Albin Hippolyte Rousselet naît le 19 août 1857 à Orléans. Il est le fils de Faustine Scolastique Marceau et de son marié, Hippolyte Antoine Rousselet, tailleur d’habits.
Il entreprend des études de médecine à Paris et est, de ce fait, ajourné pour son service militaire. Du fait d’importants problèmes de vue, il est définitivement réformé en octobre 1880.
Au cours de cette décennie, il publie des articles scientifiques, fréquemment en collaboration avec Marie-Rose Astié de Valsayre, musicienne, publiciste et officière de santé, femme puis veuve en 1881 du docteur Astié, qui travaillait notamment pour la préfecture de police. Ils sont tous les deux pris à partie, en 1884, par un journaliste du quotidien Le Cri du peuple, qui critique notamment les positions féministes de cette dernière. À partir de 1886 et jusqu’en 1893, il sera son compagnon, la presse faisant état de leur mariage puis de leur divorce, qui furent tous deux purement symboliques et non légaux. Au début des années 1890, ils vécurent une partie du temps à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où sa compagne avait acquis un pavillon, rue de la Liberté.
En 1888, Albin Rousselet publie des Notes sur l'ancien Hôtel-Dieu de Paris, dans lesquelles il relate « la lutte des administrateurs laïques contre le pouvoir spirituel » et dénonce les « abus et désordres commis par les religieuses et les chapelains de 1505 à 1789 ». Ses propos seront prisés dans les milieux anticléricaux, et il fera une conférence en novembre 1895 sur ce thème devant le groupe Étienne-Dolet, cercle de la Libre-Pensée du cinquième arrondissement de Paris.
Il poursuit ses travaux au sein de la Policlinique de Paris en rédigeant, avec le docteur Bourneville, un Manuel de l’Assistance publique à Paris en 1889. Il plaide, en 1891, pour une révision de la législation relative aux aliénés. Pour mieux informer sur les questions d’assistance et d’hygiène, des institutions charitables et de prévoyance, il participe au sein de la Policlinique à la création d’un journal médical mensuel, baptisé L’Assistance. Il en deviendra le rédacteur-en-chef.
Après plusieurs articles en 1892 et une brochure sur les secours publics en cas d'accidents, il convainc de la nécessité d’une organisation d’un point de vue médical, et plus seulement dans les postes de police. Il est un des fondateurs de la Société des secouristes français, dont il sera le vice-président jusqu’à la fin de sa vie.
En 1890, Albin Rousselet avait été à l’initiative de la création de la première école d’ambulancières et d’ambulanciers. Il participe, en 1893, à l’organisation des écoles d’infirmiers et d'infirmières de Paris.
Albin Hippolyte Rousselet meurt le 20 décembre 1909 à Orléans. Il était âgé de 52 ans et décoré des Palmes académiques comme officier d'académie en 1892 puis comme officier de l’instruction publique en février 1896.
Il était l’auteur de six ouvrages sur l’histoire de l’Hôtel-Dieu de Paris (1888), la législation relative aux aliénés (1891), les asiles pour les femmes enceintes (1892), Théophraste Renaudot (1892), les secours publics en cas d'accidents (1892) et les ambulances urbaines (1894).
Antoine Démont naît le 16 nivôse an 10 (6 janvier 1802) à Villié (act. Villié-Morgon, Rhône). Il est le fils d’Anne Cholet et de son époux Antoine Demont.
Après avoir perdu sa mère assez jeune, sans doute quand il avait huit ans, il vit avec son père, qui était probablement vigneron, à Corcelles (act. Corcelles-en-Beaujolais, Rhône).
Il fait un tour de France en tant que compagnon charpentier en 1829. À partir de septembre, il réside dans un hôtel garni à Paris (12e arr.), rue du faubourg Saint-Martin, haut lieu des métiers du bois dans la capitale.
En novembre 1829 à La Branche-du-Pont-de-Saint-Maur (Seine, act. Joinville-le-Pont, Val-de-Marne), Antoine Démont épouse Henriette Apolline Destouches. Elle est la fille de Louis Destouches(1760-1850), limonadier et marchand de vin, conseiller municipal de la commune de 1818 à 1843. Ce sont d’ailleurs deux élus locaux qui sont ses témoins, Hippolyte Pinson, menuisier et Jean Marie Molette, instituteur tandis que ceux du mari sont des charpentiers.
Devenu, comme son beau-père, marchand de vin, vit quai Beaubourg (act. quai Pierre-Brossolette). Il s’engage dans la garde nationale de Paris où il est élu en avril 1834 lieutenant du 3e bataillon de la 3e Légion de banlieue, qui couvre la commune de Joinville-le-Pont.
Il semble se séparer de son épouse, puisque celle-ci est recensée seule en 1841 à Joinville alors qu’ils l’étaient tous les deux en 1836. Le divorce, institué pendant la période révolutionnaire, avait été supprimé sous la Restauration.
Présenté comme nouvel entrant, Démont rejoint la 2e Compagnie de chasseurs de la Garde nationale, qui est basée à Saint-Maur. Il est élu sous-lieutenant en mars 1846, Hacar étant capitaine. En avril 1852, il est lieutenant dans la 4e compagnie du 4e bataillon.
En matière professionnelle, Démont a repris son métier de charpentier. Profitant de l’élan donné à la formation de coopératives depuis la révolution de février 1848, et malgré la persistance de la loi Le Chapelier qui empêchait en principe les coalitions professionnelles, va être à l’initiative de ce que la presse décrit comme un « curieux essai d’association entre patrons et ouvriers ». Il rassemble les patrons et ouvriers charpentiers des villages de Joinville-le-Pont, Saint-Maur, Saint-Maurice pour soumissionner pour les travaux publics, et notamment ceux du canal latéral à la Marne. Le Moniteur industriel remarque qu’un décret récent permettait ces groupements, et qu’on avait également vu une société de 6000 ouvriers et 60 patrons soumissionner pour les travaux du chemin de fer de Paris à Lyon.
Outre son activité d’entrepreneur de bâtiment rue du Port-Créteil, à Saint-Maur, Antoine Démont installe sur la Marne, à Joinville-le-Pont, un bateau-lavoir. En juillet 1854, il s’y trouve quand il aperçoit un canot, chargé de huit personnes, emporté vers le barrage. Il plonge et le ramène vers le rivage. Mais en en descendant, une des passagères tombe à l’eau ; un de ses compagnons qui tente de la secourir, mais ils sont tous deux entraînés par la violence du courant. Démont les ramène cependant l'un et l'autre. Cependant, quelques instants à peine ensuite, un palefrenier tombe lui aussi dans la rivière en faisant baigner deux chevaux. Démont le sauve, puis rattrape également les deux animaux. Plusieurs journaux de la presse parisienne, mais aussi de province, rendent compte de ses exploits et soulignent qu’il reçut les applaudissements de nombreux spectateurs.
