berl, puis décide de se rendre au siège des Nouvelles Littéraires, avec plusieurs de ses amis : les poètes Benjamin et Péret Philippe Soupault, l’écrivain et théoricien du surréalisme André Breton, ainsi que.
L’Humanité assure que « Aragon rejoignant Martin administra au personnage une belle volée, tandis que ses amis s'occupaient de personnages subalternes. La bataille devint vite générale, au grand dommage du mobilier ». Le Temps s’étonne de cette « irruption violente dans une rédaction », rapportant que Louis Aragon frappa Maurice Martin du Gard « à coups de nerf de bœuf » puis que lui et ses amis brisèrent un appareil téléphonique et une glace puis lancèrent une lampe dans la rue par la fenêtre. Le Siècle s’inquiète de ce que « La critique est en train de devenir l'un des métiers les plus périlleux » et commente : « on ne saurait admettre sans tristesse que la pensée soit ainsi soumise à la matraque. »
Appelée par les membres du personnel, la police emmène Aragon et ses compagnons devant Louis Gourdel au commissariat de police du quartier du Mail. Sur la plaine de Martin du Gard, il l’inculpe de coups et blessures et port d’arme prohibée, et ses amis de complicité. Le journal, relatant l’agression, parle d’un « odieux et grotesque attentat ». Il ne semble pas qu’il y ait eu de suites judiciaires, même si l’affaire fut instruite.
Dans son ouvrage posthume Les Mémorables, Maurice Martin du Gard avance une explication dépassant l’article incriminé. Selon lui, Jean Cocteau était haï des surréalistes, tandis que Les Nouvelles littéraires lui donnaient un accueil bienveillant. Ce serait « en représailles du soutien » apporté à Cocteau que, selon lui, Breton et Aragon auraient vandalisé les locaux de la revue. Le Figaro avait proposé une analyse plus politique : les surréalistes avaient des positions en faveur de la syndicaliste et anarchiste Germaine Berton, meurtrière de Marius Plateau, directeur de la Ligue d’Action française, ainsi que contre la guerre menée par la France au Maroc, publiant un pamphlet pour « se désolidariser publiquement de tout ce qui est français en paroles et en actions » - tandis que Martin du Gard « a toujours opposé une sage et souriante mesure aux folles entreprises. »
Louis Gourdel meurt le 8 juillet 1926 à Paris (19e) à son domicile de la rue Bolivar. Il était âgé de 53 ans et père d’une fille, artiste lyrique. Il avait été décoré en août 1910 d’une médaille d’or pour actes de courage et de dévouement, qui gratifiait son attitude lors des inondations séculaires de la Seine, lorsqu’il était commissaire de police à Choisy-le-Roi.
Sa disparition est évoquée par une dizaine de quotidiens parisiens qui soulignent qu’il est décédé subitement à son domicile. Le Soir le décrit ainsi : « très estimé de ses collègues. Magistrat intègre, il avait su s’attirer le respect de ses subordonnés. »
Fin
Louis Aragon, André Breton et Philippe Soupault avec Raymond Queneau
Louis Joseph Marie Gourdel naît le 25 février 1873 à Vitré (Ille-et-Vilaine). Il est le fils de Marie Joséphine Noël et de son époux Jean Marie Louis Gourdel, receveur des contributions indirectes à Châteaulin (Finistère).
Il fait des études de droit à Poitiers (Vienne), où sont installés ses parents. En 1893, il est exempté de service militaire pour obésité.
En 1901, il est à Paris (12e arr.), quai de Bercy, chez ses parents, son père ayant désormais un poste de receveur particulier des contributions indirectes. Louis Gourdel a été embauché par la préfecture de police et épouse en avril 1901 à Paris (5e arr.), Célestine Marie Mazaudier, fille de cultivateurs d’Ardèche.
Cette même année, Gourdel est mentionné, avec son titre de policier, comme membre d’une loge maçonnique du Grand-Orient de France. Dans plusieurs publications, notamment d’extrême-droite, entre 1905 et 1914, cette appartenance lui sera reprochée. Ainsi L'Autorité (1905/05/03), qui cite son nom, critique dans un article La magistrature maçonnique. « Quelle peut être l’indépendance d'un magistrat appelé à trancher un procès ou un différend, puisqu’il est lié par le serment maçonnique et tenu par la justice secrète des Loges ? »
Secrétaire du commissaire (son adjoint) de Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis), il est promu en février 1906 aux délégations judiciaires à Paris. Après avoir sans doute réussi le concours de commissaire de police, il est nommé en septembre 1908 inspecteur principal des gardiens de la paix.
