Suite de la biographie de Justin Mauran
À son retour d’Amérique, l’abbé Mauran séjourne à Bruxelles. Il y publie, sous le pseudonyme de Un prêtre, un ouvrage intitulé La Voix d'un prêtre sur l'état social et le clergé. Selon la presse, qui le qualifie d’écrivain politique, « il s’élève dans cet écrit contre le désastreux mélange du spirituel et du temporel, contre l’immixtion du clergé dans la politique et l’abus que fout ses membres de leur influence morale pour livrer à l’animadversion publique les hommes qui ne partagent pas leurs idées. »
Justin Mauran fait également éditer, à Bruxelles, en 1870, un essai sur La vraie perfection enseignée par Saint-Joseph, envers lequel il a une dévotion qu’il lie au fait qu’il est fils de charpentier.

Vers 1869, il est en charge, selon Le Figaro d’un « tout petit ministère à Joinville-le-Pont » à Joinville-le-Pont (Seine, act. Val-de-Marne), où la paroisse, fondée en 1860, n’a pas de poste de vicaire et dont le curé est alors l’abbé Marie Joseph Juhel.
Dans une lettre publiée dans Le Figaro en septembre 1872, il décrit les recherches auxquelles il se livre. « Je n'ai jamais assisté aux offices et cérémonies de l'Église dans les grandes solennités, surtout de la Fête-Dieu et des premières communions, sans avoir, presque tout le temps, le cœur serré cruellement par la crainte des accidents affreux qui peuvent résulter des ornementations et des toilettes, mêlés aux cierges, aux bougies enflammés. (…) Il y a une quinzaine d'années, j'appris avec bonheur qu'un savant avait trouvé un procédé pour rendre ininflammables tous les tissus, même les plus fins, et que plusieurs curés de Paris exigeaient rigoureusement que les confréries de femmes et les enfants de la première communion fussent habillées de robes et couvertes de voiles rendus ininflammables par ce procédé. Malheureusement, bientôt après, j’appris aussi que ce procédé dut être abandonné, à cause de ses imperfections. »
« Je fis un grand nombre de démarches auprès des chimistes, des savants, pour les supplier de tourner leurs vues de ce côté. J'osai même aller jusqu'auprès d'un prince de la science, un académicien des plus distingués. Impossible ! Impossible ! Me fut-il répondu (…) Alors je ramassai mon petit bagage de connaissances; je consultai un ami, grand chimiste, que j'avais, et je me mis à l’œuvre, employant à mes recherches tout le temps que me laissait mon ministère. Je n’avais pour m'aider que ma vieille bonne, qui restait ébahie en voyant mon tripotage et le désordre que je causais partout, qui se mettait, en fureur lorsqu'elle me voyait déchirer mon linge pour le brûler. Je ne fus pas très longtemps à trouver un principe qui me donna une espérance certaine. Mais l'application de ce principe, sa sûreté, sa simplification m'ont coûté trois ans de travail. Je dois de grands remerciements à M. Dumas fils, apprêteur à Tarare, qui mit son cabinet de chimie et son personnel à ma disposition ; il me donna ainsi les moyens de faire arriver mon procédé à la perfection à laquelle il se trouve. Voici, en deux mots, ses effets et la facilité avec laquelle il se présente Ininflammabilité parfaite, blancheur éclatante noir de soie, couleurs vives conservées indéfiniment, apprêt solide et à volonté, sans aucun apprêt si l’on veut, conservation et même raffermissement du tissu; bon marché, réduit à celui des apprêts et des blanchissages ordinaires ; enfin, très grande facilité dans l'exécution du travail. »
L’invention de l'abbé Mauran fut présentée à Paris lors de l'Exposition d'économie domestique en septembre 1872. Entre 1870 et 1876, une dizaine de revues et rapports en France et aux États-Unis mentionnent les travaux de Mauran. Les tissus étaient rendus ininflammables par un bain de borax, sulfate de soude et acide boracique. Le traitement empêchait également l’altération des couleurs.
En mai 1881, la commission de secours contre l'Incendie du conseil général de la Seine décide d’expérimenter le procédé Mauran sur une baraque que l'Administration doit faire construire.
Au cours des années 1880, l’abbé Mauran retourne dans le midi. Il fait rééditer son essai sur Saint-Joseph à Toulouse en 1882.
Justin Mauran meurt le 24 avril 1886 dans son village natal de Réalmont, où il était domicilié rue Cabrouly. Il était âgé de 69 ans.
Plusieurs livres de l’abbé Mauran ont été réédités sous format numérique au 21e siècle, dont Voyage de Paris à l'Île Bourbon ou La vie de M. Portalès (tous deux Hachette-BNF).
Fin

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