Un décret le désigne, en août 1865, en tant que conseiller municipal de Saint-Maur. Il exerce le mandat jusqu’en 1870.
Antoine Démont meurt le 23 juin 1875 à Saint-Maur, rue du Pont-de-Créteil. Il était âgé de 73 ans. Peut-être était-il père d’une fille.
Michel Rouget naît le 6 décembre 1874 à Saint-Amant-Tallende (Puy-de-Dôme). Il est le fils Nathalie Marguerite Boivin et de son marié Louis Rouget, notaire. Son grand-père paternel et homonyme, est alors maire de la commune du Vernet-Sainte-Marguerite, située dans le même canton.
Faisant des études de droit à la faculté de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), est partiellement dispensé de service militaire. Il n’effectue qu’une période de onze mois entre novembre 1895 et septembre 1896, dont il sort avec le grade de caporal. Il effectuera plusieurs périodes et sera nommé en octobre 1903 sous-lieutenant de réserve, puis en février 1908, lieutenant au 150e régiment d'infanterie, basé en Auvergne.
Séjournant régulièrement en Aquitaine, à Royan et Bordeaux, entre 1897 et 1900, il s’installe à Paris où il vit rue de Poissy (5e arr.). Ayant obtenu son doctorat en droit, il devient avocat. Il s’installera dans le 18e arrondissement, rue Clignancourt puis boulevard Barbès.
Il est recruté, en février 1903, par la préfecture de police et nommé secrétaire de commissariat (adjoint au commissaire). Il est affecté à Charenton-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne).
Début mai 1906, il doit intervenir dans le Bois de Vincennes, dont une partie est sur le territoire de Charenton à cette date, suite à une explosion qui s’est produite dans la zone des Quinconces. C’est un anarchiste d’origine russe, désigné comme Stryga, qui a fait accidentellement fonctionner une bombe ; très grièvement blessé, il meurt, en tentant semble-t-il d’actionner le deuxième engin qu’il avait dans une autre poche. Un complice, Alexandre Sokoloff, blessé, est arrêté tandis qu’un troisième compagnon s’enfuit. Rouget témoigne en juillet au procès de Sokoloff.
Promu secrétaire des commissariats de la Ville de Paris, il est d’abord affecté à Belleville (19e arr.) puis en janvier 1908 à Bercy (12e arr.). Poursuivant une carrière rapide, il devient inspecteur principal des gardiens de la paix et est nommé commissaire de police des communes de la Seine en janvier 1912.
En mars 1912, Michel Rouget, qui se présente comme avocat, épouse à Paris (18e arr.) Octavie Tréhu de Monthiéry, originaire du département de la Manche, fille d’un ancien zouave pontifical, qui avait rejoints les troupes défendant les États du pape en 1861. Sa famille est de la noblesse bretonne, originaire de la région de Fougères.
Le premier poste de commissaire de police de Michel Rouget est à Saint-Ouen (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il doit gérer, en mars 1913 une sanglante bagarre pendant laquelle deux gendarmes sont grièvement blessés. Des ouvriers d’un chantier électrique s’étaient mis en grève et avaient tenté de convaincre les salariés d’un établissement voisin de cesser le travail. Les incidents débutèrent du fait de leur refus.
Conduisant en juin une perquisition chez M. Buffet, membre des jeunesses syndicalistes, accusé de diffuser de la propagande antimilitariste, le commissaire Rouget est vivement pris à partie par un anarchiste espagnol, Stefano Seignol. Il demande qu'il soit expulsé de France.
En février 1914, prenant la suite de Léon Prodhon, Rouget est chargé de la grande circonscription de Joinville-le-Pont. Elle couvre des communes comme Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, Le Perreux et Champigny. Il arrête, en avril cette même année, pour vagabondage un « un vieillard de soixante-cinq ans, qui n'avait pas mangé depuis quarante-huit heures » selon Le Journal. Il déclare qu’il avait mené la campagne de 1870 (lors de la guerre contre l’Allemagne), été fait prisonnier et s’être évadé. « Depuis, je mène une existence lamentable, tantôt dans les hôpitaux, tantôt en prison. J'ai déjà été condamné quarante-trois fois pour vagabondage, cela fera une de plus ! »
Pendant la première guerre mondiale, à l’instar de ses confrères, le commissaire Rouget est mobilisé à son poste. Lors d’une importante crue de la Marne, rivière qui traverse toute sa circonscription, en février 1916, il assiste la municipalité de Champigny qui doit faire évacuer cent cinquante familles. À Joinville-le-Pont également, l'île Fanac, le quai du Barrage et la rue Vautier sont en partie recouverts.
Ayant obtenu un avancement comme commissaire de police de la Ville de Paris, Rouget est nommé au quartier de Javel (15e arr.) en août 1917. Après-guerre, il est muté au quartier des Ternes (17e arr.) en janvier 1919. Puis, suite à une réforme de la préfecture de police, il accède au grade de commissaire divisionnaire d’arrondissement en janvier 1921, retrouvant le 15e arrondissement.
Lors d’une grève aux usines d’aviation Caudron, en août 1922, alors que ses agents voulaient protéger l'usine, le commissaire Rouget est frappé de deux coups de poing par un jeune ouvrier.
Il dirige le service d’ordre, dans la commune de banlieue du Pré-Saint-Gervais en juin 1924, à l’occasion d’une manifestation communiste du parti communiste et de la CGTU contre l'assassinat du député italien Matteotti, victime des fascistes. Un maçon italien arracha un drapeau français, qui fut aussitôt, brûlé. Rouget fit intervenir ses troupes pour l’interpeller. Selon Le Petit Parisien, « Une mêlée s'ensuivit, au cours de laquelle les manifestants brisèrent les grilles en fonte protégeant les arbres de la Grande-Rue et les jetèrent contre les policiers qui ripostèrent vigoureusement. »
Devenu commissaire divisionnaire du 1er district, qui couvre le 7e arrondissement de Paris, où se situent de nombreuses institutions publiques, Michel Rouget organise un service d'ordre très important lors d’une manifestation interdite du mouvement royaliste Action française en mai 1936. Les militants d’extrême-droite protestent contre la dernière inculpation de leur dirigeant, Charles Maurras. Les Camelots du Roi, milice de l’organisation, ayant tenté de forcer un barrage, Rouget fait faire une trentaine d'arrestations. Mais, dans les incidents, il a été renversé et-piétiné.
En juillet 1936, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite et quitte son poste en décembre cette même année. À son départ, il est nommé directeur adjoint honoraire à la Préfecture de Police.
Michel Rouget meurt le 22 août 1948 à Clermont-Ferrand, où il s’était retiré. Il était âgé de 73 ans et ne semble pas avoir eu d’enfant.