Il obtient son premier poste de commissaire de police à Choisy-le-Roi (Seine, act. Val-de-Marne) en septembre 1908. Il doit gérer au début de l’année 1910 le débordement de la Seine, qui frappe particulièrement cette ville lors de la crue centenaire.
En septembre de cette même année, il fait face à des bagarres liées à un mouvement social. Venus de Paris, environ deux cents ouvriers manifestent pour contraindre une douzaine de terrassiers travaillant dans la commune de cesser le travail. Devant leur refus, selon Le Petit Parisien, ils « se ruèrent sur ces derniers, les criblèrent de coups et réussirent à les mettre en fuite. Une fois maîtres de la place, agissant en véritables vandales, ils se mirent à briser tout le matériel. »
Un sous-brigadier, venu avec une dizaine de policiers pour tenter de ramener le calme, est renversé, sa bicyclette étant mise en pièces. Avec l’appui des gendarmes, Gourdel fait arrêter quatre jeunes grévistes. Le quotidien Le Gaulois estime que« l'attaque des travailleurs avait été préméditée par la CGT dans le but de détacher les ouvriers des organisations syndicales non adhérentes à la confédération ». Selon ce journal, « La plupart des terrassiers des fouilles Morillon et Corvol appartiennent, en effet, à une nouvelle association ouvrière nommée la Liberté du Travail ». Il s’agit peut-être d’une structure adhérente à la Fédération syndicaliste des Jaunes de France, dirigée par Pierre Biétry, active pendant cette période.
En octobre 1910, le commissaire Gourdel est muté à Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il y reste peu puisque, dès juin 1911, il est affecté à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où il succède à Charles Monsarrat. Le commissariat de Joinville, avec une trentaine d’agents, est un gros poste, couvrant des communes de grande taille comme Saint-Maur-des-Fossés, Champigny ou Nogent-sur-Marne. Outre ses fonctions policières, Gourdel est aussi désigné comme membre des conseils de justice de paix des deux cantons de sa circonscription, Nogent et Saint-Maur.
En décembre 1911, il dirige un vaste service d'ordre avec des gendarmes à cheval et des agents de police pour la manifestation nationaliste de la Ligue des Patriotes (extrême-droite), avec à sa tête le tribun Paul Déroulède, à l’occasion de l’anniversaire des sanglants combats de la bataille de Champigny, qui firent plusieurs milliers de morts lors de la guerre contre l’Allemagne du 30 novembre au 2 décembre 1870. Il n’y eut pas d’incident.
Le principal évènement de son passage dans la région pour le commissaire Gourdel fut la fin des deux derniers membres de la bande à Bonnot encore en vie, Octave Garnier et René Valet. Tous deux étaient à la fois des bandits, des militants anarchistes et vivaient, avant le début de leur cavale, en communauté.
Occupant un pavillon à Nogent-sur-Marne, rue du Viaduc, trois semaines après la mort de Bonnot, ils sont assiégés par 500 hommes, policiers et soldats, selon L’Humanité. Les quatre chefs de l’assaut sont le préfet de police Lépine, le chef de la Sûreté Guichard, le chef de la police parisienne Touny et Gourdel. Une intense fusillade se déroule, malgré la disproportion des forces. Dans les rues adjacentes une foule importante se masse. Les bandits sont abattus après que le bâtiment ait été détruit avec une bombe. Ce sont Louis Gourdel et un de ses inspecteurs joinvillais, Pierre Luntuéjoul, qui déclarent le 15 septembre la mort des deux malfaiteurs à la mairie de Nogent. Valet est déclaré comme mécanicien et Garnier en tant qu’ouvrier boulanger, avec comme adresse le lieu de leur décès à Nogent.
Bien que le bâtiment soit largement détruit, le commissaire Gourdel doit le faire garder pendant plusieurs jours, un défilé continu de curieux venant chercher des « souvenirs de la maison sanglante », d’après L’Intransigeant.
