Suite de la biographie de Géraud Venzac
Devenu docteur ès-lettres, Géraud Venzac va désormais publier près d’un livre par an, organiser de nouveaux voyages sur les pas d’écrivains, en Grèce notamment, participer à des conférences en province et à Paris et écrire plusieurs articles pour des revues.
Gardant un lieu étroit avec la Haute-Auvergne, le chanoine Venzac préside à plusieurs reprises des banquets de Cantaliens à Paris, qui rassemblent à chaque fois plus de trois cents personnes, par exemple avec les Aurillacois en décembre 1953, ou avec les originaires de Vic-sur-Cère et novembre 1954. Il entretient également une correspondance nourrie avec des intellectuels ou des prêtres du département, comme Abel Beaufrère, conservateur des antiquités du Cantal, l’historien Antoine Trin, Pierre Vermenouze, fils du poète occitan ou le docteur Henri Mondor. Mais il a également d’autres correspondants, comme l’écrivain Paul Claudel ou surtout Mgr Jean Calvet, son prédécesseur à la chaire de littérature de l’Institut catholique de Paris.
Le premier livre publié après-guerre est, en décembre 1955, sa thèse sur Les origines religieuses de Victor Hugo, qualifié de « passionnante enquête » par l’écrivain Raymond Cortat. Elle inaugure une collection, les Travaux de l'Institut catholique de Paris et reçoit un bon accueil dans la presse. La revue Études montre que le livre « renverse diamétralement la perspective » sur Victor Hugo qui était celle d’un chemin depuis une enfance « royaliste et catholique » en allant « vers toujours plus d'agnosticisme, voire d'athéisme. »
Dans la même collection, le deuxième ouvrage reprend en février 1956, sa thèse complémentaire, Les premiers maîtres de Victor Hugo. Géraud Venzac fait justice à l’opinion, fondée sur les vers du poème À propos d'Horace :
Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues !
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Le chanoine Venzac montre que Victor Hugo a déformé, plus ou moins sciemment, sa propre histoire, car son éducation première ne fut nullement cléricale.
Après deux gros livres reproduisant ses recherches universitaires, Géraud Venzac retourne à ses travaux sur les lieux de vie et la jeunesse des écrivains romantiques, avec des ouvrages de plus petite taille. Il fait rééditer en 1956 l’ouvrage écrit vingt ans auparavant, sous le nouveau titre Aux pays de leur enfance: Chateaubriand, Lamartine, Renan, Taine et Barrès.
Au pays de Madame Bovary, paru en juin 1957, est vu par la Revue de la Haute-Auvergne comme « un livre fort divertissant » où Géraud Venzac joue au « détective privé ». Le journaliste du Monde, Robert Coiplet, est plus circonspect et y voit un « travail confus ». Les Cahiers naturalistes concluent que « Ce livre pourrait bien être la démonstration humoristique de l'inanité de certaines querelles littéraires : M. Venzac invite sagement au calme. »
Toujours en 1957, au mois de novembre, Jeux d'ombres et de lumière sur la Jeunesse d'André Chénier paraît dans la collection Vocations, que dirige le professeur Henri Mondor. Raymond Cortat estime, dans L'Auvergnat de Paris, que Venzac « est devenu le spécialiste, dans la géographie littéraire, de ces espaces laissés en blanc sur les atlas, et qu’on appelle des terres inconnues ». La Revue de la Haute-Auvergne le loue de « restituer la jeunesse d'un poète dont on aurait pu penser jusqu'à ce jour qu'il n'en avait pas eue... »
Dans un autre petit ouvrage, également de 1957, En Grèce, le professeur Venzac commente les hauts lieux de légende et d'histoire de l'Hellade des héros et des dieux, en suivant les pèlerinages en Orient de Chateaubriand et de Lamartine.
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Une remise à jour de l’Abrégé du Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré, publié en 1875 par Amédée Beaujean, est publiée par Géraud Venzac en 1958. Il ajoute 108 auteurs aux 77 retenus par Littré et Beaujean. Si la parution est saluée, le linguiste Robert Le Bidois reproche l’emprunt d’une partie des citations à un autre dictionnaire, Le Robert. Il s’étonne aussi de certains oublis, comme celui du mot Dieu.