Décoré en juillet 1910 d’une médaille d’argent pour actes de courage et de dévouement, suite aux inondations de la Seine du début de cette année, il avait obtenu une autre médaille d’argent, de la Prévoyance sociale, en avril 1934. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur par le préfet de police Jean Chiappe en juillet 1930. La décision mentionnait qu’il était un « fonctionnaire des plus consciencieux, occupant avec le plus grand dévouement le poste qui lui est confié. »
Blason de la famille Tréhu de Monthiéry, épouse de Michel Rouget
Le commissaire de police Louis Gourdel, jusqu’ici affecté aux communes du département de la Seine, suivant le parcours habituel de la préfecture de police, est promu commissaire de police de la Ville de Paris en avril 1913. Il est chargé du quartier d'Amérique (19e arr.). il fait arrêter, en août cette même année, trois personnes qui collaient des affiches antimilitaristes sur un immeuble de la rue Bolivar, où il va résider quelques années plus tard.
Pendant la première guerre mondiale, comme tous les chefs policiers, il reste à son poste. Il met en état d’arrestation, en mai 1916, un consommateur qui, dans un débit de vin, tenait des propos antimilitaristes « ce qui lui avait valu une correction méritée de la part des consommateurs indignés » selon Le Petit Parisien.
Après-guerre, la police du 19e arrondissement continue de s’intéresser à l’extrême-gauche. En janvier 1921, il perquisitionne chez un certain Constantin Lebedeff, originaire de Russie, et présenté comme membre d’une organisation de communistes étrangers. En août 1923, il vise les milieux anarchistes ; il fait arrêter Marcelle Weill qui militait pour la libération de Louis Émile Cottin, auteur d’un attentat contre Georges Clemenceau en février 1919.
Devenu en août 1923 commissaire quartier du Mail à Paris (2e arr.), fait cette fois face à des militants d’extrême-droite, après avoir interpellé six camelots du roi collant des affiches « La République, c'est la banqueroute. »
Son quartier accueillant de nombreux journaux, Louis Gourdel va devoir intervenir dans une querelle très culturelle.
Le 24 avril 1926, Louis Aragon, jeune écrivain qui vient de rejoindre le très récent mouvement surréaliste, donne une conférence à la Résidence des Étudiants de Madrid. Le directeur de l’hebdomadaire Les Nouvelles Littéraires, Maurice Martin du Gard, rend compte brièvement de son intervention. Il rapporte que « dès la gare il voulut faire scandale, selon son habitude » puis assure que « notre surréaliste se vantait d'avoir été plusieurs fois arrêté pour un délit qui naît d'une déviation sentimentale. »
Un biographe d’Aragon, Philippe Forest, assure que c’est ce qui provoqua la colère des surréalistes. Il demande à Martin du Gard, littérateur lui aussi et cousin du romancier Roger Martin du Gard, de publier un démenti. Après avoir accepté, celui-ci se rétracte et indique à Aragon qu’il veut bien publier un droit de réponse de sa part, mais qu’il ne voit pas de quoi il devrait s’excuser.
Louis Aragon proteste d’abord, accompagné de l’essayiste Emmanuel Berl, puis décide de se rendre au siège des Nouvelles Littéraires, avec plusieurs de ses amis : les poètes Benjamin et Péret Philippe Soupault, l’écrivain et théoricien du surréalisme André Breton, ainsi que.
L’Humanité assure que « Aragon rejoignant Martin administra au personnage une belle volée, tandis que ses amis s'occupaient de personnages subalternes. La bataille devint vite générale, au grand dommage du mobilier ». Le Temps s’étonne de cette « irruption violente dans une rédaction », rapportant que Louis Aragon frappa Maurice Martin du Gard « à coups de nerf de bœuf » puis que lui et ses amis brisèrent un appareil téléphonique et une glace puis lancèrent une lampe dans la rue par la fenêtre. Le Siècle s’inquiète de ce que « La critique est en train de devenir l'un des métiers les plus périlleux » et commente : « on ne saurait admettre sans tristesse que la pensée soit ainsi soumise à la matraque. »
Appelée par les membres du personnel, la police emmène Aragon et ses compagnons devant Louis Gourdel au commissariat de police du quartier du Mail. Sur la plaine de Martin du Gard, il l’inculpe de coups et blessures et port d’arme prohibée, et ses amis de complicité. Le journal, relatant l’agression, parle d’un « odieux et grotesque attentat ». Il ne semble pas qu’il y ait eu de suites judiciaires, même si l’affaire fut instruite.
Dans son ouvrage posthume Les Mémorables, Maurice Martin du Gard avance une explication dépassant l’article incriminé. Selon lui, Jean Cocteau était haï des surréalistes, tandis que Les Nouvelles littéraires lui donnaient un accueil bienveillant. Ce serait « en représailles du soutien » apporté à Cocteau que, selon lui, Breton et Aragon auraient vandalisé les locaux de la revue. Le Figaro avait proposé une analyse plus politique : les surréalistes avaient des positions en faveur de la syndicaliste et anarchiste Germaine Berton, meurtrière de Marius Plateau, directeur de la Ligue d’Action française, ainsi que contre la guerre menée par la France au Maroc, publiant un pamphlet pour « se désolidariser publiquement de tout ce qui est français en paroles et en actions » - tandis que Martin du Gard « a toujours opposé une sage et souriante mesure aux folles entreprises. »
Louis Gourdel meurt le 8 juillet 1926 à Paris (19e) à son domicile de la rue Bolivar. Il était âgé de 53 ans et père d’une fille, artiste lyrique. Il avait été décoré en août 1910 d’une médaille d’or pour actes de courage et de dévouement, qui gratifiait son attitude lors des inondations séculaires de la Seine, lorsqu’il était commissaire de police à Choisy-le-Roi.
Sa disparition est évoquée par une dizaine de quotidiens parisiens qui soulignent qu’il est décédé subitement à son domicile. Le Soir le décrit ainsi : « très estimé de ses collègues. Magistrat intègre, il avait su s’attirer le respect de ses subordonnés. »
Fin
Louis Aragon, André Breton et Philippe Soupault avec Raymond Queneau
Louis Joseph Marie Gourdel naît le 25 février 1873 à Vitré (Ille-et-Vilaine). Il est le fils de Marie Joséphine Noël et de son époux Jean Marie Louis Gourdel, receveur des contributions indirectes à Châteaulin (Finistère).
Il fait des études de droit à Poitiers (Vienne), où sont installés ses parents. En 1893, il est exempté de service militaire pour obésité.
En 1901, il est à Paris (12e arr.), quai de Bercy, chez ses parents, son père ayant désormais un poste de receveur particulier des contributions indirectes. Louis Gourdel a été embauché par la préfecture de police et épouse en avril 1901 à Paris (5e arr.), Célestine Marie Mazaudier, fille de cultivateurs d’Ardèche.