À suivre
La maison de Nogent-sur-Marne où furent tués Octave Garnier et René Valet, membres de la bande à Bonnot
Toujours en place fin 1920 comme commissaire spécial de police des Halles centrales, dont il a tenu la fonction pendant toute la durée de la première guerre mondiale, Charles Monsarrat est désormais une personnalité en vue : il accueille des visites de parlementaires, de délégués étrangers, par exemple de représentants de la municipalité de Moscou, de jeunes ou d’intellectuels.
Il poursuit son travail de médiation en matière sociale. Ainsi, il va transmettre en décembre 1921 au préfet de police une protestation du syndicat des ouvriers de la viande contre l'emploi des Jeunes gens au-dessous de 17 ans, dans les abattoirs de la Villette et de Vaugirard. En novembre 1928, il s’efforce de mettre fin à la grève des abattoirs, conduite par le syndicat communiste CGTU, en réunissant les patrons camionneurs, commissionnaires et débardeurs pour fixer les nouveaux prix de camionnage et de transport.
Outre ses fonctions quotidiennes, Monsarrat s’exprime sur le devenir du marché. Il convainc, en novembre 1920, le conseil de Paris de déplacer plusieurs équipements. Il s’exprime, en septembre 1921 dans Le Petit Journal, assurant qu’il faut « Réformer les Halles ». Il doute cependant que cela puisse se faire à l'emplacement qu’elles occupent alors, dans le cœur de Paris. Il est conscient des problèmes hygiéniques et sanitaires : « au pavillon de la viande, la marchandise s'accumule sur le sol ; au pavillon de la triperie, on n'ose y pénétrer sans revêtir, une blouse. Le carreau forain n'est même pas couvert ; les légumes sont déchargés sur les trottoirs, sur la chaussée même, parmi le crottin et autres immondices ! » Il aimerait un endroit desservi par voie d’eau et le réseau ferré. Il se félicite cependant d’avoir fait installer, le mois précédent, un entrepôt frigorifique. Il veut le départ du commerce de détail qui occupe alors une grande partie des pavillons. Mais il souligne aussi la nécessité de maintenir un contrôle sur les opérations des commerçants, le marché n’ayant pas encore, selon lui, retrouvé une production normale.
En décembre 1925, Le Journal, qui conclut par un long entretien avec lui une vaste enquête, le présente comme « le vice-roi des Halles » où ses fonctions lui ont valu sympathies et inimitiés. Le journaliste Germain Mandle assure qu’il est « actif et plus documenté qu'un bénédictin ». Il assure qu’il faut agrandir les Halles, de préférence en surface mais aussi en sous-sol.
Prenant sa retraite de la police en juillet 1930, Charles Monsarrat part avec le titre honorifique de commissaire divisionnaire.
Ayant poursuivi ses responsabilités associatives antérieures, il s’est laissé convaincre de participer à certains organismes caritatifs liés au marché des Halles. Il est ainsi Président d’honneur de l’œuvre des orphelins des forts des Halles rn 1927, de la Chanson au sanatorium, de l’association philanthropique La Butte libre de Montmartre et de la colonie de vacances Les P’tits Quinquins.
Sa fonction de président des Enfants de Gayant de Paris l’amène à mettre en place une colonie de vacances qui portera le nom de Charles Monsarrat. Les 25 ans de son mandat à la tête de cette institution son célébrés, avec un peu de retard en 1933 et les 30 ans en janvier 1939, la presse assurant qu’il s’agit d’une « belle œuvre. »
Après son départ de la police, il prend une activité professionnelle dans le secteur privé, comme inspecteur d’assurance en 1931 puis au sein d’une imprimerie en 1936.
Son engagement associatif va se renforcer durant la deuxième guerre mondiale. Il est le président de la Fédération des Retraités de la Seine en 1940 et devient délégué général de la fédération des retraités communaux, départementaux et hospitaliers de France en 1942.
N’ayant pas été mis en cause pour son comportement vis-à-vis des autorités d’occupation, il devient vice-président de la Confédération générale des retraités en 1946.