En tant que conférencier, Géraud Venzac intervient en avril 1952 à l'Institut catholique de Paris sur le thème « Hugo est-il chrétien ? » pour cent-cinquantenaire de l’écrivain. En novembre la même année, dans le même lieu, il disserte sur Leconte de Lisle et ses Poèmes antiques. Il contribue, en mars 1953 au salon littéraire Lutétia, à un débat sur le thème : Le prêtre dans le roman. En octobre 1953, la Chaîne Nationale de la radiodiffusion française retransmet sa conférence sur « Leconte de Lisle, témoin de l’échec religieux et politique du Romantisme ». Il évoque, en juin 1955 à la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France, l’enfance de Victor Hugo dans ses domiciles parisiens. La Société des Amis de Notre-Dame de Paris lui donne, en novembre 1957, l’occasion de commenter la Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo alors que vient de sortir le film de Jean Delannoy.
Il est présent à Aurillac en octobre 1954 et à Toulouse en janvier 1959. De nouveau à Aurillac, en novembre 1959, il réunit de nombreuses personnalités de la région pour parler de « Barrés à la découverte de l’Auvergne ».
Un projet important est préparé en 1960 : une enquête sur la religion des grands maîtres de la littérature au 19e siècle, pour laquelle il cherchait des collaborateurs. Cependant, en 1961, il renonce à tous ses projets et à son enseignement et décide de devenir moine trappiste. Il demande à rejoindre l’abbaye du Sainte-Marie-du-Mont-des-Cats, à Godewaersvelde (Nord). Son choix n’est pas admis par tous, y compris par les moines trappistes. Leur supérieur, Dom André Louf, témoignera : « Ici au Mont-des-Cats, en un premier moment nous ne comprenions pas et nous avions voulu barrer le chemin à une telle vocation — car le cas du Frère Géraud était exactement à l'opposé des critères de vocation qui étaient ceux du Père-maître de l'époque. Mais nous avons dû nous rendre à une évidence qui ne venait pas de lui, mais de Dieu en lui. Nous avons fini par être vaincus et séduits par la transparence d'une telle humilité et d'un tel amour. »
Désormais cloîtré, frère Géraud continue cependant quelques travaux intellectuels. Il collabore notamment à une traduction de La Philocalie des Pères neptiques, anthologie de textes traditionnels sur la prière, réalisée en grec par Nicodème l'Hagiorite et Macaire de Corinthe en 1782. Sous la direction d’un théologien orthodoxe, Jacques Touraille, contribue aux premiers volumes de cette publication, qui démarre en 1979. Il considère que ces vieux monastiques lui transmettaient la science évidente et concrète de Jésus qu'il était venu chercher au monastère, selon Dom André.
Même s’il n’y contribue sans doute plus, certains de ses travaux antérieurs continuent d’être publiés ; ainsi, il est un des co-auteurs du Guide littéraire de la France, paru dans la collection des Guides bleus Hachette en 1964.
En 1976, une cérémonie est organisée au sein du monastère pour célébrer ses cinquante ans de sacerdoce. Sa santé et sa vue se sont détériorées.
Géraud Venzac meurt le 30 avril 1981 à Godewaersvelde (Nord). Il était âgé de 79 ans. Il avait obtenu en juin 1956 le prix Gustave Le Métais-Larivière de l’Académie Académie pour son ouvrage sur Les Origines religieuses de Victor-Hugo. Il avait été décoré, en août 1936, de la Croix des services militaires volontaires. En juillet 1959, au titre des Arts et lettres, il était devenu chevalier de la Légion d’honneur.
Son oraison funèbre fut prononcée par Dom André Louf, supérieur de l’abbaye du Mont-des-Cats. Il assure que « Ses frères moines qui l'ont connu en ce dernier quart de sa vie répondraient qu'il était véritablement humble et pauvre selon l'esprit, avec la même assurance sans doute avec laquelle répondraient ses anciens collègues de l'Université qu'il était un chercheur et un savant consciencieux et compétent. »
Fin
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