Suite de la biographie de Marie Rose Astié de Valsayre
Devenue une oratrice en vue, Astié de Valsayre participe de manière régulière aux actions politiques. Elle est ainsi l’oratrice principale, assistée d’Eugénie Potonié-Pierre, d’une réunion publique organisée dans la grande salle de la Bourse du travail le 15 novembre 1888 « pour la réorganisation du syndicat des dames ». Elle est cependant mécontente de l’organisation de cette réunion par le Parti socialiste possibiliste FTSF, considérant que le montant fixé pour l’adhésion au syndicat écarte de nombreuses femmes du peuple. Elle démissionne alors de la commission de réorganisation.
Mais elle va s’intéresser aux luttes menées par des travailleuses, en tenant, en janvier 1889, sous l’égide du mensuel L’Union Internationale des Femmes, un meeting au bénéfice d’ouvrières teinturières en grève, conjointement avec Louise Michel, icône de la Commune de Paris, revenue au début de la décennie du bagne de Nouvelle-Calédonie. Elle critique, dans un article dudit journal, l’inégalité salariale fondée sur le concept selon lesquels les femmes seraient des êtres inférieurs : « l’ouvrière travaille le double de l’ouvrier pour gagner moins que lui. »
Toujours avec Louise Michel, Astié de Valsayre tient au cours de l’année 1889 plusieurs réunions à Paris et en banlieue sur les questions sociales. Elle soutient l’idée que « la femme doit être socialiste parce qu'elle est l'opprimée ». Elle n’oublie pas ses combats pour le droit des femmes à s’habiller comme elles le veulent. Ainsi, elle écrit au préfet du département de la Seine en février de cette année-là : «Ayant été faire une conférence à Fontenay-sous-Bois, le 10 de ce mois, par le temps de grande neige que vous avez vu et, grâce aux jupons qui s’imprègnent jusqu’à la ceinture, en étant naturellement revenu avec un refroidissement ; Considérant que le costume féminin n’est possible que pour les femmes qui n’ont rien à faire, je vous préviens que dorénavant je m’habillerai en homme, chaque fois que mes occupations le nécessiteront. »
Parmi les thèmes favoris d’Astié de Valsayre figure celui de l’éducation. La différence entre le baccalauréat féminin et celui des garçons fait que les filles n’ont pas le droit de s’inscrire aux études de médecine. Elles doivent d’abord faire deux années complémentaires d’études pour maîtriser les langues anciennes et matières scientifiques qui étaient écartées du cursus des lycées qui leur étaient réservés. Une des conséquences est qu’elles n’ont pas accès à l’internat des hôpitaux, dont l’âge limite est fixé à 27 ans, et Astié de Valsayre demande au ministre de l’éducation de changer en premier lieu cette limitation pour les filles, avant d’égaliser les programmes en vigueur dans les études secondaires. Mais au fond, ce que Astié de Valsayre revendique, c’est « Une éducation virile, scientifique et anticléricale des citoyennes. »
Rédactrice du journal l'Égalité, prend part au Congrès français et international du droit des femmes tenu à Paris en 1889 en tant que déléguée du Cercle des femmes indépendantes de France. Elle y fait une communication sur les « Recherches sur la dissolution des mœurs et sur les moyens d'y remédier » ; sa conclusion est claire, il faut « la parfaite égalité des deux sexes et la concession à la femme de tous les droits donnés à l’homme sans exception. »
En août 1889, Astié de Valsayre prend l’initiative de fonder la Ligue des femmes socialistes, dont elle devient la déléguée. En septembre, elle participe en tant que telle au congrès de la Libre pensée. Le premier objectif de la Ligue est de présenter Des candidatures féminines aux prochaines élections législatives.
Léonie Rouzade, qui avait déjà candidaté à Paris aux municipales de 1881 et aux législatives de 1885, fait partie des quatre candidates promues par la Ligue mais elle ne donnera pas suite. Elles seront trois à tenter de s’aligner : Eugénie Potonié-Pierre, Émilie Saint-Hilaire et Astié de Valsayre. Cette dernière se présente dans la circonscription de Clignancourt à Paris (18e arr.) revendiquant l’étiquette de socialiste. Dans son programme, elle fait figurer l’abolition de la réglementation de la prostitution et la suppression du mariage.
Une réunion, convoquée par la Ligue des femmes socialistes le 19 septembre à Montmartre se fait devant une salle comble d’environ 300 femmes selon la presse, un millier pour les organisatrices. Mais l’ambiance est hostile ; ainsi, la majorité applaudit quand, selon le quotidien Le Matin, une assistante déclare que les femmes ne doivent pas s'occuper de politique.
Dans son carnet d’une candidate, pour L'Égalité, Astié de Valsayre convient qu’elle n’a pas pu « dominer le tumulte » mais se félicite qu’un ordre du jour ait été voté la félicitant, avec les autres intervenantes « de l’énergie qu'elles déploient chaque jour pour obtenir l’émancipation de la femme. »
Le préfet met de nombreux obstacles au dépôt des candidatures, même s’il ne peut les empêcher de faire campagne. Les voix qu’elle recueille ne sont pas comptées. Le général Boulanger (populiste, alors réfugié en Angleterre) obtient la majorité absolue et est déclaré élu, mais il est bientôt jugé comme inéligible et Jules Joffrin (socialiste) proclamé à sa place.
En octobre, lançant un appel Aux femmes dans L'Égalité, Astié de Valsayre proclame « Mes sœurs, il n’y a plus d’hommes ! Le mâle se meurt, le mâle est mort et celui qui se pare de ce nom n'est plus digne de le porter ! » et elle conclut : « Il y a quelques années j’avais déjà songé à organiser un bataillon de franches-tireuses pour ces cas douloureux où il faut bien répondre à la violence par la violence !... Puisqu’il n’y a plus d’hommes, c'est actuellement le vrai moment. »
La Ligue des femmes socialiste restera une organisation politique, soutenant les grévistes, dénonçant les conditions de travail dans les couvents, promouvant les droits politiques des femmes. Cependant, suite à un conflit avec le directeur du quotidien L'Égalité, qui l’hébergeait, Astié de Valsayre démissionne en novembre 1889. Elle reproche à Roques de vouloir interdire l’adhésion d’hommes à son organisation.
À suivre
Marie Rose Astié de Valsayre
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