Charles Monsarrat meurt le 27 octobre 1947 à Paris (13e arr.) où il était hospitalisé. Il résidait toujours rue des Pyrénées où il était installé déjà en 1926. Âgé de 72 ans, il était père de trois enfants. C’est un médaillé de la Résistance, Émile Lerouge, qui déclare son décès.
Le commissaire Monsarrat était titulaire d’une douzaine de décorations. Trois récompensaient des actes de courage et de dévouement : une médaille de bronze en octobre 1902 pour la « capture périlleuse d’un fou furieux armé », une autre en mai 1907 pour la « capture dangereuse d’un meurtrier » puis une médaille de vermeil en août 1910 pour son comportement, en début d’année, lors des inondations séculaires de la Marne. Détenteur des Palmes académiques, en tant qu’officier d'académie en août 1908, il avait été fait officier de l’instruction publique en février 1930 pour « services rendus aux œuvres scolaires. »
Les croix de chevalier puis d’officier du Mérite agricole étaient venues saluer son activité aux Halles de Paris en août 1922 et en juillet 1930. Son travail de médiation entre employeurs et employés a été cause de l’attribution du titre de chevalier du Mérite social en 1928.
La Société française de secours aux blessés militaires (Croix-Rouge) lui avait remis une médaille d’or en mai 1926 pour son assistance aux soldats et réfugiés du département du Nord au cours de la première guerre mondiale.
Enfin, sur proposition du ministre de l’agriculture, Charles Monsarrat était devenu chevalier de la Légion d’honneur en juillet 1928, notamment pour avoir « concouru à l’étude des questions relatives au renchérissement de la vie et s’est acquitté de ses délicates fonctions avec autant d’activité que de tact et d’autorité ». C’est au titre du ministère de la santé publique et de la population qu’il était devenu officier de la Légion d’honneur en juillet 1947, trois mois avant sa disparition. Ce sont notamment les secours aux soldats, prisonniers de guerre et réfugiés, ainsi que son activité en faveur des enfants, qui étaient alors récompensés.
La ville de Douai a donné à une de ses voies le nom de « rue Charles Monsarrat ». D’une longueur de 230 mètres, elle relie la rue du Quatre-septembre (où ses parents ont vécu) à la rue Émile-Morlaix ainsi qu’au boulevard Delebecque. Elle dessert le parc Charles-Bertin et abrite notamment un établissement, hébergeant l’Association des centres sociaux de Douai et le Centre social Gayant. La plaque de rue porte la mention « bienfaiteur de la ville, fondateur des Enfants de Gayant de Paris (1874-1947). »
En juin 1911, Charles Monsarrat est promu commissaire de police de la Ville de Paris et chargé du quartier de la Monnaie (6e arr.). Il laisse la place de Joinville-le-Pont à Louis Gourdel, venu de Montreuil. En janvier 1913, il est transféré à Belleville (20e arr.). En mai, il arrête rue de Ménilmontant, Gabriel Bonton, dit Gaby, âgé de vingt-huit ans, accusé d’avoir frappé à coups de canne plombée un agent de police lors d’une manifestation faubourg du Temple, le soir du 1er mai. Il est considéré comme liés aux milieux anarchistes des quartiers de Belleville et Ménilmontant. Des brochures révolutionnaires et antimilitaristes sont découvertes chez lui, ainsi que sa canne plombée et deux couteaux-poignards.
Alors qu’il n’était jamais resté très longtemps dans ses postes précédents, le record étant de 30 mois à Joinville, Monsarrat va obtenir, en janvier 1914 une affectation où il va s’installer durablement : celle de commissaire de police spécial des Halles centrales de Paris. Il est chargé des marchés d’approvisionnement de la Ville de Paris, mais aussi des abattoirs de La Villette et de Vaugirard. Il publie, dans le cadre du VIe congrès des pêches maritimes, qui se tient à Tunis en mars 1914, un article sur Le Marché du poisson à Paris.
Sa fonction aux Halles sera primordiale pendant la première guerre mondiale mais aussi à son issue, alors que l’alimentation de la capitale est compliquée par les combats, les destructions et les pénuries.