Cette même année, Gourdel est mentionné, avec son titre de policier, comme membre d’une loge maçonnique du Grand-Orient de France. Dans plusieurs publications, notamment d’extrême-droite, entre 1905 et 1914, cette appartenance lui sera reprochée. Ainsi L'Autorité (1905/05/03), qui cite son nom, critique dans un article La magistrature maçonnique. « Quelle peut être l’indépendance d'un magistrat appelé à trancher un procès ou un différend, puisqu’il est lié par le serment maçonnique et tenu par la justice secrète des Loges ? »
Secrétaire du commissaire (son adjoint) de Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis), il est promu en février 1906 aux délégations judiciaires à Paris. Après avoir sans doute réussi le concours de commissaire de police, il est nommé en septembre 1908 inspecteur principal des gardiens de la paix.
Il obtient son premier poste de commissaire de police à Choisy-le-Roi (Seine, act. Val-de-Marne) en septembre 1908. Il doit gérer au début de l’année 1910 le débordement de la Seine, qui frappe particulièrement cette ville lors de la crue centenaire.
En septembre de cette même année, il fait face à des bagarres liées à un mouvement social. Venus de Paris, environ deux cents ouvriers manifestent pour contraindre une douzaine de terrassiers travaillant dans la commune de cesser le travail. Devant leur refus, selon Le Petit Parisien, ils « se ruèrent sur ces derniers, les criblèrent de coups et réussirent à les mettre en fuite. Une fois maîtres de la place, agissant en véritables vandales, ils se mirent à briser tout le matériel. »
Un sous-brigadier, venu avec une dizaine de policiers pour tenter de ramener le calme, est renversé, sa bicyclette étant mise en pièces. Avec l’appui des gendarmes, Gourdel fait arrêter quatre jeunes grévistes. Le quotidien Le Gaulois estime que« l'attaque des travailleurs avait été préméditée par la CGT dans le but de détacher les ouvriers des organisations syndicales non adhérentes à la confédération ». Selon ce journal, « La plupart des terrassiers des fouilles Morillon et Corvol appartiennent, en effet, à une nouvelle association ouvrière nommée la Liberté du Travail ». Il s’agit peut-être d’une structure adhérente à la Fédération syndicaliste des Jaunes de France, dirigée par Pierre Biétry, active pendant cette période.
En octobre 1910, le commissaire Gourdel est muté à Montreuil (Seine, act. Seine-Saint-Denis). Il y reste peu puisque, dès juin 1911, il est affecté à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne) où il succède à Charles Monsarrat. Le commissariat de Joinville, avec une trentaine d’agents, est un gros poste, couvrant des communes de grande taille comme Saint-Maur-des-Fossés, Champigny ou Nogent-sur-Marne. Outre ses fonctions policières, Gourdel est aussi désigné comme membre des conseils de justice de paix des deux cantons de sa circonscription, Nogent et Saint-Maur.
En décembre 1911, il dirige un vaste service d'ordre avec des gendarmes à cheval et des agents de police pour la manifestation nationaliste de la Ligue des Patriotes (extrême-droite), avec à sa tête le tribun Paul Déroulède, à l’occasion de l’anniversaire des sanglants combats de la bataille de Champigny, qui firent plusieurs milliers de morts lors de la guerre contre l’Allemagne du 30 novembre au 2 décembre 1870. Il n’y eut pas d’incident.
Le principal évènement de son passage dans la région pour le commissaire Gourdel fut la fin des deux derniers membres de la bande à Bonnot encore en vie, Octave Garnier et René Valet. Tous deux étaient à la fois des bandits, des militants anarchistes et vivaient, avant le début de leur cavale, en communauté.
Occupant un pavillon à Nogent-sur-Marne, rue du Viaduc, trois semaines après la mort de Bonnot, ils sont assiégés par 500 hommes, policiers et soldats, selon L’Humanité. Les quatre chefs de l’assaut sont le préfet de police Lépine, le chef de la Sûreté Guichard, le chef de la police parisienne Touny et Gourdel. Une intense fusillade se déroule, malgré la disproportion des forces. Dans les rues adjacentes une foule importante se masse. Les bandits sont abattus après que le bâtiment ait été détruit avec une bombe. Ce sont Louis Gourdel et un de ses inspecteurs joinvillais, Pierre Luntuéjoul, qui déclarent le 15 septembre la mort des deux malfaiteurs à la mairie de Nogent. Valet est déclaré comme mécanicien et Garnier en tant qu’ouvrier boulanger, avec comme adresse le lieu de leur décès à Nogent.
Bien que le bâtiment soit largement détruit, le commissaire Gourdel doit le faire garder pendant plusieurs jours, un défilé continu de curieux venant chercher des « souvenirs de la maison sanglante », d’après L’Intransigeant.
À suivre
La maison de Nogent-sur-Marne où furent tués Octave Garnier et René Valet, membres de la bande à Bonnot
Toujours en place fin 1920 comme commissaire spécial de police des Halles centrales, dont il a tenu la fonction pendant toute la durée de la première guerre mondiale, Charles Monsarrat est désormais une personnalité en vue : il accueille des visites de parlementaires, de délégués étrangers, par exemple de représentants de la municipalité de Moscou, de jeunes ou d’intellectuels.
Il poursuit son travail de médiation en matière sociale. Ainsi, il va transmettre en décembre 1921 au préfet de police une protestation du syndicat des ouvriers de la viande contre l'emploi des Jeunes gens au-dessous de 17 ans, dans les abattoirs de la Villette et de Vaugirard. En novembre 1928, il s’efforce de mettre fin à la grève des abattoirs, conduite par le syndicat communiste CGTU, en réunissant les patrons camionneurs, commissionnaires et débardeurs pour fixer les nouveaux prix de camionnage et de transport.
Outre ses fonctions quotidiennes, Monsarrat s’exprime sur le devenir du marché. Il convainc, en novembre 1920, le conseil de Paris de déplacer plusieurs équipements. Il s’exprime, en septembre 1921 dans Le Petit Journal, assurant qu’il faut « Réformer les Halles ». Il doute cependant que cela puisse se faire à l'emplacement qu’elles occupent alors, dans le cœur de Paris. Il est conscient des problèmes hygiéniques et sanitaires : « au pavillon de la viande, la marchandise s'accumule sur le sol ; au pavillon de la triperie, on n'ose y pénétrer sans revêtir, une blouse. Le carreau forain n'est même pas couvert ; les légumes sont déchargés sur les trottoirs, sur la chaussée même, parmi le crottin et autres immondices ! » Il aimerait un endroit desservi par voie d’eau et le réseau ferré. Il se félicite cependant d’avoir fait installer, le mois précédent, un entrepôt frigorifique. Il veut le départ du commerce de détail qui occupe alors une grande partie des pavillons. Mais il souligne aussi la nécessité de maintenir un contrôle sur les opérations des commerçants, le marché n’ayant pas encore, selon lui, retrouvé une production normale.
En décembre 1925, Le Journal, qui conclut par un long entretien avec lui une vaste enquête, le présente comme « le vice-roi des Halles » où ses fonctions lui ont valu sympathies et inimitiés. Le journaliste Germain Mandle assure qu’il est « actif et plus documenté qu'un bénédictin ». Il assure qu’il faut agrandir les Halles, de préférence en surface mais aussi en sous-sol.
Prenant sa retraite de la police en juillet 1930, Charles Monsarrat part avec le titre honorifique de commissaire divisionnaire.
Ayant poursuivi ses responsabilités associatives antérieures, il s’est laissé convaincre de participer à certains organismes caritatifs liés au marché des Halles. Il est ainsi Président d’honneur de l’œuvre des orphelins des forts des Halles rn 1927, de la Chanson au sanatorium, de l’association philanthropique La Butte libre de Montmartre et de la colonie de vacances Les P’tits Quinquins.
Sa fonction de président des Enfants de Gayant de Paris l’amène à mettre en place une colonie de vacances qui portera le nom de Charles Monsarrat. Les 25 ans de son mandat à la tête de cette institution son célébrés, avec un peu de retard en 1933 et les 30 ans en janvier 1939, la presse assurant qu’il s’agit d’une « belle œuvre. »
Après son départ de la police, il prend une activité professionnelle dans le secteur privé, comme inspecteur d’assurance en 1931 puis au sein d’une imprimerie en 1936.
Son engagement associatif va se renforcer durant la deuxième guerre mondiale. Il est le président de la Fédération des Retraités de la Seine en 1940 et devient délégué général de la fédération des retraités communaux, départementaux et hospitaliers de France en 1942.
N’ayant pas été mis en cause pour son comportement vis-à-vis des autorités d’occupation, il devient vice-président de la Confédération générale des retraités en 1946.
Charles Monsarrat meurt le 27 octobre 1947 à Paris (13e arr.) où il était hospitalisé. Il résidait toujours rue des Pyrénées où il était installé déjà en 1926. Âgé de 72 ans, il était père de trois enfants. C’est un médaillé de la Résistance, Émile Lerouge, qui déclare son décès.
Le commissaire Monsarrat était titulaire d’une douzaine de décorations. Trois récompensaient des actes de courage et de dévouement : une médaille de bronze en octobre 1902 pour la « capture périlleuse d’un fou furieux armé », une autre en mai 1907 pour la « capture dangereuse d’un meurtrier » puis une médaille de vermeil en août 1910 pour son comportement, en début d’année, lors des inondations séculaires de la Marne. Détenteur des Palmes académiques, en tant qu’officier d'académie en août 1908, il avait été fait officier de l’instruction publique en février 1930 pour « services rendus aux œuvres scolaires. »
Les croix de chevalier puis d’officier du Mérite agricole étaient venues saluer son activité aux Halles de Paris en août 1922 et en juillet 1930. Son travail de médiation entre employeurs et employés a été cause de l’attribution du titre de chevalier du Mérite social en 1928.
La Société française de secours aux blessés militaires (Croix-Rouge) lui avait remis une médaille d’or en mai 1926 pour son assistance aux soldats et réfugiés du département du Nord au cours de la première guerre mondiale.
Enfin, sur proposition du ministre de l’agriculture, Charles Monsarrat était devenu chevalier de la Légion d’honneur en juillet 1928, notamment pour avoir « concouru à l’étude des questions relatives au renchérissement de la vie et s’est acquitté de ses délicates fonctions avec autant d’activité que de tact et d’autorité ». C’est au titre du ministère de la santé publique et de la population qu’il était devenu officier de la Légion d’honneur en juillet 1947, trois mois avant sa disparition. Ce sont notamment les secours aux soldats, prisonniers de guerre et réfugiés, ainsi que son activité en faveur des enfants, qui étaient alors récompensés.
La ville de Douai a donné à une de ses voies le nom de « rue Charles Monsarrat ». D’une longueur de 230 mètres, elle relie la rue du Quatre-septembre (où ses parents ont vécu) à la rue Émile-Morlaix ainsi qu’au boulevard Delebecque. Elle dessert le parc Charles-Bertin et abrite notamment un établissement, hébergeant l’Association des centres sociaux de Douai et le Centre social Gayant. La plaque de rue porte la mention « bienfaiteur de la ville, fondateur des Enfants de Gayant de Paris (1874-1947). »
En juin 1911, Charles Monsarrat est promu commissaire de police de la Ville de Paris et chargé du quartier de la Monnaie (6e arr.). Il laisse la place de Joinville-le-Pont à Louis Gourdel, venu de Montreuil. En janvier 1913, il est transféré à Belleville (20e arr.). En mai, il arrête rue de Ménilmontant, Gabriel Bonton, dit Gaby, âgé de vingt-huit ans, accusé d’avoir frappé à coups de canne plombée un agent de police lors d’une manifestation faubourg du Temple, le soir du 1er mai. Il est considéré comme liés aux milieux anarchistes des quartiers de Belleville et Ménilmontant. Des brochures révolutionnaires et antimilitaristes sont découvertes chez lui, ainsi que sa canne plombée et deux couteaux-poignards.
Alors qu’il n’était jamais resté très longtemps dans ses postes précédents, le record étant de 30 mois à Joinville, Monsarrat va obtenir, en janvier 1914 une affectation où il va s’installer durablement : celle de commissaire de police spécial des Halles centrales de Paris. Il est chargé des marchés d’approvisionnement de la Ville de Paris, mais aussi des abattoirs de La Villette et de Vaugirard. Il publie, dans le cadre du VIe congrès des pêches maritimes, qui se tient à Tunis en mars 1914, un article sur Le Marché du poisson à Paris.
Sa fonction aux Halles sera primordiale pendant la première guerre mondiale mais aussi à son issue, alors que l’alimentation de la capitale est compliquée par les combats, les destructions et les pénuries.
En 1909, alors qu’il dirigeait le commissariat de Pantin, Charles Monsarrat créa une association, dont il restera le président jusqu’à sa disparition, Les Enfants de Gayant de Paris. Les personnages de la famille Gayant sont des symboles de la ville de Douai depuis le 16e siècle. Chaque année, en juillet, des mannequins géants (signification du mot de gayant dans le parler artésien), sont transportés dans la ville, symbolisant sa défense contre les attaques dont elle a été victime. Le terme Enfants de Gayant désigne les habitants du territoire, et un square de la commune porte ce nom. La société amicale et philanthropique fondée par Monsarrat organise notamment un banquet et un bal annuels, généralement en novembre, pour financer ses activités. Elle apporte ses services aux originaires de cet arrondissement du département du Nord.