En 1909, alors qu’il dirigeait le commissariat de Pantin, Charles Monsarrat créa une association, dont il restera le président jusqu’à sa disparition, Les Enfants de Gayant de Paris. Les personnages de la famille Gayant sont des symboles de la ville de Douai depuis le 16e siècle. Chaque année, en juillet, des mannequins géants (signification du mot de gayant dans le parler artésien), sont transportés dans la ville, symbolisant sa défense contre les attaques dont elle a été victime. Le terme Enfants de Gayant désigne les habitants du territoire, et un square de la commune porte ce nom. La société amicale et philanthropique fondée par Monsarrat organise notamment un banquet et un bal annuels, généralement en novembre, pour financer ses activités. Elle apporte ses services aux originaires de cet arrondissement du département du Nord.
Pendant la première guerre mondiale, l’association va avoir une importante action humanitaire. Douai et ses environs sont occupés par l’armée allemande en octobre 1914. C’est toujours le cas en septembre 1918, quand toute la population restante est évacuée vers la Belgique puis que le centre-ville est pillé et incendié, notamment la place d’Armes où avait vécu la famille Monsarrat. Les Enfants de Gayant de Paris apportent 80 000 francs de secours en nature aux soldats du front ou prisonniers de guerre et procurent plusieurs centaines d’emplois aux réfugiés.
Peu avant l’armistice, le 4 novembre 1918, Monsarrat fait adopter, au siège social, rue de Richelieu à Paris, le vœu suivant : « Que les Allemands soient tenus de réparer Intégralement tous les dommages causés et que tous les crimes commis soient justement châtiés en la personne de leurs auteurs responsables ; Qu'avant toute conclusion d’un armistice l’ennemi sait tenu de rapatrier, dans des conditions de transport humaines et convenables, toutes les populations évacuées par la force et emmenées en esclavage ; Que non seulement l'Allemagne soit tenue de rendre matériel pour matériel, outil pour outil, mais soit astreinte à fournir la main-d’œuvre nécessaire à la reconstruction des usines et des immeubles détruits. »
Après l’arrêt des combats, il appelle les originaires de Douai à participer à la manifestation patriotique en l’honneur de l’Alsace-Lorraine organisée place des Ternes à Paris le dimanche 17 novembre.
Dans son activité de surveillance du marché des Halles, Monsarrat a mis en place, le 7 août 1914, soit moins d’une semaine après le début de la guerre, une commission comprenant des marchands de bestiaux, des bouchers, tripiers et charcutiers ainsi qu’un représentant du syndicat des travailleurs des Halles. Il la réunit chaque semaine pour fixer les prix maximums pour les viandes. En octobre 1915, il étend la détermination d’un prix-plafond à toutes les marchandises vendues aux Halles.
Une fois la guerre terminée, Monsarrat doit intervenir pour calmer les affrontements entre les commerçants et groupements de consommateurs. Lors d’une manifestation en août 1919, organisée par les crémiers qui refusaient de vendre leur marchandise moins cher qu'ils ne l'avaient achetée, un journaliste est molesté. Monsarrat se fit d'abord conspuer, puis applaudir quelques instants après, lorsqu'il proposa de soumettre les doléances des mécontents au préfet de police. 100 gardes républicains et 50 agents étaient venus renforcer l’effectif du commissariat. Mais les blocages et incidents conduisirent à la perte de beaucoup de produits, que la chaleur empêchait de conserver. Monsarrat fait arrêter plusieurs spéculateurs sur le marché aux veaux.
En septembre, ce sont les employés des Halles qui expriment leur mécontentement. Au cours d'une réunion syndicale, ils demandent au commissaire Monsarrat d'intervenir pour éviter d’avoir à se mettre en grève.
C’est de nouveau lui que, en janvier 1920, les ouvriers des abattoirs de la Villette et de Vaugirard, en grève, proposent comme arbitre. Il organise et préside la commission d’arbitrage, ce qui permet la reprise du travail.
En mars la même année, il provoque une réunion des bouchers et des tripiers pour traiter du prix des abats qui connaît une hausse « fantastique » selon L’Écho de Paris. Monsarrat l’attribue à la surenchère de centres de production de province pour avoir le monopole de ces ventes. Le commissaire assure que « Ces pratiques, non seulement il les condamne, mais il est résolu à poursuivre, sans pitié, ces spéculateurs. »