Pendant la première guerre mondiale, l’association va avoir une importante action humanitaire. Douai et ses environs sont occupés par l’armée allemande en octobre 1914. C’est toujours le cas en septembre 1918, quand toute la population restante est évacuée vers la Belgique puis que le centre-ville est pillé et incendié, notamment la place d’Armes où avait vécu la famille Monsarrat. Les Enfants de Gayant de Paris apportent 80 000 francs de secours en nature aux soldats du front ou prisonniers de guerre et procurent plusieurs centaines d’emplois aux réfugiés.
Peu avant l’armistice, le 4 novembre 1918, Monsarrat fait adopter, au siège social, rue de Richelieu à Paris, le vœu suivant : « Que les Allemands soient tenus de réparer Intégralement tous les dommages causés et que tous les crimes commis soient justement châtiés en la personne de leurs auteurs responsables ; Qu'avant toute conclusion d’un armistice l’ennemi sait tenu de rapatrier, dans des conditions de transport humaines et convenables, toutes les populations évacuées par la force et emmenées en esclavage ; Que non seulement l'Allemagne soit tenue de rendre matériel pour matériel, outil pour outil, mais soit astreinte à fournir la main-d’œuvre nécessaire à la reconstruction des usines et des immeubles détruits. »
Après l’arrêt des combats, il appelle les originaires de Douai à participer à la manifestation patriotique en l’honneur de l’Alsace-Lorraine organisée place des Ternes à Paris le dimanche 17 novembre.
Dans son activité de surveillance du marché des Halles, Monsarrat a mis en place, le 7 août 1914, soit moins d’une semaine après le début de la guerre, une commission comprenant des marchands de bestiaux, des bouchers, tripiers et charcutiers ainsi qu’un représentant du syndicat des travailleurs des Halles. Il la réunit chaque semaine pour fixer les prix maximums pour les viandes. En octobre 1915, il étend la détermination d’un prix-plafond à toutes les marchandises vendues aux Halles.
Une fois la guerre terminée, Monsarrat doit intervenir pour calmer les affrontements entre les commerçants et groupements de consommateurs. Lors d’une manifestation en août 1919, organisée par les crémiers qui refusaient de vendre leur marchandise moins cher qu'ils ne l'avaient achetée, un journaliste est molesté. Monsarrat se fit d'abord conspuer, puis applaudir quelques instants après, lorsqu'il proposa de soumettre les doléances des mécontents au préfet de police. 100 gardes républicains et 50 agents étaient venus renforcer l’effectif du commissariat. Mais les blocages et incidents conduisirent à la perte de beaucoup de produits, que la chaleur empêchait de conserver. Monsarrat fait arrêter plusieurs spéculateurs sur le marché aux veaux.
En septembre, ce sont les employés des Halles qui expriment leur mécontentement. Au cours d'une réunion syndicale, ils demandent au commissaire Monsarrat d'intervenir pour éviter d’avoir à se mettre en grève.
C’est de nouveau lui que, en janvier 1920, les ouvriers des abattoirs de la Villette et de Vaugirard, en grève, proposent comme arbitre. Il organise et préside la commission d’arbitrage, ce qui permet la reprise du travail.
En mars la même année, il provoque une réunion des bouchers et des tripiers pour traiter du prix des abats qui connaît une hausse « fantastique » selon L’Écho de Paris. Monsarrat l’attribue à la surenchère de centres de production de province pour avoir le monopole de ces ventes. Le commissaire assure que « Ces pratiques, non seulement il les condamne, mais il est résolu à poursuivre, sans pitié, ces spéculateurs. »
Charles Jules Oscar Monsarrat naît le 21 décembre 1874 à Douai (Nord). Il est le fils de Philomène Marie Joseph Ponce et de son époux Étienne Louis Monsarrat, cordier. Ils résident place d’Armes. Sa sœur jumelle, Rosa Julia Philomène, meurt six mois plus tard. Son père (1836-1928) a été président d’honneur des anciens combattants de 1870-1871 dans son département et chevalier de la Légion d’honneur. Le frère aîné de Charles, Jules Monsarrat (1870-1934), docteur vétérinaire, sera officier de la Légion d’honneur.
Après avoir obtenu son baccalauréat, Charles Monsarrat s’engage dans l’armée pour quatre ans en mars 1895. Il est envoyé en Algérie, servant dans le 1er régiment de zouaves et y reste pendant toute la durée de son contrat. Il devient caporal en mai 1896 puis sergent en mars 1898.
Revenu à la vie civile, il épouse à Lille en mars 1900 Gabrielle Aimée Félicie Adèle Vandrisse. Le couple s’installe d’abord à Paris, rue Papillon (9e arr.). Embauché par la préfecture de police du département de la Seine, il est secrétaire de commissariat, adjoint du commissaire.
En mai 1900, il est affecté au commissariat de police d’Ivry-sur-Seine (Seine, act. Val-de-Marne). Il désarme en août 1902, un « étudiant en médecine, parent d'un des plus grands artistes peintres du siècle », selon Le Matin, qui menaçait les passants avec plusieurs armes et qu’on estima victime du surmenage avant de l’hospitaliser à la demande de sa famille. Il est ensuite en poste à Boulogne (Seine, act. Hauts-de-Seine) puis nommé à Paris au quartier de la Roquette. Il occupe ce poste lorsqu’il est le premier reçu, en juin 1905, au concours annuel pour le grade de commissaire de police ou d’officier de paix. Il est nommé inspecteur principal des gardiens de la paix du sixième arrondissement.
Lors des grandes manifestations parisiennes pour le 1er mai 1906, Monsarrat dirige le service d’ordre fixe qui protège l'Institut de France, l'école des beaux-arts, l'école de médecine, ainsi que les patrouilles cyclistes, chargées de la surveillance des imprimeries.
Promu commissaire de police des communes de la Seine, c’est dans à nouveau à Ivry qu’il est nommé pour la première fois en janvier 1907. Il prend la succession de Gustave Pichenot, qui s'est suicidé. Il doit gérer, en août cette année-là, la disparition d’une enfant, dont la famille craint qu’elle ait été violée et assassinée ; elle sera retrouvée et le responsable du rapt arrêté. Plusieurs articles dans la presse relatent les recherches conduites par le commissaire.
Nommé en septembre 1908 à Pantin (Seine, act. Seine-Saint-Denis), Monsarrat va y passer un peu plus d’une année jusqu’en décembre 1909.
Charles Monsarrat rejoint le poste de Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), commissariat important avec une trentaine d’agents, dont la circonscription comprend des villes comme Saint-Maur-des-Fossés, Champigny-sur-Marne et Nogent-sur-Marne. Il est identifié en tant que franc-maçon par le Bulletin hebdomadaire des groupes du Grand-Orient de France, mentionnant une adresse à Paris, rue de Charenton (12e arr.) et sa fonction à Joinville. Il résidera dans cette ville route de la Brie (act. avenue Galliéni).
Dès sa nomination, la rivière qui arrose toutes les communes de sa circonscription, la Marne, connaît une crue séculaire. Champigny est une des localités les plus éprouvées, avec une superficie d'environ 300 hectares complètement submergée. Monsarrat organise un service de bacs pour évacuer les habitants en danger et les faire héberger dans des hôtels de la commune. Avec le début de la décrue, en février 1910, il faut prendre de « rigoureuses mesures d'hygiène » pour éviter la propagation de maladies, et la presse remarque que M. Monsarrat, son secrétaire et de tout son personnel font preuve d’un « inlassable dévouement », n’ayant pas pris un seul moment de repos depuis le début de la crue.
En même temps que la lutte contre les inondations, le territoire doit faire face à un profond conflit social : la grève des métallurgistes de l’usine du Bi-Métal, qui dure trois mois, est soutenue par plusieurs autres groupes d’ouvriers de la Canalisation électrique, à Saint-Maurice, ou Leclère de Montreuil et conduite par la Confédération générale du travail (CGT). Des bagarres se produisent quand les propriétaires de l’usine tentent de faire remplacer les ouvriers qui ont arrêté le travail par des « nettoyeurs », qui doivent également dégager les installations qui ont été recouvertes de boues par la montée des eaux. Une centaine de grévistes conspuent et frappent la vingtaine de « jaunes », tandis que les agents qui viennent s’interposer sont accueillis avec des coups de revolver. Six des meneurs du mouvement sont arrêtés, dont le secrétaire du syndicat, Ingweiller, porteur d’une arme. Cependant, la troupe commandée par Monsarrat ne fit pas feu.
Le comportement du commissaire n’est pas apprécié par les grévistes. Le 20 mars 1910, lors d’une réunion publique tenue dans la commune voisine de Saint-Maurice, ils adoptent la motion suivante : « À Sa Majesté le commissaire de police. Depuis quelques années, de même qu'un empereur vous commandez en chef. Non content de cette quasi-majesté, vous vouliez nous faire subir le régime de votre bon plaisir ; vous vous êtes trompé, nous ne sommes pas vos esclaves, soyez-en persuadé, en prenant connaissance de l'ordre du jour suivant : Les compagnons révolutionnaires de Saint-Maurice protestent contre les brutalités du tyran, chef de la police de Joinville, cherchant par tous les moyens à faire un nouveau Villeneuve, et préviennent tous les exploiteurs que les camarades sont prêts à descendre dans la rue ». Les syndicalistes font référence à la répression du mouvement social des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, act. Val-de-Marne), qui fit quatre morts le 30 juillet 1908 et 200 blessés parmi les ouvriers, ainsi que 69 blessés dans les forces de l'ordre.
Une demi-douzaine des remplaçants sont arrêtés par Monsarrat pour avoir volé des matériaux dans l’établissement, et l’usine finit par renoncer à briser la grève. Les personnes arrêtées sont condamnées à des peines modérées de quelques jours de prison avec sursis, à l’exception du responsable de la CGT, condamné à six mois fermes. Le quotidien L’Humanité considéra que l'affaire des grévistes du Bi-Métal avait été « machinée dans les conditions scandaleuses que nous avons déjà signalées, par le commissaire de police Monsarrat », qui aurait été « d'accord avec les patrons ». Le journal socialiste en veut la preuve dans la comparution d’un des témoins cités par l'accusation, Lucien Achille Zo qui assura que s’il avait fait une déposition utilisée contre les accusés, c'était « qu'il y avait été forcé par le commissaire de police. »
En octobre 1910, une délégation de la société des vétérans du Wurtemberg (Allemagne) vient inaugurer, à Champigny un monument aux morts, commémorant les pertes lors de la très meurtrière bataille qui eut lieu en novembre et décembre 1870. Compte tenu du contexte nationaliste dans ce haut lieu du souvenir de la défaite française, un service d'ordre très important fut mis en place par le commissaire Monsarrat. Il n’y eut pas d’incident, et une couronne fut déposée avec l'inscription « Les vétérans wurtembergeois à leurs camarades français. »
Le même mois d’octobre 1910, les forces du commissariat de Joinville sont de nouveau mobilisées pour un mouvement social. Deux cents maçons grévistes armés de matraques ont parcouru les communes de Champigny et Saint-Maur cherchant à débaucher les ouvriers qui travaillaient dans les chantiers. Dans cette dernière ville, quai de la Varenne, apercevant trois « renards », ils leur donnèrent l’ordre de cesser immédiatement le travail. Deux des ouvriers obéirent, mais comme le troisième se faisait prier, les grévistes se saisirent de lui et le frappèrent à coups de pied et de poing. Monsarrat avait obtenu le renfort d’un peloton de dragons, et, après une bagarre en arrêta trois pour entrave à la liberté du travail, rébellion et insultes aux agents.
À suivre
Charles Monsarrat, commissaire de police en 1907 (à gauche)
Léon Auguste Prodhon naît le 14 janvier 1873 à Issy-les-Moulineaux (Seine, act. Hauts-de-Seine). Il est le fils de Marie Philomène Baron et de son mari Louis François Prodhon, tous deux journaliers.
En 1886, la famille est installée à Vieux-Moulins (Haute-Marne), où son père est meunier. Comme ses frères, Léon Prodhon le sera aussi, jusqu’à ce qu’il s’engage dans l’armée pour quatre ans, en mars 1892 à Langres (Haute-Marne). Il sert dans le 31e régiment d’infanterie, où il devient caporal en mars 1893 puis sergent en février 1895. Il est démobilisé en mars 1896. En avril 1896, il a repris la meunerie quand il épouse à Romorantin (act. Romorantin-Lanthenay, Loir-et-Cher) Maria Richetin, fille d’une aubergiste et d’un facteur des postes.
Les nouveaux époux s’installent à Paris (11e arr.), avenue de la République et Léon est employé de commerce. Il est recruté en juillet 1899 à la direction des recherches de la préfecture de police de Paris et nommé inspecteur. Promu secrétaire suppléant au commissariat du quartier de La Roquette (11e arr.) en 1904, il passe comme secrétaire en 1905 à celui de Pantin (Seine, act. Seine-Saint-Denis), poste qui fait de lui l’adjoint du commissaire.
Il occupe cette fonction en mai 1905 quand son deuxième fils, René, 4 ans, est chez sa grand-mère à Romorantin. Il joue dans la rue avec une petite fille qui le tenait par les mains et le faisait tourner autour d’elle. Mais elle le lâcha brusquement et il se brisa la colonne cervicale. La mort fut instantanée.
Léon Prodhon revient au secrétariat d’un commissariat de Paris, au quartier des Quinze-Vingts (12e arr.) en juin 1907. Il réussit en novembre 1908 le concours qui permet de devenir officier de paix et commissaire de police. En février 1910, pendant les inondations historiques de la Seine, il sauve cinq personnes de la noyade, mais se blesse grièvement à la jambe droite, et doit être secouru par son chef, le commissaire Boulineau.
Prodhon est nommé, en mai 1910, inspecteur principal des gardiens de la paix. Il obtient cinq mois plus tard le titre de commissaire de police des communes de la Seine et occupe son premier poste à Aubervilliers (Seine, act. Seine-Saint-Denis).
Il doit se saisir, en juillet 1911, des suites d’un conflit social – qui, comme beaucoup d’autres, pendant cette période, est violent. Des grévistes, terrassiers de la Compagnie des chemins de fer du Nord assaillent un train, qui transportait des non-grévistes vers un chantier au Bourget. Mais l’un d’eux se défend avec un revolver et blesse grièvement à la tempe un charpentier. Alors que de graves incidents éclataient dans plusieurs chantiers de la région, Prodhon fit arrêter le « renard », ou « jaune », un ouvrier italien, qui avait tiré.
Transféré à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), en avril 1913, il prend en charge une vaste circonscription, couvrant des communes plus peuplées comme Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés et Champigny-sur-Marne. Le commissariat compte une trentaine d’employés. Il remplace Louis Gourdel.
Promu commissaire de police de la Ville de Paris, Prodhon est affecté en février 1914 au quartier de la Gare (13e arr.), cédant son ancien poste à Michel Émile Francisque. Léon Prodhon reste à son poste pendant la première guerre mondiale et est affecté en février 1916 au quartier de la Maison-Blanche, dans le même arrondissement.
Après la fin du conflit, il rejoint en juin 1922 le quartier du Pont-de-Flandre (19e arr.). Il y exerce toujours en mai 1930. Il prend sans doute sa retraite quelque temps après et va vivre avec son épouse dans le Loir-et-Cher.
Léon Auguste Prodhon meurt le 11 juillet 1947 à Romorantin. Il était âgé de 74 ans et père de trois enfants. Il avait été décoré à quatre reprises pour des actes de courage et de dévouement : en mai 1907, février et mai 1910 puis mai 1918, où il avait reçu une médaille d’argent.
Le Moulin des Pères, de la famille Prodhon, à Vieux-Moulins
En février 1914, Frédéric Voinot accède à la fonction de commissaire de police des communes de la Seine. Son premier poste est celui d’Aubervilliers (Seine, act. Seine-Saint-Denis), qu’il connaît déjà puisqu’il y servait, en tant que secrétaire, en 1910.
Il doit gérer, en mai 1914, un conflit « Entre rouges et jaunes » selon le quotidien Le Voltaire. Un terrassier aurait roué de coups un de ses camarades parce qu’il refusait d’adhérer au syndicat.
Au cours de la première guerre mondiale, les commissaires de police sont mobilisés à leur poste. Cependant, pour des raisons administratives, la situation de Frédéric Voinot est incomprise de l’administration militaire. Elle considère que, comme il n’a pas récupéré son ordre de route en août 1914, il doit être déclaré « insoumis », ce qui est fait en novembre 1915. Il sera cependant rayé des contrôles de l’insoumission en novembre 1915, l’armée reconnaissant l’y avoir inscrit à tort. Son statut de réformé pour raisons de santé sera d’ailleurs confirmé en octobre 1919.
Pendant le conflit, il entreprend de réformer son commissariat d’Aubervilliers, en y créant, en avril 1917 un service spécial de sûreté, chargé de réprimer les vols et agressions à main armée. Il réalise des battues de nuit sous la conduite d’un sous-brigadier.
La même année, en août, Voinot est nommé à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne). Il participe à une collecte humanitaire en octobre 1917, lors des Journées joinvillaises. Il sera le dernier titulaire du poste de commissaire de police de Joinville. En effet, le commissariat, créé en 1874, comprenait une vaste circonscription, incorporant des villes nettement plus grandes, notamment deux chefs-lieux de cantons, Saint-Maur-des-Fossés et Nogent-sur-Marne, qui réclamaient d’avoir leurs propres postes.
Un arrêté de mars 1919 leur donne satisfaction, supprimant la circonscription de Joinville au profit des deux nouvelles entités. Voinot est désormais chargé de la circonscription de Saint-Maur-des-Fossés, nouvellement recrée, car elle existait déjà sous le second Empire.
Promu commissaire de police de la Ville de Paris, Voinot est affect en mai 1921 au quartier de Picpus (12e arr.). Il y reste un an, rejoignant en juin 1922 le quartier des Ternes (17e arr.). Il doit gérer en août 1929 une manifestation de cinq cents personnes, organisée par l’Association défensive des commerçants parisiens, qui protestaient contre l’expulsion, sans indemnité, d’un marchand de cycles par le propriétaire de son magasin. Un accord fut finalement trouvé par le secrétaire de l’Association et les protestataires qui avaient été arrêtés furent relâchés sans poursuites.
Voinot exerce toujours la fonction de commissaire de police du quartier des Ternes en août 1934. Il se retire sans doute en 1938 car, lorsqu’il se voit attribuer la Légion d’honneur fin août 1939, il est présenté comme retraité.
Cependant, il reprend du service au cours de la deuxième guerre mondiale. Il est, en avril 1940, commissaire de police d’Ivry. Puis, on le retrouve, en février 1942 dans son ancienne fonction à Aubervilliers, et il l’exerce toujours en décembre 1943.
Sans qu’il soit possible de faire un lien avec le commissaire Voinot, on note la nomination d’un certain Frédéric Voinot, en avril 1941, comme membre de la délégation spéciale instituée dans la commune de Lamorlaye (Oise) pour remplacer le conseil municipal dissout. Il en démissionne en septembre la même année.
Pour sa part Frédéric Théodore Voinot meurt le 4 janvier 1949 à son domicile du boulevard Saint-Germain de Paris (5e arr.). Il était âgé de 72 ans et n’avait pas eu d’enfant vivant.
L’hebdomadaire communiste, dirigé par le maire d’Aubervilliers et ancien ministre, Charles Tillon, le Journal du Canton d’Aubervilliers, publie le 15 janvier l’article suivant : « Nous apprenons que vendredi 7 janvier, à 9 h. 30, a eu lieu l’inhumation à Dugny, du sieur Voinot, commissaire de police d’Aubervilliers sous l’occupation. Il laisse le souvenir de l’activité néfaste qu’il mena contre les patriotes. Chacun se rappelle, en particulier, les menaces qu’il adressait à la population qui déposait des fleurs sur les tombes des aviateurs alliés. »
Fin
Ancien commissariat de police de Joinville-le-Pont, adjacent à la mairie